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15/09/2011

Dorure subtile d’une feuille

 

Dorure subtile d’une feuille

Dont le soleil darde de lumière

La nervure plus solide, tandis que l’épiderme

Étincelle de l’éclat de sa sève blonde

 

Bercée d’autres feuilles vertes

Elle se réjouit de son règne doré

Diffusant son spectre royal

Sur ses compagnes alentour

 

Et bientôt, vieillie et flétrie

De cette sève absente

Qui dessèche sa tige frêle

Elle s’en ira au vent

Légère, attendrie, gondolée

Secouée par d’invisibles ondes

Pour tomber ignorante

Sous les pas d’un petit garçon

Qui la glissera dans un cahier

Avant de la laisser voler

Au printemps, dans la rue

 

 

10/09/2011

Vacances 6 (et fin) : La maison

 

Le silence et rien d’autre.

Du fond de la ruelle

Monte le fracas de la ville

Murmures et cris

Pétarades de scooters

Bruits assourdis des voitures

Mais franchi le seuil

Rien, l’absence, le désert auditif

Tel le vizir dans sa cellule

Nous nous enfermons

Dans ce calme d’Olympie

Pour jouir plus réellement

De cette paix entière

De ce paysage de rien

De cette absence de bruits

 

Et pourtant,

Cette maison doit résonner

De pleurs d’enfants

De pépiements de petites filles

De cris sauvages de garçons

De murmures entre fiancés

De conversations passionnées

Entre personnes sensées

D’échanges secourables

Et de nostalgie rentrée

 

Tout cela on l’entend

Lorsque, la porte close,

On prend garde

Aux effluves de la salle du bas

A l’odeur de fenaison de l’escalier

Après l’ouverture du loquet

A la fragrance de pin de la chambre

Aux exhalaisons du vent au dehors

A l’arôme du fond du jardin

 

C’est une vraie maison,

De celle qu’on habite volontiers

Parce qu’elle fait revivre

Les années passées

Et qu’elle donne à chacun

Une idée de l’avenir.

 

Quel silence dans la maison pour faire parler une mémoire imaginaire !

 

 

08/09/2011

Vacances 5 : Pêche à pied

 

L’homme marchait sur les flots
N’émergeaient que quelques bouts de roche
Il avançait courbé, regardant derrière la surface
Cherchant quelques gastéropodes
Pour emplir une besace grisâtre
Et les flots avançaient sans concession
Enfouissant dans son monde sous-marin
De grands squelettes de pierre
Pourtant tout semblait immobile
 La sérénité mortelle de jours sans fin
Comme un désert d’eau et de vase
D’où seul émergeait cet homme
 Qui marchait sur les flots
Point gris au milieu d’eaux grises
Comme le carré blanc sur fond blanc
De Kasimir Malevitch, peintre des ombres
Désert dont seul le cri des mouettes
Rappelle qu’il est nautique et mouillant
Fenêtre dans le paysage
Il avance prudemment, mais sans fin
Dans l’eau claire du matin
Sur un ciel dégagé presque blanc
Est-ce un spectre ou une apparition ?

 

 

06/09/2011

Vacances 4 : Port

 

Horizontal : blanc
Vertical : Gris, noir ou argenté
Partout, des taches rouges et bleues
Renforçant l’enchevêtrement des coques
Quelques pavillons flottent au vent
Et, au centre, les flots, gris, endormis
Bête immobile et doucereuse
Prenant du bon temps, câlinante
Comme il sied à un port abrité.
Au loin, court sur l’horizon
Un chapelet de nuages cotonneux
Hachuré par la forêt de mâts
Et la vie court autour du port
Comme un orage sur la plaine
Bruyante, mouvementée, insensible
A la quiétude des voiliers amarrés
Comme des chevaux de course
Pour le pansage aux murs des écuries
L’eau reflète les couleurs diffuses, mollement
En pâtés marbrés, étirés, ridés
Comme un film à vitesse accélérée
Contrastant avec l’immobilité des monstres
D’acier, effilés comme des aiguilles
Prêts à bondir sur la vague
En ouvrant leur parapluie

 

 

04/09/2011

Vacances 3 : Entrer dans le rien

 

Entrer dans le rien, à la surface du miroir,

Quelle tentation ! S’évanouir aux yeux du monde

Et mourir à soi-même : silence et repos.

 

J’avançais un pied craintif vers l’onde brillante

Et je le regardais passer à l’envers du miroir,

Un doigt de pied, puis un autre jusqu’au pouce.

Plus rien, plus de doigts de pied bleuis.

Une surface bleu vert et le couperet.

Je tire vers l’arrière et retrouve mon pied.

Quel bonheur ! Marcher avec des béquilles ?

Sûrement pas, autant devenir sourd !

Comment disparaît-il et revient-il, ce pied ?

Réessayons. Le pied entier, comme emprisonné.

Je n’ai plus qu’une jambe complète

Seigneur, que faire ? Avance et vois !

L’autre pied, puis les deux tibias,

Envolés, perdus, quelle légèreté !

Il me manque une partie de moi-même ;

Ce n’est pas la plus important, mais tout de même.

Je ne me vois pas revenir en petite voiture !

Alors poursuivons, stoïque, sans hésitation.

Le miroir est toujours semblable à lui-même

Bleu-vert, gris à certains endroits,

Tremblotant légèrement, ondulé en vagues,

Comme une bête mécontente ou frileuse.

Au dessous, un autre monde, inconnu,

Séparé par une ligne ténue, la surface.

On ne peut la toucher. Elle vous méconnaît.

On plonge dans le rien, éperdu,

Et l’on perd conscience, sans consistance,

Redevenu momie, cadavérisé, froid.

Mais qu’il est bon ce monde caramel

Qui fait de vous un glaçon enchanté,

Les poils hérissés au dessus

Un rien de rien au dessous

Comme un oiseau entre l’air et l’eau

Perdu dans un océan de miroirs

Qui ressort libre du trou sans fin

Qui le nourrit gratuitement.

Avançons, encore et toujours, petitement,

Courageusement, à petits pas,

Sans réfléchir aux conséquences désastreuses

Comme par une nuit d’orage : éclair

De convoitise, d’anéantissement, de volupté.

Oui, pourquoi cédais-je à cet attrait

Comme un aimant se dirige vers le nord

Sans hésitation, pour ne rien trouver,

Se noyer à la verticale du point d’orgue

En un sursaut final après un frisson

Et une pensée émue pour ceux qu’on quitte.

Allons, poursuivons, j’entre jusqu’au nombril.

Il disparaît à son tour, happé par la surface

Je n’ai plus mon trou de vie, mais je suis là

Toujours regardant un ciel rayonnant

Qui projette son ombre sur un corps réduit.

Rien ne me manque et pourtant

Je commence à éprouver une certaine gêne,

A l’équivalent d’un éléphant sans trompe

Ou d’un aspirateur bouché qui cherche l’air.

Pourtant, on ne respire pas par l’abdomen ?

Alors continuons, sans penser, sans ressentir.

J’entre les doigts d’une main, puis l’autre,

Je suis démuni et sans défense.

Comment faire, puisque je ne suis plus qu’un torse

Qui dore au soleil et frissonne de froid et de peur.

J’avance encore, je ne sais comment.

Je n’ai plus ni jambes, ni bras,

Je ne suis plus qu’une tête, encore vaillante,

Mais qui s’inquiète malgré tout.

Vais-je retrouver ce corps, certes mécanique,

Mais bien pratique pour explorer la méconnaissance.

La surface s’est rapprochée des yeux, elle luit,

Elle me nargue, scintillante et riante,

Comme un serpent de désir clos, mais tentant.

Je sors une langue bleuie et goûte.

Dieu, cela brûle et enflamme la gorge.

Un feu acide avec des relents de verdure

Un peu de pétrole aussi, pollution oblige.

Non, l’expérience n’est pas concluante.

Alors je ferme mes orifices avec force

Et je poursuis, inexorablement

Avançant vers une mort annoncée.

Çà y est, je suis dans le noir

Les yeux clos, la bouche condamnée.

Plus de remarques possibles,

Plus de pensées proférées, chantées, versifiées.

Plus rien qu’un silence profond, écrasant.

Seuls les cheveux doivent émerger encore

Comme une botte de radis sur un étalage

Entre des pommes de terre et la laitue

Que vous repêchez d’une main ferme

Parce qu’elle reste fraiche et appétissante.

Puis vous sentez le froid vous saisir

Jusqu’en haut du crâne, main de glace

Qui enfonce votre être sans pensée

Dans la poussière fluide et vaine

D’un courant que vous ne ressentez plus.

Mort au monde des images vraies,

Des sons clairs comme les baguettes

Des tambours d’une vie trépidante,

Des odeurs fraiches telles l’enivrant

Parfum d’une femme étendue ou

L’odeur aigre de la cuisson du chou

Ou encore la senteur du bébé repu.

Mort à la vie, naissance à un monde

Où toucher remplace la vue,

Où le froid et le chaud sont indicateurs

De changements dangereux ou bienheureux.

Je vois du bout des doigts, je respire

En vase clos, comme un poisson,

Puisant un air gorgé de rien,

Je magnifie mes sens, étonné

D’apprendre que je vis encore

A moitié, penserons certains,

Différemment dirais-je.

Encore, encore, encore…

 

Perdu dans l’immensité du miroir

Un corps dérive, les yeux rêveurs,

Un sourire aux lèvres, les bras en croix,

Alangui d’un bonheur sourd

Clos dans sa totalité,

Perdu aux autres,

Loin des siens,

Replié sur lui,

Déconnecté,

Vide,

Rien.

 

Telle est la vie !

 

 

30/08/2011

Loup, je m'appelle

 Dédié à un petit garçon qui est fasciné par un prénom inhabituel :

 

Loup, je m’appelle et carnassier je suis

Où donc mes parents ont-ils pêché ce prénom ?

Pourtant comme il est doux ce nom

Doux comme le hibou, piquant comme le houx

Cela fait de moi un être à part

Qui fait rêver les enfants et les fées

Parce que toujours dans leurs songes

Ils me voient terrifiant et innocent

Je suis l’homme des peurs ancestrales

Qui ouvre au mystère des contes

Où l’animal maudit se délecte de lutins

Pourtant rien ne m’avait prédestiné

A devenir un objet de rêverie

J’avais la tête sur les épaules

Comme tout vivant d’aujourd’hui

Mais ce fut un grand malheur

Le jour où l’on cria au loup

Me rejetant, seul, dans les limbes

Des souvenirs d’enfance à petites peurs

Je suis celui qui sert à l’inventeur d’histoires

Parce qu’il a toujours un événement

A conter, pour provoquer l’hilarité

Ou la crainte ou la pitié ou peut-être

L’indifférence des bien-pensants

Voilà quelle est ma vocation

Devenir l’œil invincible qui lit

Au travers des autres et voit dans leur regard

La curiosité insatiable du pou

Devant le bijou tel un caillou

Ou un joujou sur le genou

Que le hibou viendra saisir

Comme un chou, fleur de la vie

Quel chou de hibou, ce Loup !

 

 

27/08/2011

Le soleil éclairait la nuit d’encre

 

Le soleil éclairait la nuit d’encre
Des mâts de la mer indivisible

Au creux des rochers sanglants
Se perdent ses rayons d’enluminure

Les pins s’échappent vers l’azur léger
Où les mouettes blanches épanchent leur griserie

Les vagues dorment au sein des terres
Alourdies par la pesanteur de l’homme

Les toits gris d’ardoise des maisons
Oublient leur blancheur de sel et de vent
Pour blêmir dans la brume des soleils trop vivants
Qui couvrent les herbes de tiédeur morose

La fin des matins sur la mer
Pointe son triste clocher de pierre

Une cloche sonne, puis deux, puis trois,
Auxquelles répondent les coups sourds
Du travail des eaux sur les coques de bois

 

22/08/2011

Le geste plein d'espoir

 

Le geste plein d’espoir
Nous avancions sur la grève rocailleuse
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux
Et je les essuyais avant de repartir
Le ciel était descendu sur l’horizon
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voute poussiéreuse
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre
Escaladant avec peine de grosses roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés
Ta main parfois m’enserrait la taille
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture
La langue sèche, l’œil fiévreux
Et le soir ne voulait pas tomber
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?

 

19/08/2011

Certes, l’herbe est plus verte

 

Certes, l’herbe est plus verte lorsqu’il pleut, mais le ciel est plus noir. Les gouttes tombent une à une et sordides, mais c’est un rideau qui frôle nos yeux et mouille nos cils.

_ Madame, votre cœur est léger !
_ Tu me diras, Monsieur, ce qui est préférable,
Un cœur lourd de maux inconnus
Ou la légèreté de l’insouciance.
_ Sais-tu, maudite, que tu me feras mourir.
Regarde dans le miroir tes longs cheveux.
Ils couvrent tes épaules d’or
Et moi, je n’ai qu’un peu de laine.
Regarde encore ta bouche,
Une fontaine de bonheur
Qui ne sait que dire oui
Et qui pourtant connaît le non.
_ Tais-toi, le printemps est là.
Pense aux fleurs, aux oiseaux,
Pense aux trois sabots qui courent
Le long des routes acerbes.
Le soleil caresse ton ventre
Et la serpe te court sur le dos
Pour fermer le battant de la mort.
Regarde comme est beau l’azur
De ton cœur, du mien et du ciel.
J’ai perdu des ans à chercher
Ce que je trouve aujourd’hui.
Et tu ne m’as pas dit
Comment je pourrai le faire :
Prendre un verre d’eau et du pain
Et pleurer dehors le soleil qui part.
Jusqu’à ce qu’un jour,
Je vis, seul, le soleil apparaître
Derrière la grotte où je dormais.
Alors tu es revenue de là-bas,
Là-bas dont je ne savais rien,
Sinon que tu m’oubliais peu à peu
A courir après une mort incertaine
Qui ne semblait pas vouloir de toi.
L’herbe était blanche comme l’eau,
Mais il faisait bon s’y étendre
Pour pleurer son bonheur
Avec tous les efforts nécessaires.
_ Ma belle, tu parles sans réfléchir.
Tu crois toujours trouver
Ce qu’en fait il n’y avait pas à chercher.
Viens, que nous visitions notre royaume.
Il fait quatre pieds de long
Et sa largeur n’en fait pas plus de trois.
Mais c’est tout un continent qui s’écoule
Doucement sous nos pas attendris,
Pour dévoiler ce qu’il nous avait caché :
Des rivières aux eaux ronflantes
Qui sentent la fraicheur des nuits,
Du sable d’or isolé dans les herbes
Qui gardent la chaleur du jour,
De longs fruits rouges qui pleurent
Pour nous laisser boire,
De longues grappes d’oriflamme
Pour éclairer nos jours heureux.
_ Monsieur, vous ne faites que me dire
Que tu n’écoutes que ton cœur
Sans entendre les paroles de ma bouche.
Tu parles et tu ne sais
Quelles sont les règles d’or du miroir
Où se cache la clarté du bonheur.
Cherche la vie sans voir la mort.
Regarde la mort sans voir
Ce qui la rend triste à mes yeux.
Des trésors te tendent les bras
Tous les jours en tout lieu
Sans que tu te rendes compte
De ce que tu peux prendre.
Ensuite tu ris, aussi niaisement
Que d’autres pleurent la mort d’une souris
Qui avait l’habitude de courir sur leur lit
Et de grignoter les restes de leur barbe.
Tu ris sans savoir la triste concession
Que j’ai dû faire pour m’occuper de cela.
J’ai quitté ce que j’aimais à jamais,
La tranquillité d’une douce chaleur
Et la sûreté des montagnes isolées
Où seul le vent hurle contre les loups,
La griserie des descentes dans le froid
Et la chute des fééries blanches.
_ Adieu, Madame, mon cœur est las
D’écouter vos amours sans savoir les choisir.
Pour moi, je reprends mon indépendance
Faite de premières visions et de nuits.
Le reste, je l’ai vu pour toujours
Sans envie de refaire l’expérience.
Pourquoi abandonner l’espérance ?
Pourquoi me dire que jamais tu ne reviendras ?
Ta vie est faite de longs trous noirs
Que tu aimes pour leur quiétude,
Mais qui ne sont que des vides où se perd
Pour longtemps ce qui m’a charmé en toi.
Abandonne-les pour t’ouvrir à l’air du temps
Qui puise sa force dans la mer et les cieux,
Qui l’emporte au dessus des terres pour pleurer
Et tromper de leurs larmes l’humanité
Qui s’imagine noyée dans ses longues rivières.
_ Où m’emmènerais-tu, toi dont j’ai tout attendu,
Dont j’ai recueilli la chaleur sur ma joue,
Qui m’a donné la ferveur et la joie.
Tu voudrais me montrer le monde
Où les jours durent comme trois nuits
Et les nuits sont sans moyen de voir
Où me mènent les autres voies.
Regarde où va le monde qui dort.
Les yeux fermés, il tourne
Sans jamais perdre son équilibre,
Bien que toi, tu ne sentes que la chaleur
Des terres chauffées par l’astre central.
Ta tête tourne sans arrêt
Et ton cœur reste seul à jamais.
J’ai espéré longtemps voir un jour
Les longues marches des déserts inconnus
Où se cachent les êtres amassés
Par nos soins dans des trous profonds.
Nous fuyons ceux-ci pour l’entassement
Dans un bloc de pierre et de fer
Façonné par nos soins, sans cependant
Avoir la forme que nous avions voulue.
Regarde aussi derrière toi
La longue misère des trois faunes
Qui couraient sans cesse
Dans le feuillage de la vie alanguie,
La longue tristesse des grands bras
Qui s’élèvent pour pleurer
Les atours qu’ils passent dans leurs doigts
Et les laines précoces qui poussaient
Sur le dos délabré des brebis.
La route est longue vers la mer,
Celle des grandes vertus
Qui courent le long des eaux
Sans jamais trouver un moulin
Qui pourrait tourner pour elles.
Tu cherches aussi comment admettre
Que les stigmates de la grandeur
S’élèvent plus haut que les monts
De la guerre et de la paix réunies
Pour trouver ensemble
Ce qu’ils ne peuvent donner séparément.
C’est le problème de la magie naturelle :
Perdre à la guerre les bagues de la paix
Ou donner pour la paix
Ce que la guerre ne leur avait pas demandé.
Pourquoi crois-tu que je sois encore là ?
Car je pourrais fuir ce chêne
Qui abrite les regards de notre conversation
Et nous permet de perdre
Nos paroles sous la voûte
Je veux te convaincre qu’il n’est pas toujours facile
De se perdre dans la forêt de la sérénité
Pour devenir sourd et assombri
Par le silence qui martyrise.
Pourquoi fuir devant l’autre,
Se perdre parmi la solitude
Du désert au soleil vert et cru
Où, seuls êtres vivants, se perdent
Les oiseaux aux ailes longues et limpides.
L’homme est nécessaire à l’homme,
Comme il est nécessaire à l’anthropophage
Qui coure longtemps pour attraper
Une nourriture céleste pour lui.

 

17/08/2011

Hier, j’ai joué avec des enfants

 

Hier, j’ai joué avec des enfants.

Une odeur d’amertume m’en est restée.

J’ai perdu le pouvoir de la naïveté,

J’ai tenté mille fois, patiemment,

De plier ces machines de papier

Qui volent de leurs ailes déployées.

Mais il leur manquait le souffle

Transmis par les pouvoirs de l’enfance

Pour voir dans l’univers de la petite pièce

Planer la feuille de papier pliée.

Aurais-je déjà revêtu malgré moi

Le masque figé des adultes

 Et perdu les sortilèges enfantins ?

Serais-je devenu cet homme dur,

Au regard fixé sur les mots,

À la parole sûre et au geste incertain,

Celui que tu reconnais de loin

Pour l’assurance de ces affirmations.

Je me rappelle ces jours d’enfance

Où un sourire avait le poids de l’or,

Où un baiser éclairait la journée,

Quand une cabane devenait un palais

Et une poupée l’objet d’attendrissement.

Pourtant il me semble bien encore

Que derrière ton sourire de petite fille

Se cache un cœur d’enfant fragile

 Et que mon âme suspendue à ton rire

Conserve la vertu des premières naïvetés.

Je suis, devant toi, les mains tendues,

Un petit garçon qui s’émerveille

 

 

10/08/2011

Attente

 

Attente…

Du bout des doigts, ce tremblement léger
Une fièvre parcourt les veines

Le creux adouci des bras se teinte de crépuscule

Chaque bruit à la mesure d’une symphonie
Chaque regard d’un oiseau dans la nuit
L’oublie d’un pétale au fond des mains
La chaleur de nos pieds sur la terre mouillée

Ses doigts entrelacés de fleurs
Comme un feu d’artifice
Sont le soir le parfum de notre remord

Les diamants mouillés de la pluie
Ensevelissent de bijoux sa parure de cheveux

Les pieds écartelés dans la mousse de l’abandon
Nous écoutons ensemble la naissance de l’herbe

 

 

 

05/08/2011

A nouveau, le silence de la nuit

 

A nouveau, le silence de la nuit

Comme une auréole sur le tissu

Des souvenirs et de l’avenir

Où donc m’entraîne cette indolence

Avant le lever du jour, pâle et désorienté

 

J’erre dans ma solitude bénite

Comme un amant se noie

Dans les bras échevelés et caressant

D’une belle au visage de marbre

 

C’est le temps de la création

Des virages sublimes de l’imagination

Emportée par les courants improvisés

De l’air et du palpable imperceptible

Qui chemine dans la peau transparente

Qui me sépare de la vie réelle

 

Et je me noie, englué dans l’ignorance

De jours meilleurs, de plaisirs subtils

En contact avec le vrai et le beau

Et j’erre inlassablement, détourné

De cette connaissance chaleureuse

D’une intimité de pensée conduisant les héros

Vers les cieux blancs et vides

De la présence souhaitable

De cette évanescence indescriptible

Seule, sensible, brûlante et mystérieuse

Au fond de soi, de toi,

Oui, de nous… Probablement.

 

 

01/08/2011

Bulle de savon translucide

 

Bulle de savon translucide,

Tu es l’espace et le temps

L’infini et le fini

Mon système solaire

 

Au-delà du globe transparent de ton regard

Se cachent ta propre image

Et l’image de ton univers

 

Tu es l’aleph de ma contemplation

Le commencement et la fin du temps

Ta présence est mon éternel présent

Et je mourrai de ton achèvement

 

Au-delà du goût de tes lèvres

Je prends conscience de ta densité

Et ne peux plus me définir

Qu’en relativité à ton existence

 

Le jeu de la lumière dans ta chevelure

Est la courbure de mon atmosphère

Où je découvre implacablement

Le champ de gravitation de mon espérance

 

Je suis d’apesanteur, exempt d’inertie

Inexorablement, éternellement

Attiré vers le centre de ton être

Concentré de ma pleine conscience

Vers le point de chute que tu es

 

 

27/07/2011

Pourquoi courir après les actes

 

Pourquoi courir après les actes ?

Pourquoi vouloir faire et défaire ?

S’arrêter, prendre le temps de se regarder !

Contempler le monde comme le hibou,

Les yeux ouverts, sans bouger

Et voir passer les incidents

Comme de petites blessures

A la perfidie de la vie

 

Calme serein des fontaines

Qui coulent au pied des jardins

Comme immobiles et vivantes

D’une vie statique et immortelle

 

Tel le scaphandre en eaux douces

Nous attendons la remontée

Pour sortir nos trésors :

Un doigt de poupée rose

Une couronne de fleurs artificielles

Trois lapins de porcelaine

Un chapeau défraichi

Par son séjour dans l’eau noire

 

Au-delà de ces assemblages

Nous retrouvons, cachée,

La sensation de froideur vitale

Des escargots idéologues

Qui courent aux murs de la honte

 

Petits délires matinaux

Comme un soulagement

Offert gratuitement

A l’errant qu’est

Chacun (ou chacune) de nous !

 

 

23/07/2011

Voici revenus le gris et le mouillé

 

Oui, voici revenus le gris et le mouillé.

 

Gris du ciel d’abord, mais aussi

Griserie des rues sans âme,

Rues grisâtres des jours verts

Vers des horizons sans fin,

Là où rien ne dit à personne,

Là où se promène, nostalgique,

Le poète dénudé des haricots blancs

Qui pleure lorsque rien ne l’enchante

Et qui rit au plaisir de savoir

Si, un jour, il sera bègue.

Alors combien sera rude sa tâche

De récitant de vers prolongés

Dans l’aube inconnue de la ville.

 

Mouillé aussi, comme la fourrure

Des rats un jour d’inondation

Ruisselant de brillants

Et prostrés dans un coin obscure,

Avant de ressortir au soleil du soir

Pour réchauffer leur vieille carcasse.

Enfermé dans un halo de condensation,

L’homme mouillé de larmes

Se prête au faux semblant

D’un attendrissant retour

D’une certaine innocence.

Mais au fond de lui,

Il sait bien, malgré ses dires,

La puissance de l’instant,

L’évocation irrésistible et instantanée

De souvenirs inconnus

Et d’un présent irrévocable,

Malgré le rêve, l’intention,

La paresse ou la vision.

 

Oui, voici revenus le gris et le mouillé.

Quand t’abstiendras-tu d’apercevoir,

Au-delà du temps et de l’espace,

L’espoir des jours blancs

Et des nuits de pleine lune ?

Couché dans ton lit trop grand,

Réveillé par la clarté diurne,

Tu rêves, tu deviens autre,

Tu te laisses empoigner

Par le miracle de la passion,

Une passion indéfinissable,

Celle de la création

Et de la démolition,

Pour que les lendemains

Soient autres, rosés

D’attente et de désirs,

Verts d’optimisme,

Jaune de bonheur.

 

 

18/07/2011

Quoi de plus beau qu’un chant !

 

Quoi de plus beau qu’un chant !
Et pourtant, comme ils sont différents.

Il y a le chant de la midinette
Qui n’enchante que les cœurs esseulés

Il y a le chant des marins
Qui se chante à pleine voix
Pour couvrir le bruit des tempêtes
Le chant des sirènes est d’un autre registre
Est-ce un chant ou un maléfice ?

On trouve aussi la voix égarée et criarde
Voire le cri éraillé et bestial
De ceux qui ont besoin d’électricité
Pour faire fonctionner leur guitare

Des noirs on entend la plainte longue
Et tristement joyeuse dans les champs de coton
Comme si l’accord des voix
Apportait un baume aux corps fatigués

Ecoute la voix de la chanteuse de flamenco
Qui sort de la danse des pieds
Vibre dans l’ondulation du buste
Se fait rauque dans son cri évocateur
D’une passion jalouse et brûlante
Et s’envole au dessus des mains ondoyantes

Le chant du troubadour à sa dame
Apporte un instant de distraction
A celle qui est au cœur du texte
Comme un lampion dans l’obscurité

Il y a l’accord de seconde
Du chant des femmes bulgares
Qui tournoient dans le délire
Pour enivrer qui l’entend

Il y a l’harmonie secrète
Du chant corse en bord de mer
Qui prolonge son écho dans les montagnes
Et fait frémir l’âme qui dépérie

On trouve le son unique et pur
De la note chinoise tenue longuement
En mille variantes proches
Pour aiguiser le cœur
Et fendre sa dureté légendaire

Dans les ports de l’Atlantique
On entend le tango déhanché
Qui enchante par passion
Le lyrisme n’est pas fait pour les gauchos
Qui dressent les femmes comme les chevaux
Mais qui se laissent prendre au jeu
De la séduction ondulante

Curiosité inégalée mais prenante
Le chant diphonique de la Mongolie
Qui résonne dans les collines perdues
D’une immensité enivrante
S’élevant du corps vers la tête
Au travers de cavités insoupçonnées
Jusqu’à produire des harmoniques
Entourées du bourdon des coléoptères

Plus policées ou plus maîtrisées
Les vocalises délirantes et alphabétiques
Des chanteuses d’opéra
Qui de cette gymnastique buccale
Font un enchantement des oreilles
Et caressent la corde sensible
De spectateurs attentifs et acquis

Que dire des chœurs de Wagner
Qui bouleversent l’âme allemande
Et l’entraîne vers d’extatiques rêveries
Sur fond de puissance et d’audience

Il y a aussi les voix d’enfants
Comme une campagne nouvelle
Au matin des jours de printemps
Qui éclaircissent l’entendement
Et font trembler le dur à cuire

La voix du haute-contre
Ou encore celle du castrat
Qui tierce celle du ténor
Ou délivre une couleur particulière
Aux voix chatoyantes des femmes
Qui ne s’en montrent pas jalouses

Et puis il y a le chant religieux
Destiné à réunir les fidèles
Et à les faire entrer dans la prière

L’appel guttural du muezzin
Qui plane au dessus des têtes
Et incite le croyant occupé
A laisser son ouvrage
Pour se dissoudre en Dieu

La psalmodie de l’officiant
En ténor pour le prêtre romain
En basse pour l’orthodoxe
Entraîne au voyage céleste
De la supplication ou de l’adoration

La digestion du grégorien
D’un texte biblique par la mélodie
Qui repose le cœur dans le chœur
Et lui donne une pincée mystique

Le bourdonnement des reclus
De monastères himalayens
Venu du ventre et résonnant
Vers les vallées perdues
Des origines de l’homme

Les parfaits chœurs anglais
Dont la précision légendaire
Font de l’évocation divine
Une équation mathématique

L’harmonie des chœurs orthodoxes
Emplie d’accords de septième
Qui envahit le méditant
Et l’invite à la vacuité sacrée

Le brouhaha intempestif
Des assemblées de fidèles
Qui chantent sans savoir
Et font pleurer les oreilles
De ceux qui subissent leurs affronts

Enfin le murmure de l’enfant
Qui fredonne sans y penser
Une étrange complainte
Comme une réminiscence d’antan
Acquise dans une vie antérieure

 

 

15/07/2011

Abandonne tout désir

 

Abandonne tout désir.

Que rien ne vienne empêcher

Ton appréhension de la vie.

Que la nuit soit le jour

Et qu’inversement,

Les jours restent vierges.

Alors, du fond de ton être,

Surgissant de nulle part,

Un feu brûlant te prendra

Et te conduira plus loin,

Là où rien de sensible

Ne peux t’atteindre.

Dans ce halo de lumière,

Emprisonné d’indifférence,

Tu règneras en roi,

Tu officieras en prêtre,

Tu parleras en prophète.

Et parce que tu sauras

Conserver ton innocence

Sans te laisser griser

Par ce vide immense,

Déroutant et fragile,

Tu deviendras ce que tu n’es pas,

Tu te découvriras autre.

Et libéré de toute contingence,

Tu ouvriras ton corps,

Ton cœur, ton intelligence,

Ton esprit enfin, à la beauté

De l’absence de personnage,

A la nudité absolue,

A l’étrange pâleur

De ta renaissance.

 

 

06/07/2011

Ils sont ronds, dorés comme un rôti

 

rouleaux de paille.jpg

 

Ils sont ronds, dorés comme un rôti,

Ils enjolivent les champs de leur masse répartie.

Ce sont les rouleaux d’été,

De paille ou de foin enrobés.

 

Comme des guirlandes sur un arbre de Noël

Ils font une parure de fête au regard des vivants.

Appuyé sur l’un d’eux, je respire l’odeur de moelle,

De terre, mêlée d’herbes et de grains. Purifiant !

 

Seul le mugissement d’un bovidé esseulé

Trouble la torpeur de l’instant présent,

Accompagné des soupirs d’une brise affolée

Qui ondule sur le blé en chantant.

 

Enfin, cueillir l’origan, d’un sécateur pataud,

Pour les laisser sécher sur un plateau

Jusqu’à la fin de cet été.

 

Et les utiliser en les écrasant de la main,

Comme on le fait pour le cumin,

Afin de doter chaque met d’odeur de sainteté.

 

 

02/07/2011

Ensemble, nous irons au paradis

 

Ensemble, nous irons au paradis

Des amants d’antan

Je te regarderai, tu me verras,

Nous nous contemplerons

Et verrons le chemin écoulé

Comme une mélodie achevée

Toi, rien que toi, blanche

De vérité et d’innocence

Que j’apprends toujours à connaître

Qui m’apprend la vie et l’amour

Et qui court au plus large

Des rues encombrées de passants

Pour montrer la beauté de chacun

Je te regarde en odeur, en couleurs,

Tu me prends la main,

Tu me tends ta bouche,

Je ne suis plus, je deviens toi,

Et tu es la reine de ma nuit

Et la femme des jours sans fin

Où l’amour coule comme une source

Belle, tu me fais un clin d’œil

Serein, coquin, malin,

Et tu m’encourages dans ma folie

De ne penser qu’à toi, aimée

Perdue dans ce monde

Que nous sommes appelés

A quitter un jour, ou une nuit,

Après nous être aimés encore

Dans le secret de nos corps

Et la tendresse de nos rêves

 

 

29/06/2011

Chacun d’entre nous a un visage unique

 

Chacun d’entre nous a un visage unique

Et c’est sa dissymétrie qui le rend ainsi

S’il était parfaitement symétrique

Il n’aurait plus cette qualité inexprimable

 Qui le rend attirant ou au moins regardable

 

Mais dans ces visages distincts

Il y a les yeux, un monde en soi

Qui nous disent la soif de vivre

Ou encore le découragement et la vacuité

Comme des pierres précieuses

Leur brillance dévoile la valeur

Du visage qui se trouve devant vous

Certains y mettent quelques gouttes

De citron avant de partir danser

Pour raviver leur regard séduisant

 

Ils peuvent être verts émeraude

Des étendues forestières d’Amazonie

Bleus azur des mers des Caraïbes

Parfois jaunes paille des moissons d’antan

Mais aussi châtaignes tels les cigares

De la Havane ou de Porto Rico

Ou même noir comme l’ébène

Des tropiques de l’Ancien Monde

Très rares sont ceux d’entre les hommes

Qui disposent de prunelles rouges

On les prend pour les diables

C’est-à-dire des anges déchus

 

La bouche est aussi l’objet d’attentions

Propres à différencier chaque être

Elle peut être charnue comme un fruit

Avide comme un gouffre sans fin

Flottante comme un bateau sur l’eau

Rougie au bâton de couleurs

Peinte à grands traits malhabiles

Souriante au passant dans la rue

Close à tout signe de bonheur

Sans lèvres pour les vieillards

Trop éclose pour les enfants

 

Je ne parlerai pas du nez

Celui-ci a déjà fait l’objet

Des rimes et délires de Cyrano

Qui laissent un trou dans la tête

A la place d’inspiration

 

Certes les oreilles pourraient aussi

Mériter quelques phrases agréables

Mais ne sont-elles pas faites pour écouter

Plutôt que pour parler

Alors n’en parlons pas

 

Et pourtant le tour des attributs d’un visage

Ne suffit pas à le décrire

Il ya aussi la fossette qui l’enjolive

Le grain de beauté qui peut enlaidir

Le poil sur le nez et la tache sur la joue

La dent cassée qui empêche de sourire

L’œil pleureur et la joue tombante

Tout ce qui par le hasard ou l’usure

Déforme la nature unique de chaque homme

Et de chaque femme, qui, elle, s’en préoccupe

Pour le plaisir du premier

Et l’éclat de ses yeux amoureux

 

Est-ce le hasard ou la nécessité

Qui a construit cette merveille

Ou un dieu qui donne à chacun

Une façade, une apparence, un attrait

Qui le rend unique lui-même

 

Qu’il est beau ton visage

Toi l’aimée de toujours

Il est le point ultime de mes rêves

L’émouvant trouble de mon cœur

L’image présente à mon esprit

Qui m’accompagne dans la vie

Et fait briller mon œil de ravissement

 

 

24/06/2011

Les taches sur le mur

 

Les taches sur le mur

Sont l’ombre de mes pensées

Une fenêtre reflète le turban

Que porte un homme dans la rue

La glace enregistre l’envers des murs

Et les ombres transformées sont sans doute la vérité

Elle se cache parmi les mots

Et c’est une longue énigme

Que je cherche encore

 

Assis, à genoux ou encore debout

Ils attendent comme les lapins à leur terrier

Le dernier rayon de soleil de cette journée

Ignorants et béats, ou bien proches d’être fous

 

Les hommes, comme d’éternels esclaves

Entrainent chaque jour la roue du passé

Ne connaissant d’elle que ce point de tangence

Qui imprègne dan le sol l’instant de sa présence.

Derrière ne restent que les traces du regret du passé

Et au devant l’espoir du futur dans un jardin sauvage

 

 

13/06/2011

Forme et couleur

 

La forme précède la couleur

 

Avant la forme, il y a le trait

Qui part dans toutes les directions

Qui barre, qui marque un territoire

Qui, par le fait d’être là,

Fait de la page un dessin

Ou, au moins, un commencement

 

Avant le trait, il y a le point

Le point n’a pas de consistance

S’il devient important

C’est par sa multiplication

A l’infini sur une page

Et c’est le rapprochement ou l’éloignement

Qui fait des points un dessin

 

Au-delà du trait, la surface

Elle éblouit comme un miroir

Miroir du vide entre les traits qui la délimitent

Il convient de la remplir

Pour lui donner l’apparence

D’une plénitude emplie de rêve

 

Enfin naît le volume

Le volume construit la forme

La forme produit l’image

Et l’image est déjà une création

Elle construit un monde

Qui n’existait pas auparavant

 

Mais pour que l’image devienne

Tableau, il lui faut la couleur

Elle peut être grise ou noir et blanc

Elle peut n’être que nuance d’une seule

Elle peut être un mélange savant

Ou encore laisser libre cours

Au pétrisseur de couleurs

 

Certains cependant utilisent la couleur

Sans user leur temps à la forme

Ils travaillent par taches et projection

Auxquelles ils finissent par donner du sens

Mais trop souvent après coup

 

Forme et couleur, deux jumelles :

Les séparer, c'est bien souvent les briser ! 

 

 

09/06/2011

Il est des gens pour qui rien ne va

 

Il est des gens pour qui rien ne va

Il est des gens qui ne vont nulle part

Il est des gens qui ne s’arrêtent jamais

Toujours en mouvement, toujours tourmentés

 

Comment leur dire la mouche qui vole,

L’oiseau qui pleure en gazouillant,

Le chat qui miaule dans la chambre

L’enfant qui dort les bras ouverts

La femme au chapeau de plumes

Et l’homme en penseur solitaire

 

Il est des gens qui ignorent les saisons

Ne voient pas dans le froid du matin

La magie enracinée de la vie

Ne comprennent pas non plus

L’espérance d’un cœur vide

Ou même la vacuité de la faim

 

Il est des gens qui n’ont que la parole

Pour proclamer leur désaccord

Et qui toujours s’enferment

Dans un bocal de rancœur

Pour finir seul un jour d’orage

Dans la poubelle de l’imprécation

 

 

 

04/06/2011

Imagination, image inhalation…

 

Imagination, image inhalation…

Quel flot de mots et de sons,

Quel débordement de couleurs,

Quelles odeurs absurdes, mais délicieuses.

 

Je suis baignée de tentacules

Qui me chatouillent à l’envers

Et m’encourage dans mon innocence.

Je cherche d’autres procédés

Pour dire mon incompétence.

 

Amis, rien ne me vient à l’esprit,

Hormis cette poêle à frire verte.

Alors je prépare une omelette

Aux œufs frais encombrés d’herbes

Pour régaler les invités rares

Au festin de la comédie humaine.

 

Merci à vous qui êtes venus,

Revêtus de chemises molles

Et de pantalons de cuir souple,

Pour admirer le funambule

Dans son numéro imprévisible

Et sa médiocre réplique.

Oui, rien ne vous y obligeait.

Vous courriez dans vos intentions,

Vous pêchiez les mots au rebus

Et recomposiez les lettres

De mille envolées non lyriques.

 

C’est un grand jour,

Celui du retour de l’imagination.

Il apporte un peu de délire

Aux nuits somnolentes et tristes

Des artistes défraichis et somnambules

Qui pour se soutenir

Boivent plus que de raison

Un vin lourd et capiteux

Qui signe la défaite de leur art.

 

Merci à vous qui m’avez soutenu

Au cours de cette veille nocturne

Pour repartir au matin

Dans les brumes colorées

D’un nouveau jour sans surprise.

 

 

30/05/2011

Se souvenir d’un instant

 

Se souvenir d’un instant

Se souvenir de cet instant

Où plus rien n’existait

Quand nos regards se croisaient

 

Ne pas oublier la pesanteur de tes doigts

Et leur caresse furtive, comme ébauchée

Ne pas oublier non plus le fil de soie

Tissé de nos mains enlacées

 

Se rappeler ces quelques heures

Cet éternel déroulement de la destinée

Rencontre et dispersion sans heurt

Se rappeler ton visage illuminé

 

Enfouir aussi dans quelques pages

La valse lente de tes multiples images

Et parfois donner un tour de manivelle

Pour l’évoquer sur une musique rituelle.

 

 

24/05/2011

Dilatation d’espérances gothiques

 

Dilatation d’espérances gothiques

Je fume en fakir les lianes incurvées

De nœuds arboricoles. Allongé

Agrandi

J’agrandis encore le filet de fumée

Çà navigue lentement sur la peau

Jusqu’au sortir de l’immobilité

Silence

Le silence de la brume, le silence de la chaleur

Ou seulement celui de l’âme vide

Loi : la fumée pénètre le vide

Le vide s’échappe

Échappatoire

Confessionnal du désir, pleurs de la possession

Fermés sur la paupière

Lourdement, plus lourd chaque jour

Plus frêle aussi jusqu’à la transparence

Cloître d’hexagones

Je m’enferme au cœur des couleurs

La fumée pénètre l’âme

Je guette l’escalier indistinct

 

 

20/05/2011

Chaque jour te voir

 

Chaque jour te voir

Voir ce visage transparent

Aux yeux ouverts sur le monde

Voir ces lèvres qui me parlent

Et me disent leur amour

 

Te voir entière et séparée

Et voir chaque chose par toi

Comme le reflet de ta lumière

 

Tu as des bras de cygne

Qui sont les pôles de l’horizon

 Où je m’épanouis sans cesse

 

Tu es l’horloge de l’éternité

Le ressort brisé des jours

La vague chaude des nuits

L’ombre de mes rêves

Le retour de ma jeunesse

 

Chaque jour te voir

Et redevenir l’aveugle

Que tu conduis à ta lumière

 Pour son émerveillement

 

 

17/05/2011

Ne plus connaître qu’une étoile

 

Ne plus connaître qu’une étoile
A la forme des planètes
A l’éclat du soleil
Et pouvoir y contempler la nuit et y apprendre le jour

J’y ai vu l’ellipse pure des astres
Le lent cheminement de la sève
Le déferlement assourdi de l’écume
Sans pouvoir en détacher mon regard

Si par hasard l’étoile s’éteignait
Pourrai-je encore voir et entendre ?

Penché longtemps sur l’astéroïde
J’ai voulu en connaître chaque contour
Et pouvoir à tout moment
Réinventer la couleur de son paysage
Et les reflets de la joie qui l’habite
Mais le souvenir de son éclat est fragile
Sauras-tu encore garder les yeux ouverts ?

Hiver, triste, l’étoile s’atténue
Printemps, j’y redécouvre la joie
Soumise aux saisons de sa temporalité
Elle a parfois la mélancolie des automnes
Ou l’insouciance des ciels d’été

Mon astre lumineux
Retrouver dans mon regard sur toutes choses
Le reflet de tes yeux et ne plus rien en perdre
Pas même lorsque la nuit s’attriste

 

12/05/2011

Je te ressens, au plus profond de moi

 

Je te ressens, au plus profond de moi,

Comme un vol de libellules

Ou la vague tiède de mers lointaines

Et je vais dans la vie

Comme un miroir sans tain

Regarder passer les idées fixes

Ou les étoiles de mer

---

Merci à toi qui m’a donné

Et la joie et l’amour et la peine

Car en cette terre et sur ce jardin

Rien ne se cueille mollement

Je vais loin et longuement

Me recueillir en extase

Devant les fous et les bergers

Pour ensuite, pris de remord,

Conduire le troupeau au zénith

---

Reviens, me dit-on,

Mais où revenir :

Dans notre folie quotidienne ?

Devant les marches du perron ?

Dans ses pensées obscures ?

Dans les siècles qui viennent

Ou dans ceux écoulés et perdus ?

---

Plus rien ne sera comme avant

Lorsque tu te déchaussais

Au devant de l’armoire

Et que ton cou luisait d’attente

Lorsque tu criais toi

Et que tu pensais moi

Lorsque ta chaleur amoureuse

Revêtait de rosée tes pieds épars

Lorsque toute entière

Tu plongeais dans l’eau trouble

Des soirs et des matins sauvages

Et pendant le jour courrait

Partout et toujours

A la recherche d’un hypothétique plaisir

Que tu trouvais tapi au lit

De notre amour insensé

---

Oui, la vie m’a donné ta vie

J’en ai fait ce que tu voulais

Et, ensemble, nous marchons

En pleine liberté et délire

Vers les cieux dégagés

Et les prairies infinies

Nous tenant par la main

Sans perdre un seul jour

De ce qui fut le chant

D’un pauvre innocent

Et d’une tendre adolescente

Qui parcoururent les rues encombrées

D’une ville immense et délirante

En recherche d’un double

Unique et semblable

Que construit sans le savoir

Notre rencontre d’une nuit

---

Et, comme rien n’a une fin

Même pas les histoires

Qui restent dans les têtes

Et fondent lentement

Dans les pensées du jour

Je te renouvelle ma joie

Mon amour et le bonheur

Que j’ai trouvé en toi

Que j’ai exploré de mes lèvres

Que j’ai touché en doigts

Agiles et que j’ai regardé

Emerveillé, éperdu de conscience

Comme un souffle d’infini

Dans un monde arrêté

Sur ta beauté et ta tendresse

Sur tes lèvres entrouvertes

Et le don de ton amour

---

Je te ressens, au plus profond de moi,

Comme le papillon qui d’un battement d’ailes

Bouleverse le monde ignorant

A des milliers de kilomètres

 

 

 

09/05/2011

Diner campagnard

 

Arrivé subrepticement dans la maison accueillante

Nous entrâmes dans le salon chuchotant,

Après avoir salué l'hôtesse derrière son sourire.

Nous connaissions un couple, les autres inconnus

Nous furent présentés : enchanté et salamalec.

Ainsi commença la soirée, pépiant maladroitement

Le verre au bord des lèvres, frais et doucereux.

Arrivé d’un dernier couple, le rouge et le noir,

Madame de Rênal et Julien Saurel (plus âgé sans doute)

Avant de tourner autour de la table

Pour s'assoir à la place convenue.

Ballet des verres et des assiettes,

Brouhaha des conversations,

Echange de plats de mains en mains,

Ne pas oublier de s’essuyer la bouche,

Répondre à ma voisine en inclinant la tête,

Et voir l’alchimie prendre progressivement

Jusqu’à ne plus former qu’un groupe

Dont l’unité bien que tardive est cependant réelle.

Telle un chef d’orchestre, tu ordonnes,

Tu pallies aux inattentions des convives

Jouant le maître et la maîtresse de maison

Tour à tour, vin et eau, plat et sauce,

Réponse à la question et question à ton tour,

Dans la tranquillité sereine de l’heure.

Essai d’alcool à la couleur enjôleuse

Avant les mots de la fin, sur le pas de la porte.