Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/05/2014

Monserrate, un palais à Sintra

Sintra, l’endroit le plus agréable d’Europe, d’après Lord Byron, une ville côtière, perdue dans la montagne, aux jardins exotiques et pourtant anglais, emplis de surprises, de grottes, d’escaliers. On s’y promène comme dans un rêve, hésitant entre monter ou descendre, toujours entre ciel et terre, baignant dans une atmosphère irréelle, volant au-dessus des platebandes et des lacs artificiels.

Le XIXème siècle est omniprésent, siècle du romantisme, de la passion, de l’exubérance, de la folie architecturale qui mélange les styles, les époques, les continents. Monserrate, un palais de style arabo-indien, digne des grandes heures des colonies anglaises, avec un parc éblouissant, création de la famille Cook.

Oui, difficile à lire, mais cela donne une idée de ce qu’est ce parc sublime, pleins de fausses ruines, d’arbres étonnants, de cascades ruisselantes, de pièces d’eau, de plantes exubérantes. On s’attend à voir au détour d’un chemin une élégante anglaise en robe longue et ombrelle, venir à votre rencontre pour vous conter une vie de voyages, de palais et d’hommes extraordinaires brassant des fortunes en se laissant vivre. 

 

 

  

portugal,palais,exotisme,romantisme

portugal,palais,exotisme,romantisme 

17/05/2014

Tim Eitel, peintre allemand

https://www.youtube.com/watch?v=d3MKxh8BJug

De la réalité à une fiction plus forte que le réel ou de la photographie à la peinture. « Il travaille à partir de photographies prises dans la rue et ses toiles deviennent des fictions sobres et minutieuses qui représentent des personnages solitaires au milieu d’espaces sans noms, mais toujours ancrés dans une réalité contemporaine » (France Culture)

Autre réalité toujours anonyme : un bord de mer, mais est-ce sûr ? Un personnage, une jeune femme, très réelle, qui se noie dans ce paysage et semble errer depuis des jours. Son regard est attiré par l’eau qui reflète le ciel.

Là c’est l’ombre qui produit l’effet insolite de la toile. Une ombre qui envahit la moitié inférieur de la toile et presque toute la partie supérieure. Deux trous dans ces ombres, le green qui marque son territoire stable sur lequel les deux personnages se trouvent et le ciel, pur, presque blanc. Et ce contraste crée toute l’ambiance du tableau.

Ils s’échappent du monde et fuient en ramant  vers l’inconnu. Mais on ne sait de quoi il s’agit. Un mur ou une ouverture sur une autre dimension ?

C’est beau de suggestions latentes. Cette simplicité devient enchantement et transcende la réalité.

16/05/2014

Le fado

Profitons de ce voyage à Lisbonne pour nous imprégner de la culture portugaise. Et qu'y a-t-il de mieux que le fado pour cela!

https://www.youtube.com/watch?v=mpdUMVESHoU


 

Langueur et éclat, mélancolie et rugosité, harmonie et sanglots violents, tels est le fado, un chant obscur, donnant l’ivresse des contrastes, qui raconte le destin de chaque Portugais et, in fine, le destin de tout un peuple.

Son nom vient du latin fatum « destin » et le verbe fadar en portugais signifie prédestiner. Apparue entre les années 1820 et 1840, cette forme de chant était celle des marins qui partaient pour le Brésil. Ce n’est qu’entre les deux guerres mondiales qu’il se développe dans sa forme actuelle. C’est un chant entamé à la volée, improvisé, sincère, criant et criard, racontant les souffrances et les rancœurs du peuple. Il devient une forme de liberté et lutte contre l’Etat totalitaire. Puis il acquiert les galons de la notoriété et le fado devient une forme de chant caractéristique du Portugal, jouée et chantée par des artistes professionnels comme Amalia Rodrigues.

https://www.youtube.com/watch?v=uFgctURyGp4&list=RDqHBk5g_Ei38

 

 

« Silencio, que se vai cantar o fado ! » (Silence, on va chanter le fado !) Il commence par une introduction de guitare, puis s’élève la voix du chanteur ou de la chanteuse, et l’on est pris par cette voix rauque et pure dans les aigus, qui se balance entre le découragement, la tristesse et la rage, l’espoir.

Le fado c’est l’amour sauvage, la mélancolie farouche, la mort apprivoisée. 

15/05/2014

Monde(s)

Il y a deux mondes
L’un, extérieur, s’ouvre sans difficulté
Il apparaît à l’œil
Au sortir de la nuit
Et vous vous y agitez
Comme un poisson dans l’eau

L’autre, intérieur, se cache en vous
Vous ne le savez pas
Et le jour où vous prenez une longue-vue
Pour admirer votre moi
Vous trouvez un monde inconnu
Derrière une barrière franche

Comment l’avez-vous enjambée ?
Vous l’ignorez
Ce nouveau monde est là
En vous, ouvert lui aussi
Tel un puits sans fond
Vous tombez sans parachute
Vous errez dans votre propre moi
Sans connaissance du paysage

Et un ange s’empare de vous
Vous prend dans ses ailes
Ralenti votre chute
Vous aide à contempler
Ce vide immense et lumineux
Où vous respirez l’air chaud
Qui s’échappe du brûleur
Par petits à-coups

Vous vous élevez dans l’air
Surchauffé de bonheur
Jusqu’à vous diluer dans l’azur
Et oublier ce moi
Qui vous encombre
Dans l’autre monde

Désormais plus besoin des béquilles
Du savoir et de l’expérience
Tout vous est donné
Dans cette ascension
Qui commence par une chute

Le tout et le rien se rejoignent
En un équilibre miraculeux

Vous êtes libre
Sans vous soucier de liberté

© Loup Francart

14/05/2014

Certaines n’avaient jamais vu la mer, roman de Julie Otsuka

L’immigration des Japonais aux États-Unis commence à Hawaï en 1884 puis s’étend à la Californie. Cette population, essentiellement masculine, constitue la main-d’œuvre des domaines agricoles de la côte Ouest. Par leur travail et leur organisation14-05-09 Otsukae.jpg communautaire, les nouveaux immigrés acquièrent des terres4 et parviennent à une certaine prospérité qui ne tarde pas à inquiéter les fermiers blancs. Des ligues anti-japonaises se constituent rapidement pour s’opposer au « vol » des meilleures terres, à la « peaceful penetration in continental United States » pour le compte de l’empire japonais. Ainsi, le débarquement des « picture brides », de 1910 à 1921, femmes japonaises qui ne connaissent de leur futur mari que la photographie, est perçu par ces ligues comme une tactique de colonisation. L’immigrant apparaît comme un envahisseur dont le but est de faire main basse sur les possessions des Blancs. (Élise Prébin, « Mémoire des camps américains. L’exemple japonais », Ateliers [En ligne], 30 | 2006, mis en ligne le 15 juin 2007, consulté le 08 mai 2014. URL : http://ateliers.revues.org/91 ; DOI : 10.4000/ateliers.91)

Julie Otsuka nous raconte l’aventure de ces jeunes femmes japonaises envoyées aux Etats-Unis pour se marier à un inconnu : Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. (…) Sur le bateau, nous nous interrogions souvent : nous plairaient-ils ? Les aimerions-nous ? Les reconnaîtrions-nous d’après leur portrait quand nous les verrions sur le quai ? (…) Sur le bateau chaque nuit nous nous pressions dans le lit les unes des autres et passions des heures à discuter du continent inconnu où nous nous rendions ? Les gens là-bas, disait-on, ne se nourrissaient que de viande et leur corps était couvert de poils. (…) Sur le bateau nous ne pouvions imaginer qu’en entendant l’appel de nos noms, depuis le quai, l’une d’entre nous se couvrirait les yeux en se détournant – je veux rentrer chez moi – mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n’y a pas à s’inquiéter. Et nous aurions tort.

Le livre décrit certains moments de leur vie : la première nuit (Cette nuit-là, nos nouveaux maris nous ont prises à la hâte. Avec douceur et fermeté, sans dire un mot.), les blancs (Ne t’approche pas d’eux, nous a-t-on mises en garde. Et si tu y es obligée, sois prudente.), les naissances (Nous avons accouché sous un chêne, l’été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d’un poêle à bois, dans la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l’année.), les enfants (Nous les déposions doucement dans les fossés, des sillons, dans des paniers d’osier sous les arbres.), les traitres (On parlait d’une liste. De gens enlevés au milieu de la nuit. Mais tout cela se passait ailleurs.), le dernier jour (Certains des nôtres sont partis en pleurant. Et certains en chantant. L’une avait la main plaquée sur la bouche parce qu’elle avait le fou rire. Certaines étaient ivres.) , les disparitions (Les japonais ont disparu de notre ville).

Chacune de ces situations étaient différentes selon le mari, la région, la fortune de chacune. Elles se tiennent les coudes, mais chacune fonde sa famille, jusqu’au jour où elles doivent partir. La guerre est là, contre le Japon. Tout est dit doucement, avec chasteté, sans arrière-pensée, comme détaché de la réalité qui n’est pas la hauteur de leur espérance.

Un beau livre de par son style d’écriture incantatoire et poétique. Un livre dont il ne faut pas attendre une histoire, mais des prises de vue tantôt sordides, tantôt drôles, tantôt heureuses. Il ne s’y passe rien, mais ce sont toutes les vies de japonaises qui passent devant nos yeux et partent, oubliées. Julie Osaka raconte à sa manière cet épisode qui n’est pas à la gloire des Américains.

13/05/2014

La boite à musique

« Entrez, entrez, Messieurs-Dames ! » Il entra sans savoir pourquoi. Il se promenait sur l’avenue Pratel lorsqu’il se heurta à une foule massée autour d’une porte d’immeuble. C’était un cube tout simple, une construction sans beauté ni même forme. Pourtant tous semblaient espérer entrer. Au-dessus de l’entrée il y avait une pancarte : « Participer au concert, devenez musicien. »  N’ayant rien à faire de cette après-midi ordinaire, il se laissa convaincre de faire la queue pour savoir ce qui pouvait se passer dans ce cube.

Enfin ! Il approchait de l’entrée. Un curieux appareil filtrait les prétendants. Certains étaient rejetés et ressortaient par une autre porte quelques mètres plus loin. Les autres étaient guidés vers un couloir étincelant et lisse qui s’étirait sans qu’on puisse en voir le bout. La personne devant lui arriva à hauteur de la machine. Il introduisit son doigt dans une petite ouverture, entra la tête dans une petite alcôve et appuya sur un bouton, Un tremblement perceptible le parcourut. Il était classé musical et entra dans le couloir. A son tour. Il fit de même. Il introduisit son doigt dans l’embrasure. Rien ne se passa. Il entra sa tête dans l’alcôve. Tout était noir. Le bruit des conversations s’estompa. Un silence impressionnant. Il appuya sur le bouton avec appréhension. Il sentit son doigt danser sans qu’il ne puisse rien  faire et des bruits étranges lui parvinrent. C’étaient des résonnances singulières, des harmoniques insolites, peu en accord avec ce qu’on appelle normalement musique. Il pensa à une plainte collective, mais dont on distinguait chaque son individuellement, de manière très claire, une vibration infime, mais pure, si pure qu’elle le libérait de toute pensée. Une lumière verte s’alluma progressivement dans l’alcôve, dévoilant une entrée pourvue de nombreux escaliers. « Suivant ! » Il avait passé l’épreuve et pouvait entrer dans le cube. Au tournant du couloir, une boutique distribuait des résonophones. Il le passa sur l’épaule comme ces sacs à dos à une seule bretelle et introduisit les deux embouts dans ses oreilles. Poursuivant son chemin, il pénétra dans le hall de l’immeuble. Quelle agitation. Des gens montaient et descendaient sans cesse des escaliers pourvue de paliers où ils s’entassaient avant de repartir vers le haut ou vers le bas. Des lumières assez vives apparaissaient, s’effaçaient, coulaient entre les escaliers, avec un rythme précis. Les patients (d’où tenaient-ils cette appellation ?) suivaient le rythme avec grâce, un sourire aux lèvres, concentrés. Parfois, certains se regroupaient sur plusieurs étages, formant une sorte de chapelet et leur sourire s’élargissait en une transe passagère. Puis chacun repartait vers le haut ou le bas, à droite, jamais à gauche. Si on les suivait du regard, on bouclait le tour du hall et on revenait au point de départ, mais pas forcément à la même hauteur. Tous avaient l’air de savoir parfaitement ce qu’ils avaient à faire. Ils n’hésitaient pas. Monter, à droite, descendre d’un étage, remonter de deux étages et redescendre sans pause ou encore en s’arrêtant sur un des nombreux paliers affectant chaque escalier.

Il se souvint d’un cours de sciences naturelles dans lequel des souris parcouraient des tubes transparents et pouvaient choisir leur destination. Elles étaient gratifiées de petits courants électriques si leur choix se portait sur la gauche. Alors elles tournaient, tournaient jusqu’à ce qu’elles meurent d’épuisement. Quelques générations plus tard (il avait fallu attendre plus d’une année pour le constater), ces souris ne pouvaient plus marcher droit devant elle. Les pattes de gauche avaient forcies, celles de droite s’étaient tassées. Le laborantin n’était jamais arrivé à reproduire le phénomène inverse et les souris préféraient mourir sur place plutôt que tourner à gauche.  Personne ne comprenait ce phénomène, une sorte d’aimantation pour la droite, repoussoir de toute velléité gauchère.

Il se laissa faire par le mouvement qui s’imprimait dans sa tête. Il montait, descendait, s’arrêtait sur tel palier, repartait, avançant vers la droite imperceptiblement. Peu à peu, il se sentit plus léger, plus en forme. Il commença à transpirer, mais très légèrement. Il devait accélérer parfois et d’autres fois ralentir, jusqu’à s’arrêter pendant de petites pauses. Puis il repartait, seul ou avec d’autres, vers un nouvel épisode. Il parcourut quasiment tous les étages, de haut en bas, de gauche à droite, jusqu’au retour au point de départ. Il était soulé, repu, rafraîchi, débarrassé de tout souci, le visage étincelant de bonheur, comme saisi d’une fièvre bienfaisante. Sans qu’il s’en rendit compte, il fut dirigé vers une salle plus petite, à l’éclairage réduit, munie de sièges confortables. Il s’assit, sans un regard pour ces voisins, ferma les yeux et s’endormit aussitôt. Mais était-ce réellement le sommeil, plutôt une sorte de rêverie éveillée qui le maintenait sans volonté. La séance commençait. Il vit d’abord comment s’opérait le choix des patients à l’entrée. Les lignes des empreintes digitales entraient en résonnance. Si cela ne se produisait pas, le passant était rejeté sans explication. Le résonophone ne laissait pas entendre de musique. Il permettait de créer la musique. Le patient ne l’entendait pas, mais il suivait les directives de la partition sans qu’il puisse s’y opposer. Il montait, descendait, s’arrêtait, accélérait, ralentissait, sans même avoir l’impression d’obéir à des ordres précis. Tout ce qu’il faisait lui procurait une grande sensation de liberté. Et il vit l’envers du décor, une petite pièce sans fenêtre où plusieurs techniciens étaient assis face à de nombreux cadrans et boutons qu’ils tournaient dans un sens ou dans l’autre selon des ordres précis. Un chef d’équipe tenait une sorte de baguette de sourcier et s’agitait en cadence en suivant un cahier ouvert devant lui. On montra certaines pages couvertes de signes : des lignes parallèles sur lesquelles se promenaient des ronds noirs ou blancs, généralement pourvus d’une queue dressée vers le haut ou le bas. Certaines se tenaient par la main, formant une sorte d’échelle horizontale qui pouvait se prolonger jusqu’à un rond sans queue qui marquait une pause. Il ne comprit pas grand-chose devant cette petite usine concentrée dans laquelle chacun semblait savoir exactement ce qu’il avait à faire. Parfois, un technicien levait les sourcils, comme sous l’effet d’une sorte de transe. D’autres fois, l’un d’eux se concentrait plus profondément, l’œil vif, le geste délié et entamait une sarabande endiablée. Les autres le regardaient, semblaient approuver, admiratifs de ces mouvements singuliers. Ils s’entendaient bien et donnaient un sentiment de sécurité et de puissance inhabituel.

Le noir se fit dans la salle et une étrange musique le contraint à se concentrer. Il ne put résister. Elle s’empara de lui à tel point qu’il ne savait plus où il se trouvait. Aucun repère visuel et les repères auditifs changeaient sans cesse. Son siège se mit à bouger. Il montait et descendait au rythme de la musique. Il fut pris de vertige. Il se laissa aller, enivré, goûtant cette détente involontaire jusqu’à la fin du morceau. Repu, il récupéra quelques instants. La lumière se fit dans la salle. Il fut invité à sortir. D’autres personnes attendaient leur tour. Il se retrouva dans la rue, encore mal remis de cette expérience étrange, mais somme toute agréable. Le ciel lui parut plus bleu, les rues plus propres, les gens plus souriants, le quotidien plus avenant. Il était passé dans la machine à laver les humains, inventée par les anges qui s’ennuyaient au paradis et qui faisaient de la musique pour se distraire.

12/05/2014

Frissons

Cela vous démange et tous les poils se hérissent au simple regard. Comment s'en débarrasser ? Avez-vous vu comment font les chevaux ? Ils émettent un tremblement si subtil et rapide que toute mouche posée ne peut que repartir. Alors ne posez vos yeux que subrepticement, en intervalles espacées, à votre guise. L'ivresse vous prendra. Dans quoi vous noyez-vous ?

© Loup Francart13-03-16 Frissons.jpg