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09/03/2014

Dominique Christian, un peintre français de tradition chinoise

Il y a quelques jours, rentrant d’un vernissage près des grands boulevards, nous sommes passés rue de Trévise. Nous parlions de peinture et passions devant une boutique encore éclairée (il était neuf heures du soir). Je remarquais un vieil homme consultant une tablette et entouré de nombreux tableaux de style oriental. Il était occupé, concentré sur l’écran, sans attention à ce qui se passait autour. Une jeune femme sortit d’une porte latérale, belle, orientale elle aussi, vêtue d’une sorte de kimono, vivante comme un poisson émergeant de l’eau. Elle nous fit un grand sourire et indiqua notre présence au vieil homme. Celui-ci nous fit aussitôt signe d’entrer et se leva pour nous ouvrir. La jeune femme fut la première à la porte et s’effaça d’un sourire discret, tenant le battant pour nous laisser pénétrer. L’homme se contenta de dire : "Regardez… Vous ne trouverez pas à Paris d’autres peintres qui pratique ce style de peinture."

Etudiant, j’ai eu comme professeur Louis Marin, un grand spécialiste de l’art et de Nicolas Poussin en particulier. Grâce à lui je compris les cascades d’émotion qui envahissent ces œuvres classiques. Dans ces paysages à l’antique s’affichent des humains en proie aux passions, rapts, meurtres, orgies… C’est près de cinquante ans plus tard, après avoir appris la maîtrise des paysages chinois, que j’ai décidé de suivre le même chemin, c’est-à-dire l’envie de confronter la sérénité d’une nature au rythme mesuré avec les excès passionnels des êtres vivants.

 

Il est également philosophe, écrivain, manager et coach. Il explique : « Le paysage chinois présente la rencontre entre l'encre et le trait, entre l'ordre et le désordre. Il résonne de façon étonnante avec un des derniers textes de Platon, fondateur de la philosophie européenne qui, au quatrième siècle avant JC, décrivait comment le défini, "l'être", provient de l'illimité, le "non être". »

 

 


 

 

 

 

Parmi les techniques utilisées (frottage, estampage, tampons...), la plus spécifique est la peinture au doigt seul ; Originaire du Liaoning, elle donne à l'encre une liberté rare. D. Christian est sans doute le seul peintre occidental à maîtriser cette technique.

 

 

 

 

 

 

 

Qu’est-il cet homme qui pense et peint dans Paris comme s’il se trouvait dans les montagnes de Chine ? Il est beau de pensées limpides que son regard voit au-delà de nous. La jeune chinoise l'observe. Ils se connaissent bien. Qu’est-elle pour lui ? Elle rit de tous ces yeux qui réfléchissent son désir d’apprendre.

 

 

 

Il a une bizarrerie. Dans ses tableaux peints à la chinoise, il insère des images de peintres occidentaux. C’est curieux, irréel, inqualifiable.

 

Et il ajoute : Comme un récit, le monde se déploie à partir de l'énergie que procure une tension forte, un potentiel. Récit, peinture, musique ou érotisme tout est affaire de tension et de détente, de mesure et de démesure. Peindre le vivant c'est aussi peindre la mort, la disparition, l'absence. 

Il expose principalement  en Chine :
2012 exposition à LIJIAN (Yunnan)
2013 exposition à TIELING (Liaoning)
2013 exposition à XI'An (Shaanxi)
2013 à YAN'AN (Shaanxi)
2014 exposition à DALI (Yunnan)
2014 exposition à SHIDAO (Shandong)
2014 exposition à PEKIN

Un voyage en Chine d’une heure qui nous parut trois jours. Quel dépaysement !

08/03/2014

Elle s’élevait haut sur la scène

Elle s’élevait haut sur la scène
La danseuse aux pieds agiles.
Elle ne manifestait pas de gène
Seule, perdue sur cette île.

Parfois d’un saut plus truculent
Avant de redescendre d’un geste ample,
Elle dévoilait ses pauvres flancs
Et même un blanc triangle.

Sais-tu pourquoi les hommes
Se pressent au premier rang ?
Ils contemplent ses pommes
Et rêvent au noir sang.

© Loup Francart

07/03/2014

Nyckelharpa et bagpipes: Anna Rynefors and Erik Ask-Upmark - Dråm

http://www.youtube.com/watch?v=BKuCe5Of6rY

Le nyckelharpa est un instrument traditionnel suédois dont on retrouve la trace dès le XIV° siècle (cf histoire). Instrument à cordes (“harpa” étant sans doute le terme générique pour ceux-ci) et à touches (“nyckel”), il fait partie de la famille des vièles. Sa particularité est de posséder un clavier muni, selon la période de laquelle il date, d’une, deux, trois, ou quatre rangées de touches, comme la vielle à roue (“hurdy gurdy” des anglais). Comme sur celle-ci, chaque touche dispose d’un sautereau (petite pièce de bois perpendiculaire à la touche) qui vient s’appuyer sur la corde pour en limiter la longueur vibrante. L’autre particularité du nyckelharpa est d’avoir des cordes sympathiques (12 sur les versions modernes). Ces cordes se trouvent en dessous des cordes mélodiques (celles que l’on frotte avec l’archet) et n’entrent en vibration qu’en fonction des notes jouées, par résonnance (par “sympathie”). Ces cordes donnent au son du nyckelharpa une certaine “ampleur”, proche de la réverbération de certains lieux. Il existe, dans le monde (et notamment en Inde) beaucoup d’instruments à cordes sympathiques (sitar, sarangî, rubab, vielle à roue, .....). En France, on parlait, à l’époque, d’’instruments “d’amour” (violon, quinton, viole,...) pour désigner ces instruments à cordes sympathiques. (http://www.nyckelharpa.fr/)

Après l’accord, le réconfort avec une gigue guillerette qui fait tomber les béquilles et entraîne même les infirmes. Et nos grands-mères (arrière-arrière…) dansaient cela avec chapeau, bas et sabots. Oui, c’est vrai, il nous manque ce piétinement des pas savamment entretenus, cette sauvage expression d’une liberté retrouvée dans le rythme, le pas et la chaleur humaine. Mais qu’importe refrain et couplets sont les bienvenus en ces jours tristes.

Ah, enfin, une vraie danse piquée et tressautée. Une harmonie retrouvée entre instruments, un véritable concert qui finit en queue de poisson. Quel bonheur que cette virée dans le passé.

Le folklore mérite une part dans l’histoire de la musique, car il est accessible à tous.

06/03/2014

Le mercredi des Cendres

Dans le Carême, l'homme fait l'expérience intérieure de la purification du moi :

 

 

1° temps

 

pénitence que le moi s'impose

Le moi se coupe de ses attachements et réalise alors l'obscurité qui règne en lui. Il découvre l'intérieur de lui-même, n'ayant jusqu'alors vécu qu'à l'extérieur.

 

2° temps

 

purification du moi

Coupé de ses attachements, le moi se purifie peu à peu. La bulle de l'être se nettoie par nos efforts et devient transparente. C'est alors que par moments la lumière divine pénètre en nous.

 

3° temps

 

mort à nous-mêmes

Le moi s'est purifié. La bulle est propre, mais se noircit de nouveau à chaque instant. Il faut sans cesse la nettoyer.

 

4° temps

 

illumination

L'esprit devient miroir de la lumière divine. Le moi devenu transparent laisse Dieu agir à travers lui dans le monde et offre le monde à Dieu.

Les textes de la liturgie du Carême sont là justement pour montrer la difficulté de cette quête de Dieu dans laquelle les contraires se rejoignent :

"Qui s'abaisse sera élevé",

"Qui perd sa vie gagnera la vie éternelle".

05/03/2014

Mondanités

Vous sonnez.  Vous entendez le pas précis de votre hôtesse qui vient ouvrir. « Ah, chers amis, comme nous sommes heureux de vous recevoir ! » Vous entrez. On vous débarrasse de votre manteau tout en piapiatant pour ne rien dire. A peine installés dans le salon, vous la voyez filer sur un coup de sonnette inaudible. Elle revient avec une autre comparse tout sourire et miel soyeux. Et bientôt vous vous retrouvez six, puis huit autour d’une table si basse que les dames doivent couvrir leur corsage de leur avant-bras pour y prendre leur verre. On ne s’assied pourtant pas par terre comme au Japon. Les sièges sont confortables, hauts et pincés. On s’y installe droit et les femmes croisent les jambes élégamment sous le regard attendri des hommes. Ils attendent le moment crucial du décroisement et du recroisement qui s’annoncent par un froissement des bas dans un silence tonitruant. De leurs côtés les femmes se jettent des coups d’œil, observant l’homme encore jeune qui creuse ses abdominaux et resserre sa ceinture d’un trou, laissant apparaître alors de petites boursoufflures sur les hanches qu’il s’empresse de cacher dans les plis de sa veste.

La conversation se déroule. Elle a ses règles. Comme le temps psychologique, elle enfle et se désintègre avec régularité. Parfois un convive à l’égo acéré monopolise le verbe dans une danse des mots qui lasse peu à peu l’assistance. La maîtresse de maison, si elle tient son rôle, détourne subtilement la conversation d’une petite interrogation insidieuse qui n’a rien à voir avec ce qui préoccupait l’assemblée auparavant. « Avez-vous lu… Avez-vous vu… Pensez-vous que… Souhaitez-vous que… » L’un des invités comprend à demi-mot et répond aussitôt sur le même ton. Changement de rythme, changement de thème. On passe à une autre symphonie. L’orchestre se recompose. Le soliste varie, mais les musiciens savent enchaîner sans difficulté. La mondanité a des avantages, comme la politesse. Peu importe les paroles et même la mélodie jouée, l’impression suffit aux convives. Leurs yeux en témoignent : regard prudent d’un vieillard encore vert vers une cinquantenaire bien roulée, expression effarée d’une jeune dame devant l’attitude insistante d’un quadragénaire qui use et abuse de son verre à pied, attitude soumise et effacée d’une toute nouvelle mariée qui écoute son mari sorti d’une grande école parisienne énoncer des banalités d’un air docte. Les bruits de la Cour mobilisent en un instant la conversation : Savez-vous que le chef de cabinet du ministre… Toute l’attention se condense autour du détenteur de l’information. Il devient le héros du jour, il explique et réexplique, il ajoute des détails qu’il ignore, enjolivant les faits de motifs excitants comme les trilles du soliste sur une mélodie fade. Ayant épuisé son pouvoir d’imagination, le conteur s’arrête brusquement en attente qu’un autre comparse prenne le relai. Rien ne vient. Un silence inquiétant se fait. Il dure peu, mais ce peu se fait long, laissant un arrière-goût dans la gorge qui fait dire à l’hôtesse que le repas est servi. A défaut de grives, on mange des merles !

Le concert se poursuit sans entrave. Les uns parlent pour ne rien dire. Les autres ne parlent pas parce qu’ils ne savent que dire. Certains parlent ou plutôt se parlent à eux-mêmes en s’écoutant parler. D’autres encore tentent de parler, mais ne sont pas écoutés. Peu enfin se demandent ce qu’ils font là, isolés du reste des convives, mais ils maintiennent un semblant d’intérêt par quelques mots bien sentis qui fait dire au reste de l’assemblée qu’ils ont une qualité d’écoute hors du commun. Il convient bien sûr, de temps en temps, au moment de l’arrivée d’un plat, lorsque le premier convive a piqué sa fourchette perspicace sur une viande dorée, de s’exclamer sur les délices que l’on goûte. Que les mots soient criants de vérité et que le ton y soit. Votre hôtesse vous jette un regard éperdu de reconnaissance avant de reprendre part à la conversation de son voisin.

Ainsi se poursuit le diner, dans une bonne humeur factuelle, couvert d’un brouillard inaudible d’exclamations et d’inflexions, qui peignent un paysage à la Turner que l’on traverse à l’aveugle. Vient enfin le moment que votre corps attend bien que votre tête lui dit de se tenir tranquille, celui du départ du cocon, d’une extraction en douceur du piège moelleux de bonnes intentions de l’hôtesse charmante qui est tout sourire. Vous saluez les comparses de cette scène conventionnelle avec moult sourires et poignées de main rugueuses et vous retrouvez dans la nuit, cherchant le trou de la serrure de votre voiture dans les sièges de laquelle vous vous écroulez avec un soupir de bonheur. Enfin seul, face à soi-même, même si vous êtes en couple. Vous vous souriez. Après ces fariboles déjantées, vous prenez la main de votre complice et lui dites tendrement qu’il est bon d’être ensemble sans ce brouhaha virevoltant de mots prononcés sans pouvoir. Et pourtant : « Parlez, il en reste toujours quelque chose ! » Où se cache le pouvoir ?

04/03/2014

Elle était belle

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Elle court maintenant vers sa fin
De ses pieds menus et désespérés
Elle pousse un cri de désespoir
Mais se réjouit des jours passés

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Elle va vers son destin tragique
La tête couverte d’un cache noir
Elle sait le drame qui l’attend
Mais elle chante pour le courage

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Elle s’agenouille humblement
Tendant son cou fragile à la lame
Elle prie dans son cœur d’enfant
Mais pleure sur la vie à venir

Elle était belle, elle avait vingt ans...
Admirez sa superbe innocente
Elle vous regarde et vous n’êtes plus là
Vous avez peur de la voir, nue
Mais plus vivante que jamais

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Mais qu’avait-elle fait ?

Elle était belle

© Loup Francart

03/03/2014

Je te reparlerai d’amour, roman de Pascal Jardin (Julliard, 1975)

Un livre sans commencement ni fin. Des pages magnifiques et d’autres sans intérêt. On glisse dessus comme dans un rêve, laissant de côté certains passages, relisant trois fois d’autres.

Pascal Jardin est le père d’Alexandre Jardin, un auteur dont plusieurs livres14-03-03 Je te reparlerai d'amour.jpg sont de petites merveilles : voir Le petit sauvage (voir le 7 janvier 2013) ; Fanfan, le 29 juin 2012 ; Bille en tête, le 22 février 2013 ; Les coloriés, le 6 janvier 2014 ; Chaque femme est un roman, le 1er mai 2013 ; Le Zubial, le 3 mai 2012. Il est le fils de Jean Jardin, personnage truculent qui lui inspira La guerre à neuf ans et Le nain jaune. Il fut scénariste, dialoguiste et écrivain. Il fut aussi le héros de nombreuses pages des livres de son fils, dont Le Zubial.

Le livre commence dans un bistrot, avec le souvenir de Clara, il finit un matin de juillet lors d’un retour de Clara. Les mêmes phrases : Faut-il donc être fou pour avoir tout misé sur une simple femme, une bête qui mord autant qu’elle caresse, avec une petite tête dure comme le fer où les idées des hommes n’entreront jamais, une bête, belle comme un dieu païen, et si vulnérable avec son ventre qui saigne toujours une fois par mois.

C’est un livre circulaire, avec des dérivations, des impasses et de longs cheminements comme ces descriptions splendides de personnages extraordinaires. Ainsi Clara, nue, et Julien le mari de Clara : Ils étaient des animaux. Il n’avait plus que des corps. Encastrés l’un dans l’autre, ils fonctionnaient avec la joie dite de la première fois, et qui, tout bien pesé, ne vient qu’après longtemps, quand on a tout exploré de l’autre, qu’on est rodé, usé, poli, frotté à l’autre. L’amour fort, le contraire des premiers bafouillages, l’anti-puberté, la femme avec des hanches, la femme qui sent la femme et l’homme comme un chien. Sur elle le poids de lui, le poids de sa vie. Ils se connaissaient, ils se reconnaissaient.

Mais tout ne tourne pas autour de Clara. D’autres femmes sont le prétexte de portraits tendres et virulents. Ainsi de Frédérique : Elle avait des cheveux roux et se faisait par coquetterie un regard de myope pour mieux paraître étonnée. Dans le mode le plus fabriqué, le spectacle, elle était restée une paysanne. Les coudes sur la table, elle tartinait son pain avec des gestes bibliques. Elle ne prenait sa douche qu’en mettant de l’eau partout. Toujours elle s’habillait trop vite, et sortait dans la rue à demi boutonnée. « Il faut que j’aille », disait-elle, désireuse et pressée de courir le monde. (…) Elle avait vingt-cinq ans. Les hommes lui courraient beaucoup après. Elle courrait assez peu. C’était un petit prince. Une enfance difficile lui avait appris à survivre. Jamais elle ne se plaignait, ni du temps, ni des dents, ni de rien.

Ou encore l’Oiseau : Le nez était fin et petit, et les narines ouvertes laissaient voir en leur base une veine minuscule dont le rouge foncé tranchait avec la peau blanche de noctambule. Les yeux étaient importants, fendus en amande, très mobiles, le front bombé et haut était particulièrement masqué par une coiffure bouclée. La bouche sensuelle, aux lèvres fortes, contenait un sourire sans cesse retenu sur des dents de loup assez peu régulières, mais fort enviables. Les pommettes hautes, le cou long et les épaules carrées évoquaient les Olympiades ou quelque dieu du stade. Les mains potelées, comme chez les enfants, s’ornaient sur les ongles d’un rouge très foncé et récemment posé. Les seins accrochés haut sur le buste possédaient des points admirablement dressées. La taille d’une minceur évidente était le contrepoint à des hanches superbes, un beau passage pour une naissance. Les cuisses étaient musclées, les jambes fines et longues s’appuyaient sur des pieds un peu grands pour l’ensemble. Ils avaient cependant un attrait profond. Cambrés, ils donnaient leur assise au personnage…

A la fin du livre, la phrase du début qui se poursuit ensuite : ... Et pourtant, ceux qui voient le soleil dans les yeux d’une maîtresse, et lisent leurs blessures sur les lèvres peintes en rouge, et la houle du large dans les hanches d’une femme, ceux-là voient bien plus loin que la plupart des autres.

Alors laissez vous tenter. Vous y trouverez des pages charmantes et vous sauterez celles qui vous ennuient.