23/06/2013
Danse au sommet du monde
L'oeil toujours regarde le mouvement, même noyé dans la jungle urbaine. Quoi de plus commun qu'un tel immeuble ! En haut se joue la vie, la séduction et la continuité. Et l'oeil s'en repait : la tonicité de la danse submerge la verticalité du béton.
Encre de Chine et lavis, un beau moyen d'expression.
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22/06/2013
Frantz et Clara, roman de Philippe Labro
Chaque jour, elle vient prendre son déjeuner au bord du lac, sur un banc. Elle fait partie d’un orchestre. Elle tente d’oublier un amour qui a mal fini. Elle se sent seule, triste, presque déprimée. Elle est en attente, mais elle ne sait de quoi. Ce jour-là, le banc est occupé. Elle hésite, mais s’assied néanmoins.
– Ça ne vous dérange pas, j’espère, si je partage votre espace. Je suis bien conscient d’être arrivé ici avant vous aujourd’hui, mais je sais parfaitement que ce banc vous appartient.
Cette interpellation l’intrigue, venant d’un enfant de huit ans parlant comme un adulte. Ils parlent. Ils se retrouvent le lendemain, puis les jours suivants. Elle lui raconte en partie sa vie : la mort de son père, la découverte de l’amour avec un homme plus âgé, sa déconvenue lorsqu’il l’abandonne. Il lui parle du vide :
– Moi, quand je vais mal, j’essaie de tout éliminer. Je concentre ma pensée sur une seule chose, pour tout nettoyer et pour arriver à un océan pacifié.
– un quoi ?
–Une eau calme. Moi, mon idée, c’est d’arrêter ma pensée sur une seule chose et de ne plus l’abandonner un instant : un oiseau, une fougère, une pierre, un visage aussi, mais une seule chose ! et on s’enfonce dans le calme. Pour parvenir au vide. C’est possible…
Un jour, il lui déclare son amour. Elle rit. Il est trop petit. Elle lui répond :
– Frantz, oui, je me suis prise d’affection pour toi et tu es précieux dans ma vie, tu es devenu un ami, nous sommes deux amis, sans aucun doute. Les amis s’aiment, il n’y a pas de grande différence entre l’amitié et l’amour. (…) Il existe entre toi et moi une barrière que tu n’as pas encore franchie. Ne m’en veut pas de te le dire. Je peux difficilement l’exprimer d’une autre manière. Ne m’y oblige pas.
Elle a repris des forces, plus ou moins oublié l’abandon de son amant et pense maintenant à se donner une carrière de soliste. Elle quitte Lucerne et dit adieu à Frantz.
Dix ans plus tard, à Boston, elle retrouve, un grand jeune homme, fort et toujours aussi beau parleur. Ils se parlent, elle renonce à un diner avec les autres musiciens. Il la raccompagne à son hôtel. Ils entrent. Ils se sont trouvés.
– On ne peut pas savoir s’ils vont faire l’amour. Et s’ils le font, on ne pourra dire si cela se renouvellera plusieurs fois dans la nuit. Il se pourrait qu’il ne se passe rien entre eux. Mais il est permis d’en douter.
Oui, c’est vrai, l’histoire est un peu fleur bleu et même un peu simplette. Mais l’histoire seule compte-t-elle dans un livre ? La manière dont elle est comptée, les réflexions qui l’accompagnent sont en réalité le vrai sel du récit. C’est donc un livre plaisant, bien écrit, parfois amusant, pourvu de réflexions intéressantes. Il ne faut cependant rien en attendre de plus.
07:17 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, littérature | Imprimer
21/06/2013
Abondance
Abondance…
La nature s’avance, indéfectible…
Elle se pare d’ornements
Telle une princesse orientale
Et, comble de modernité,
Elle abandonne derrière elle
Des gouttelettes de perles
Suintantes au bout de chaque tige
Du plus grand arbre
A la plus petite feuille…
Ses pas marquent le temps
Avec la précaution d’un instant
Et chaque goutte bat les secondes
Dans la précision d’un métronome…
Lueur blafarde du jour qui s’engage
Dans sa course épuisante d’une journée
Aujourd’hui, huile de vidange
Et parapluie retourné…
Mettre son imperméable
Se doter d’un chapeau couvrant
Et faire valser ses pas entre les flaques
Ballet ineffable des hommes
Soumis à la dictature de l’abondance…
Quand reviendra la lueur attendue
De l’étincelle divine qui baigne nos pensées
Et encourage nos squelettes ?
07:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
20/06/2013
Shokuzai (Celles qui voulaient oublier), de Kiyoshi Kurosawa (deuxième partie)
C'est la suite du film évoqué le 16 juin 2013, que beaucoup de critiques ont trouvé moins génial. Pour ma part, je l’ai trouvé aussi bon que le premier, sinon meilleur.
J’ai avant tout été frappé par la justesse du jeu de la mère d’Emili, Asako, en réalité l’actrice Kyoko Koizumi. Elle est belle, non pas au sens physique du terme (mais elle l’est également), mais au sens moral. Elle a une dignité indéracinable, même lorsqu’à la fin du film son monde s’écroule. Cette dignité est exprimée principalement par sa manière de se déplacer. Elle marche comme très peu d’actrices peuvent le faire, avec une lenteur et un basculement des hanches imperceptibles, regardant au-delà du présent, dans un passé toujours là, derrière elle, à fleur de peau. Elle est à la fois la femme fatale et la mère courage qui va jusqu’au bout de ses intentions : retrouver et tuer l’auteur du meurtre de sa fille. Dans la troisième et dernière partie de ce deuxième film, elle sera renvoyé à son passé trouble avec le meurtrier qu’elle a d’abord aimé lorsqu’elle était à l’université.
Auparavant on suit le destin des deux dernières jeunes femmes victimes du traumatisme du meurtre d’Emili : Akiko (épisode 3) et Yuka (épisode 4). Akiko tente de respecter le pacte de pénitence imposé par la mère d’Emili, mais sa vie est détruite par le meurtre et la condamnation d’Asako. Elle est perturbée et se prend pour un ours. Elle tente de réconcilier son avenir par un dialogue avec Asako, sans succès. Yuka, elle, a oublié, mais est étrangement perturbée. Elle manipule les hommes pour réussir sa vie et finit par détruire le couple de sa sœur.
Shokusai constitue un excellent regard sur la société nippone, très guindée, organisée, inflexible. Les femmes sont des femmes-objets et les hommes n’ont aucune consistance psychologique. Et pourtant, tous ont quelque chose d’inconscient à exprimer en raison justement de cette prédominance de la société. Shokusai est un très beau film dans lequel l’actrice Kyoko Koizumi est sublime.
07:07 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, japon, psychologie | Imprimer
19/06/2013
Foule
On est toujours un inconnu environné d’inconnus dans la foule. On croit encore exercer son esprit critique, voire son indépendance d’esprit. Mais en réalité on est déjà pris dans son mouvement, dans ses craintes et ses délires.
Retirez-vous ou cessez d’être ce que vous êtes, telle est la maxime !
Dessin réalisé aux feutres
07:13 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, société, psychologie | Imprimer
18/06/2013
Fratres, d'Arvo Part pour douze violons
http://www.youtube.com/watch?v=U20qOk8yORU
Une pièce mystérieuse, tout en secret. On a l’impression qu’elle a du mal à sortir des instruments, que cela demande un effort inextinguible.
Le son vient du lointain, derrière la tête, d’un double de soi-même. Peu à peu, il envahit tout l’être, fait entrer un froid tendre dans le cerveau. En 04:30, le son se réveille, il prend de la puissance tout en conservant la même mélodie. En 05:45 tout s’achève, la source s’épuise. On respire difficilement, on se croit soulagé, mais la pièce repart, avec le même rythme. Même effet en 07:15, puis en 08:45, enfin en 10:15.
Toute la souffrance de l’humanité semble ici concentrée, dans la fine pointe de l’âme dont l’oreille est attentive à suivre cette mélopée lente et processionnelle. Si l’on voulait être méchant, on pourrait appeler cela la procession des limaces. Mais ce n’est qu’une plaisanterie en réaction à la gravité de la mélodie.
Lorsque la pièce se finit, c’est un soulagement comme si l’on respirait normalement après une crise d’asthme. Pourtant on la réécoute, pris par cet ensorcellement du son et du silence. L'empreinte indélébile de l'humanité a façonné notre âme, une grande langueur s'en empare. Arvo Part a atteint son but : Qui sommes-nous, frères ?
07:51 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, minimalisme, esthonie | Imprimer
17/06/2013
Un matin d'orage
Plus rien ne sera comme avant
Un voile s’est épaissi et hante l'horizon
Dédoublé, où se trouve l’ancien monde
Celui auréolé de blancheur
Qui dansait encore hier
De petits pas menus ?
Danse toujours ma jolie
Souris de tes yeux de verre
Fais claquer tes doigts légers
Et monter dans les nuages
Tes vœux pieux de petite fille
Le tonnerre a rompu les digues
Et l’eau se déverse des cieux
En ce matin d’un jour nouveau
Dissociation intérieure
Où se trouve l’image rêvée
Choisie, dorlotée, mémorisée
Qui tient chaud au cœur
Et refroidit le manque de raison
Oui… Danse dans la vallée
Chante la vie et l’espoir
Dénude tes pensées sauvages
Et répands sur ton visage
L’ombre même du bonheur
Alpha ou Omega, qui es-tu
Toi qui toujours donne la paix ?
06:32 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer