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28/04/2013

Interprétation

Glenn Gould - Bach Partita N.6 in E mino

http://www.dailymotion.com/video/xr7f7_glenn-gould-bach-partita-n-6-in-e-m_music


 

Sokolov - Bach Partita VI BWV.830.wmv

http://www.youtube.com/watch?v=MR-RnegtUeo&list=PL437D87E43BBC9E5D


 

Le même morceau, par deux musiciens virtuoses. Un régal. Et pourtant, quelle différence de jeu et d’interprétation ! Lequel a raison ? Ou encore, ont-ils raison tous les deux ?

L’introduction est bien différente entre les deux pianistes. La virtuosité technique de Sokolov lui permet d’adopter une interprétation « coup de vent ». Mais les deux premières phrases restent plates. Elles ne font que préparer la troisième où le musicien excelle et démontre sa faconde. Glenn Gould trace ces deux premières phrases comme une mélodie en soi où l’on distingue bien, en fin de phrase, la doublure de la main gauche par rapport à la main droite. Sokolov n’en fait qu’un apéritif sur le pouce. Gould en fait un hors d’œuvre exquis dont toutes les saveurs sont mises en évidence.

Puis vient la puissante montée du clavier, comme un éclair de compréhension et d’explication des deux premières phrases. Mais on ne le sent que lorsqu’on écoute Glenn Gould. Cette montée se coule dans les précédents énoncés, comme un prolongement et un développement. Elle est marquée d’une grande expression par un ralentissement dans chaque épisode de la montée et cette pause discrète est le rappel de l’entrée dans la mélodie. Pour Sokolov, il s’agit plutôt de mettre en évidence la brillance de son jeu. Pas de différence entre les notes, pas de ralentissement qui rappelle le début de la pièce. Une échappée, une éclatante montée, mais qui ne nous dit rien sur le développement de la partition. Elle apparaît comme des notes surajoutées à la ligne mélodique, à la manière de Chopin, et non comme un épanouissement de la mélodie. Détachées du contexte, elles tombent, insolites et étrangères, surprenant l’oreille et la compréhension. Romantiques certes, mais décalés.

Cette première partie du prélude semble une longue interrogation, comme un pèlerin qui, à la croisée des routes, ne sait où aller. Il regarde le paysage, se laisse aller à quelques réflexions, s’enchante des détails de la nature. Tout à coup, il se décide et la mélodie se transforme en une sorte de marche qui monte à la main droite, puis est reprise par la gauche, en écho, inversée. Et cette petite dentelle est majestueuse, resplendissante de bonheur d’avoir trouvé le chemin. Elle semble partie vers les cieux, mais s’arrête très vite pour revenir aux interrogations. Elle reprend alors (1:11) avec des prolongations. Sokolov excelle dans son interprétation. Quelle belle montée, pleine d’assurance et d’espoir, si droite, comme la vision d’un but mêlée à la joie de l’arrivée. C’est émouvant de régularité et de paix et vous vous sentez mieux, reposé par cette tranquille quiétude d’une captivité unique, d’une montée persévérante vers un ciel dégagé de tout nuage. Le jeu de Glenn Gould est vraiment différent (2:10). Le voyageur monte en méditant. Ce n’est pas la joie qui l’anime, mais une vision de la vie différente, une sorte de retour sur soi-même pour mieux contempler cette montée exemplaire et lui donner son poids réel. La régularité est également là, mais elle est d’une autre qualité, emprunte de majesté et d’interrogation.

 

Remercions ces deux musiciens, si différents, qui nous donnent deux versions contradictoires et pourtant magnifiques toutes les deux. La musique, avec la danse,  est le seul art qui permet une telle diversité. Cela tient à cet intermédiaire supplémentaire qu’est l’interprète. Pour l’art graphique, la peinture, c’est au spectateur de réaliser en lui ces différentes visions de l’œuvre et cela demande un effort d'imagination qu’ici le pianiste fait pour vous.

27/04/2013

Lorsque j’étais une œuvre d’art, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt

Tazio non seulement a raté sa vie, mais rate également ses 13-04-26 Oeuvre d'art EE Schmitt.jpgsuicides. Il est laid et inintelligent au contraire de ses deux frères, les plus beaux hommes du monde. Il trouve enfin le lieu idéal pour en finir, la falaise de Palomba Sol. Au moment où il va prendre son appel, une voix lui demande vingt-quatre heures. L’artiste Zeus-Peter Lama lui propose de changer de vie en lui abandonnant sa volonté pour qu’il devienne une sculpture vivante dénommé Adam bis.

 

Zeus-Peter est un artiste contemporain très médiatique, qui manipule les gens et dispose d’une grande autorité. Opéré, Adam devient une sculpture que tous s’arrachent.

– Suis-je beau demande-t-il à Zeus-Peter.

– Je t’ai créé pour embellir le monde.

– Suis-je beau ? Cesse ces banalités.

– Je n’ai pas voulu que tu sois beau, je t’en avais prévenu, j’ai voulu que tu sois unique, bizarre, singulier, différent ! Quelle réussite grisante.

Tazio a interdiction de se regarder dans une glace et de parler. Il se soumet. Tous veulent le voir et particulièrement les femmes, car l’artiste a transformé son sexe en sonomégaphore, la plus réussie des métaphores, prototype unique. Mélinda s’essaye, le démaillote et s’exclame :

– Incroyable !

Elle s’approcha, le contempla et le manipula avec légèreté.

– Une idée de génie !

Ses paupières et sa bouche en restèrent grandes ouvertes. (…)

Au troisième moment de repos, alors que nous reprenions notre souffle en fixant le plafond, Mélinda bondit à califourchon sur moi pour recommencer.

– Ah non, ça suffit ! Je n’en peux plus !

Les mots avaient jailli de ma bouche sans que je m’en rendre compte. (…) Elle me regarda avec effroi et poussa un cri de bête.

– Qui a-t-il Mélinda ?

Elle courut au fond de la pièce et se réfugia derrière un fauteuil, épouvantée. (…)

– Tu parles ?

– Naturellement je parle.

– C’est horrible. Je ne le savais pas.

 

Il se met à boire. Il fuit Zeus et se retrouve sur la plage et voit un groupe de silhouettes. Devant lui, un homme et une femme. Lui, assis. Elle debout. Ils regardaient le monde – ciel, mer, nuages, oiseaux – à travers la fenêtre du tableau. Inconscients de constituer eux-mêmes un tableau par la noblesse de leur attitude, attentifs, immobiles, elle se tenant derrière lui en appuyant ses mains sur ses épaules, ils fixaient le carré de toile dans lequel l’univers tout entier accourait pour se figer et s’organiser. Ils semblaient attendre devant le cadre que le tableau se fît.

Et cette rencontre va transformer Tazio. Zeus le vendra comme une œuvre d’art, de nombreux péripéties lui arriveront, mais tout se joue à cet instant, la rencontre d’un homme avec la beauté naturelle et la beauté artistique, si loin des beautés artificielles des femmes et de l’art médiatique de Zeus : Sa carrière ; il ne la fait pas dans son atelier, il la fait dans les médias ; ses pigments, ce sont les journalistes, et là, il est, sinon un grand artiste, un grand manipulateur. Avec cette sculpture, sa dernière, il se poursuit et en même temps il se dépasse, il franchit une frontière, il s’installe dans le terrorisme, il devient criminel.

 

Histoire de Faust qui conclut un pacte avec Méphistophélès, inspirée à l’auteur par un homme qui se faisait opérer sans cesse pour devenir plus beau. Histoire drôle, inquiétante et malgré tout romantique grâce à Fiona, la femme rencontrée sur la plage.

26/04/2013

Quand donc viendra le printemps ?

Quand donc viendra le printemps
Ce titilleur de notre humanité
Parfois bourgeonnent en nous
D’étranges sentiments
Divisés, nous ressentons l’appel
Des jours sans fin et enivrants
Mais notre léthargie reste tenace
Et paralyse nos élans
Quelle danse ! Passer du rien au tout
Puis revenir en arrière
L’ange de la paix s’est transformé
En diablotin qui chatouille
Le vivant en vous
Découvrez-vous, braves gens !
Bientôt viendra l’orgueilleuse
Dont le direct est un hommage
A votre éternité cachée
Le sang s’agite et bout
Mais les extrémités refroidies
Ne peuvent émouvoir
Ce corps grippé de rouille
Bouger est un calvaire
Pourtant, le grincement des sentiments
Laisse place au rire débridé
Lorsque pointe la langue rose
Sur le minois de la nature

Quand donc viendra le printemps
Cet éveilleur des corps
Cet agitateur de l’esprit
Ce marchand de rêve qui ensorcelle

Les cheveux dressés sur la tête
Vous chantez le renouveau
Réveil oublié, qu’attends-tu ?

25/04/2013

Papier et parfum

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Une fois encore, le jardin du Palais royal et ses galeries s’efforcent de relancer l’attention des passants par d’extravagantes présentations. Malgré la beauté et l’élégance de son péristyle, il n’offre que peu de promeneurs à ses boutiques. Seuls les clients fortunés ou curieux ouvrent la porte de celles-ci pour découvrir divers objets attrayants ou fanés.
Admirons aujourd’hui ce parfumeur qui a trouvé le moyen d’attirer l’œil avec des décors insolites et gracieux. Peu de moyens, de l’imagination à revendre, des éclairages tamisés, qui conduisent le spectateur dans un monde féérique.

La première devanture, de boules et de papier journal, vous introduit dans la peau d’une princesse inca. Pourquoi inca ? Me demanderez-vous. Ah, je me souviens, elle me rappelle la sculpture bouchant l’entrée d’une galerie dans Le temple du soleil, une des aventures de Tintin. Ce regard fixe et inquiétant de la princesse aide à mieux sentir les délices olfactifs de son parfum.

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La seconde devanture rappelle les corridas espagnoles et les señoritas qui cachent leur visage à l’ombre des plis de leur éventail. La chaleur aidant, ceux-ci vous voilent la réalité jusqu’à ne vous montrer que des frémissements de plis et de ronds. Le parfum aidant, vous succombez à leurs charmes.

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La troisième, que l’on pourrait intituler « l’information », est bien aussi une charmante. Mais elle est enfouie dans la profusion médiatique et ne respire que l’encre et le papier. Elle n’a pas droit au parfum qui pourtant se sert d’elle pour se vendre.

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Enfin la dernière ouverture sur ce magasin magique est cubiste tout en restant informationnelle. Mourir enfouie sous les paquets-cadeaux, quelle belle fin, n’est-ce pas ?

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24/04/2013

Le beau et l'art abstrait

Dans son livre « Du spirituel dans l’art », Kandinsky proclamait que nous commençons à peine à être libérés de notre dépendance par rapport à la nature. Il écrivait : « La subordination de la composition à la forme géométrique n’est pas une idée nouvelle. La construction des fondements purement spirituels est une chose lente, et qui paraît au début aveugle et sans méthode. L’artiste doit éduquer non seulement son œil mais aussi son âme, de façon à pouvoir juger les couleurs d’après leur propre échelle, et à faire d’elles un facteur déterminant dans la création artistique. (…) La beauté de la forme et de la couleur n’est pas un but suffisant en soi. (…) »

Pour Kandinsky, l’expression finale abstraite de tout art est le nombre. Il signifie par là qu’une œuvre d’art est une construction cachée, au-delà d’un simple effet de décoration géométrique. Il écrit en 1912 que le siècle approche d’un temps de composition raisonnée et consciente, où le peintre sera fier de dire de son œuvre qu’elle est construite.

Un siècle plus tard, qu’en est-il ? Ce mystère de la construction de l’abstrait est-il toujours vrai ?

Non, probablement. Prenons l’exemple du tachisme, de l’action painting, de l’abstraction lyrique. C’est une peinture qui est en réaction par rapport au cubisme et à la géométrie en général. Le choc du spectateur qui lui fait dire c’est bien une œuvre d’art ne tient pas à la construction du tableau, mais à l’impression visuelle immédiate qui introduit un déclic dans son esprit.

Oui, sûrement. Cette construction quasi inconsciente est essentielle pour démarquer le peintre du décorateur, l’artisan de l’artiste. Elle n’est pas raisonnée. C’est par expérience, échecs et succès, que progressivement peintre découvre cette différence. Tout son art est dans cette construction qui produit des effets calculées, sans qu’il soit réellement capable d’en dire les causes et d’en tirer des principes de construction suffisamment élaborés pour promouvoir plus qu’une simple école. Parfois, ce n’est que lorsque le tableau est fini que l’artiste est déçu : il croyait faire œuvre d’art et n’a fait qu’un objet de décoration. Quelle déception ! Mais dans le même temps, quel apprentissage vers le beau !

23/04/2013

Matin

Ce matin, la couleur était dehors. Elle inondait la fenêtre, s’épandait sur la toile du ciel et pénétrait le regard d’une couche d’extase. Quel assemblage : bleu et rose !

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Les grands arbres noirs découpent leurs silhouettes élancées, levant leurs dizaines de bras et leurs centaines de doigts. Ils prennent leur bain de lumière et de couleurs avant de redevenir chaleureux et dorés.

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Peu à peu cette féérie s’assagie, se clarifie. Les parapluies ouverts se délectent de lumière plus crue. On respire mieux, la journée peut commencer.

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22/04/2013

Où sont parties les larmes qui mouillaient ton corps ?

Où sont parties les larmes qui mouillaient ton corps ?
Je me suis mise au soleil pour oublier mon sort.

D’où vient que tes yeux brillent ainsi sans pleurs ?
Je ris de voir que j’avais en moi tant de rancœur.

Pourquoi n’entends-je plus ton pied léger caresser le gravier ?
J’ai donc perdu toute envie de voir la lune se lever.

Pourquoi cours-tu tout le jour après les éphémères ?
Pour qu’un jour enfin tu puisses te taire !