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16/12/2012

La délicatesse, roman de David Foenkinos (Gallimard, 2009)

Ce n’est pas un roman de haute tenue intellectuelle, mais, ne serait-ce que par son titre, il se laisse facilement lire et s'émaille de quelques bons mots.

Nathalie était plutôt discrète (une sorte de féminité suisse). Elle avait traversé l’adolescenceroman,littérature,société sans heurt, respectant les passages piétons. Elle aimait rire, elle aimait lire. Elle rencontre François dans la rue et ce fut comme dans un roman. Un soir, il construit un puzzle devant elle. Elle y lit : « Veux-tu devenir ma femme ? »

C’est l’amour parfait. Mais François se fait écrasé en courant dans la rue. Errance de l’esprit et du cœur, pendant plusieurs mois avant de reprendre le travail.

Son patron, Charles est amoureux d’elle, mais elle ne le supporte qu'en tant que patron. Markus, un suédois engagé par la société, entre dans sa vie par la petite porte, sans effraction, imperceptiblement. Il était doté d’un physique plutôt désagréable, mais on ne pouvait pas dire non plus qu’il était laid. Il avait toujours une façon de s’habiller un peu particulière : on ne savait pas s’il avait récupéré ses affaires chez son grand-père, à Emmaüs, ou dans une friperie à la mode. (…) Elle décida alors de marcher vers lui, de marcher lentement, vraiment lentement. On aurait presque eu le temps de lire un roman pendant cette avancée. Elle ne semblait pas vouloir s’arrêter, si bien qu’elle se retrouva tout près du visage de Markus, si proche que leurs nez se touchèrent. Le Suédois ne respirait plus. Que lui voulait-elle ? Il n’eut pas le temps de formuler plus longuement cette question dans sa tête, car elle se mit à l’embrasser vigoureusement. Un  long baiser intense, de cette intensité adolescente.

Malgré ce baiser, c’est un lent apprivoisement qu’ils devront faire tous les deux, l’un envers l’autre, avant de se découvrir. L’insolite est la délicatesse de ces rencontres, l’étonnement de Nathalie devant la maladresse de Markus. Il est hésitant, gauche, mais délicat. Et cette délicatesse devient pour lui un atout. Progressivement Nathalie se laisse enfermer dans ce charme discret.  Elle comprenait qu’elle avait voulu cela plus que tout, retrouver les hommes par un homme qui ne soit pas forcément un habitué des femmes. Qu’ils redécouvrent ensemble le mode d’emploi de la tendresse. Il y a avait quelque chose de très reposant dans l’idée d’être avec lui. (…) Elle savait juste que c’était le moment, et que dans ces situations, c’est toujours le corps qui décide. Il était sur elle maintenant. Elle s’agrippait.

Seule la délicatesse sauve le livre, naïf et même banal. Mais il est plus que sauvé, il est délicat comme peut l’être un amour incongru. Et ils se sentaient bien...

15/12/2012

Le li

Pour Zhu-Xi (1130-1200), adepte du néo-confucianisme, toute chose, donc l’homme également, est formée d’un principe ordonnateur, le li, et de la force vitale, le qi. L’apparence extérieure est définie par le qi. Le li détermine le caractère, la nature, l’être de la chose, des événements ou de la personne. Le qi façonne l’être tandis que le li détermine sa véritable nature. C'est un peu l'opposition entre le moi et le soi des hindous. Ce principe ordonnateur préexiste au monde et à tous les objets qu'il renferme.

La masse d’eau de l’océan symbolise bien ces deux concepts qui se côtoient en chacun d’entre nous. Sa surface met en évidence sa force, mais ses profondeurs restent inchangées quoi qu’il arrive et détermine sa véritable nature.

Une gravure conçue il y a longtemps, mais qui reste d’actualité.

IMG_4927 Grav Le li (2).jpg

14/12/2012

Les lis naissants, de François Couperin

http://www.youtube.com/watch?v=eu2qfGmaN74&feature=related

 

Vous vous promenez au printemps dans la campagne, au bord d’une rivière et vous vous laissez bercer par l’écoulement de l’eau sur les pierres. Rien ne trouble ce repos. Le temps s’est arrêté et pourtant l’égrenage de la musique vous poursuit et fait fuir toute pensée.  Quatre notes en variation dont la seconde comporte un mordant. Rien que cela ou presque. Et vous êtes enchantés, au septième ciel. Vous planez au-dessus des humains dans votre sphère sans pensée, j’allais dire sans bruit et sans musique.

Une vraie leçon de composition de part sa simplicité mélodique et harmonique, sans qu’aucun effet de changement de rythme ou de sonorité ne cherche à séduire l’auditeur.

Cinq heures, je peux maintenant aller me coucher… dans les nuages…

13/12/2012

Le mouvement

Synthèse de l’espace et du temps,
Ainsi naît le mouvement
Les deux concepts sont inséparables
Sans eux le mouvement est mort-né
La pensée est elle-même mouvement
Méditer : apprivoiser la pensée

Elle avait vingt ans et le geste sûr
Elle parlait avec ses mains
Et celles-ci étaient sa nature même
Une courbe dans l’espace
Tracée avec la lenteur qui convient
Reconstituait sa pensée et lui donnait vie

Le premier mouvement est le bon mouvement
De la pensée au geste, sans intermédiaire
Jusqu’où cela peut conduire ?
Ainsi naissent les révolutions
Dans la griserie d’un avenir bouleversé
Ça bouge, ça bouge… Quelle opportunité !

Mais qu’est-ce qu’un mouvement ?
Le repos n’est qu’un mouvement déguisé
Il cache son agitation derrière le visible
Mais le cœur bat dans la poitrine
Et l’esprit rêve à l’infini
Même la mort est lente décomposition
Et entretient le mouvement universel

Dieu est-il sans mouvement ?
Son royaume est mouvement du cœur
Elan vital vers… Irradiation…
Et ce tremblement léger de l’amour
Atteint chaque être de l’intérieur
Pour le transformer en mouvement

Le mouvement s’arrête et tout s’écroule
Ce n’est pas une page noire
Il n’y a plus de page, ni de noir
Rien ! Inimaginable
Et avant le big-bang, qu’y avait-il ?
Quelque chose, quelqu’un ou le néant ?

Mais déjà imaginer le néant
C’est faire le grand saut
Et le saut est lui-même mouvement
Alors le néant n’existe pas
Quelle fiction ! Et pourtant
Comment l’imaginer, le nommer ?
Non, le néant n’est pas
Tout est mouvement

Alors, dansons la vie
A pleines jambes !

12/12/2012

Les deux cages

Ainsi s’intitule ce très bref récit, cette fable ou parabole, de Khalil Gibran, publié dans l’opuscule "Le fou" :

Dans le jardin de mon père, il y a deux cages. Dans l’une, il y a un lion que les esclaves de mon père avaient apporté du désert de Ninive ; dans l’autre, il y a un moineau silencieux.

Chaque jour, à l’aube, le moineau s’adresse ainsi au lion : "Bonjour, frère prisonnier !"

 

A quoi tient donc notre égalité entre les hommes ? Elle n’est due ni à notre corps, qui marque des différences importantes avec ceux de nos voisins, ni à notre intelligence, ni à nos dons multiples. Chaque homme est homme par les différences qu’il a par rapport aux autres hommes. Alors, où est l’égalité ?

Nous sommes tous prisonniers du monde dans lequel nous vivons et chacun fait de cette prison un royaume ou un enfer. Qu’êtes-vous, vous qui dormez dans votre cellule ou qui rugissez entre les barreaux ou encore qui rêvez à ces paysages du dehors, inaccessibles ? Vous êtes le lion, puissant et fier, mais prisonnier.

Et ce moineau, qu’a-t-il de plus ? Il est silencieux, c’est-à-dire qu’il ne parle pas pour ne rien dire. Chaque matin, il apporte sa goutte de rosée à la journée : « Bonjour, frère prisonnier ! » Il est conscient de ce qu’il vit, de cette prison imposée à lui-même. Mais il la dépasse par cette adresse à son frère. Et cette adresse est un rayon de soleil pour tous : que le jour soit bon malgré notre prison. Nous sommes frères devant la vie et nous serons frères devant la mort. Puis, plus de prison.

11/12/2012

Le credo du créateur (Paul Klee, Théorie de l’art moderne, Editions Gauthier, 1968)

« L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible ».

C’est ainsi que Paul Klee pose son postulat, et il explique : « Tout devenir repose sur le mouvement. (…) L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé et se perçoit dans le mouvement (muscle des yeux) ».

En cela, il s’intéresse à la construction du tableau qui se fait dans le temps et l’espace, pièce par pièce comme il le dit. Mais le spectateur fait trop souvent le tour de l’œuvre instantanément. Et il rate l’œuvre, car le mouvement est donné préalablement à tout. « La paix sur la terre est un arrêt accidentel du mouvement de la matière. Tenir cette fixation pour une réalité première, une illusion. » 

Pour cela, le peintre moderne utilise le graphisme : « Plus pur est le travail graphique, c’est-à-dire plus d’importance est donnée aux assises formelles d’une représentation graphique, et plus s’amoindrit l’appareil propre à la représentation réaliste des apparences. »

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C’est donc tout ce travail d’abord imaginaire, puis gestuel, qui produit l’œuvre d’art. La difficulté est de le mener de bout en bout, dans l’harmonie du mouvement. Seul l’équilibre du mouvement permet l’obtention du repos. C’est ce que Paul Klee appelle la « polyphonie plastique ».

La peinture est avant tout manuelle. La pensée conçoit, mais seule la main, le corps, créent. En musique, la création s’effectue en deux temps, un temps de mise au monde, travail de composition qui se transcrit par l’écriture de la partition, et un temps de manifestation par l’interprète qui anime la musique et la fait connaître. Pour le peintre, ce travail s’effectue en une seule fois et le spectateur doit en reconstituer les étapes.

Comprendre un tableau, c’est aller au-delà de la première impression et comprendre pourquoi et comment il fut peint ainsi. Ainsi le tableau rend visible sa beauté et par là la beauté du monde, car, comme le dit encore Klee, l’art est à l’image de la création, c’est un symbole tout comme le monde terrestre est un symbole du cosmos.

10/12/2012

Sophie Taeuber-Arp, peintre

Sophie Taeuber-Arp portrait dada.jpg

Sophie Taeuber était danseuse et belle. Elle abandonna la danse pour les arts plastiques, devint professeur à l’école des Arts et Métiers de Zurich, s’exprimant en surfaces colorés, parfois à la manière de Delaunay.

 

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Sophie Taeuber-Arp Tête dada.jpg

Pendant un temps, elle s’attacha au mouvement dada où elle rencontre son mari, le peintre et sculpteur Arp : Tête dada, 1918.

 

 

Sophie Taeuber-Arp Ronds.jpg

Mais elle était en avance sur son temps, novatrice et initiatrice de nouvelles tendances, telles ces pastilles de couleurs que Damien Hirst continue de reproduire inlassablement :

 

 

Elle s’introduit dans l’art cinétique avec ces tableaux l’un « Intervalles » et l’autre « Schematic Composition » :

Sophie Taeuber-Arp cinétique.jpgSophie Taeuber-Arp Intervalles.jpg

 

 

 

 

  

 

 

Elle utilise aussi le dessin, apparemment simple, tel ces courbes très féminines et pleines de chaleur :

sophie_taeuber-arp_mouvements_de_lignes_1939.jpgsophie-taeuber-arp-painting-1940.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Elle meurt prématurément en 1943, asphyxiée par un poêle. Elle aimait les formes pures, les lignes ondoyantes, les courbes, les rectangles et entretenaient avec eux des rapports simples qui font d’elle la poétesse du géométrisme.