16/09/2012
La maladie des normes
La France est un pays extrêmement productif en ce qui concerne les normes de toutes sortes et de tous genres ; directives, lois, décrets, arrêtés, règlements, etc. A vous décourager de tenter quelque chose.
« Dans une société inquiète, voire angoissée, à la recherche du “zéro risque absolu”, la norme a vite colonisé tous les secteurs de la sphère publique », expose le sénateur Claude Belot. Mais tout ceci augmente nos dépenses de manière forcenée. En chiffres, cela donne 287 projets de textes réglementaires examinés par la CCEN (Commission consultative d’évaluation des normes) en 2011. Facture pour les collectivités : 728 millions d’euros, alors que ce chiffre n’était que de 500 millions d’euros les années passées.
Certes, il convient d’imposer des règles permettant aux citoyens de s’y retrouver dans la profusion des propositions et publicités des entrepreneurs ou de progresser sur la sécurité. Mais est-il nécessaire de tout réglementer ? Actuellement 400.000 textes réglementent les activités des maires de France. Et nul n’est censé ignorer la loi !
Dans tous les cas, le nombre de fonctionnaires dont nous disposons n’incite certainement à diminuer ce triste record. Il faut bien qu’ils se montrent actifs et entreprenants eux aussi !
07:27 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : société, politique | Imprimer
15/09/2012
Cocteau ou le poète inexpérimenté
Pour Cocteau, l’idée, dans l’écriture, compte avant tout. La manière de l’écrire vient certes ensuite, mais elle vient sans effort, d’elle-même. Comme le disait Radiguet, il s’agit d’oublier qu’on est poète et laisser le phénomène s’accomplir à son insu. Cocteau a peur de l’habitude : je me veux libre de technique, d’expériences, maladroit.
Mais comment déterminer la limite entre l’attente et le laisser-aller ? En changeant de registre dans l'exercice de ce que l'on a à dire, en passant de l'écriture au cinéma, au dessin, à la poésie, puis à la musique par exemple. La variété des créations est toujours profitable, même si elle semble faire perdre du temps. Elle aiguise la sensibilité et redonne le goût du travail, même si d’autres pensent autrement.
Cocteau écrit : Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi. Montherlant ajoutait même : Notre œuvre préexiste en nous. Le problème consiste à la découvrir.
07:58 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésieécriture, art, peinture, inspiration | Imprimer
14/09/2012
Les barricades mystérieuses, de François Couperin
1. Interprétation au clavecin :
Ecoutons d’abord la pièce jouée au clavecin. Le clavecin a une sonorité aigre très différente du piano. En réalité, le caractère du clavecin se rapproche plus de celui de l’orgue que de celui du piano. Camille Saint Saëns nous dit que la musique écrite pour le clavecin est délicate et que son charme ne résiste pas à une exécution brutale. Les nuances sont inconnues dans le monde du clavecin. Seul l’emploi des registres peut faire varier la puissance de la sonorité (si l’instrument en possède plusieurs).
Haendel, dit Camille Saint Saëns, nous montre que pour goûter la musique des siècles passés, il faut, comme lorsqu’on regarde les peintures des Primitifs, se défendre de chercher, dans les œuvres d’art d’un âge différent du nôtre, des effets et des expressions de sentiment qui ne sauraient s’y trouver, faire table rase, autant que possible, de ses habitudes journalières et se laisser aller naïvement à l’impression produite par le contact avec des formes inusitées.
Scott Ross :
http://www.youtube.com/watch?v=sf-LMHrslHw&feature=related
Belle interprétation de Scott Ross, dans l’esprit du jeu du clavecin, avec un jeu fait de légers ralentissements et accélérations. Il est dans la juste mesure, et la musique en sort raffermie.
Bruno Procopio :
http://www.youtube.com/watch?v=8O_oeMTnn84&feature=related
Quel rythme ! Y a-t-il une âme derrière cela ? Oui sans doute, mais la technique prime. C’est ennuyeux, car cela n’a pas la rondeur du précédent interprète.
Russel Piti :
http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&NR=1&v=md0nW7bL2vI
C’est plus lent, sans doute un peu trop. Où se trouve le mystère ? C’est également ennuyeux.
2. Interprétation au piano
Le piano apporte une profondeur qui n’existe pas au clavecin. La pièce prend du volume et du sentiment. Le son, la sonorité et les émotions soulevées sont vraiment différents.
Georges Cziffra :
http://www.youtube.com/watch?v=1lvBZhXEJXY&feature=ymg
Un jeu assez proche du jeu du clavecin, très classique. Un bon rythme qui permet de faire ressortir les nuances et le charme de ce morceau.
Sylviane Deferne :
http://www.youtube.com/watch?v=JeJClooBYqY&feature=related
Quelle chaude sonorité et quelle nuance ! Une leçon de musique dans la douceur et la subtilité de la féminité. Très belle interprétation dans un rythme parfois peut-être un peu lent vers la fin, mais un jeu si profond que cela s’oublie.
Alexandre Tharaud :
http://www.youtube.com/watch?v=IDavx0eyjUY&playnext=1&list=PLAFCB0C4B28BD5242&feature=results_video
Est-ce une course ? Ce n’est plus le même morceau. Une page virtuose qui n’a pas grand-chose à voir avec le sens initial et l’écriture pour clavecin. Il y a cependant des nuances et une certaine douceur qui laisse deviner une certaine sensibilité. Cela berce le mystère et reste une interprétation intéressante, mais hors norme.
3. La pièce
Empruntons au blog de Viviane Lamarlère, que nous remercions, cette bonne analyse de la pièce de Couperin :
Le titre lui-même ne laisse pas d'interroger et pourtant, il suffit de regarder la partition pour comprendre qu'entre la main droite et la main gauche se tissent des lignes verticales et horizontales qui évoquent bien figurativement une barricade.
Mystérieuse pourquoi? Tout simplement parce que la ligne mélodique va être très judicieusement répartie, dans cet inextricable treillis, entre main droite et main gauche, demandant à l'interprète de peser sur certaines notes, d'en alléger d'autres, le tout sur chacune des deux mains et en permanence à contretemps... La basse (ce que joue la main gauche) est écrite dans un registre très grave pour l'époque. Elle se répète à l'identique tout du long du morceau, constituant ce qu'on nomme un ostinato.
Cette répétition va conférer à l'œuvre une forme circulaire hypnotisante dans laquelle le refrain vient jusqu'au bout, avec ses ornements légers, contredire les couplets plus interrogatifs.
On a l'impression que c'est la main droite qui tient la mélodie, que nenni, par le jeu des registres ce sera parfois la main gauche qui fera entendre la fin d'un trait ou d'une phrase...
(http://www.vlamarlere.com/article-10825431.html , le lundi 11 juin 2007)
07:52 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique, interprétation | Imprimer
13/09/2012
Nuit
Plus rien !
Le vide,
L’absence,
Un désert inexistant,
Une coque sans fond,
Et résonne dans le crâne
La présence du trou
Mais comment le cueillir
Puisqu’il n’est rien ?
Je le sais…
Ce rien devient le tout
Lorsque vous vous oubliez
Parti le chatoiement des pensées
Partie la tendre ficelle du raisonnement
Partie encore la solide résurgence
D’une mémoire qui s’éveille
Vous reposez, ignare de votre savoir
Et vous laissez votre main
Dans la sienne, petite, accueillante
Votre sourire vaut de l’or
Mais vous ne savez pas votre richesse
Elle s’échappe en volutes colorées
Et prend son autonomie
Pressée d’en finir avec vous
Oui, perdu dans l’obscurité,
Sur vos yeux fermés au monde
Vous respirez encore, petitement
Du bout des lèvres roses
Dans le tremblement du drap
Vous êtes revenu à l’enfance
Avant même cette origine connue
Dans le calme défi des matins d’hiver
Pelotonné sous les monceaux
D’images qui surgissent, prenantes
Et vous font perdre les repères
Que donnent le jour et l’éveil
Fraicheur du souffle de la nuit
Quand l’air s’encombre de verdeur
Vous entendez le cri des nocturnes
Et Chopin entre dans votre rêverie
Un pas ou deux, une valse lente
Des hésitations d’un jour
Jusqu’à l’endormissement
La vie pourtant subsiste
La couleur des déplacements
Comme des ombres noires
Qui défilent devant le blanc
L’odeur tiède du foin
Qui sèche sur la terre mouillée
Le goût sans faim, acidulé
Du vol de la chauve-souris
Dans l’espace restreint de la chambre
Et la caresse inconsciente
Des mains unies de l’amour
Qui vous porte chaque nuit
Sur les monts de la reconstruction
07:51 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, littérature, écriture, poème | Imprimer
12/09/2012
Denis Frémond
Denis Frémond est peintre, humoriste et écrivain sans doute.
Pour sa biographie, reprenons cette interview que l’on trouve sur son site :
« Votre père était un célèbre poète espagnol, je crois.
Oh non, il était matador de taureaux dans une entreprise de consulting sur le port de Hambourg.
Très bien... Hambourg, donc, je le note. Bien. Votre mère est une véliplanchiste originaire d'une ethnie d'Asie centrale...
Paix à son âme... mais si vous voulez, je ne suis pas contrariant, vous savez. Vous avez raison de plaisanter, ces biographies sont inutiles et le plus souvent ennuyeuses, convenues. Nous sommes des gens si sérieux, nous les peintres, avec nos litanies d'expositions, de salons, de collections privées. Mais les gens souhaitent malgré tout connaître le peintre, ses origines, son cheminement, ses sources d'inspiration... Mettez : extraction bourgeoise.
Parfait. Comment êtes-vous venu à la peinture?
Par élimination... En sortant de l'Ecole Polytechnique j'ai intégré l'équipe de lads d'un haras de Basse-Normandie, mais au fond je ne savais pas où j'allais, j'ai ensuite animé pendant une saison une revue du Casino de Paris, puis dirigé pendant quatre ans une petite fabrique de tabourets, pour finalement embarquer à bord de la Jeanne-d'Arc comme clairon. »
Comme écrivain, il s’est penché sur la bande dessinée. Mais on peut dire que c’est dans la peinture qu’il s’exprime sans tricher.
Il aime peindre des extérieurs : errances de ville en station d’hélicoptère. Un seul personnage, mystérieux, indifférent aux regards que nous posons sur lui, seul face au monde familier et si peu connu.
Mais il peint également des intérieurs : grande pièce au parquet lustré, aux baies vitrées ouvrant sur la ville, avec encore ce même personnage jouant de la clarinette. Idiot, direz-vous, que cette divergence des genres. Mais tentez de faire la même chose. Vous échouerez à coup sûr. Il joue sur la lumière et l’ombre, sur les reflets qui par leur accentuation troublent la vision. Il semble ne donner à voir que la réalité, qui elle-même est trop léchée pour être réelle. Ce n’est jamais une pièce entière, mais la moitié d’un salon, d’un bistrot, laissant l’imagination construire l’autre moitié.
08:57 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture | Imprimer
11/09/2012
Complexification
Vue d’avion : paysage aux champs morcelés et un fleuve débordant, qui ouvre l’imagination.
Idéogramme chinois : le tracé du caractère est simple, mais derrière se cache la complexité, intraduisible, de la pensée.
Plaisir de l’œil et de la main qui équilibre l’intemporalité de la nervure avec la multitude d’événements qui encombre l’espace.
Oui, c’est un jeu, le jeu de l’abstrait qui ouvre à toute interprétation.
Gravure effectuée il y a longtemps, mais qui reste aussi énigmatique.
08:19 Publié dans 25. Création gravures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, art pictural, gravure, abstrait | Imprimer
10/09/2012
L'amitié exclusive
« La relation amoureuse est une relation vulnérable. Elle requiert des confirmations continuelles. Par contre, on peut passer une année dans rien savoir d’un ami et cela n’a aucune importance. L’amitié n’exige pas de confidences mais l’amour, oui. Et l’amour est un état de suspicion ; il est assez inconfortable, hein ? Assez alarmant. L’amitié, elle, est un état serein : on peut voir ou ne pas voir, on peut savoir ou ne pas savoir ce que fait l’autre. Sans doute certaines personnes sont-elles jalouses en amitié, mais moi, non. Beaucoup de gens considèrent l’amitié comme on considère l’amour, et même, désirent être l’unique amitié de l’autre personne. » (Jorge Luis Borges, Ultime dialogues, éditions Zoé / éditions de l’aube, 1988, p.120)
Qui n’a jamais connu de ces êtres qui s’attachent à vous et vous lient à leur devenir. Sans vous plus rien ne leur semble possible. Cette amitié exclusive les rassure. Leur vie leur semble tracée et certaine. Ils s’enferment dans ce cocon qui les protège de la vraie vie, faite de nouveautés, de coupures, de déceptions et d’ironie. Et pour un peu que l’on ne soit pas disponible, ils se sentent abandonnés, rejetés, voire trahis.
Comment rompre ? Ils ne comprennent pas leur emprise sur vous-même. Ils ne veulent pas savoir votre besoin de liberté et d’indépendance. Ils ne peuvent comprendre votre sentiment d’être prisonnier de cette relation.
Il ne vous reste plus qu’à rompre, sans autre forme de procès.
08:04 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : psychologie, société, amitié | Imprimer