11/11/2018
Ephistole Tecque (16)
Cela dura des heures. Peut-être ne fut-ce qu'une heure ou deux, mais déjà la nuit lui semblait plus qu'à moitié écoulée et cette absence de sommeil, cette impossibilité de trouver le sommeil, le faisait enrager, car il savait qu'au réveil, si jamais il parvenait à s'endormir, ce sommeil l'assiègerait, rendant la journée maussade, insupportable, pire encore que ces journées d'automne, brumeuses et froides. Peut-être avait-il trop chaud, peut-être même en dehors de ce lit qui était devenu une étuve, faisait-il trop chaud dans la pièce. Oui, sans doute, la vieille Irmide avait encore dû pousser le chauffage de quelques degrés, n'arrivant pas à réchauffer son vieux corps fatigué, malgré les édredons et les couvertures. Il faut que j'ouvre la fenêtre, pensa-t-il. Hais il avait beau le penser, il n'arrivait pas à bouger suffisamment ses membres, à leur donner un mouvement coordonné tendu vers la fenêtre. Non pas qu'il en fut incapable, mais quelque chose en lui s'y refusait. Il préférait la chaleur suffocante du lit à l'effort des mouvements qu'il aurait voulu s'imposer. Enfin, au bout de quelque temps, faisant taire cette partie de lui-même qui ne voulait pas, il écarta les couvertures d'un bras, s'incurvant légèrement sur lui-même pour extraire du lit la jambe gauche, puis la droite, presque en même temps, d'un même mouvement prolongé, et redressa le buste jusqu'à être assis sur le lit, puis aussitôt après à quatre pattes, marchant vers le pied du lit ou plutôt l'extrémité du côté droit. Il lui fallut encore poser les pieds par terre, sur le plancher rugueux dont le contact tiède après la chaleur des draps lui parut insupportablement froid, allonger le bras droit dans l'obscurité jusqu'à toucher un des côtés de l'armoire à glace devant laquelle il avait l'habitude de se raser le matin et enjamber le rebord du lit qui, en raison de l'exigüité de la pièce venait presque toucher l'armoire, d'autant plus qu'il avait avant de se coucher oublié de repousser le tiroir du bas dans lequel il enfermait une partie de son linge. Deux pas encore et la chaleur étouffante du radiateur dont il perçut du bout des doigts les courbes aiguës des éléments, jusqu'au dernier au-dessus duquel, logiquement, si sa mémoire était bonne, et elle l'était, car le geste était pratiquement automatique, il devait trouver le milieu de la fenêtre avec la poignée qu'il faudrait tourner de droite à gauche, en sens inverse des aiguilles d'une montre.
07:15 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
10/11/2018
Folie enfantine
L’enfant n’est qu’un adulte en formation
Ou l’adulte est-il un enfant devenu vieux ?
Nul ne le sait, ni lui ni moi
Parfois il me regarde et sourit benoîtement
Il m’arrive aussi de ne pas savoir
Où et quand je change de personnalité
D’émotion, je passe du rire aux pleurs
Indifféremment, du mal au bien
De l’impulsion à la réflexion
De l’absence à la présence
Du tout au rien, ou presque
L’enfant est là, inconnu, sans souvenirs
L’adulte n’est déjà plus présent
Il erre dans son passé sans avenir
Figé et ployé sous le harnais
Il lui arrive de se contempler
Alors il rit de ne plus savoir
Si l’endroit est bien à l’envers
Ou si la droite est en haut ou en bas
Comment délimiter ma place dans la vie
Si je ne sais quelles sont les limites
Qui me permettront de me connaître ?
À moins que ces limites soient sans fin
Ou que je sois enfermé dans le rien
Comme l’oiseau qui vole et tombe
Au moment fatidique de sa mort
Ah, je ne sais où je suis
Mais, au fond, suis-je ?
Je crois que je ne pense pas suffisamment
Et qu’à l’inverse de Descartes
Je suis sans penser, donc sans être
Plein et entier…
© Loup Francart
07:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
09/11/2018
Larme (atelier de poésie 1)
Une larme
ensanglantée
fouette l’azur
en prise au vent
hurlant sans fin
elle s’évade
désintégrée
vers l’infini
07:35 Publié dans 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pictoème, poésie, écriture, poème, peinture | Imprimer
08/11/2018
Recherche philosophique de Dieu
Ambiguïté de la recherche philosophique de Dieu : atteindre le principe premier qui est à la fois la cause, l’exemplaire et la fin de tout ce qui est. Le principe s’appelle Dieu.
Elle y parvient par une exigence d’intelligibilité. Mais elle veut alors appliquer à Dieu la méthode qui l’a conduite à lui, elle le veut aussi intelligible. C’est alors qu’elle le perd.
Dieu est l’intelligible par lequel tout le reste est intelligible. Mais lui-même n’est pas intelligible par la raison. Seul le soi, hors du moi, ouvre l’homme à la compréhension de Dieu. Mais il reste toujours un brouillard à explorer et à perdre à chaque instant.
07:25 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philo, théologie, soi, intelligible | Imprimer
07/11/2018
Ephistole Tecque (15)
Parfois cependant, pour quelques instants, quelques très courts instants, une sorte de trou vague, comme une descente vertigineuse, une baisse instantanée de tension, pendant lesquelles le déroulement rectiligne du mécanisme cervical s'incurvait sur lui-même brusquement, en spirale descendante jusqu'au sommeil. Mais avant d'en toucher la frontière et de s'y introduire, il revenait au point d'incurvation en une tangente asymptotique. Ayant alors repris une nouvelle position, soit qu’il se fût tourné vers l'autre côté du lit faisant face au mur jaune crème dont la peinture formait par endroits quelques cloques, soit qu'il se fût allongé sur le ventre, les deux jambes écartées symétriquement vers la fraicheur des bords du lit, les deux bras reposant perpendiculairement à la longueur du matelas, il cherchait à distraire ses idées. Il les forçait à s'appesantir sur un même point fixe, à tourner autour, de plus en plus proche jusqu'à s'y confondre dans le sommeil. Mais avant d'avoir pu emprisonner dans cette satellisation elliptique une idée très simple,comme la façon dont on pourrait compter des pièces de deux euros avec un double décimètre, celle-ci s'était déjà enfuie vers un autre point, puis un autre encore, inlassablement.
Parfois, à nouveau, pour quelques instants, quelques très courts instants, une sorte de trou vague, une descente vertigineuse, puis l'éclat insupportable de la conscience, comme l'émergence d'une bulle d'air à la surface de l'eau.
07:23 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
06/11/2018
Maxime
La création est le propre de l’homme :
Créé, tu deviens créateur, pour le meilleur ou le pire.
07:11 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
05/11/2018
Rapace
L’œil en recherche, les mains aux ongles crispés,
Les lèvres avides et le cœur de pierre,
Il regarda passer une femme dissipée
Qui serait consentante et s’offrirait aux serres.
Elle marchait hagarde, titubant de bonheur.
Pour la première fois, elle vivait la caresse.
Elle n’avait aucunement peur du déshonneur,
Seul importait le don de soi sans maladresse.
Et la rencontre fut telle qu’imaginée.
Que dire de ces instants perçut le cœur battant.
Consentante, elle les vécut en combattant.
Elle vit l’homme rapace à terre, inanimé.
Qu’avait-elle fait, la glorieuse, en un seul geste,
Les doigts recourbés dans le regard céleste ?
© Loup Francart
10:50 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer