02/07/2017
L'homme sans ombre (2)
Elles font encore quelques pas, puis Lauranne s’arrête et lui dit doucement :
– je ne comprends pas. Mathis, ton fiancé… Je suppose que tu l’a vu. Il s’est détaché.
Noémie rougit légèrement, puis reconnut :
– Oui, je n’osais te le lire. Mais j’ai remarqué. D’où cela vient-il ?
– Je t’avoue que comme toi, je n’en ai aucune idée. Est-ce vrai d’abord ? On peut être victime d’une illusion commune.
– J’aurai tendance à remarquer que c’est normalement l’inverse. Une personne peut être victime de méprise sur une situation, mais plusieurs, c’est plus difficile.
– Oui, tu as raison, reconnu Lauranne. Alors ? Si ce n’est une illusion, est-ce forcément vrai ?
– Tu me fais peur. Il y a sûrement une explication simple à laquelle nous n’avons pas pensé. Au fait, que vois-tu toi ? Nous ne voyons pas forcément les mêmes choses.
– C’est exact. Nous aurions dû commencer par-là !
Les deux jeunes femmes, sans s’en rendre compte parlent maintenant à voix haute. Noémie fait un signe de la main à Lauranne qui, aussitôt, se remet à parler à voix basse. Heureusement, les deux garçons n’ont aucune conscience de ce qui se passe.
– Moi, j’ai remarqué une chose étonnante, Mathis, ton fiancé, ne repose pas sur le sol. Je vois nettement un centimètre entre la terre et ses semelles.
– Mon Dieu, mais c’est vrai ! constate Noémie. Je ne l’avais pas remarqué, car moi je vois autre chose. Regarde-les tous les deux. N’y a-t-il pas une différence entre les deux ?
– Ben, non. Ils sont comme d’habitude, l’un blonde plutôt grand, c’est Patrick. L’autre, châtain, au nez plus long, qui sourit tout le temps, c’est Mathis. Ils n’ont pas changé.
– Mais, dans le soleil, tu ne saisis pas ?
– Ah, oui, comme c’est étrange. Effectivement, Mathis n’a pas d’ombre. C’est étonnant. Mais, pourquoi ?
– Je ne me l’explique pas non plus. Mais j’en suis éberluée !
A ce moment, Patrick se tourne vers sa femme.
– Dis chérie, tu te souviens de notre séjour à la Barbade. Il faisait un temps comme aujourd’hui. J’en parlais avec Mathis qui ne connaît pas cette région du monde. Ce serait bien si nous y allions un jour tous les quatre. Par exemple, aux prochaines vacances ?
Lauranne est surprise par cette proposition. Elle est à mille lieux de penser aux vacances et, de surcroît, à cette île perdue dans la mer des Caraïbes. Elle doit faire un effort pour répondre d’une voix normale :
– Pourquoi pas ? Cela nous ferait une bonne détente. Mais après leur mariage et s’ils ne choisissent pas la Barbade comme destination de leur voyage de noces.
Les hommes et les femmes reprennent chacun leur conversation, comme si l’affaire était réglée. Mais le constat de cette double anomalie chez Mathis n’est pas sans poser des questions. Comme beaucoup de personnes élevées de manière moderne, sans fondement religieux, elles n’a aucune interrogation d’ordre spirituel. Elles recherchent quelle est la cause de ces deux faits sans en faire un problème philosophique. Puis le soir commence à tomber et les phénomènes s’arrêtent progressivement. L’ombre de Patrick s’atténue, puis disparaît, de même que le centimètre manquant entre les chaussures et le col où se meut Mathis. Ils rentrent en bavardant de choses et d’autres, les hommes totalement inconscients de ce que les femmes ont constaté.
Tout au long de cette soirée, Noémie n’ose pas parler à Mathis de ce qu’elles ont vu. Cela l’inquiète. Elle ne sait comment il réagira, s’il va se moquer d’elle, s’il ne la croît pas, s’il ne va se précipiter chez le médecin. Alors elle ne dit rien, s’interrogeant en silence devant ce mystère.
07:08 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, fiction | Imprimer
01/07/2017
L'ennui
L’ennui, cette maladie incurable de notre temps.
Sans doute tient-il à un défaut d’adaptation de l’âme au monde matériel.
L’homme ressent souvent cette blessure ouverte sur l’immortalité.
07:12 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
30/06/2017
L'allégement
Le poète n’en a pas plein la tête…
Au contraire, il est voué à l’allégement…
Faire le vide, c’est s’enrichir
Se dépouiller de ses artifices
C’est revêtir la toge du sage…
Alors, il partit le nez au vent
Rien ne pouvait le retenir
Ni l’or des balcons fermés
Ni le vernis des joutes de salon
Nu même la tiédeur des amours…
Il partit et s’en fut
Vert de peur et rouge de fureur
Jaune des échecs successifs
Bleu des oppressions d’antan…
Peu à peu il perdit toute couleur
Et acquit la transparence du pauvre
Le soleil le traversait sans peine
Aucune ombre ne s’attachait à lui
Il n’était plus miroir, non !
Il devenait vitre sans tache
Eau translucide roulant
Sur la roche des souvenirs
Poussant parfois un caillou
Jusqu’à ce qu’il résonne
Dans la clairière dénudée
De l’absence d’amour propre…
Chaque jour il marchait son soul
Usant ses chaussures sur l’asphalte
Avançant toujours plus loin
Jusqu’à cet abîme révolté
Qui s’ouvre dans la faille du temps…
Là, au bord de l’absence
Le souffle coupé par l’inspiration
Il hurlait à l’absolu son rejet
Jusqu’à ce que, sans voix
Il se mette à genoux
Et pleure l’assèchement aigre
De son personnage inexistant…
Il pouvait alors repartir
Secouant sa crinière rousse
Et heurtant les arbres effeuillés
Il avait vomi l’emprise du monde
Sur son être affaibli et douteux…
Plus rien ne lui dira sans cesse
"Edifie ton destin de roi
Et tourne ton regard vers l’avenir…"
Non, il privilégie le présent
L’herbe bleue des mers sans fin
Le chant des matins acidulés
Le goût chocolaté des soirs d’été
La rondeur des amours d’un jour
La splendeur de la fidélité
Le caprice ailé de la déraison
La baignade des commémorations
Et le plein éblouissement
De la révélation…
Puissions-nous, nous aussi
Conquérir cette étrange foi
Envers l’imaginaire débridé
En courant vers l’abîme
Qui engloutit le personnage
Et donne naissance à l’être
Celui qui est, qui était et qui vient
Dans toute la brillance
De sa chair nacré d’ignorance…
© Loup Francart
07:05 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
29/06/2017
"Je suis celui qui suis"
Dieu ne se nomme pas lui-même. Il n’est que celui qui est. Il est le seul qui sache qui il est.
L’homme se cherche en permanence sans jamais se trouver. Il se cherche à l’extérieur de lui-même, sans cesse aux aguets. Puis il se cherche en lui. Mais qui cherche qui ? Débarrassé de son moi, il continue de se chercher. Dieu devient Toi et non plus Il. L’autre est peut-être la réponse à cette interrogation. Mais cet autre n’est pas moi, juste un double de moi-même qui ne sait qui il est. Dans un troisième temps, je parle à Dieu et l’écho résonne dans la caverne de l’univers, puis, au-delà, du vide. Ce vide est-il le néant ou autre chose, Dieu peut-être ?
Ainsi, je suis homme et je suis par celui qui « suis ». En fouillant au fond du moi, l’homme trouve le soi. Mais s’il cherche à nouveau au-delà, il découvre que le soi n’est que le suis de celui qui est. Je ne sais qui je suis, mais je sais que je suis semblable à celui qui est, de toute éternité.
Dieu n’a pas de nom ou, plutôt, il a tous les noms. Dépouillé de moi-même, je n’ai plus de nom et je deviens tous les noms, sauf le seul qui est « Je suis ». Et je ne peux dire je suis parce qu’il est en moi, au plus profond de moi-même. Je ne suis plus parce qu’il est moi. Alors lui seul peut dire « Je Suis ».
Parce qu’il dit « Je Suis », le vide devient plein, le néant devient le tout, l’obscurité devient lumière. Il n’y a plus ni extérieur ni intérieur, il y a « Je Suis » qui est Lui, Toi et Moi, c’est-à-dire Soi.
Voilà pourquoi Dieu ne peut être la propriété des croyants d’une religion, quelle qu’elle soit. Dieu m’est si intérieur et je suis si unique, si singulier, que je ne peux dialoguer avec lui qu’en bannissant le moi. Alors, je suis parce que Je Suis est en moi.
07:19 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : existence, être, essence, divin, origine | Imprimer
28/06/2017
L'homme sans ombre (1)
Voici un nouveau récit insolite. Un homme est devenu transparent. Il laisse passer les rayons du soleil et n'a plus d'ombre. Il ne marche plus sur terre, mais sur un coussin d'air. Il lévite. Qu'est-il ?
Noémie, la fiancée de Mathis, n’en croit pas ses yeux. Ils sont quatre dans le soleil couchant, et pourtant elle ne voit que trois ombres. Avant de dire quelque chose, elle vérifie son impression. Oui, il n’y a bien que trois ombres. A qui appartiennent-elles ? Celle-ci, allongée et filiforme est à Lauranne, la femme de Patrick. Elle se gratte la tête et son ombre l’imite. Celle-ci… Eh bien, mais c’est la mienne ! Je soulève mon bras et elle fait de même. La dernière est obligatoirement celle de Patrick. Il porte un chapeau aux larges bords qui, sur son ombre, prend les dimensions d’un parapluie. Et Mathis, il est bien là, à côté de moi. Mais où est passée son ombre ?
Noémie s’écarte de lui et prend du champ. Rien n’y fait. Son ombre n’est pas cachée derrière la sienne. Il n’en a pas. Pourquoi ? Elle n’a encore jamais vu cela. L’ombre est l’indispensable appareil qui vous accompagne toute la vie. Certes, elle n’est pas toujours visible. Mais là, en plein soleil, elle est obligatoirement présente. Eh bien, non. Bon, tout d’abord, ne l’alarmons pas immédiatement. Faisons comme si de rien n’était.
Noémie entame une conversation avec Lauranne pendant que les deux hommes devisent ensemble. De temps à autre, elle jette un coup d’œil vers le Nord-Est pour vérifier qu’elle ne s’est pas trompée. Non, il n’y a toujours que trois ombres alors qu’ils sont quatre. Lauranne voit bien qu’elle est distraite. Elle ne comprend pas pourquoi. Elle pense que Noémie est fatiguée, peut-être en raison du soleil qui tape assez fort à cette heure de la journée. Elle suit des yeux le regard de son amie et le voit concentré sur Mathis. Pourquoi le regarde-t-elle ainsi ? Sans y prendre garde, elle s’aperçoit soudain que celui-ci n’a pas les pieds au sol. Un léger jour se fait entre ses chaussures et la terre. Dieu du ciel, est-ce possible ? Elle s’essuie les yeux, les ouvre à nouveau : toujours cette légère couche d’air entre son corps et le sol. Pourtant Mathis ne semble nullement dérangé par cette position. Il bavarde avec son meilleur ami sans aucune gêne, ils plaisantent entre eux et, même, Patrick lui donne une grande bourrade qui ne le fait pas tomber pour autant. Lauranne ne sait que penser. D’ailleurs, elle ne pense pas ! Un fait aussi surprenant ne peut que vous dérouter. Imaginez-vous en lévitation pendant que vous parlez de choses et d’autres avec un ami. Vous ne le pouvez. Oui, c’est extraordinaire. Alors ?
Brusquement, Noémie se penche vers Lauranne et lui demande :
– Qui a-t-il ? Tu ne me réponds même plus quand je te parle ?
– Je suis simplement distraite, lui rétorque Lauranne qui ne sait quoi lui répondre. Elle n’allait pas, sans y avoir réfléchi, lui dire quelles sont les raisons de sa distraction.
– Cela ne t’arrive jamais ? Ajoute-t-elle.
– Je ne sais pas, répondit Noémie.
– Oui, cela dépend des circonstances et je comprends qu’en ce moment tu t’interroges. Car toi aussi, tu me sembles distraite et pas dans notre conversation. Qu’y a-t-il qui te distrait également ?
Noémie n’ose pas non plus répondre franchement à la question de Lauranne. Elle non plus ne comprend pas ce qu’il se passe, mais étant de plus la fiancée de Mathis, elle se sent encore plus gênée. Elle n’arrive pas à y croire. Son fiancé, sans ombre et se défiant de la pesanteur ! Ce n’est tout simplement pas possible.
04:04 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, fiction | Imprimer
27/06/2017
Centre
Lumière, centre
de ton être intérieur,
d'où jaillit le Soi !
07:23 Publié dans 31. Pictoème | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, op'art, cinétisme | Imprimer
26/06/2017
La fièvre du jazz
https://www.youtube.com/watch?v=jZsx1lKLKh4
C'est du piano de rue ou de supermarché. Mais c'est bien autre chose encore: une fièvre, un délire enchanteur qui broie le coeur, fait danser la gigue, endort la conscience et vous fait sortir du corps. Un merveilleux jeu, un rythme fabuleux, on s'élève et on s'éclate !
Et pourtant, l'insolite de cette manifestation ne sembla pas ravir les passants. Peu s'arrêtent, alors qu'en d'autres lieux ils sont prêts à payer pour écouter de célèbres pianistes. Comme quoi, il est difficile de sortir des habitudes et d'être prêt à se laisser enchanter.
Allez, un autre round:
https://www.youtube.com/watch?v=9MQc9MTafU4
07:20 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : piano, pianiste, jazz, ragtime, boogie woogie | Imprimer