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25/01/2015

Secret

C’est un secret bien caché qui dévoile sa finitude en petits morceaux, la camouflant derrière une grille qui se confond avec sa forme. Ainsi s’assemblent les contraires pour devenir un tout qui finit par plaire à l’œil malgré son manque de caractère.

 

24/01/2015

Le principe de liberté

Tout excès dans quelque domaine que ce soit entraîne le déchaînement des passions. Le principe de liberté est un principe fondamental dans nos sociétés occidentales. Mais le principe de liberté poussé à l’extrême devient intolérant face aux principes qui règlent les convictions intimes et personnelles des personnes. De même, à l’inverse, les principes religieux fondamentaux ne peuvent aller au-delà de la liberté de penser des individus. C’est donc un équilibre fragile qu’il convient d’assurer, ni trop, ni trop peu, ni trop de liberté, ni trop peu, ni une foi intolérante en un Dieu quel qu’il soit. Ce juste milieu de chaque principe est réglé par le politique ou, mieux, par la sagesse du politique. Lorsque celui-ci est lui-même en prise avec une vision voulant faire respecter à outrance des principes particuliers à tendance générale, il devient facteur de risque.

Le principe de liberté n’a qu’un seul but : permettre aux personnes de se réaliser pleinement physiquement, psychologiquement, intellectuellement et moralement, c’est-à-dire d’atteindre un état d’être qui dépasse le moi individuel intéressé et revendicatif. La liberté est la liberté d’un développement individuel de chacun qui fait avancer l’humanité en général.

Aussi, dès l’instant où la liberté devient le droit d’outrager ceux qui ne pensent pas comme nous, il y a conflit. Et ce conflit est d’autant plus violent que, sous prétexte de l’inviolabilité de la liberté, on attaque en justice ceux qui osent exprimer que la liberté ne peut être le principe premier d’une société qui dans le même temps prône des principes de vie en commun. La liberté ne peut être le droit de tout dire, de tout écrire, en bafouant les autres principes fondamentaux, dont la liberté d’opinion.


23/01/2015

Timbuktu, un film d’Abderrahmane Sissako

C’est un film africain où tout se passe au ralenti. Le temps prend son temps, malgré les téléphones portables dont chacun est doté. Le réseau est fluctuant. Il couvre à certain moment et n’apporte aucune mauvaise ou bonne nouvelle à d’autres. C’est l’image d’une Afrique immémoriale qui n’a pas la même densité d’appréhension des événements. Mektoub…

Des paysages magnifiques, du sable dans lequel les pas s’enfoncent et se perdent, une vie familiale discrète, pleine de sérénité, qui, un jour, échappe à ceux qui la vivent. Le meurtre du pêcheur conduit cette famille à sa perte dans un enchaînement inéluctable où les djihadistes jouent leur rôle de censeurs moraux. Ils sont violents, mais ce sont en même temps des hommes indécis, des enfants sérieux qui obéissent à des règles qu’ils ne comprennent pas.

Le film est une succession de petites histoires dont le seul rapport entre elles est cette présence inquiétante des hommes portant une kalachnikov. Ainsi la poissonnière qui tend ses mains à la machette, ainsi la partie de foot sans ballon devant les djihadistes qui tournent en rond sur leur motos, ainsi encore le petit groupe de villageois qui chante le soir pour se distraire. Chaque conte a sa propre logique et met en évidence cette lutte entre la peur sourde que finissent par s’avouer Kidane et sa belle femme et l’indolence africaine faite d’acceptation devant la fatalité. Peu à peu on comprend où le réalisateur veut nous conduire : la fin d’une existence réglée par le soleil et la temporisation, remplacée par l’illogisme d’une idéologie religieuse qui enserre le quotidien sans cependant arriver à détruire les traditions et le bon sens des populations.

Certes, il y a des longueurs, des moments d’impatience, des instants de révolte de la part du spectateur. Mais nous n’avons pas la même appréhension de l’écoulement du temps. L’Afrique a sa logique que l’Europe ne peut comprendre.

22/01/2015

Echo

Enfants, nous nous plaisions à crier…

Le bruit c’est la vie, puissante

Nous aimions cet étrange son
Qui s’étirait comme un chewing-gum
Et n’en finissait pas de mourir
Telle la queue d’un crocodile qui diminue
Et qui s’agite jusqu’au bout en soubresaut
De sons diffus, de plus en plus rares
Mais qui s’embellissent au fil du temps

Le premier son est oublié
Le dernier mis en valeur
Il peut être puissant comme le A
Il peut être ténu comme le E
Ou gratter l’oreille de sa pointe
Ou étouffer comme un plat de gruau
Il peut s’onduler comme le U

L’oreille suit cette course
Mais elle finit par perdre la trace
De ce ricochet entre les immeubles
De l’entendement et du bon sens
Ne reste que le silence, unique
La nuit après l’aveuglement du jour
Un instant de repos mérité
Comme un bain dans la chaleur de l’été

Les enfants aiment répéter à satiété
Alors repart un son inusité
Pour apprendre l’art de la répétition
C’est une sorte de poésie profane
Qui court le long de l’échine
Et se déracine dans l’espace
Jusqu’à mourir d’atonie

Vous vous sentez lessivé
Ce tremblement compulsif
Vous donne le vertige...
Marcher sur un fil à mille pieds
N’est pas un exercice commun

Parfois l’envie de plonger vous prend
Mais vous vous retenez sagement
Et avancez sur la pointe des pieds
Sans jamais, oh non, les mouiller
Le son meurt comme la vague
Au bord de la consistance
De ces grains de sable qui ornent
La côte de l’imagination délirante
Et qui boivent le hurlement
De la masse d’eau s’effondrant

Vous reprenez souffle et espoir
Mais rien ne vous empêche
De crier à nouveau votre désespoir
Aux anges et aux lutins ailés
Qui s’enchantent de ces débordements
Et s’enivrent de votre folie

Toujours crions encore
Ce qui passe par la tête
Et finit dans le ciel étoilé
Qui nous renvoie sa joie
De nous entendre hurler

© Loup Francart

21/01/2015

Un nouveau mardi littéraire de Jean-Lou Guérin

C’est toujours une surprise cette entrée dans la salle du haut, aux escaliers raides, environnée du brouillard de paroles qui descendent jusqu’au rez-de-chaussée. Saluer le maître de maison, Jean-Lou Guérin, un sphinx assis à l’entrée, blasé sans doute, mais présent et heureux de cet engouement pour sa création. Oui, ces mardis sont intéressants parce que très divers, peuplés de passionnés sincères, vieux et jeunes réunis dans la manducation insolite de mots qui s’égrainent et s’envolent pour le plus grand plaisir de tous.

Aujourd’hui, une poétesse, Linda Bastide (voir son site : XX), est présentée par le professeur Giovanni Dotoli, professeur de langues et de littérature française à l’université de Bari en Italie. Sa faconde efface quelque peu la poétesse, mais son attendrissement envers elle fait qu’il est pardonné. On ne peut penser qu’il est professeur, malgré la rigueur de sa tenue. Son propos n’est ni cadré, ni logique. Il parle de la Méditerranée où l’Europe a les pieds et la tête en Scandinavie et qui se résume en deux mots : l’eau (de la mer et des sources souterraines) et la pierre. Il devise sur le 7ème art qui englobe tous les arts, des films d’Abel Gance, dont « La roue » (il faut que je regarde si Internet ne nous le cache pas dans les plis de sa mémoire fabuleuse). Il devise sur la poésie bien sûr. La poésie doit foudroyante et fulgurante (quel programme !). Il met en évidence l’arrière-pays invisible qui se cache derrière le pays et que seuls les poètes contemplent au-delà de la pensée rationnelle et la font partager aux autres : le poète remonte à l’origine parce qu’il a besoin de pureté. L’histoire, elle, est impure. La poésie est éternelle parce que non liée au temps. Il nous fait part, d’une voix gourmande, d’un conte chinois : un empereur donne six mois à deux équipes de peintres pour faire le plus beau tableau. Il installe les deux équipes dans deux pièces côte à côte. Une équipe travaille sans cesse au cours de ces six mois, perfectionnant nuit et jour son œuvre. L’autre équipe ne peint pas. Elle ponce le mur et lui donne l’aspect d’un miroir. Le jour arrive du jugement de l’empereur. Il fait abattre la cloison existant entre les deux pièces. Le seul tableau apparaît deux fois. Le plus beau est le reflet de la seule œuvre existante. Son brillant séduit l’empereur. L’image reflétée est plus belle que la vraie image, c’est l’image de la poésie de la vie. Il ajoute qu’à Venise on ne commande pas en disant donnez-moi un verre de vin, mais en demandant une ombre de vin.

La pauvre poétesse sourit, assiste impuissante à cette faconde, mais malgré tout heureuse de n’avoir pas à s’exprimer elle-même. Elle lit d’une voix faible et fragile trois « poèmes verticaux » (c’est ainsi qu’elle les appelle). Elle a cependant le sens de la communication ou au moins celui de la publicité. Son amie ne cesse de nous présenter des photos de journaux datant des années 60-70 où elle fut mannequin, actrice et bien d’autres choses encore. Elle écrit plusieurs romans, de nombreux poèmes et elle est bonne aquarelliste. Une personne intéressante qui déclame ses poèmes lentement, délicatement, susurrant les mots comme un bonbon.

Voici un exemple de sa peinture :

20/01/2015

Haïku nécrologique

Radieuse
L’amour collé à la peau
Elle fut

Le haïku est une forme japonaise de poésie permettant de noter les émotions, le moment qui passe et qui émerveille ou qui étonne.
C'est une forme très concise, dix-sept syllabes en trois vers (5-7-5), mais aussi 3-5-3 ou encore 3-7-3
C'est une forme très active, très vivante, vraisemblablement la plus utilisée au monde. Il y a des concours de haïku (haiku taikai) portant sur un thème donné, organisés au niveau mondial par de grandes entreprises japonaises ou par des institutions. On n'y gagne généralement qu'à voir son haiku publié. Il n'est pas rare d'y voir plus de 10.000 participants (30.000 pour un concours de Japan Air Lines, 22.000 pour le concours annuel du journal Mainichi). Ce sont des fêtes éclatantes.

À titre d'exemple, voici l'un des plus célèbres haïkus japonais, écrit par le premier des quatre maîtres classiques, Bashō :

Une longue rivière
Il saute dedans,
et il meurt.

Cette forme obéit à des règles très strictes de composition (fond et forme), Il faut choisir un maximum de règles en fonction des circonstances, mais la règle principale est de ne pas casser les images. Dans la pratique, chacun se fait son style qui est plus ou moins proche du haiku classique:

Ecrire pour être lu en une seule respiration.
Utiliser un mot de saison (kigo) ou une référence saisonnière (un ancrage dans le monde)
Toujours écrire au présent, ici et maintenant. On peut écrire aussi au passé ou au futur, ce qui important c'est de présenter une image vivante. On y arrive mieux en écrivant au présent.
Limiter au maximum l'usage des pronoms personnel
Utiliser une syntaxe simple.
Etudier l'ordre de présentation des images. D'abord le grand-angle, puis le moyen, enfin terminer par le zoom.
Réserver l'effet pour la fin.
Rendre les premières lignes attractives et éveillant l'attention.
Seulement écrire sur des choses ordinaires de manière ordinaire dans une langue ordinaire.
Respecter l'attitude du bouddhiste, observer les choses bien avant de les critiquer,  laisser le haïku exprimer des images sans besoin de commentaire.
Laisser un écho philosophique en arrière-plan du haïku.
Utiliser le paradoxe.
Utiliser des jeux de mots.
Décrire l'impossible de manière ordinaire.
Ecrire des images transcendantes (ni guerre, ni sexe offensant, ni crime).
Eviter la ponctuation pour créer l'ambiguïté
Mettre en majuscule le premier mot de chaque ligne.
Eviter les rimes ou rimer la première et dernière ligne.
Utiliser des sons reliés à l'image.
Le haiku doit être considéré comme une poésie et non une carte de vœux en vers.
Ecrire tous les haïku conçus, même les mauvais, qui peuvent en inspirer de meilleurs.

Mais il est bien difficile de respecter toutes les règles en même temps, sinon impossible. C’est pourquoi chacun doit se donner ses propres règles, mais ne plus les changer par la suite.

L’automne
Feuille volante
S’est enfui

C’est pauvre. Ce n’est finalement pas simple de construire un haïku !

19/01/2015

Le gymel

https://www.youtube.com/watch?v=6zciDnkMjfE


 

Le gymel est d’origine scandinave (XIIe – XIIIe). C’est un faux bourdon strictement parallèle. L’origine du nom de ce procédé vient du latin gemellus « jumeau ». Cette forme de chant constitue le début de la musique polyphonique. Le début du chant est strictement parallèle, à la tierce, puis il s’infléchit pour partir de l’unisson et y revenir.

Un bon exemple du gymel est l’hymne à Saint Magnus, datant du XIIIe siècle. En voici le début dans le manuscrit du XIIIème siècle conservé à l’université d’Uppsala :

En voici une transcription en notation moderne :

I. Nobilis, humilis, Magne martyr stabilis,
Habilis, utilis, comes venerabilis
Et tutor laudibilis tuos subditos
Serva carnis fragilis, mole positos.

I. Magnus, noble et hymble martyr puissant,
Valeureux, seriable, vénérable compagnon
Et guide digne de louanges, protège tes sujets
Devant le danger où ils sont, par la faiblesse de la chair.

II. Præditus, cœlitus, dono Sancti Spiritus
Vivere, temere, summa caves opere
Carnis motus premere, studes penitus
Ut carnis in carcere, regnet spiritus.

II. Pourvu du don du Saint-Esprit, tu as pris soin
Dans toutes tes actions de vivre sans souci du lendemain
Et de réprimer les pulsions de la chair.
Tu t’es profondément appliqué
Pour que, une fois obtenue la maîtrise de la chair, l’esprit règne.

III. Gravia, tedia, ferens pro justicia,
Raperis, terreris, donec ictu funeris
Abymis extolleris ad cœlestia
Sic Christo conjungeris per supplicia.

III. De graves dommages tu as subi par amour de la justice,
On t’a persécuté jusqu’à ce qu’un funeste coup
T’emporte des abîmes pour te porter en haut des cieux
Où par ton supplice, tu as pu t’unir au Christ.

IV. Pura gloria, signorum frequencia
Canitur, agitur, Christus benedicitur,
Et tibi laus redditur in Ecclesia
O quam felix cernitur hinc Orchadia.

IV. Ta pure gloire ainsi que tes nombreux miracles
Est chantée. Tu es béni par le Christ
Et nous proclamons ta louange dans toute l’Eglise
Depuis ces Orcades, îles bienheureuses.

V. Gentibus laudibus, tuis insistentibus
Gratiam, veniam & æternam gemmam,
Precuum preinstantiam propter optine
Hanc salvans familiam a discrimine.

V. Que le peuple qui chante sans cesse tes louanges
Obtienne grâce, pardon et biens éternels.
De grâce, écoute nos incessantes prières
Et préserve notre famille de la chute par le péché.

 

L’intervalle de tierce était considéré comme un intervalle dissonant à cette époque sur le continent européen, probablement parce que la musique européenne de l’époque était fondée sur les considérations pythagoriciennes des intervalles. La gamme de Pythagore donne des quintes justes pures, mais les tierces ne sonnent pas très bien dans ce système. Ce chant de Vikings devait paraître très étrange aux oreilles étrangères, qui réprouvaient l’usage de la tierce. (from : http://www.schola-sainte-cecile.com/2011/07/24/nobilis-hu...)