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18/01/2015

Frontière

Il y a de nombreuses frontières
Ces fils de soie qui démarquent l’existence
Entre deux êtres, entre deux pensées

Mais la première frontière
Est celle qui vous coupe en deux
Celle du dehors et du dedans

Elle est ténue comme une bulle de savon
Vous soufflez dessus, elle disparaît
Où est-elle ? Noyée dans l’espace
Disparue du temps, sans consistance

Suis-je celui que tu vois
Ou celui qui me ressent ?
Suis-je cette maladive tendresse
Qui court sous des dehors chatoyant
Ou encore cet oblong animal
Dont toutes les cellules se touchent ?

Quand l’extérieur devient l’intérieur
Et inversement, en un court instant
Où tout chavire dans la tête et le cœur
Alors l’immortalité vous prend
Et vous berce de ses attraits

Tu es et tu n’es pas
La frontière s’en est allée
L’omelette est faite
Le jaune et le blanc se sont mariés
Et cela crée un immense lac
Où le regard se perd en louchant

Oui, j’ai ma consistance entière
Frappez à la porte de l’être
Il vous dévoilera ses secrets
Le gong de ses battements de cœur
L’odeur délicieuse de ses rêves
La sortie de route de ses pensées
Le grattement de ses insuffisances
Le chatouillement de ses humeurs

Le dehors vous importune-t-il ?
Tournez-vous vers le dedans
Plongez dans votre piscine personnelle
Faites glisser l’archet sur la souffrance
Pour en tire des sons de miséricorde
Puis,

dans la solitude de votre être
Contemplez ce ruissellement sauvage
Qui coule dans vos veines
Et vous enivre d’un alcool pétillant

Je n’ai plus de frontière. Je suis
Unique et mal foutu, être vivant
Et bien vivant, devant une vie d’extase
Où le soleil tourne sur lui-même

Le jour où il s’arrête ne viendra jamais
Je serai mort avant
Envolé dans la chaleur de l’absence
Du moi devenu toi ou nous

Quelle misère… Plus de frontière !

© Loup Francart

17/01/2015

Proposer et être libre

L'ultime liberté est de rester inconnu. Alors plus rien ne nous rattache à ce monde. On est libre d'aller où l'on veut, quand l'on veut. Le monde s'ouvre devant nous et nous l'explorons sans idées préconçues. 

Cela suppose que nous ne cherchions pas à influencer les autres et que nous refusions de nous laisser influencer. Refuser la tyrannie du bavardage, de l'expression des sentiments. Refuser de nous laisser envahir par les encombrantes pensées des autres et de nous-même. Refuser même de vouloir pour l'autre et se donner pour maxime le respect de la liberté de l'autre. Mais inversement toujours tenter de lui montrer où se trouve la véritable liberté.

Ne jamais imposer, toujours proposer.

Le reste, son adhésion, appartient à sa liberté.

16/01/2015

L’attrait des mots

Il est curieux de constater combien les mots emprisonnent dans une vision unique. Est-ce dû aux politiques ou aux communicateurs ? Les deux probablement.

Ainsi le mot république. Depuis deux ans ce mot sert au ralliement de la nation dès qu’une difficulté survient. Depuis huit jours, on l’entend en rafales : les citoyens sont républicains, les républicains doivent être vigilants, la conscience républicaine est au cœur des sentiments des Français, l’école de la république, la laïcité républicaine, etc. Bref, la France n’existe pas hors de la république, mot de ralliement, indispensable au politiquement correct. Comptez le nombre de fois où ce mot, peu usité il y a encore quelques années, est prononcé au cours d’un journal télévisé. Tous l’emploient pour justifier et argumenter leurs points de vue si différents. Il suffit d’un mot pour créer l’unité. Est-ce si vrai ?

De même le mot communauté. Ce mot que nos hommes politiques condamnent en sous-entendant que les citoyens n’ont qu’une vision commune, celle de la république qui s’oppose à tout communautarisme, est sans cesse employé par les mêmes pour fustiger les communautés islamiques, juives, arabes, noires ou de toute autre couleur ou religion. Est-ce logique ?

Enfin le mot liberté d’expression ne doit-il être compris qu’à sens unique ? Pourquoi l’humour pourrait s’attaquer au plus profond des croyances de chacun alors que d’autres sont arrêtés pour un mot qui déplaît. Comment comprendre cet ostracisme !

L’emploi de mots chargés de sens est-il utile pour exprimer des émotions fortes et cette expression doit-elle être récupérée par les mots ?

15/01/2015

Phare

Un phare dans la nuit, un pou dans la soupe
Sa laideur envahie, son charme découpe
Aveuglée et perdue, elle cligne des yeux
Ce phare tant attendu, devient belliqueux
Agressée dans la vue, elle dévoile son cœur
Qui cogne éperdu pour celui de sa sœur
Et le phare aveuglant, dissimule son dédain
En se battant les flancs, dans le noir anodin

13-03-16 Carcercles 60x60cm.jpg

14/01/2015

Circuit

Il se leva, déjà dressé sur sa couche
Il ne se retourna pas, sûr de lui
Elle restait seule dans ce lit
Dormant comme une souche

En route ! Il sortit dans la nuit
Le regard éveillé, tendu
Il distinguait le circuit
Cet anneau aux cercles défendus

Il enfila ses gants de cuir
Fit quelques mouvements subtils
Était-ce suffisant pour conduire ?
Rien ne lui sembla hostile

Il enfourcha la machine
S’équilibra sur la selle
Naturellement courbant l’échine
Pour l’épousaille charnel

Sous ses doigts, le bouton
Petit, rond, attirant le regard
Il pressa l’éclat du laiton
L’orage retentit, braillard

Seul le casque manquait à l’appel
Il choisit le rouge couleur sang
Qui était froid comme un scalpel
Puis, passa la vitesse sereinement

Le premier tour fut raisonnable
Il écoutait le chant clair du moteur
Ce son aimé parce qu’indéfinissable
Enfin, il activa le propulseur

Alors, collé à son engin
Le cœur soulevé, ouvert
Il prit son destin en main
Et partit vers l’univers

Courbé sur le réservoir
L’œil sans une larme
Il se laissa aller sans pouvoir
Interrompre le vacarme

Première courbe enjôleuse
Redresse la bête, la bê…ête
Celle-ci poursuivit, audacieuse
Elle semblait pourtant honnête

Il ne put redresser
Il resta de marbre
Mal embossé
Droit dans l’arbre

Eclatement
Explosion
Exactement
La dérision

Elle dormait toujours
Sans savoir son malheur
Elle rêvait d’amour
En attente de douleur

Dans ses yeux rieurs
La pluie lava la peine
Pas besoin de fossoyeur
Elle fut… La reine, sereine…

 © Loup Francart

13/01/2015

Mystère des nuits

Il entrouvrit la porte de la chambre en essayant de ne pas faire grincer les gonds  qui, depuis quelques temps, se relâchaient. Ne pas oublier d’y mettre un peu d’huile demain matin, se dit-il. Mais cela fait plus de huit jours qu’il se fait cette remarque sans réagir. Brrr… Qu’il fait froid. Il referma lentement la porte. Il frôla la table de nuit, légèrement, en raison des livres qui se tenaient en équilibre instable, sentit son pied contre le sommier. Il se pencha, posa les mains sur la couette légèrement entrouverte et se glissa avec précaution entre celle-ci et le drap,  dans cet espace frais, presque froid, ce trou de noir glacial dans lequel il revenait après un éveil de deux heures passé dans son bureau devant son ordinateur. Il remonta vers son menton la couette, cherchant un peu de chaleur dans cet enroulement des tissus autour de son corps. Peine perdue, il faisait toujours aussi froid.

Alors, avec douceur, il s’approcha de celle qui partageait sa couche. Tout de suite il se sentit mieux. Un délicieux sentiment de bien-être l’envahit. Doucement, il posa sa main gauche sur son épaule. Elle bougea un peu et vint se serrer contre lui. Il fut envahi du feu de ce corps qui se collait à lui et l’enlaçait de ses jambes. Lentement, il laissa errer sa main sur l’infléchissement de sa taille, sur ce lieu où la finesse et la majesté des courbes se rejoignent. Sa paume, du plein de l’éminence du métacarpe du pouce, caressa cette vague brûlante. Elle ouvrit les jambes, glissa celle du dessus sur sa propre jambe et la remonta jusqu’à hauteur de sa hanche. Il glissa la sienne dans la douceur incomparable de l’intérieur des cuisses. Il ne connaissait rien de plus doux, de plus rafraîchissant et de plus brûlant en même temps que ce lieu où les courbes s’évasent et creusent une place de tendresse inénarrable. Elle se rapprocha de lui, tendue dans un même élan, et ils se tenaient ainsi debout-couchés devant l’adversité, affrontant ensemble l’existence, sûrs d’eux-mêmes, liés dans leur destin d’homme et de femme qui savent qu’ils sont un et pourtant deux, et qui puisent dans ce rapprochement des corps la joie d’une existence unique.

C’est le mystère le plus profond de la vie, celui de cet irrésistible attrait de la force et de la douceur, de cette flamme dont la source attirante commence au visage de l’aimé(e) et finit en ce lieu qui devient le centre de son être.

12/01/2015

Le grand saut (2)

Elle se dit alors qu’il était temps de passer au deuxième acte. Elle se releva se pencha par-dessus le parapet, sortit son petit anémomètre. Un peu de brise pouvait la porter et lui permettre de se guider dans le dédale des immeubles, trop de vent l’empêcherait de choisir sa route et pouvait la déporter dans des passages périlleux. C’est bon ! A nouveau elle se figea dans une attitude orante, levant les bras au ciel, le front tourné vers le soleil. Puis, lentement, elle franchit la balustrade, regarda sous elle la foule compacte qui s’était figée en la voyant prête à sauter. Elle sauta donc, ou plutôt se propulsa vers l’avant, étendant les bras et les jambes. Elle se sentit aspirée par le sol, se pencha en avant pour prendre de la vitesse, puis se laissa porter vers l’horizon, semblant planer dans les airs. La foule hurla, elle passa au-dessus de ces têtes rondes, petites comme des billes, les yeux exorbités, la bouche ouverte, qui se tournèrent d’un seul mouvement lorsqu’elle fila entre les immeubles. Pas un bruit, seul le sifflement du vent dans les oreilles lui faisait dire qu’elle était en vol. Elle s’était stabilisée, glissant sur la mince couche d’air qui stagnait au-dessus du sol. Elle contrôlait sa trajectoire, l’ayant auparavant étudiée, ayant visualisé les photos sur Internet, ayant calculé les temps nécessaire pour passer d’un pâté d’immeubles à un autre, se faufilant le long d’une avenue suffisamment large pour pouvoir s’y couler sans risque.

Cela dura peu, la vitesse ne l’empêchait pas de perdre de l’altitude. Arrivée au-dessus du jardin de l’oratoire, elle ralentit en se relevant vers les nuages et ouvrit son parachute. Il ne lui restait que peu de plafond pour qu’il s’ouvre et l’amène à terre sans trop de risque. Elle se sentit tirée vers le haut, entendit le flop du tissu qui se gonfle, chercha aussitôt où elle pourrait atterrir. Elle vit le lac au milieu des arbres et se dirigea vers ce havre plat et lisse. Le vent avait un peu forci sans qu’elle ait pu s’en rendre compte. Elle vit qu’elle ne pourrait pas se poser sur les eaux calmes et s’apprêta à s’enfoncer dans la végétation et les grosses branches des chênes. Elle se mit en boule, tenant ses jambes serrées, tendues en avant, la tête enfouie dans son petit ventral qui pourrait la protéger de la feuillaison. Elle ferma les yeux, attendant la secousse. Elle fut moins violente qu’elle ne l’avait imaginée. Un de ses coudes fut frappé par une branche, mais il avait l’air en bon état. Elle était suspendue à dix mètres du sol, entourée d’un silence étonnant. Le monde était encore là. Elle ouvrit les yeux, sentit les larmes qui jaillissaient, les laissa couler, souriante, vide de toute pensée. Elle resta ainsi quelques minutes, jouissant de ce repos après sa folle équipée. Puis, elle songea à descendre. Elle ouvrit son ventral, laissant la toile se dévider, puis les suspentes, tentant de laisser ce paquet se glisser entre les branches plus fortes qui se trouvaient sous elle. Elle parvint à le laisser atteindre le sol. Elle se livra à une véritable gymnastique pour sortir du harnais du parachute toujours tendu au-dessus d’elle tout en prenant garde à bien le solidariser avec le ventral. Elle put alors entamer sa descente, se glissant entre les branches. Ouf ! J’y suis, se dit-elle quand elle eut mis un pied à terre. Elle put se livrer à sa joie, criant et dansant, seule dans ce bois qui l’accueillait, elle, qui avait vaincu la pesanteur.

Le lendemain, en traversant la rue, elle se fit écraser par une voiture qui finit sa course sur le trottoir. Sa dernière pensée : prends de la hauteur et vide-toi de toi-même.