17/11/2013
Partita N°1 de Jean-Sébastien Bach, jouée au luth par Hopkinson Smith
http://www.youtube.com/watch?v=NvGnSxxxwM4&list=RDLtjtuljFPa8
Quelle sonorité ! Elle s’infiltre dans le corps, le faisant palpiter en surface et vous devenez un univers en vibrations. Vous contemplez du fond de votre abri, au cœur du toucher des cordes, cet insaisissable tremblement, calme, sans soubresaut. Il vous émeut en douceur, sans intempestive éruption. Bach, la perfection de la musique, dans sa toute puissance évocatrice de sensations, d’émotions, de méditation.
Hopkinson Smith a transcrit les sonates et partitas pour violon de Bach :
"Un musicien peut passer certaines heures les plus merveilleuses de sa vie avec les Sonates et Partitas pour violon seul de Bach. C'est une musique qui nourrit directement l'âme et stimule constamment l'esprit. En repensant ces œuvres pour le luth, j'ai souvent enrichi certaines harmonies, ajouté des notes de basse qui n'étaient que suggérées ou impliquées. Je n'ai pratiquement jamais jugé nécessaire de doter certains épisodes polyphoniques d'une voix supplémentaire indépendante, ni de compléter une mélodie apparemment fragmentaire. D'une manière générale, j'ai recherché un langage "naturel" n'accroissant en rien la complexité de la musique, mais insistant davantage sur son côté direct."
Hopkinson Smith nous livre ici une compréhension directe de la musique. Elle enserre l’âme et la conduit vers une autre dimension, celle de l’harmonie universelle. Laissons ces pétillements nous charmer, nous enjôler, nous transformer. C’est un bain chaleureux, une plongée dans un monde sans faiblesse, sans heurt, sans aléa.
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16/11/2013
Eblouissement matinal
Le soleil commençait à monter sur l’horizon. Le ciel était pur, dénué de toute gêne. Pas un bruit. Je me pinçais le nez et soufflais pour déboucher mes oreilles, mais cela ne changea rien. Le silence était là, un monde sans un mouvement, sans une manifestation d’activité. Le temps s’était arrêté. L’espace prenait toute sa place, envahissant l’immensité de la voute céleste, la platitude de l’horizon et la granulosité des champs. Il dévorait et figeait les minutes qui passaient. Les secondes ne s’égrainaient plus. Elles semblaient de grosses gouttes de pluie qui hésitent à tomber et restent à se balancer sur la gouttière.
La voiture elle-même se mit à ralentir. J’étais ébloui par ce soleil qui tapait comme en plein jour à l’heure où il est le plus haut. Et progressivement, comme en mourant, le moteur s’arrêta, en accord avec mes impressions. Nous descendîmes sur le bord de la route, incertains, électrisés par cette ambiance insolite. L’air était frais, presque froid, mais les rayons de l’astre en feu réchauffaient les pommettes. On avait presqu’envie de se mettre nus et de se laisser bronzer, étendus à même le sol. Et toujours ce silence presqu’effrayant, extraordinaire, anormalement pesant. Nous fermions les yeux et nous laissions pénétrer par cette douce chaleur qui complétait le froid du matin. Nous devenions une tarte à la croute bien ferme, mais à la chair encore moelleuse, à peine cuite.
Ne pas parler, surtout ne pas crier. Prolonger cet instant de grâce infinie et de lourdeur sans fond. Le cosmos et la matière s’offrait à nous, bruts, étincelants, nettoyés de tout artifice, à portée de main. Nous contemplions l’astre lumineuse sans lunettes, sans peur de se brûler les yeux, l’extase nous prenait et nous devenions aussi léger que l’air. Ce silence extérieur devenait silence intérieur. Plus de pensée, plus de sentiment, une émotion pure qui ne soulevait aucune image. Le temps est arrêté, l’espace se dilue, l’âme se fait palpable, tout se concentre dans ce cœur dilaté qui bat la chamade.
Tout à coup, un froissement de feuilles et de terre, suivi aussitôt d’une galopade étouffée. Un lièvre est sorti de sa forme, nous a probablement contemplés avant de prendre la fuite. Il court sur cette terre fraichement labourée, émettant de petits nuages de poussière et de respiration, délivrant la nature de cette torpeur obsédante, lui redonnant vie. Progressivement on entendit un petit souffle de vent sur l’herbe rase, un camion qui passait au loin sur la nationale, le bêlement d’un agneau venant de l’est. Le monde se remit en marche, avec sa puissance habituelle, comme si de rien n’était.
Mais que s’est-il passé ce matin-là. Un instant d’éternité ou l’angoissant arrêt du mouvement cosmologique ?
07:57 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cosmos, majesté, nature, vie, silence | Imprimer
15/11/2013
Homme et femme
La mort est la seule façon pour un homme d’être beau. La splendeur des femmes est à chaque seconde dans l’affirmation de la vie, prometteuse, orgueilleuse, superbe. Celle des hommes ne peut être que dans l’ultime seconde, qui se voit clairement sur le visage de certains.
(Pascal Jardin, Je te reparlerai d’amour, Julliard, 1975)
Sous des apparences légères, Pascal Jardin nous livre une vérité humaine qui tient à la nature de l’homme et de la femme.
La nature féminine se caractérise par l’ouverture. La femme a besoin d’être admirée, aimée. Elle s’épanouit dans l’admiration et le don de soi. Ce don affirme sans cesse la nature glorieuse de la vie, sa beauté, sa magnificence. La femme est procréation. Elle laisse agir en elle les forces de la nature et s’épanouit dans cette mécanique céleste.
La nature masculine est profondément différente. Elle est tension vers. Et c’est dans cette tension que l’homme se réalise. L’homme est acte et cet acte l’accomplit. L’homme est créateur et cette création lui donne sens. Sans création, sa vie n’a pas de sens.
Cependant, la véritable réalisation de soi pour les deux natures humaines s’accomplit par l’assimilation de la nature de l’autre. C’est dans cette symbiose que chacun se trouve. Alors, la beauté transparaît : naturelle pour la femme, conquise pour l’homme.
07:26 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, philosophie, femme, culture, réalisation | Imprimer
14/11/2013
Stephane Halleux : transports pas communs (galerie Sibony)
Ce sont des sculptures. Rien à voir avec la sculpture d’artistes bien soignés. Ce sont des œuvres dérangeantes, drôles, surréalistes. Ces étranges petits bonhommes, mi- poupées, mi- soldats de plomb, font rêver et ouvre chez le spectateur une vision décomplexée, à la limite du rêve et de la science-fiction.
Regardez cet étrange guerrier, prêt à s’envoler du rebord de sa fenêtre pour donner des hallucinations au petit peuple des sans imagination. Il est prêt à tout, dans une pensée obsédante et bizarre : voler pour la gloire de son auteur.
Admirez cet étrange comptable qui ausculte les comptes au microscope et part en apnée dans les cagots poussiéreux des archives de sociétés anciennes ou non encore créées. Quel sérieux pour une tâche si futile.
Une cosmonaute flottant dans le vide de sa combinaison, dans un air léger et guilleret en prise au mal de l’espace, chantant à tue-tête des comptines enfantines.
Quel monde étrange, irréel, enchanteur, fait de matériaux divers, mais qui sent bon le cuir et l’huile. Tous ces rouages font tourner la tête bien qu’ils ne fonctionnent pas. Et progressivement ce n’est plus par la vue que ces personnages vous impactent, mais par l’imagination, la fiction, la fantaisie. Vous vous laissez porter par ces personnages qui vous ramènent à une enfance délicieuse. Quand le rêve ouvre à un autre monde…
Allez voir cette exposition, à la galerie Sibony, place des Vosges. Elle vous donnera une bouffée d’oxygène pour vaincre ce temps brumeux et froid.
07:42 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sculpture, science-fiction, surréalisme, imagination | Imprimer
12/11/2013
La nostalgie heureuse, récit d’Amélie Nothomb
« Tout ce que l’on aime devient une fiction. La première des miennes fut le Japon. (…) A aucun moment je n’ai décidé d’inventer. Cela s’est fait de soi-même. Il ne s’est jamais agi de glisse le faux dans le vrai, ni d’habiller le vrai des parures du faux. Ce que l’on a vécu laisse dans la poitrine une musique : c’est elle que l’on s’efforce d’entendre à travers le récit. Il s’agit d’écrire ce son avec les moyens du langage. Cela suppose des coupes et des approximations. On élague pour mettre à nu le trouble qui nous a gagnés. » (Prologue du récit)
S’agit-il de nostalgie ? Et celle-ci est-elle heureuse ? Rend-elle heureux le lecteur ?
Quant à moi, je suis sorti du livre déçu. Amélie retourne au Japon avec une équipe de télévision, en charge de trouver les impressions qu’elle a décrites dans ses livres, dont Stupeurs et tremblements, Métaphysique des tubes. C’est un compte-rendu de voyage écrit par une midinette en mal de souvenirs. Certes, quelques bons mots, quelques réflexions amusantes (et encore, assez peu). Mais l’on passe dans ce nouveau Japon, celui des brisures de la vie, sans y retrouver la magie de l’ancien, celui où s’agitait une petite fille, puis une jeune fille, avec le charme de la découverte du monde. On la sent d’ailleurs gênée de jouer son rôle d’écrivain à la recherche du temps perdu. Elle écrit mal ce qu’elle a bien écrit. L’inspiration n’est plus là. Le texte devient presque radotage.
Elle tente de retrouver la maison de son enfance et voit une femme étendre du linge dans son jardin. Je pense que, depuis l’âge de dix-sept ans, c’est moi qui m’occupe de la lessive. L’unique continuité de mon quotidien à part l’écriture, c’est le linge, au point que je me fâche si quelqu’un s’en charge à ma place. (…) La vérité m’apparaît grâce à cette inconnue : pour moi, être lingère, c’est prouver que je suis la fille de Nishio-san. Je contemple avec intensité cette femme qui pend des chemises mouillées. La caméra en conclut que c’est important et filme la femme.
Après sa visite à Nishion-san, sa nounou, elle pleure. Une joie de rescapée circule en moi. J’ai réussi l’épreuve. (…) Je mesure le miracle : Nishio-san et moi, nous nous sommes revues, je lui ai dit ce qui devait être dit, j’ai laissé circuler entre elle et moi un si terrible amour, et nous avons survécu.
Il lui arrive de se moquer d’elle-même : Pour reprendre la formulation génialement méchante de Balzac, à vingt ans, j’étais une jeune fille d’une beauté modérée. Cela ne s’est guère arrangé par la suite.
Elle retrouve Rinri, son ex-fiancé japonais raconté dans Ni d’Eve, ni d’Adam. Elle conclut cette retrouvaille par cette réflexion : En le retrouvant, j’ai aussi retrouvé un élément de ce qui fut mon quotidien avec lui : la gêne. (…) La gêne est un étrange défaut du centre de gravité : n’est capable de l’éprouver qu’une personne dont le noyau est demeuré flottant. Les êtres solidement centrés ne comprennent pas de quoi il s’agit. La gêne suppose une hypertrophie de la perception de l’autre, d’où la politesse des gens gênés, qui ne vivent qu’en fonction d’autrui. Le paradoxe de la gêne est qu’elle crée un malaise à partir de la déférence que l’autre inspire.
Elle finit sur une considération digne du pays du soleil levant : la grâce de ressentir le vide : A vingt ans, avec Rinri, j’ai vécu une belle histoire. Cette beauté implique que ce soit fini. C’est ainsi. (…) Ressentir le vide est à prendre au pied de la lettre, il n’y a pas à interpréter : il s’agit, à l’aide de ses cinq sens, de faire l’expérience de la vacuité. C’est extraordinaire. En Europe cela donnerait la veuve, la ténébreuse, l’inconsolée ; au Japon, je suis simplement la non-fiancée, la non-lumineuse, celle qui n’a pas besoin d’être consolée. Il n’y a pas d’accomplissement supérieur à celui-ci. (…) Une épiphanie de cet état espéré, où l’on est de plain-pied avec le présent absolu, l’extase perpétuelle, la joie exhaustive.
07:54 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, récit, japon, souvenir | Imprimer
11/11/2013
Hélicéchappée 4
A partir des deux premiers schémas du 18 octobre et du 4 novembre, toute une série d’impressions sont possibles. Elles comportent volontairement des ruptures visuelles et non la symétrie attendue en premier lieu. Nous verrons les possibilités offertes, nombreuses et variées.
L’attrait de cette impression tient à l’apparente continuité et symétrie des lignes principales formées par les S et disposées en carré qui en fait ne sont nullement droites et symétriques et à la discontinuité flagrante des lignes secondaires.
© Loup Francart
07:06 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : op'art, art cinétique, abstrait | Imprimer