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24/11/2013

Vues urbaines, peintures de Tommaso Otieri

Il peint des monuments qu’ils soient églises, théâtres, usines ou même paysages urbains, le plus souvent en vues aériennes. C’est beau, mais pourquoi ?

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La lumière, la couleur et l’animation. Trois variables qui peuvent être déclinées de manières très différentes. Et une dominante : le grandiose et le théâtral sous les apparences de la réalité.

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Comme sous l’œil d’une caméra, on regarde la ville avec le sentiment d’assister à un enterrement. Chaque tableau possède une vie intérieure propre, mais celle-ci semble appartenir au passé, malgré le mouvement permanent qu’il décrit et met en évidence.

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Il est également architecte et le bâtiment, quel qu’il soit, s’anime par son harmonie, ses stucs, décors et clairs obscurs. Car il ne peint pratiquement que des vues de nuit : la ville dans sa vie nocturne. Les habitants sont endormis et les trajectoires se poursuivent sans que l’on y voit un seul humain.

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Vous remarquerez que les perspectives  sont le plus souvent détournées, comme si les façades étaient accolées sans une véritable cohérence d’ensemble. La ville devient fantomatique, un univers en soi, un rêve éveillé que l’on contemple avant de s’endormir.

Il expose à la galerie Ariel Sibony, 24 place des Vosges 75003 Paris.

 

23/11/2013

Hélicéchappée 0

L’hélice brisée va se lancer dans l’espace. Sa rondeur est atteinte, elle forme des angles incongrues, mais elle a la beauté de l’insolite, de la géométrie décalée. Elle fait rêver. C’est un signe dans la nuit.

13-11-18 Hélicéchappée 0 100x100cm.jpg © Loup Francart

22/11/2013

Le médecin de famille

En fait il ne s’agit nullement d’un médecin de famille, mais d’un criminel nazi réfugié en Patagonie. Josef Mengele était bien médecin, mais exerçant dans des conditions particulières puisqu’il est connu sous le pseudonyme d’« ange de la mort ». Mais en 1960, à San Carlos de Bariloche, il est inconnu. Il se réfugie13-11-19 Le medecin de famille.jpg dans un hôtel qui vient de rouvrir et s’intéresse à une des enfants du propriétaire, qui a des problèmes de croissance. Il la soigne contre le gré du père, puis s’intéresse aux jumeaux attendus par la mère. Repéré par des informateurs, il doit fuir avant que ses projets n’aboutissent.

L’histoire en elle-même ne retient pas l’attention. Mais le film revendique un intérêt en raison de trois facteurs. Le premier : l’incertitude, puis l’implication de certains membres de la famille qui s’opposent à d’autres, plus particulièrement le père, créant un climat de tension imperceptible qui donne au film une ambiance spécifique.  Lillith, la fille, soignée par Mengele, fait confiance à ce dernier, malgré certains signes qui pourraient la faire douter. Le deuxième facteur bienveillant, moins psychologique, consiste en un environnement grandiose, un hôtel sur les rives d’un lac splendide, entouré de montagnes enneigées. Le troisième est l’acteur qui joue Mengele. Il est sobre, à la fois charismatique et modeste. Il joue le jeu subtil de la séduction tant vis-à-vis de Lillith que vis-à-vis de sa mère.

Ces trois facteurs, travaillés par un réalisateur qui n’insiste jamais sur l'aspect obsessionnel du personnage de Mengele, donne à ce film une qualité que n’a pas l’histoire en elle-même. On en finit par oublier, contrairement à ce que prétendent les critiques, le passé et le présent criminel de Mengele. Mais l’acteur, plus encore que le réalisateur, y est pour beaucoup.

21/11/2013

Bruissant sous la larme

Bruissant sous la larme des nuages
La forêt abritait nos regards verts

La frange houleuse des flaques
De nos rires imprégnait nos vêtements
 De perles ternies d’indifférence

Le regard étonné de tes doigts
Pénétrait le chien de lumière
Et les reflets mauves de son apparence
Coloraient d’une ombre de joie
La frontière qui sépare tes lèvres

Le chien sous la dent d’un humain
Prend l’œil des petits enfants

Il gémit pieusement, caninement

Sous sa couverture de poils damés
S’interroge son cœur de chien

Fidélité ?

 

© Loup Francart

20/11/2013

L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, roman de Romain Puértolas

Il s’agit bien d’un fakir, un vrai, ou presque, comme on en rencontre en Inde : dissimulateur, affabulateur, magicien et un rien charmant de naïveté et d’humour. On fait sa connaissance par l’intermédiaire d’un chauffeur de taxi à la sortie de l’aéroport Charles de Gaulle : Il vit sur la banquette arrière de son véhicule un homme d’âge moyen, grand, sec et noueux comme un arbre, lelittérature, roman, Inde, voyage, société visage mat et barré d’une gigantesque moustache. De petits trous, séquelles d’une acné virulente, parsemaient ses joues creuses. Il avait plusieurs anneaux dans les oreilles et sur les lèvres, comme s’il avait voulu refermer tout cela après usage à la manière d’une fermeture éclair.  (…) Le costume en soie grise et brillante de l’homme, sa cravate rouge, qu’il n’avait pas pris la peine de nouer mais d’épingler, et sa chemise blanche, le tout horriblement froissé, témoignaient de nombreuses heures d’avion. Mais étrangement, il n’avait pas de bagage.

Il veut se rendre chez Ikea pour y acheter un lit à clous. Ajatashatru Lavash Patel (prononcez : J’attache ta charrue, la vache) était célèbre dans tout le Rajasthan pour avaler des sabres escamotables, manger des bris de verre en sucre sans calories, se planter des aiguilles truquées dans les bras et pour une ribambelle d’autres tours de passe-passe dont il était le seul, avec ses cousins, à connaître le secret, et auxquels il donnait volontiers le nom de pouvoirs magiques pour envoûter les foules. Aussi ne fait-il que semblant de payer le taxi avec un faux billet de cent euros imprimé d’un seul côté qu’il récupère aussitôt grâce à l’élastique invisible qui reliait son petit doigt au billet vert.

Ainsi commence les aventures ou plutôt l’extraordinaire voyage du fakir qui va parcourir une bonne partie de l’Europe dans des aventures rocambolesques et parfois douteuses de crédibilité. Il parcourt en un temps record la France (surtout Paris), la Grande Bretagne, l’Espagne, l’Italie, la Lybie et à nouveau la France. Il voyage dans des conditions inconfortables la plupart du temps, le plus souvent dans des armoires ou penderies. Il rencontre des immigrés soudanais, des compatriotes, des Gitans, une belle femme dénommée Marie (au restaurant d’Ikea) auprès de laquelle il s’arrange pour extorquer 20 , une star qui l’invite dans sa suite et bien d’autres personnages encore tels Wiraj l’Africain.

Le style est gai, jeune, moqueur, sans jamais être vulgaire. Disons qu’il est glamour, à l’image d’une France décomplexée, mais de quoi ? On franchit de nombreuses frontières, toujours inquiétés par les douaniers et policiers. Tout se complique lorsque le fakir se met à écrire un roman et qu’il est payé par un éditeur. Il promène alors son attaché case plein de billets, s’en fait ravir quelques-uns, mais finit par en donner une bonne partie.

Le succès planétaire du livre d’Ajatashatru avait permis à Wiraj de retrouver la piste de l’indien exilé. Il lui avait écrit une lettre dans laquelle il le félicitait et le remerciait encore pour son geste. Avec cet argent, ils avaient construit une école dans son village et sorti plusieurs familles de la pauvreté et de la faim. Les mouches étaient restées. Il n’y avait rien à faire contre cela.

La fin du livre est à l’image de son contenu. Il épouse Marie et le rêve se poursuit. La voiture qui l’accompagnera de Montmartre au temple hindou, elle, est déjà prête. C’est une vieille Mercedes rouge ; légèrement cabossée à laquelle on a accroché une batterie neuve de casseroles Ikea que l’on entendra tinter jusqu’aux lointaines dunes étoilées du désert thartare (sic).

Un livre un peu fou, drôle, extravagant, plein d’imagination et de surprise. Mais on se lasse au bout d’un moment de ces situations et de ces plaisanteries. Il n’y a rien derrière, sauf quelques réflexions sur l’immigration, les pauvres et les riches, les astucieux et les benêts. Une morale de peccadille derrière des pirouettes bien exécutées. Alors on ferme le livre. On s’est bien amusé. Mais on a un peu mal au cœur.

19/11/2013

Exaltation

Principes d’André Gide :

§  Nous ne sommes jamais si heureux que dans l’exaltation.

§  Ce qui augmente beaucoup le plaisir de l’exaltation, c’est de l’analyser.

 

Quelle profonde exigence. Non seulement être exalté, mais encore analyser celle-ci pour en augmenter l’effet.

Il est certain que Gide parle là de l’exaltation personnelle, éprouvée par l’intimité de l’être, et non de l’exaltation qu’un tribun pourrait introduire dans l’esprit d’une foule pour obtenir d’elle des réactions favorables.

Cette exaltation personnelle peut être en décalage avec l’environnement. Elle crée des sentiments élevés, une impression d’être au-dessus des contingences de la vie. Elle peut aussi être portée par un évènement qui vous exalte par son originalité, sa beauté, sa vérité. Cet événement vous transforme et fait de vous un autre vous-même.

Mais dans tous les cas, quelle que soit la cause de votre exaltation, elle ne peut s’entretenir que par cette introspection dont parle Gide : l’analyse de l’exaltation. L’exaltation n’est en effet qu’une émotion fugace qui s’évapore aussi vite qu’elle est apparue. La faire vivre, revivre, suppose une attention de tous les instants. Comment est-elle née ? Pourquoi son origine a-t-elle causée en moi un tel trouble ? Ce trouble est-il bienvenu et pourquoi ? Instaurer une méditation froide de l’exaltation, rester au-dehors de sa propre émotion va permettre d’en accentuer les effets et de les prolonger.

Alors laissons-nous griser par la vie, mais méditons sur celle-ci pour mieux la sentir, en éprouver les émotions, les sensations, les sentiments qui vont permettre de l’exalter.

18/11/2013

La liseuse

Il y a peu, m’a été offerte une liseuse. Vous savez, ces petits appareils qui s’allument dans le lit (d’où son nom) et que l’on regarde sous les draps pour laisser filer les quelques heures d’insomnie de la nuit. Connaissant ma soif inextinguible d’éveil actif, cet engin me fut remis solennellement au cours d’une cérémonie familiale. Enrobé dans un linceul en peau de zébu intitulélittérature,numérique,société,écriture BOOKEEN qui signifie bourrin ou bouquin en langue zébu, il est gris et terne comme un livre de messe et contient un paquet d’ordonnances qu’il faut activer avec un bouton situé sous le linceul. Il faut pour cela utiliser un ongle que vous laissez pousser de façon à pouvoir le glisser entre la coque de la protection et le corps du sujet.

Vous réussissez à l’allumer. Par inadvertance, il faut le dire. Surtout ne réappuyez pas aussitôt, sinon vous risquez de ne plus pouvoir le remettre en route avant un moment. Alors profitez de votre adresse momentanée et regardez la fenêtre entrouverte sur les carrés accompagnés de texte. Ce sont tout simplement des images des couvertures de livres. Pas suffisamment gros pour en lire les titres, pas suffisamment petits connaître l’ampleur de votre bibliothèque. En cherchant comment faire évoluer ces carrés et faire le décompte des objets babyloniens (la bibliothèque de Babylone, de Jorges Luis Borgès, n’en contenait pas autant !) et prenant votre liseuse à pleine main, les petits carrés bougèrent et défilèrent à une allure impressionnante. Est-ce le fait d’avoir changé son équilibre par rapport à son centre de gravité ? Vous réessayez de refaire le même geste, mais rien ne se passe. Bizarre ! Le fait de la tenir vous procure de nouvelles sensations, son écran bouge au lieu de rester immobile. Vous reprenez votre engin, à nouveau l’écran défile, dans un sens, puis dans l’autre sans que vous compreniez pourquoi. Vous regardez le cadre de l’appareil et apercevez de petites fentes qui forment un bouton sur lequel vous appuyez. Brillll…lt. C’est un défilé qui ne s’arrête plus. Ah zut ! Je suis déjà à la fin du livre alors que je n’ai même pas vu son titre. Reprenons…

Vous apercevez un bouton rond, noir, entouré d’un cercle d’acier, trônant au milieu de l’appareil, sous l’écran. Vous appuyez dessus. Miracle. Une fenêtre s’ouvre avec des petits dessins d’enfant : une niche à chien, un sac à main, une ampoule électrique et quelques autres signes cabalistiques dont vous ne comprenez pas la signification. Vous croyez que le gnome qui se cache dans l’appareil se moque de vous. Pas du tout. Il vous teste. Serez-vous assez intelligent pour savoir dire pourquoi la niche n’aboie pas lorsque vous appuyez dessus, comment s’ouvre le sac à main et si l’ampoule s’allume réellement et de quelle manière ?

Alors vous vous livrez au test, persuadé que vous allez réussir haut la main cet examen préliminaire avant d’aborder des étapes plus périlleuses. Vous appuyez sur l’ampoule et l’écran s’illumine pour faire la fête. Pas besoin d’allumettes ! Vous êtes aveuglé par mille petits points brillants qui diffusent une lueur irréelle qui, même sous le drap, risque de réveiller votre conjoint(e). Un rail glacial vous permet de régler la luminosité. Tant mieux, vous ne serez pas contraint de porter la nuit des lunettes noires, désagrément majeur lorsque vous ne les trouvez pas dans votre table de nuit.

Vous appuyez sur le sac à main. Il s’ouvre sur un seul mot : Wi-Fi. Oui au défi ! Un triangle zébré trône au dessus du mot comme la devise Liberté-Egalité-Fraternité au dessus des mairies de notre enfance. Rien ne se passe. Vous palpez l’écran, vous le caressez comme la joue d’une femme un soir de fête (l’appareil est illuminé). Rien. Est-il en panne ? Ah, une marche sort de la feuille virtuelle avec des sigles et des explications : activez le Oui Défi, désactivez, etc. La petite croix en haut à droite vous rappelle que vous pouvez effacer cette marche et ouvrir un véritable escalier par quelques touches soigneusement dissimulées sur l’écran qui s’éclairent à ce moment, vous ne savez pas pourquoi.

Vous finissez par appuyer sur la niche, puis sur la photo d’une couverture de livre. Miracle, elle s’agrandit toute seule et vos yeux émerveillés voit enfin un titre, un vrai livre que vous tenez entre vos mains. Il est plat. Il n’a qu’une seule page. Vous la lisez, au petit bonheur la chance. Comment faire pour continuer ? Vous vous rappelez les boutons sur les côtés de l’appareil. Dieu, que cela défile vite. Vous êtes incapable de courir suffisamment vite pour rattraper toutes les pages déjà avalées. Alors, comme sur les touches d’un piano vous donnez juste un petit coup de doigt. La page suivante s’affiche. Vous lisez. Une autre page. Ca y est ! Vous commencez à entrer dans l’histoire, vous vous installez confortablement sous les draps, emprisonné dans cette tente improvisée, commettant le péché de lecture qu’enfant vous aviez sacrifié à la bonne cause. Un geste malheureux et à nouveau votre texte déraille, prend des chemins de traverse et vous atterrissez 46 pages plus loin sans vous rappeler la page que vous lisiez.

Enfin, après trois jours d’errance dans les pages virtuelles de livres dont vous ne connaissez pas le titre, vous maîtrisez votre engin. Vous savez mettre le clignotant quand vous changez de page, vos feux rouges s’allument lorsque vous ralentissez et la clé de contact arrête sans difficulté un texte noir sur fond gris dans lequel vous vous noyez.

Quel merveilleux engin pour vous endormir avant d’avoir eu le temps de lire une ligne ! A moins qu’inversement cela vous empêche définitivement de sombrer dans les brumes colorées d’un sommeil réparateur.