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13/10/2019

Acédie

Plus rien ne sort de ta boîte secrète
La porte s’est refermée un soir d’automne
Pas moyen d’y glisser même un feuillet…
Lit à sec d’un ruisseau sans éclat…
Ton esprit s’égaille dans l’ombre…
Mais rien ne sort de cette boîte
Dans laquelle les idées sont immobiles
« Ferme les yeux, camarade
Le jour point, la vie va reprendre
Alors laisse aller ta caisse
Laisse-la souffler quelque temps
Et réjouis-toi de ta santé
Tu reprendre ta tâche demain
Ou peut-être jamais…
Mais garde les yeux ouverts ! »

©  Loup Francart

12/10/2019

Locédia, éphémère (28)

 

 

Il lui arrivait de disparaitre brusquement. Elle se retirait en un endroit perdu ou encore se mêlait aux foules turbulentes pour rivaliser avec les plus extravagantes. Y cherchait-elle d'autres pièges à séduire ou un vain délassement de l'esprit ? Sans doute était-ce sa seconde nature : une Locédia infernale qui se dévoilait derrière son apparente quiétude. A-t-elle trainé de café à en café, de bras en bras, depuis ceux des marins en escale jusqu'à ceux des voyous de la ville basse ? A-t-elle erré des nuits entières entre les poutres mal équarries des dernières maisons de la jetée, dans les arcades sonores de la place Saint Traminède, dans les chambres sales des hôtels de la vieille ville ? Je souriais à ces récits qu'elle me faisait par bravade les jours de mauvaise humeur. Ils me semblaient d’une incroyable candeur et dénués de tout fondement. Me disait-elle une partie de la vérité ?

Tu me téléphonais après quelques temps. Je reconnaissais le son grave de ta voix, un peu musical, que j'avais en vain tenté de recomposer. Pendant que tu parlais, je retenais une phrase et m’efforçais de la répéter pour m'imprégner de sa tonalité. A ton flot de paroles, d'explications, je répondais par monosyllabes, sans même chercher à comprendre ce que tu disais. Je me laissais envahir par la musicalité de ta voix qui résonnait dans l'écouteur. Comme je restais silencieux, tu me demandais ce que j'avais. Rien. Je ne pouvais te l'expliquer. C'eut été trop long et j'étais las de maintenir l'appareil contre mon oreille.

Pourquoi hésitais-je à te revoir ? Une immense fatigue m'envahissait. Il fallait parcourir la ville, monter à travers les rues chaudes, entre les maisons vides, gravir des escaliers tordus, m'engager dans d'étroits couloirs, ouvrir de lourdes portes, en refermer, redescendre d'autres escaliers, parcourir une ville hirsute, inégale, boursouflée par la chaleur. Avais-je encore envie de te revoir ? Peut-être ton souvenir me contentait-il plus que ta présence ? Ce sentiment de gène, d'inquiétude, d'inachevé que j'avais parfois face à ton immatérialité m'envahissait à nouveau. Qu'allais-je retrouver ? Ton indifférence, ta tendresse, la complicité que nous avions en commun. Je ne savais plus. J'hésitais. J'avais peur. De quoi allions-nous parler ? Je ne savais plus ce que je voulais te dire. Était-ce l'envie de revoir ta maison, de parcourir ces escaliers, ces couloirs, ces soupentes que je connaissais si bien, qui m'avait décidé ?

J'ai lentement longé la palissade du terrain vague en suivant de la main les anfractuosités des planches, comptant leurs jointures et cherchant dans ces interruptions une symétrie avec les dalles qui composaient le trottoir. Le bruit des pas sur les dalles. A croire qu'elles étaient creuses. Résonance des dalles en accord avec les battements du cœur. Le gardien était toujours là, assis sur sa chaise, une casquette crasseuse vissée sur la tête. Nous nous fîmes un petit signe de reconnaissance. Je n'osais m'approcher de peur de devoir engager une conversation. J'avais besoin d'être seul, de me préparer à cette nouvelle rencontre. Descente vers le fleuve, acheminement vers la grande avenue où circulait une multitude de personnes au dessus de l'eau. Autour des ouvertures carrées entourées de balustrades qui permettaient aux promeneurs de voir l'écoulement du fleuve, s'aggloméraient des gamins, les chaussettes sur les chevilles. Ils laissaient tomber de petits bouts de papier dans une ouverture et courraient en grappes, bousculant les passants, à la trouée suivante pour les retrouver imbibés d'eau. Combien de passants comme moi ont noyés leurs pensées dans ce lent voyage des eaux, appuyés au dessus du parapet, le regard vide. Hypnose de leur écoulement, plus subtile que celle du feu en raison de sa lenteur.

11/10/2019

Notre Père

 


L'enregistrement mériterait une meilleure prise de son, mais, malgré tout, la beauté reste là, présente, et envahie l'être.

10/10/2019

Pantins

Pantins ivres, désespérés
Perdus dans l’immensité de l’espace
Couverts sur les étoiles
Fermés sur l’orage déchaîné
Tout vibrait dans le calme des ténèbres

Écoute le chant des violons dans la nuit, comme ils savent pleurer sur la solitude infinie des jours monotones. Les arbres tendent leurs membres échevelés au cœur des déserts de l’obscurité où nous jetions nos pas incertains et les danses de l’ivresse. Les rues éclairent leurs grands corps fermés sur les volets de l’ennui. Le jour, la nuit, tout se confond suer les fils noirs et soyeux qui entourent le velours nacré de tes joues.

Je suis lourd, harassé, perdu dans la vague ; tu es là, couchée, debout, assise, les mains sur ton cœur ou sur la pesanteur de leurs doigts de verre. Tu es toi, je suis moi, et soudain tu deviens moi et je suis toi. Nous sommes un. Et je vois tes yeux noirs luire de l’éclat des miens pour se pénétrer des vérités qu’on croit lire dans le miroir des larmes noires. Le rire des creux de ton cou affronte mon sourire étonné qui remonte à la source de ton souffle. Je ne pense plus, je ne sais plus ; je suis tourné vers toi, bras ouverts au silence de l’oubli.

09/10/2019

Sens cosmique

 

Le sens cosmique, c’est le sens de l’affinité des éléments entre eux et par Dieu.

C’est le sens de l’amour universel à travers l’amour des particuliers.

 

08/10/2019

Locédia, éphémère (27)

Ce matin, Locédia, je me suis enfoncé dans la brume. Plus encore que les autres jours ton souvenir s'appesantissait en moi et me forçait à une constante attention, des trainées lumineuses qui flottaient en troupeaux épars. C'était à l'heure où les prés sont encore bleuis par le souvenir de la nuit, avant que le véritable jour leur redonne leur verdure. Je regardais les vaches noircies par le soleil de l'après-midi. Pourrais-je comme elles me coucher dans l'herbe et attendre patiemment que l'ombre de la lune s'oppose à celle du soleil ?

Le soir, souviens-toi, je cueillais tes cheveux sur l'herbe. Tu riais de ce jeu et remuais la tête pour me voir courir d'une touffe à l'autre sans parvenir à cueillir celle sur laquelle ils se posaient. Je me dépensais en efforts inutiles dont tu te moquais. Enfin tu me laissais, épuisé, cueillir une touffe de graminée. Solennellement, j'allais la repiquer à l'ombre de la lune. Je devais chercher une motte de terre plus fragile que les autres ou le cratère arrondi d'une taupinière. Alors nous regardions se noyer le disque rouge du soleil entre les vagues figées de la forêt. Tu prédisais pour le lendemain une mer houleuse selon la frénésie de l'écume à la cime des arbres. J'inscrivais sur le journal de bord ces réflexions ainsi que le nombre de rayons que portait la lune au même instant. Le silence régnait dans la clarté lunaire. Je regardais tes lèvres closes. Tu écoutais monter peu à peu les bruits inaccessibles au jour. Nous avions appris à reconnaitre le murmure du réveil des limaces, le bâillement fatigué des grenouilles, le grincement de dents des rats contre les brins de paille. Parfois un bruit nouveau troublait notre silence et tu m'interrogeais du regard pour en connaitre l'origine. L'ombre de ton corps s'amincissait peu à peu sous la lune et m'offrait une plus complète connaissance de toi.

Mais déjà tu te levais en souriant et m'entrainais avant que je ne puisse m'emparer de ta véritable forme sur l'herbe tiède. Je ne devais, disais-tu, arriver que lentement à ta connaissance et tu t'efforçais de te soustraire à mon avidité, n’accordant qu'avec parcimonie chaque morceau du puzzle que je cherchais à reconstituer.

_ A quoi te servira la connaissance fugitive de mon intimité, m'avais-tu dit, si c'est pour la perdre aussitôt. Tu n'auras qu'un souvenir déformé de moi-même après ton assouvissement.

Que pouvais-je répondre à tes raisonnements. J'avais d'abord cherché à lutter contre ces propos relatifs à notre entente.

_ Peut-être as-tu raison, disais-je, mais nous pourrions aussi aller plus vite si tu consentais à t'abandonner à tes sentiments.

Tu trouvais alors de nouvelles raisons et je devais m'incliner bien qu'il subsistait en moi un sentiment de malaise fait de regret et d'insatisfaction.

07/10/2019

Trinité

 

L’homme possède sa propre trinité
Il est, lui aussi, trois personnes en lui

L’homme brut ne se perçoit que dans son corps
Ses émotions sont immédiates
J’aime ou je n’aime pas
Le palpable est son évangile
Il croit et ne soutient que le présent

L’homme accompli se perçoit autre
Il sent en lui la légèreté de la réflexion
Prisonnier, il peut se sentir libre
Libre, il s’élève hors de l’immédiat
Et contemple la vie en créateur

L’homme spirituel fait un avec le cosmos
Il perçoit sa propre transcendance
Mais également, directement, l’immanence
Il sait que sont être tout entier
N’est qu’une fragrance de toute chose

Cette conscience de la conscience
Fait que le un se révèle trois
Et que le trois n’existe que par dualité
En complétude masculin-féminin
Devenant neutre par grâce

©  Loup Francart