23/07/2017
Carmen, un opéra en pleine campagne
Un opéra joué en pleine campagne dans un petit village de Mayenne...
Et ce fut le succès !
Avant :
La foule sortant de dizaines de voitures ; la foule s’équipant de chaises, sacs, imperméables, couvertures ; la foule cheminant vers l’entrée entre deux granges vétustes ; la foule débouchant sur le parterre (un simple lieu où pousse l’herbe à qui mieux mieux) ; la foule déjà installée, riant, parlant, criant, dialoguant ; la foule en attente, impatiente, préoccupée pour trouver une meilleure place ; bref, la foule des grands jours, ouverte, heureuse d’être et de pouvoir profiter d’un opéra en pleine campagne où musiciens, chanteurs et danseurs vont se donner à fond pour lui faire plaisir et lui communiquer le meilleur d’eux-mêmes.
Pendant les deux premiers actes :
Le soleil se couche. La scène s’illumine, pas trop pour ne pas rompre le charme. La voix du ténor emplit la cour. Dans la foule, personne ne pipe. Tous suivent en silence, la bouche ouverte, l’œil éclairé, la déclamation de don José. Un front nuageux avance à l’horizon. Sur la colline d’en face, retour au XXIe siècle. Les éoliennes tournent, tournent, leurs phares affichant leurs prouesses. Dans la cour, sous les projecteurs, José et Carmen dialoguent en ténor et soprano. Tout le monde est frigorifié. Un petit vent souffle maintenant, plus que rafraîchissant, presque glacial. Alors certains spectateurs se lèvent, vont à la buvette boire un café et retournent à leur place, heureux de cet intermède. Imperturbable, le chœur se réchauffe en chantant à pleine voix. L’orchestre allume ses petites lampes pour chaque musicien et se forme une armée de vers luisants.
Entracte :
Un moment de détente, bruyant, enjoué, réchauffant. On en profite pour changer d’emplacement. Entendrons-nous mieux ? On ne sait.
Trompettes :
Fin de l’entracte. L’orchestre reprend. La scène s’éclaire. Lentement dans le noir, un char chargé de monde s’avance, tiré par d’innombrables bras, éclairé progressivement de mille feux. Les vers luisants produisent leur musique, les solistes ouvrent la bouche, le chœur se déchaîne, ça reprend. Les vers luisants font entendre la plainte des cuivres. Le chœur s’éloigne vers les coulisses. Que se passe-t-il ?
Le drame se poursuit. Chacun chante sa solitude dans l’obscurité ; seules bougent les têtes, blanches ou noires, sombres ou plus claires, selon l’intrigue et le lieu de la scène où elle se passe.
Tiens ! Les lumières éoliennes sont rouges maintenant. Quand ont-elles changé ? Elles reproduisent la danse des soldats du 2ème acte : deux, un, trois, deux, quatre… Curieux !
Ah, il ne devient plus possible d’écrire. La nuit se fait trop dense. Pourtant rien n’est conclu sur scène : le chœur chante, divague, court, s’affale, mais les héros de l’opéra sont là, immobiles, impassibles.
Finale :
Enfin se déploient les multitudes de solistes, figurants, chanteurs, s’étant montrés sur scène à un moment ou à un autre. Tous courent d’un bout à l’autre de la scène dans un feu d’artifice de cris, de lumière, de mouvements, de rires ou de pleurs. C’est joyeux, émouvant, entraînant et cela réchauffe le cœur des corps refroidis des spectateurs. Alors la foule applaudit, puis applaudit encore, des cris chaleureux éclatent, des vivats débordent, c’est la folie, c’est l’opéra, un opéra auquel ont participé tous les gens du pays en accueillant chez eux musiciens, chanteurs et danseurs, en leur préparant les repas, en organisant la réception de la foule le jour même. Bref, une belle épreuve de solidarité et la preuve que cela est possible dans un petit village de France devenu pour un jour un exemple à méditer.
Alors, à l'an prochain, peut-être.
07:22 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opéra, musique, carmen, chant lyrique, danse, choeur | Imprimer
22/07/2017
L'homme sans ombre (7)
– Mais vous pensez réellement qu’elle pouvait s’abstraire de la pesanteur ? Comment serait-ce possible ?
– C’est ce que certains appellent un phénomène paranormal, c’est-à-dire qui ne peut s’expliquer scientifiquement. Alors on l’habille d’un langage pseudo-scientifique. Ainsi, le professeur Tocquet explique : « Il est plausible de supposer que la lévitation provient de la création d’un champ de forces électromagnétiques s’opposant à la gravité. » D’autres, pensent que certaines crises d’épilepsies, localisées dans le lobe frontal, peuvent engendrer des hallucinations et également des sensations de lévitations. Meissmer, en 1933, fait léviter un aimant sur un autre parce que la gravité qui le fait tomber est compensée par une force magnétique que le repousse. Quant à moi, je pense que ces explications n’ont d’intérêt que pour les non croyants. La lévitation est avant tout un phénomène religieux qui, d’ailleurs, ne concerne pas que le christianisme.
– Oui, mais dans des circonstances différentes, me semble-t-il.
– Eh bien, restons sur ce que l’on connaît. Il y a un cas beaucoup plus marquant dans le christianisme, c’est celui de Desa Joseph, au XVII° siècle, ou Saint Joseph de Copertino, de l’ordre de saint François. Il avait obtenu une audience du pape Urbain VIII. Dès qu’il l’a vu, il s’est détaché du sol, montant assez haut. De nombreux témoignages font état de ses extases où il lévite. A tel point que les fidèles sont embarrassés et lui ordonnent de sortir d'Assise en 1653. Arrêtons-là cette liste qui ne nous apprend rien de plus que ce que nous savons déjà.
– Alors, qu’en retenir ? demanda Lauranne.
– Dans tous les cas, c’est un évènement exceptionnel que de rares personnes ont vu de leurs yeux, et, plus rares encore, pratiqué, le plus souvent involontairement.
– Involontairement certainement, mais inconsciemment je ne le pense pas, même si elles sont surprises de ce qui se passe.
– Oui, il est à peu près sûr qu’elles sont conscientes de leur élévation hors du sol. Cela fait même peur à certains d’entre eux.
Lauranne remercie son oncle et prend congé. A-t-elle appris quelque chose ; elle ne sait pas. Certes, le mystère ne s’épaissit pas, mais il n’en devient pas plus compréhensible. Pourquoi Mathis est-il sujet à la lévitation et comment fait-il ? Est-ce conscient ou inconscient ? Est-ce un phénomène mystique ou un acte rationnel ? Que de questions sans réponse.
07:32 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, fiction | Imprimer
21/07/2017
Symphonie
Une branche frisonne. La nuit
Trois pieds m’observent fixement
Pendant que j’écoute le fruit
Des silences du firmament
La lune rouge s’évade vers le bleu
Un homme assis me fixe des deux yeux
Derrière une canne nouée
La terre respire mes pas
Trois maigres cheveux se balancent
Sur une main riant lentement
L’éclat pervers des étoiles
Pique ma joue enflammée
Une grande symphonie
M’entoure de rouge et de bleu
Trois gouttes de brume sur les cils
Trois larmes dans ma main
© Loup Francart
07:16 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
20/07/2017
Maxime
L'ignorance s'accompagne souvent de l'embonpoint de la suffisance
07:21 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
19/07/2017
Spiritualité et spirituel
Les termes spiritualité et spirituel sont issus d'une racine latine "spir" signifiant le "souffle" qui se trouve dans "spirare" ("souffler"). A cette racine a été ajouté le suffixe "-tus" qui sert à former des noms et qui a donné en latin "spiritus" ("le souffle"). Puis, à ce dernier mot, a été ajouté le suffixe "-alis" qui permet de former des adjectifs et qui donne "-el" à la fin des mots français. "Spiritualis" signifie en latin "relatif au souffle", mais aussi "relatif à l'esprit" : le mot a donc évolué dans un sens abstrait. Enfin, à cet adjectif, on ajoute encore le suffixe "-itas" qui permet de former des noms : "spiritualitas" désigne la vie de l'âme, l'immatérialité. D'après son étymologie, ce mot désigne donc "ce qui est de l'ordre de l' "esprit".
On ne peut évoquer la spiritualité et le monde spirituel sans, dans le même temps, l’opposer au monde matériel. La spiritualité ne relève pas des lois de la nature, d'un système d'explication rationnel. Elle appartient à un univers supérieur au monde terrestre. Le simple fait de cette opposition dans les définitions impose immanquablement deux modes opposés et une dichotomie qui est en réalité mal venue. Si l’on se réfère au souffle, c’est-à-dire à la fois au mouvement et à ce qui déclenche le mouvement, c’est-à-dire le mystère insondable de l’origine de la vie, et si l’on se réfère à la genèse de l’univers, on constate qu’il s’agit du même phénomène. La création est le commencement du monde matériel qui naît du souffle qui se manifeste par la lumière. Ainsi le matériel et le spirituel, loin de s’opposer, s’assemblent, vont de pair et restent inséparables dans notre monde. Sans aucune prétention intellectuelle, je pense qu’on peut rapprocher les termes naturel et surnaturel des termes matériel et spirituel, plus volontiers employés au Moyen Âge. Le monde matériel est notre monde naturel, celui où nous sommes nés et qui est notre cadre de vie, le monde surnaturel est un monde hors de la nature, hors du matériel, un monde hors du corps. Ce qui signifie qu’il y a une vie spirituelle hors de la vie naturelle ou matérielle.
L’erreur humaine est de les opposer, plutôt que de tenter de les assembler. Oui, ils s’opposent concrètement dans la vie quotidienne et la vie intellectuelle, mais le souffle originel les rapprochent et les assemblent. En fait, l’homme ne peut accéder à la vie spirituelle que parce qu’il possède une vie matérielle. Cette opposition est à l’origine des affrontements religieux, des idées d’une morale incarnant le bien et s’opposant au mal et, in fine, des guerres, chacun définissant le bien et le mal selon ses propres critères.
Une autre manière de voir les choses peut être l’opposition faite entre l’extérieur et l’intérieur de soi-même. Lorsque je dis "Je", je me réfère à quelqu’un qui se considère Un, à la fois dans le monde grâce à son corps et en même temps, distinct du monde par son unité propre. Mais quelle est cette unité distincte du monde ? Telle est la question. Il faut, avant d’en arriver là, développer en nous la connaissance de cet intérieur de nous-même. Nous avons tellement l’habitude de vivre à l’extérieur en raison de l’omniprésence de nos cinq sens (et même six comme le pensent les hindous, ajoutant l’intellect) que la plupart des gens hésitent et même refusent de chercher en eux-mêmes. Alors ils se réfèrent à de préceptes qui leur sont donnés dans des livres ou par la parole humaine.
« Cherche en toi et tu trouveras ! », mieux même, « le royaume de Dieu est en dedans de toi ». Alors l’opposition cesse et la jonction des contraires s’opère.
Se réaliser, c’est comprendre et vivre le fait qu’au-delà du moi existe l’être spirituel, le souffle, le soi, qui dépasse le monde matériel et sa compréhension de la spiritualité, pour vivre pleinement ce rien qui est le Tout.
Comprenne qui pourra !
07:27 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : qpirituel, matériel, naturel, surnaturel, vie, homme | Imprimer
18/07/2017
L'homme sans ombre (6)
Le lendemain, Lauranne s’interroge : « Dois-je retourner à la bibliothèque et poursuivre mes investigations ? » Elle est bien tentée d’arrêter. Mais son amitié avec Noémie l’en empêche. Elle comprend le désarroi de son amie. Cette révélation la sépare de son fiancé plus résolument qu’une réelle mésentente. Elle-même d’ailleurs s’était sentie profondément décontenancée devant le spectacle de Mathis qui lui avait semblé quelque peu transparent. Cela n’avait pas duré très longtemps, mais suffisamment pour introduire dans son être un doute sur la vision habituelle des êtres humains qui pouvaient cacher des dimensions ignorées. « Quel drôle de bonhomme ! » se dit-elle. Elle choisit cette fois-ci de changer sa méthode de recherche. Hier, elle avait vu un groupe d’ecclésiastiques déambuler place de l’Opéra et s’était souvenu de son oncle qui était Jésuite et s’intéressait à la spiritualité et la mystique. Elle décide de lui téléphoner et de lui demander un rendez-vous. Une heure plus tard, elle monte les escaliers menant à sa chambre dans ce grand bâtiment au milieu d’une vaste cour et frappait. L'oncle était vieux, mais avait gardé un air enjoué de jeunesse. Il l’accueillit avec chaleur, lui demandant des nouvelles des membres de la famille, puis d’elle-même. Où en était-elle ? Que comptait-elle faire ? Son mari était-il celui qu’elle espérait ? Elle ne savait comment aborder son sujet.
– Et vous, oncle Gaspard, que faites-vous actuellement ? lui demanda-t-elle pendant un bref instant de silence.
– Oh, moi, tu sais, il me reste peu de temps. Je me prépare à aborder les instants les plus difficiles et les plus merveilleux de la vie. Les plus difficiles car on ne sait où l’on va. Les plus merveilleux parce qu’ils conduisent à votre réalisation suprême. Et celle-ci dépend de la vie que tu as menée. On peut réparer en un instant les erreurs passées, on peut également détruire une vie en un moment d’inattention. Alors je me concentre, fais le vide en moi et guette au fond de moi-même la lueur qui me dira qu’il est temps.
Profitant de ces paroles, Lauranne ose l’interroger sur ses convictions les plus intimes.
– Mais, oncle Gaspard, selon ce que vous dites, certains échappent à ce devoir de maîtrise au moment crucial. Ils sont déjà allégés, quasi transparents, sans poids. Cela leur est donné, ou, au contraire, cela exige des efforts considérables ?
– Nul n’est capable de te donner une réponse. Il faut l’avoir vécu et, le plus souvent, ceux qui ont fait l’expérience ne peuvent donner que des sensations ou des impressions. Prends la sculpture du Bernin, dans la modeste chapelle Cornaro de Santa Maria Della Vittoria, à Rome. Tiens, j’ai même deux photos de cette sculpture. Regarde-les ! Cette sculpture s’appelle la « transverbération », blessure d’amour où un ange vient, dans en songe, planter une flèche dans le cœur de Sainte Thérèse. Regarde bien sa posture. Tombe-t-elle et l’ange la rattrape-t-elle ? Ou, au contraire, est-elle soulevée par l’ange ? En fait, on a l’impression que Thérèse monte et commence à enjamber le nuage sur lequel se situe l’ange. Mais dans le même temps, la main de l’ange semble la retenir et l’empêcher de tomber. Cette double impression met en évidence l’expérience spirituelle. Celle-ci est d’essence divine, que rendent les formes de l’ange et les nuages sur lesquels il repose, et de nature humaine par le visage et le corps de Thérèse. A-t-on besoin d’expliquer un tel chef d’œuvre ? Non, le regarder suffit à vous emplir du mystère d’un Dieu à la fois pleinement Dieu et pleinement Homme. Sainte Thérèse d’Avila mentionne dans ses écrits qu’elle n’était pas capable de résister à la lévitation dans ses moments d’extases.
07:00 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, fiction | Imprimer
17/07/2017
Vent
Le vent se lève. Il va où il veut
Il entre par la fenêtre et caresse la joue
Il vagabonde sur ton nombril
Et repart solitaire, sans souvenir
C’est le vent folâtre des jours d’été
Entre deux orages qui louchent
Et font perdre le fil de la raison
La branche est secouée à l’envie
Rien n’est trop beau pour celui
Qui coure dans les champs, vierge
De toute envie ou même de volonté
Souffle, souffle, l’aigre turpitude
Des nuits sans fond ni même forme
Tes rêves ne sont plus de mise
Ils exaltent trop ton personnage
Oublie cet être malfaisant et belliqueux
Rien n’est plus beau que l’absence
Fouille, fouille dans ta mémoire
Et extrait des jours heureux et maigres
L’essentiel d’une vision bienfaisante
La pointe magique de l’espérance
La foi qui tourne à la folie
La folie qui devient la norme
La norme devenue réalité
Est-ce ainsi que tu envisages l’avenir ?
Je ne sais, mon ami… Repose…
Range-toi dans ta boîte de verre
Et contemple sans état d’âme
La comédie humaine dérouler
La sagesse du pervers ou du fou
Oui, c’est vrai, c’est froid
Comme la main de la mort
D’une mort glaciale et colorée
Qui s’envole avec le souffle de l’air
Et te secoue jusqu’à ne plus pouvoir
Humer les charmes parfumés
De la vie trépidante et fugace
Il s’endormit dans le souffle du vent
Balaya devant son antre asséché
Et monta tout droit dans le bleu
Celui des mers profondes
Ou des cieux transparents
© Loup Francart
07:35 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer