26/01/2014
L'araignée (suite)
Comment l'araignée tisse-t-elle sa toile ? Avec dextérité et ordre, comme une machine. Des gestes coordonnés de manière intelligente dont la beauté n'est pas absente.
Cette araignée n'est-elle pas encore plus impressionnante que celle d'hier !
07:44 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : animaux, technique, intelligence, piège | Imprimer
25/01/2014
L'araignée
https://www.youtube.com/watch?v=82qlwNjB1tk
Admirons la prouesse de cette danseuse Milena Sidorova. On est saisi dans les premières images par sa souplesse, son aisance et son osmose avec l'animal. On pense se trouver en face d'une araignée à sa taille. Et cette insolite prouesse est belle par ce choc qu'elle engendre sur notre habituelle façon de voir.
07:20 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : danse, musique, ballet, étoile, animaux | Imprimer
24/01/2014
Zeng Fanzhi, rétrospective au musée d’Art moderne de la ville de Paris
Zeng Fanzhi est né en 1964 à Wuhan en Chine. Formé à l’Ecole des Beaux-Arts de sa ville natale, il découvre durant ces années d’enseignement l’art contemporain, chinois et occidental. Nourri par ces influences et soucieux de connaître un contexte plus effervescent, il part s’installer en 1993 à Pékin où il vit et travaille depuis. (From http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/zeng-fanzhi)
Les premières salles de l’expo sont consacrées aux œuvres les plus récentes. Grandioses par leur taille, leur maîtrise et leur originalité ! Ce sont au premier regard des enchevêtrements de lianes, ronces, bouts de bois qui donnent une impression de fouillis sans espoir, de prison végétale, d’un monde absurde et vide. Les toiles sont immenses, démesurées.
Cependant, toutes laissent dans le même temps une note optimiste par les lueurs qui filtrent sous les ronces : un ciel plus clair, un feu dans la brousse, un crépuscule nuageux.
Même ce paysage désolé de neige laisse l’impression d’un avenir meilleur grâce à ce lever de soleil qui sourd au fond du tableau.
Quelques paysages avec des animaux perdus dans les entrelacs, mais moins intéressants parce que trop figuratifs et en contraste trop sévère par rapport à l’environnement végétatif abstrait.
La salle suivante offre une vision toute différente des œuvres de Fanzhi. Ce sont des personnages de la Chine contemporaine, des jeunes gens en groupe, portant des masques, dans des postures sérieuses, en costume, ou riantes, avec un foulard rouge, symbole des jeunesses marxistes. Les personnages sourient de manière ostensible, les lèvres rouges vif, ils se tiennent par le cou, semblant unis, leurs corps sont déformés, avec des mains démesurées et fatiguées qui trahissent la réalité de l’homme derrière son masque riant.
Plus énigmatique, cette reproduction de la Cène, The Last Supper, version contemporaine de la cène de Léonard de Vinci, qui dépeint une trahison aux résonances beaucoup plus politiques : derrière une apparente unité se cachent des désirs et des convictions que s’échangent les hôtes.
« Le Christ communiant, communisant – et le premier d’entre eux comme en témoignent les trois barrettes rouges épinglées sur son bras gauche – annonce à ses apôtres que les idéaux du communisme ont été trahis par l’un d’entre eux. Ce Judas « made in China », à la différence des onze autres apôtres, ne porte pas de foulard rouge autour du cou, comme chaque jeune pionnier enrôlé dans le communisme – mais une cravate jaune, couleur de l’empereur, du pouvoir, de l’or… et de l’argent. » (http://blog.mondediplo.net/2013-10-28-Zeng-Fanzhi-le-cru-et-le-cuit) Ce tableau a été vendu 17,13 millions d’euros. Une somme déjà conséquente pour un millionnaire.
Enfin, les premières œuvres sont exposées dans la dernière salle :
Ses emprunts à l’Orient et l’Occident en font un artiste qui dépasse les clivages anciens et vous plonge dans le monde moderne et cru pouvant être tourné en dérision ou admiré ingénument. C’est bien un artiste international qui dépeint le monde tel qu’il le voit, sans fard ni fioriture.
07:48 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, chine, paysage, impression, communisme | Imprimer
23/01/2014
Les souvenirs
Il est des jours où les souvenirs affluent
Oubliés, ils reviennent en masse
Ils cognent contre la vitre du présent
Et font sentir leur rage d’inexistence
Pourtant un lien invisible les rattache
Au moment présent. Une chaîne d’or
Les fait sortir de leur boîte
Ce n’est qu’un son discordant et pauvre
Qui ravive la solitude du garçon
Que vous avez été à quinze ans
C’est aussi le cri d’un passant pressé
Un autobus majestueux lui écrase le pied
Et vos doigts se rétractent à l’évocation
Du sabot d’un cheval sur la semelle de votre botte
Ce peut aussi être une brise tiède
Qui relance la caresse d’une main de femme
Et fait frissonner tout votre corps
Et ces liens sont présence
Ils entraînent votre être
Dans la ronde de la vie
En éternel retour
D’un passé révolu
Et vous tourne vers l’avenir
Qui reste encore ouvert
Pour tous les drames
Tous les rires
Tout ce qui un jour
Se ravivera
Par le grattement d’une araignée
Sur la transparence
De la mémoire
07:05 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
22/01/2014
La liberté de l’eau (suite de La planche et le canoë)
Depuis ce temps des batailles d’eau (ainsi appelaient-ils parfois ces joutes singulières au fil des flots), Jérôme ne peut s’asseoir au bord d’une rivière ou d’un étang sans sentir dans sa mémoire interne non pas le souvenir de guerres mouillées, mais un pincement au cœur, une amplitude soudaine de l’esprit, comme un gaz hilarant envahissant son cerveau et donnant aux images aperçues une divine odeur de liberté. L’eau s’en va, coule, défile en toute indépendance.
Chaque goutte de ce liquide a le pouvoir de s’infiltrer où bon lui semble, entre deux planches, dans un trou de taupe, dans le terrier des rats d’eau, dans l’étendue des champs, sous les genoux des veaux, sous l’œil du héron qui en profite. Vous n’en êtes pas propriétaires, ni même l’Etat contrairement à ce que l’administration affiche. Elle passe et fout le camp vers la mer, arrêtée parfois par un étang aux eaux mortes. Mais très vite, elle reprend le dessus, déborde le passage ou se laisse couler dans un trou prévu à cet effet. Et l’ensemble de ces gouttes coulantes que l’on appelle ondes repart vers la mère des eaux ou paradis des courants pour former des vagues rondes, féminines et câlines, bruyantes de douceur, dans lesquelles on se laisse bercer un soir d’été lorsque le soleil atteint l’horizon.
07:00 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : souvenir, eau, écologie, écriture, liberté | Imprimer
21/01/2014
L’amant de la Chine du Nord, de Marguerite Duras
Est-ce un roman, un récit, un film, un scénario ? On ne sait trop, tout au moins au début du livre. Mais la forme importe peu. Ce qui compte c’est l’ambiance créée par la forme. Ajoutons-y le style. Un style descriptif, neutre apparemment, qui permet de poser le décor :
C’est un livre.
C’est un film.
C’est la nuit.
(…)
La voix qui parle ici est celle, écrite, du livre.
Voix aveugle. Sans visage.
Très jeune.
Silencieuse.
Les personnages principaux n’ont pas de nom, ou presque. Ils sont désignés par il ou elle ou encore, pour cette dernière, l’enfant.
Devant nous quelqu’un marche. Ce n’est pas celle qui parle.
C’est une très jeune fille, ou une enfant peut-être. Ca a l’air de ça. Sa démarche est souple. Elle est pieds nus. Mince. Peut-être maigre. Les jambes… Oui… C’est ça… Une enfant. Déjà grande.
La jeune fille s’arrête. Elle écoute. On la voit qui écoute. (…) La jeune fille dans le film dans ce livre ici, on l’appellera l’enfant.
Puis, la rencontre. Un chinois, jeune, imposant, riche, mais simple et humain en même temps. Ils lient conversation. Il s’interroge, elle est si jeune. Elle monte dans son auto, une Léon Bollée :
Elle a envie de l’embrasser. Il le voit. Il lui sourit. Elle prend sa main, embrasse sa main.
(…) Le chinois ne pose pas la question, il dit : « l’amour, tu n’as jamais fait ». L’enfant ne répond pas. Elle cherche à répondre. Elle ne sait pas répondre à ça. Il a un mouvement cers elle. A son silence il voit qu’elle aurait quelque chose à dire. Quelque chose qu’elle ne saurait pas encore dire et elle ne connaît sans doute que l’interdit. Il dit : « Je te demande pardon ».
Elle arrive à sa pension. Le chauffeur sort sa valise et elle part sans se retourner. Quelques jours plus tard, sur le chemin de son lycée, elle retrouve l’auto du bac, très longue, très noire, tellement belle, tellement et chère aussi, tellement grande. (…) Il est là. (…) Elle pose sa main sur la vitre. Puis elle écarte sa main et elle pose sa bouche sur la vitre, embrasse là, laisse sa bouche rester là. Ses yeux sont fermés comme dans les films. C’est comme si l’amour avait été fait dans la rue, elle avait dit. Aussi fort. Le Chinois avait regardé. A son tour, il avait baissé les yeux. Mort du désir d’une enfant. Martyre.
L’enfant avait retraversé la rue. Sans se retourner, elle était repartie vers le lycée.
Et très vite elle devient sa maîtresse. Une maîtresse jeune, pleine d’inexpérience, ingénue, mais qui sait ce qu’elle veut et qui l’obtient. Le livre raconte cette passion jusqu’au départ de l’enfant pour la France. Une passion partagée, qui devient peu à peu torturée. Qui passe du rire aux larmes, mais toujours dans une dignité réelle, comme des personnages qui jouent leur rôle de loin, sans entrer complètement dedans.
Un livre à la Duras, merveilleux de sensibilité et de froideur conjuguées, une sorte de rêve éveillée, des voix off, des images, des sons, de la musique, bref un film écrit, qu’on ne peut voir que dans sa tête, mais avec vérité et intimité.
Oui, c’est un livre remarquable tant par la forme et le style que par le récit lui-même.
07:31 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, indochine, amour, récit | Imprimer
20/01/2014
L'odeur du thé et de la biscotte
Il fait nuit. C’est le matin, tôt encore. Il se lève dans le noir. La lueur blafarde du réverbère accroché à la maison lui suffit. Moment du retour. Une heure plus tard, il monte dans sa voiture et roule vers la gare. Il est réveillé. Mais en lui sommeille une nostalgie, celle de la campagne sur laquelle se lève doucement le soleil dans un ciel nuageux. Oui, retour à la ville. Arrivé au parking, il ferme sa voiture. Il aperçoit un couple de vieilles personnes qui font de même, avec un peu moins d’énergie. Il redresse la tête, heureux de se sentir encore jeune. S’il s’écoutait, il partirait en courant. Prendre son billet télépayé au guichet automatique, sortir de la gare, faire quelques pas dehors, puis revenir parce qu’il fait froid malgré tout. Il va s’assoir à côté de la marchande de journaux.
Il y a peu de gens. Le couple rencontré sur le parking est là, en attente du même train, probablement. La lueur crue des néons forme une auréole pâle. Un léger bruit de moteur dans une pièce voisine l’assourdit légèrement. Cette ambiance contribue à son endormissement. Il est dans une coquille de verre. Il regarde comme dans un film les mouvements dans la gare. Va et vient des voyageurs, peu nombreux. Premier regard pour le tableau d’affichage, électronique maintenant. Puis vers le guichet où deux personnes attendent pendant que la troisième fait face à l’employé. Tiens, un nouveau couple entre. Lui, encapuchonné dans un K-way, sombre. On ne voit que deux yeux noirs et une barbe grise. Il laisse tomber ses bagages, pose son sac à dos, retire sa capuche pendant que sa compagne s’installe. Il est mince, plus qu’il ne le pensait. Il sort un téléphone, écoute le répondeur, et vient s’assoir à ses côtés.
Une odeur de thé, mêlée à celle d’une biscotte sans doute. Elle l’envahit, le réveille, aiguise ses sens, le plonge dans des images d’enfance et dans une présence renforcée. Là, dans cette gare, il renaît aux odeurs, comme si depuis longtemps il ne savait plus l’odeur de la vie. Peut-être est-ce parce qu’il a lu il y a deux jours une nouvelle de Tonino Benacquista intitulé le parfum des femmes (Tonino Benacquista, Nos gloires secrètes, Gallimard, 2013, p.111). Le narrateur en est un nez, très agé, seul, désemparé, qui fait connaissance avec sa voisine, une petite jeunesse, charmante. Elle sonne chez lui pour l’inviter et faire connaissance. Il parle, elle l’écoute. Elle parle, il l’écoute. Et chaque jour, lorsqu’elle descend l’escalier pour se rendre à son travail, il est derrière la porte, ouvre et lui dit bonjour. Un jour il lui donne un flacon de parfum qu’il a fait à son intention. Elle descend tous les matins avec son odeur. Quelques jours plus tard, elle lui demande :
– Dites, Monsieur Pierre, comment était Coco Chanel, dans la vie ? »
– J’ai envie de vous sentir, Louise.
–… Me sentir ?
–Vous sentir.
Elle sourit, interloquée. Innocente. Elle ne sait pas ce que le mot sentir recouvre. Quand, en fait, il recouvre tout. (…) Elle se lève, défait le premier bouton de son corsage, s’approche de moi. Et m’offre sa gorge.
– Ça, je l’ai depuis longtemps. Ce que je veux, c’est votre odeur brute. Votre essence même. L’essence de Louise. Celle qu’aucune fragrance n’a jamais altérée. C’est tout votre être que je veux.
– … ?
– Qu’avez-vous à craindre d’un vieillard comme moi ? Je ne vous toucherai même pas, ça ne prendra qu’un instant, et plus personne au monde ne vous sentira comme je l’aurai fait. Je vous aurai sentie.
Elle se lève, abasourdie, et quitte le salon en claquant la porte.
Elle évite maintenant de descendre le matin à la même heure. Elle passe plus tôt, discrètement. Il comprend. Trois jours plus tard, elle sonne à la porte. Elle entre vêtue d’une robe blanche. Elle se tint debout au milieu du salon. Elle laisse tomber sa robe à ses pieds, et s’étend sur le canapé. (…) J’approche mon visage, les yeux clos et, sans doute pour la dernière fois de mon existence, je rassemble toute ma science, toute la ferveur qu’il me reste.
Tout commence par une note de tête à forte tonalité ambrée, au départ boisée, puis balsamique. Suivie d’une variation de jasmins intenses, avec une trace de benjoin de Siam, suave, d’une grande ténacité. Puis une pointe de bois de santal stabilise un étrange mélange de civette, animale, intense, et un trait de vanilline qui constitue déjà la note de cœur. La note du fond, irisée, se prolonge dans un juste équilibre de cardamone et d’essence de litsea persistante.
Une éternité plus tard, j’ouvre les yeux.
Encore ivre d’elle, je la vois saisir sa robe au passage et disparaître.
07:06 Publié dans 11. Considérations diverses, 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, nouvelle, impression, réminiscence | Imprimer