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04/11/2012

Arts Elysées 2012 : « Zen Lanscape » de Natalya Zaloznaya à la galerie Shchukin

« La galerie Shchukin a été fondée par Nikolaï Shchukin, collectionneur connu de l’art de l’avant-garde russe et de l’art contemporain. Elle est présente en France, en Russie et en Estonie et voit sa mission en développement des échanges culturels entre l’Europe et la Russie. Découvrir de nouveaux talents en peinture, sculpture et arts graphiques, talents jeunes et passionnants venus de la Russie et des pays européens, mais également promouvoir les talents déjà confirmés, – voici la première vocation de la galerie.

Pour sa première participation à la foire Art Élysées, la galerie Shchukin aborde le thème de « la mémoire » et met en scène le travail d’artistes autour de la réflexion sur la visualisation de l’espace. Les artistes créent un espace dans lequel on retrouve sa propre expérience personnelle et son rapport au savoir et à la pensée. » (présentation de la galerie sur http://www.artelysees.fr/index-p-detail_galeries-i-137-y-2012-c-GALLERY+SHCHUKIN.html)

Parmi les trois artistes exposés, il faut remarquer le triptyque Zen Landscape, de Natalya Zanozlaya. Trois toiles en une.

Natalya Zanoslaya toile 1.JPG


Cette toile semble personnifier ce nuage d’inconnaissance décrit dans un ouvrage du XIVème siècle où l’auteur dresse une véritable voie d’accès à l’union divine.

  " Ne t'inquiète point si ton intelligence ne peut appréhender ce rien, car assurément je ne l'en aime que mieux. Il est en lui-même si précieux qu'elle ne peut l'appréhender. Ce rien, on l'éprouve plutôt qu'on ne le voit car il est tout aveugle et pleine ténèbre pour ceux qui ne l'ont pas encore beaucoup contemplé...

  Qui donc l'appelle "rien" ? C'est assurément notre homme extérieur, non l'intérieur. L'homme intérieur l'appelle "tout", car pour lui, il lui est donné de comprendre toute chose, corporelle ou spirituelle, sans en considérer aucune en particulier. "

Contemplons-la à nouveau dans sa partie centrale :

 

Natalya Zanoslaya toile2.JPG

En cherchant sur la toile je n’ai vu que peu d’œuvres de cette artiste. Elles ne m’ont pas paru extraordinaires. Mais celle-ci flashait : indescriptible, un nuage vibrant envoyant ces ondes aux quatre coins du monde.

On pourrait également penser au big bang initial. Le monde créé en un éclair provoqué par la main de Dieu.

03/11/2012

Brillent les larmes

Brillent les larmes dans les feuillages
Jour endeuillé de coton
Le son étouffé des corbeaux
S’entend d’un champ lointain

A nu, regarde-toi
Tes mains de glace
Comme la caresse de la mort
Autour du cou

Vienne la source chaude
Des réminiscences d’été
Quand tu courrais dans le sable
Après l’élan du cœur

Aujourd’hui seuls les crépitements
Sur le toit encombré de mousse
Jouent le rythme endiablé
Des veilles d’hiver

La vacuité te déleste
Va, contemple d’en-haut
L’horizon courbé
Envole-toi vers l’inconnu

02/11/2012

La Toussaint : parler de Dieu, parler à Dieu

« En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. » (Matthieu 6:7-8)

 

Nombreux sont ceux qui parlent de Dieu. Ils en parlent sur tous les tons : avec chaleur comme les charismatiques, avec componction comme les religieux, avec savoir comme les théologiens, avec menaces comme les islamistes, etc.

Moins nombreux sont ceux qui prétendent que Dieu leur parle : indirectement par la Bible ou tout autre livre saint, ou directement. Seuls des jugements indirects permettent de faire le tri entre l’affabulation et le mystère de la parole de Dieu.

Beaucoup moins nombreux encore sont ceux qui parlent à Dieu. Comment lui parlent-ils ? La prière est le langage des hommes pour parler à Dieu. Mais elle emprunte la parole humaine. Alors elle n’est que le reflet de la vie extérieure ou intérieure de celui qui prie. Enfermé dans notre bulle de compréhension, pouvons-nous sortir de notre connaissance pour rencontrer Dieu face à face ?

Il existe une littérature importante de dialogues avec Dieu, comme celle de Neale Donald Walsch, par exemple. Qu’en penser ? Cela fait un peu conte de fée. Le plus beau dialogue est celui du Cantique des cantiques, merveilleuse allégorie qui illustre le dialogue entre Dieu et l’homme, hors de toute forme conventionnel. Une autre manière de parler à Dieu est l’utilisation de la poésie. Paul Verlaine a écrit un très beau poème : « O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour. Et la blessure est encore vibrante… Mais ce que j’ai, mon Dieu, je vous le donne. » Mais le poème emprunte à la parole humaine, avec sa vision.

Le chant, qui allie parole et musique, et en particulier la psalmodie, permet au chanteur de sortir de lui-même et de s’ouvrir à la réponse de Dieu. La musique en général est également une autre façon de parler à Dieu. Elle fait entrer en vibration sans besoin de paroles. Certains minimalistes actuels utilisent cette forme de langage pour dire leur foi.

Enfin, la meilleure façon de parler avec Dieu est bien sûr le silence. Non pas le silence avec les hommes, mais le silence intérieur, l’absence de dialogue avec soi-même jusqu’au calme de l’esprit. C’est la finalité de la méditation qui doit mener au silence : « Je comprends et je sais par expérience “Que le royaume de Dieu est au-dedans de nous”. Jésus n’a point besoin de livres ni de docteurs pour instruire les âmes, Lui le docteur des docteurs, il enseigne sans bruit de paroles… Jamais je ne l’ai entendu parler, mais je sens qu’il est en moi, à chaque instant il me guide, m’inspire ce que je dois dire ou faire. » (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

En fait, on ne parle pas à Dieu. Il parle à chacun de manière différente et certains lui répondent et le suivent.

01/11/2012

Aral, roman de Cécile Ladjali

C’est un monde mouvant, tantôt effrayant, tantôt attendrissant, toujours chaud, plein de frémissement, comme ces vibrations qu’Alexeï, musicien sourd, entend.12-11-01 Aral-C Ladjali.jpg Il se marie avec son amie d’enfance, Zena. Ils ont grandi à Nadezhda, au bord de la mer d’Aral qui s’est retirée. Il n’y reste plus que le sable, la pollution et la misère. Mais ce monde est le leur et ils y trouvent le bonheur, chaud, envahissant, comme leurs corps qui se découvrent et se parlent en caresses.

Mais un jour, après quelques années heureuses, Zena part travailler en France. Alexeï reste seul avec sa musique. Il prépare un opéra, il joue pour les orphelins de Nadezhda et découvre qu’il sort de cet endroit où les enfants n’ont pas d’histoire. Il rencontre Nulufar, jeune prostituée, belle comme un démon. Il s’installe chez elle, sans cependant la posséder. Mais elle boit l’eau de la ville et est atteinte d’une maladie qui la fait régresser. Elle est comme une enfant de dix ans et il assume cette paternité. Sa vie s’enfonce dans la boue laissée par la mer, près des bateaux gisant sur le flanc, rouillés. Un jour, pour la sainte Rita, Alexeï voit l’eau remonter. Il remarque une fille qui s’installe à côté de lui, sur sa serviette de bain. Zena se lève, entre dans l’eau, il la rejoint. Elle enlève son maillot pour être douce et nue dans ses bras. Dans l’eau elle boit mes larmes. Dans l’eau je bois ses larmes. La mer. Nos visages. Ils rient ensemble et le sel mord les minuscules égratignures que notre histoire a laissées sur nos corps qui se serrent. Une eau joyeuse remplit la vasque ouverte de nos deux vies.

Quelques très belles pages sur la musique : Du désir de musique, je dirai qu’il est très simple et demande à être immédiatement satisfait. Il vient comme la faim, la soif, l’excitation amoureuse. (…)

Moi j’entends la musique partout : dans le sable, dans l’eau, dans les arbres. Le long des falaises de craie, parmi les jupes des fillettes qui jouent à la marelle, ou sur la frimousse crasseuse des bambins qui volent des oranges au marché Saint-Hilarion. En fait je n’invente rien. Jamais. Je restitue. Mais ce que les gens ont du mal à concevoir c’est que ma perception des choses se traduise musicalement, alors que je suis sourd. Ils sont idiots : un artiste choisira toujours le mode d’expression qui annulera sa douleur. (…)

La musique est un souvenir. Une tension en direction de ce qui fut et qu’on rappelle. Les vagues. Les ondes. Le ressac. Voilà à quoi ressemble la musique. Elle et un fleuve Alphée qui retourne au mouvement qui l’a engendré. Elle est un antipoison à la disparition. Je n’ai jamais composé avec du temps mais avec de la durée. Avec des lignes brisées, dans des intervalles, au creux des interstices que le laisse la mémoire ou me confiait le hasard. Ma musique est une sorte d’anomalie.

 

La beauté du livre tient principalement à l’écriture de Cécile Ladjali. Déliée, sensuelle par l’évocation des perceptions autres que celles de l’ouïe, faite de phrases courtes, désossées. Elle nous donne l’envie de lire ses autres livres.

 

31/10/2012

Le sacre du printemps, ballet de Maurice Béjart, musique d’Igor Strawinsky

 

Un ballet de Maurice Béjart créé en 1959. Ce film date de 1970. Les deux élus du sacre sont interprétés par Tania Bari et Germinal Casado.

http://www.youtube.com/watch?v=ooi7eomsTuc

 

Quels sont ces insectes mâles qui, collectivement, tentent d’approcher leur reine, elle-même protégée par ses fidèles ? Est-ce une danse rituelle africaine, une parade de fourmis ou une évocation d’extra-terrestres. Ils sont impressionnants ces guerriers exaltés qui, mus par un instinct viscéral envahissent l’espace autour du bouton fermé sur lui-même. Leurs pattes et leurs ailes se meuvent ensemble pour se donner plus d’impact. Oseront-ils approcher ? Ils se scindent en paquets, tournent autour de cette forme insolite, approche peu à peu jusqu’à l’apparition de la reine. Celle-ci tout à coup se dresse et s’offre dans toute sa beauté, seule face aux mâles. Puis, très vite, par peur ou pudeur, ou peut-être parce que ses protectrices ont-elles-mêmes peur, elle se montre borgne pour que les mâles se détournent. Les deux entités, mâles et femelles, se regroupent, se serrent, se regardent avec fureur, se haïssent et se désirent.

La reine s’impose alors, majestueuse et animale. Elle vit sa vie propre, dans son monde à elle, rythmée par une horloge puissante qui imprime à son corps des attitudes tantôt terrifiantes, tantôt érotiques. Mais elle dévoile derrière ces attitudes un désir de rapprochement des entités. Et ce désir qu’évoque les allées et venues entre les deux groupes, éclate tout à coup. Elle s’est rendue désirable et cherche à les rendre désirables entre eux par une démonstration de sa propre envie. Jeu de la séduction qui tout à coup déchaîne les deux groupes. L’humain se retire, ni homme, ni femme, l’animal se dévoile, c’est une sorte d’ensorcellement qui, tout à coup, fait sortir du groupe des hommes un être.

Aussitôt, la reine cherche à séduire cet homme. Elle parvient vite à ses fins. Et c’est le déchaînement des corps, la confusion. Tous s’y mettent dans une extase sans limite. C’est la consécration de la femme et de l’homme dans une passion exacerbée. Derrière l’animalité de la danse se dévoile l’humain et le mystère de cette division en deux groupes sexués qui se cherchent et n’ont de cesse de s’unir. L’un et le tout.

 Ce ballet fit scandale lors de sa première représentation. Stravinsky en fut malade. Il en voulut aux ballets russes de Diaghilev et à Nijinski, le chorégraphe. Il ne connut le triomphe que l’année suivante. C’est un ballet mythique qui réunit à la fois le scandale, le fait qu’il ne fut joué que 5 fois dans les années 1913, un chorégraphe célèbre et une musique moderne fondée sur le rythme, la dissonance et le discontinu. La mélodie et même l’harmonie importent peu.

Merci à Maurice Béjart de cet instant magique qui fouille au cœur du mystère de la vie humaine : homme et femme, semblables et différents, une différence qui ne cherche qu’une chose : l’unité.

30/10/2012

Renouvellement

Avance, avance encore
Jusqu’au bord de l’abîme
Là où la terre quitte le ciel
Pour s’enfoncer dans le rien
Nuit d’or et de pierres précieuses
Constellée de cris sauvages
De souvenirs et de regrets
Attachant de couleurs humides
Coupant dans l’histoire d’une vie
Et chaque aube lève son voile
Sur le désastre des pensées

Aujourd’hui encore, avance
Quelques pas de plus
Lève la tête, respire la pluie
Prends ta douche d’aventures
Engrange ces petites victoires
Comme le pain des pauvres
Et le soir, dans ce lit dévasté
Mange la croute râpeuse
Et la mie indigeste
Des échappées de l’oubli

Dans ce brouillard interminable,
Surtout, n’oublie pas
Ce qui t’anime chaque jour
Ce creux dans l’estomac
Qui te conduit aux portes
De la béatitude inavouable
L’élan vital, la passion fulgurante
Qui prend l’être en un instant
Et fait de lui l’ombre des dieux
Création, déjection, vomis ton désir
D’être autre et toi-même
Et délaisse les rivages
De précaution et d’ennui

Lentement bâtis cet être nouveau
Sans regard en arrière
Et contemple la marche naturelle
De ce qui devient toi
Même si tu ne le connais pas

Que chaque acte te soit propre
Renouvelle ta vue et tes pensées
Ouvre le devenir à l’inconnu
Jusqu’à l’extinction

29/10/2012

Hommage à Oscar Arnulfo Romero, tableau d'Alfred Manessier

Parmi tous les exposants de la FIAC, il faut remarquer la galerie Applicat-Prazan qui se singularise avec 10 toiles monumentales d’Alfred Manessier. Vu des galeries du premier étage, son stand se remarque immédiatement, il est plus haut que les autres et forme comme une grotte.

Nous ne regarderons qu’une toile, l’Hommage à Oscar Arnulfo Romero, archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars 1980. Elle fait 3m sur 2. Elle est magnifique de transparence, de lumière et de feu.

L1_HommageRomero.jpg

Totalement abstraite, elle n’en représente pas moins de manière très concrète à la fois l’assassinat de l’archevêque Romero, sa foi et, finalement, son espérance.

Son assassinat : le Père Romero est tué d’un coup de fusil pendant qu’il prononce une homélie dans la chapelle d’un hôpital. La veille il avait lancé un appel aux militaires ; « Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Il est temps de revenir à votre conscience et d'obéir à votre conscience plutôt qu'à l'ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu'au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l'ordonne, au nom de Dieu : Arrêtez la répression ! »

Sa foi : Inversement, en tant qu’évêque auxiliaire, il avait critiqué ouvertement « la nouvelle christologie » en tant que menace pour l’église et la foi. Il était prêt au martyre si le sang versé pouvait contribuer à apporter des solutions aux difficultés de son pays. « En tant que chrétien, dit-il à l’une de ces occasions, je ne crois pas à la mort sans résurrection. S'ils me tuent, je me ressusciterai à nouveau dans le peuple salvadorien. »

Son espérance : Le Vatican le nomme "prophète d’espérance" en tant que témoin de la foi. Mgr Romero utilisait l'autorité morale de son poste d'archevêque pour parler au nom de ceux qui ne pouvaient pas le faire pour eux-mêmes. Il ne tarda pas être connu comme la "Voix des sans voix". Il a déclaré un jour :

« La paix n’est pas le produit de la terreur ou de la peur. La paix n’est pas le silence des cimetières. La paix n’est pas le résultat silencieux d’une répression violente. La paix est la contribution généreuse et tranquille de tous pour le bien de tous. La paix est dynamisme. La paix est générosité. Elle est juste et elle est un devoir. »

Manessier_hommage_Romero.jpg

Contrairement aux autres tableaux de Manessier exposés, celui-ci est lumineux et coloré, alors que les autres semblent chargés des lourdeurs de la vie. C’est un éclatement de la chair. Dans les dommages du coup de feu, on devine la transparence de la résurrection. Et la lumière y circule, irisant le noir des pourtours, rappelant qu’au-delà de la connaissance humaine existe une autre connaissance. Et cette connaissance a été donnée à Mgr Romero. Il savait qu’il n’y a pas de développement sans paix et, ce qui est le plus important, qu’il n’y a pas de paix sans justice. Manessier nous donne ici la préscience de la résurrection.

Alfred Manessier disait : « Inverser les signes... faire d’un négatif un positif. Transformer ses cris en un chant. C’est là où le cri devient juste. C’est ce que j’essaie de montrer dans ma peinture. » Et il le montre de manière sublime dans ce magnifique tableau.