06/05/2012
L'esprit politique
« Avoir l’esprit politique, c’est prendre plus grand soin du monde, qui était là avant que nous n’apparaissions et qui sera là après que nous aurons disparu, que de nous-mêmes, de nos intérêts immédiats et de nos vies. Par-là, je ne veux pas dire héroïsme : simplement qu’en entrant dans le domaine politique, toujours en provenance de la sphère privée de notre vie, nous devons être capables d’oublier nos soucis et nos préoccupations. »[1]
Puissions-nous ce soir nous convaincre que, quel qu’il soit, notre Président de la République prendra soin de la France et non des intérêts immédiats d’une partie des Français contre une autre partie. Et que les Français qui n’auront pas voté ou qui auront voté blanc dépassent leur rancœur contre les deux candidats. Il en faut, alors, choisissez, même si aucun ne vous convient pleinement !
Combien, en dehors du débat de mercredi où ce sont les candidats qui ont mené le jeu, cette campagne a été décevante. Chamailleries, mots félins pour ne pas dire assassins, ragots, rien n’aura été épargné aux Français. Mais peut-on dire que ce n’est que de la faute des candidats et de leur équipe ? Nos rapporteurs médiatiques ne sont-ils pas en grande partie responsables ? A l’affut de la moindre parole ou du moindre geste opposant les candidats, ils n’ont montré, ces trois derniers mois, que les aspects les plus veules d’une campagne plus médiatique que politique. Très peu de choses sur les programmes, cela ne les intéressent pas. Ils ne relaient que ce qui fait polémique et non ce qui est édifiant ou édifiable. Les questions posées aux candidats pendant leurs interviews individuels sont désespérantes de bêtise : « Comment vous sentez-vous face à untel ? », « Que pensez-vous du fait que tel candidat a deux points de plus que vous ? ». A croire que les journalistes vivent dans un autre monde, artificiel, fait de paroles superficielles qui créeront d’autres paroles pleines de fiel dont ils se pourlècheront de manière substantielle.
Les médias se complaisent dans l’émotion qu’ils cherchent à provoquer. De l’intelligence politique, à quoi cela peut-il servir ? Seul compte ce que ressentent les candidats et le public. « Quel est votre sentiment sur… », telle est la question favorite d’une société médiatisée à outrance. Nous aurions aimé plutôt connaître le point de vue du candidat sur la situation dans tel ou tel domaine et les améliorations qu’il compte y apporter. Vous me direz qu’il suffit de regarder Internet pour trouver ces programmes. Oui, mais les avez-vous lu, et jusqu’au bout ? De plus, si on leur donne la parole, c’est bien pour qu’ils nous expliquent ce qu’ils comptent faire !
[1]H. Arendt, citée dans E. Tassin, Le trésor perdu, Hannah Arendt, l’intelligence de l’aciton politique, Payot, 1999, p.50.
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05/05/2012
C’est votre univers
C’est votre univers, ce bureau délavé.
Et, présent, vous laissez partir votre esprit ;
Absent, sans vergogne, vous y revenez.
Apparition, disparition, tromperie !
Environné de fantômes, muselé,
Vous vous condamnez en imagination
A devenir sec et pâteux, dépoilé,
Dans cette enceinte de distanciation.
Votre transparence devenue réelle,
Vous errez dans les couloirs solitaires,
Trainant derrière vous vos péchés véniels,
Jusqu’à cette résidence balnéaire.
Et vous vous ébattez, le cœur en fête,
Là où aucune envie ne vous attend.
Vous vous délestez d’une âme inquiète
Jusqu’à baigner dans le vide dilatant.
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04/05/2012
The piano guys: Bach is back
http://www.youtube.com/watch?v=Ry4BzonlVlw&feature=fvst
Quelle féérie ! Un feu d’artifice, une marche triomphale et sans gêne qui s’affirme en se moquant des conventions, une sorte de pied de nez à tous les musicologues, aux doctes du classicisme, aux serrés des globes. Amusons-nous, chantons, dansons, dans la joie, la vigueur, jusqu’à faire péter les cordes des violoncelles !
Qui faut-il admirer ? Ce(s) musicien(s) échevelé(s), jouant de manière folle, tapant sur leur instrument pour en tirer les sons les plus insolites, mais harmonieux, ou le compositeur, ce grand Bach, toujours d’actualité, toujours merveilleux quelle que soit la manière de le jouer.
« Une divine machine à coudre », disait Colette de sa musique.
07:47 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, bach, classique | Imprimer
03/05/2012
Le Zubial, roman d’Alexandre Jardin (Gallimard, 1997)
Le Zubial n’est ni un oiseau, ni même un animal, c’est un humain, le père du narrateur. Il est mort à quarante-six ans, mais son souvenir est si vivant qu’il transcende la tristesse et fait régner une joie intérieure à défaut des farces extérieures. La joie communicative qui émanait du Zubial était faite d’un étrange parfum d’irréalité, lequel tenait à la façon de tout revisiter à l’aune de ses fantasmes et son goût pour les situations invraisemblables.
Le thème principal du livre : le Zubial, bien sûr. Imaginez que vous êtes lui. Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d’être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n’êtes plus l’otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions… Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous ayez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d’être jugé… Imaginez que la traversée de vos gouffres ne vous inspire plus que de la joie.
Le deuxième thème : les femmes, toutes les femmes, extasiées, envoûtées, amoureuses, tant, qu’elles commémorent une fois par an sa mémoire en l’église Sainte Clothilde. A l’insu de leur mari ou amant, quittant leurs jalousies d’antan, elles se réunissaient en secret depuis seize ans pour le remercier d’avoir existé, ou du moins poursuivre le dialogue qu’elles avaient entamé avec ce grand vivant quand il l’était encore.
C’est un livre d’anecdotes, parfois nostalgiques, celui d’un encore enfant qui se réjouissait, s’envolait aux côtés d’un père qui était bien plus qu’un père, un clown, un ange et un diable. Car je savais que ce récit ne serait pas un recueil de souvenirs, mais un livre de retrouvailles. Ce n’est pas une nuance, c’est une différence qui me remplit de vie à mesure que j’écris ces lignes. Et s’il m’arrive de pleurer en l’écrivant, ce sera de joie. Mon père est mort, vive le Zubial !
C’est une France espiègle, drôle, ludique, abracadabrantesque, que nous décrit la plume d’Alexandre Jardin, laissant trainer un brin de romantisme et de mélancolie avant de rebondir dans une nouvelle aventure tout aussi folle. Etre Jardin, c’est être fou jusqu’à la ruine. Je demandais à mon père ce qu’allait coûter notre périple. Il me répondis que cela n’avait pas d’importance, ou plutôt qu’il était important que j’apprenne à consacrer l’essentiel de mes revenus ou ceux des autres pour conquérir les femmes que j’aimais ; le reste ne pouvait être qu’un mauvais placement, immoral de surcroît. Telles étaient les règles du Zubial, toujours à cheval sur certains principes. (…) Chez les Jardin, devenir soi passe par d’exténuantes exigences. Ce que nous sommes ne nous suffit pas, jamais. Vivre signifie enfourcher un destin, aimer est pour nous synonyme de se projeter dans des amours vertigineux. Le normal est notre hantise, l’exorbitant notre mesure et notre ridicule vanité.
Dernière pirouette du narrateur : Je crois tenir de lui le sentiment que mes volontés, même invalidées par les contingences, finiront toujours par dessiner les contours du réel. Fondamentalement pessimistes l’un et l’autre, nous restons convaincus que le bonheur est la seule issue, que le mal est un affreux malentendu et que les désirs irrépressibles peuvent tout dynamiser.
07:49 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, société | Imprimer
02/05/2012
Le bien commun, ce que nous attendons d’un président
En ce lendemain du 1er mai qui avive les clivages français et à quelques jours des élections, il conviendrait de se référer à la notion de bien commun, telle qu’elle a été définie par Vatican II (Gaudium et Spes, 26) : ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée.
Trois points sont à souligner.
Le premier concerne le but du bien commun : Atteindre la perfection de la personne humaine, c’est-à-dire se réaliser pleinement, collectivement et individuellement. Certes, on doit se demander ce que signifie cette perfection. Est-ce l’avoir, ce qui signifie de gagner toujours plus d’argent, est-ce le pouvoir contre tel ou tel autre groupe, est-ce le savoir, avec la tentation suprême d’être maître du monde ? Ou ne serait-ce pas plus simplement, de manière plus évidente, être bien (en paix) avec soi-même et les autres par une juste répartition entre mes besoins et mes aspirations et ceux des autres ? Chacun de nous a une vocation particulière qu’il doit d’abord découvrir, accepter, puis contribuer à développer. C’est cette réalisation de soi-même, l’inconnu que le suis et que je dois construire, qui me conduira à la perfection. Et ne pensez pas que ceci est trop difficile. De nombreuses personnes y arrivent, qu'elles soient célèbres ou inconnues : les artistes, les chercheurs, les enseignants, les politiques même, tous ceux qui recherchent autre chose du travail qu’un simple moyen de survivre. Les métiers les plus anonymes sont également appelés à cette célébration : ouvriers, femmes de ménage, aides soignants, etc. Il nous suffit de chercher à bien faire ce que nous avons à faire.
Le second concerne le fait que cette réalisation de sa vocation concerne autant chaque personne que chaque groupe de personnes, qu’il s’agisse d’associations, d’entreprises, de partis, de syndicats ou de toutes sortes d’organisations publiques ou privées. Ces groupes peuvent être conçus pour défendre certaines catégories de personnes qui seraient lésées dans leur possibilité de s’épanouir librement, mais elles n’atteindront leur perfection que si elles agissent dans un juste milieu entre le bien individuel de ses membres, le bien collectif de leur groupe et le bien général de l’ensemble des groupes.
Enfin, le troisième point concerne les moyens employés, c’est-à-dire l’ensemble des conditions sociales, j’oserai même dire l’ensemble des conditions sociétales. Et c’est là la mission première du politique, organiser la société de telle sorte qu’elle donne à chacun la possibilité d’atteindre la perfection. C’est ce que nous attendons particulièrement d’un président : non pas qu’il défende un groupe contre un autre, la droite contre la gauche ou la gauche contre la droite, le public face au privé, le social contre le libéralisme. Cela signifie qu’il doit avoir une vision de l’avenir du pays, de la manière dont il peut lui faire atteindre sa perfection puisque le pays est lui-même un groupe, le groupe des Français qui veulent s’épanouir dans leur nation parce que celle-ci correspond à leur manière de voir le monde et de s’y réaliser.
Malheureusement cette campagne est triste, parce que focalisée sur les querelles et non sur la vision de ce que les Français veulent de la France dans cinq ans, voire dix ans. Quelle société recherchons-nous ? Certes, les candidats tentent de répondre à cette question par de grandes envolées lyriques ou non (la France forte, le changement). Mais qu’y a-t-il derrière ? Aucune réelle vision d’un avenir à construire dans lequel la France trouvera une place propre à elle-même parmi les autres nations.
06:18 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, présidentielle, société, ps, ump | Imprimer
01/05/2012
Inexorablement, se déversent du ciel
Inexorablement, se déversent du ciel
Les gouttes d’une froide solitude
Le temps s’est divisé, recroquevillé
En nuages noirs et denses
Comme les bourres de poussière
Sous les meubles de votre passivité
Autour de vous, au pied de votre île
L’eau monte en écume blanchâtre
Et file sous vos yeux inquiets
Elle atteint sa côte d’alerte
Et envahit votre esprit occupé
Jusqu’à faire dériver vos pensées
Les gouttes sont devenues flots
Les flots deviennent fleuves
Les fleuves emplissent l’immensité
Des eaux des mers bordant la terre
Observons cet étrange ballet
Une goutte tombe, se perd
Se fraye un chemin dans la végétation
Ruisselle avec ses compagnes
Vers d’étranges récipients
Qui déversent leur bouillonnement
En vomissures permanentes
Dans des canalisations saturées
Jusqu’aux rives des ondes courantes
Là s’arrête son aventure
Elle meurt de trop de gouttes
Elle laisse la place à plus épais qu’elle
Adieu goutte fraîche et caressante
Qui m’honora de sa présence
Avant de finir engloutie
Dans les affres de la nature débordante
07:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, littérature, poésie, poème | Imprimer
30/04/2012
L’art urbain ou street art : passage Brady (1ère partie)
Dans le passage Brady (Passage situé entre la Rue du Faubourg St Denis et la Rue du Faubourg St Martin, Paris 10), il y a une cour intérieure, moche, mais avec une peinture extraordinaire d’imagination et de délire pictural.
D’abord, sur la droite, ce singe qui tient une truite. Ce n’est pas seulement un singe, c’est un avatar. Il est vieux, aux poils blancs, il est revêtu d’une sorte de couronne sacerdotale et semble offrir à son dieu le poisson. De plus, il paraît sortir de l’eau, comme une apparition bizarre à un plongeur qui fait un cauchemar !
L’autre peinture est encore plus délirante. Une sorte de dieu, Vishnou le protecteur, tient dans ses mains multiples un certain nombre d’attributs qui sont ceux de la divinité : la conque, expression de la création, le lotus qui symbolise la pureté, le disque Sudarshana mettant en évidence la puissance de l’esprit, l’arc, la massue. Il porte la couronne qui représente la réalité incontournable. Mais ce dieu n’a pas la tête sereine des vishnou(s) habituels. C’est une nouvelle incarnation à la mode de l’an 2000 dans une ville occidentale, peinte par un artiste délirant. Il a la tête d’un africain du 10ème arrondissement et chevauche un tigre.
Sur sa droite, sautant l’arbuste qui pousse entre les pavés, un Lucky Luck mortel (ou immortel ?), à cheval sur un animal mythique, sorte de dragon dont on ne voit pas la tête, revêtu d’une couverture amérindienne, mais mettant en valeur les gratte-ciels newyorkais.
Le Dieu terrible et la mort montée sur son cheval ailé. Quel programme !
06:17 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : regarder, photo, poésie, paris | Imprimer