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07/05/2017

La grande nuit

La grande nuit approche
Dans ces derniers instants
Au soir d’une vie bien remplie
Tu t’interroges : qu’en ai-je fait ?
Tu fouilles en ta mémoire perdue

En premier lieu la caresse
Celle des mains sur le piano
Celle de l’air au printemps
Celle du pinceau sur la toile
Et surtout celle de l’aimée
Une caresse d’huile parfumée
Sur ton corps de fantôme

En second lieu l’imaginaire
Tels les rêves d’écrivains
Qui projettent leurs passions
Sur les battements de ton cœur
Tels aussi le souffle créateur
Qui montent du puits de l’être
Et crie au monde sa vision
Je ne suis rien et c’est là
Dans cet instant de vide
Que je suis le plus pleinement

En troisième lieu l’action
Moment précaire, à saisir :
Ne tarde pas, il part cet instant
Et fuit ton être immobile
Trompe-toi, mais agis
Ne renonce pas à l’engagement
Tu en porteras les conséquences
Mais tu n’auras pas de regrets
Soigne le geste précis
Jusqu’à la perfection
Répète sans relâche
L’exercice qui te sortira
D’une indolence à fuir
Et évade-toi un jour
Sans pouvoir le prévoir
Dans la beauté limpide
Du geste parfait
Qui te rend transparent

En dernier lieu, ce double
Qui grandit en toi
Imperceptiblement
Image de ton idéal
Accomplissement d’homme
Vertu découverte
Un jour de spleen
Et recherchée sans cesse
Souvent perdue
Parfois même oubliée
Puis revenue au cœur
De ton être rêvé
Lumière éblouissante
Éclairant l’horizon

La nuit est tombée
Plus rien ne te retient
L’attente mortelle
Sauvagement t’embrasse
Elle guette la lueur inconnue
De l’aurore mystique
Où tu gagneras ce double
Et ne deviendras qu’un
Celui que tu as construit
Tout au long de ta vie

 ©  Loup Francart

03/05/2017

Seul et deux

Il allait deux par deux, en paire
L’extérieur et l’intérieur, liés
Par l’injonction du double
Unique au regard de l’autre
Ils avaient bien tenté une séparation
Prendre une réelle indépendance
Mais toujours revenait l’attirance
L’association, le franc accouplement
Des contraires associés dans l’éternité

Tiens donc, se disait-il
Ferme l’obscure lumière du songe
Et coule-toi dans l’ombre
Dans le silence de l’absence
Laisse glisser ton être
Entre les vitres de la bienséance
Et évanouis-toi dans la nuit
Sens-tu cette présence en toi ?

L’autre toi-même, encouragé
Dresse un regard inquisiteur
Et contemple cette ombre
Derrière les lunettes de la vérité
Elle plane encapuchonnée
Dans ce corps vide de sens
Tordu d’interrogations
Comme un mirage épuisé

Ensemble, toujours un
Confondus dans l’unité
Des contraires associés
Marchant en équilibre
Sur le faîte du chemin
De la vie en mouvement
Il allait deux par deux
L’intérieur dans l’extérieur
L’extérieur empli d’assurance
Eclairé de présence pleine
D’un devenir en  pointillé
Qui conduit vers le rien
Et ouvre sur le tout

Oui, tu es, seul et double
Le regard sur le monde
Doublé d’un œil intérieur
Et tu fouilles d’un doigt avide
L’âme qui s’éveille et t’entraîne
Vers sa résolution inconnue
Pleinement consciente
De cette unité à deux
Se rejoignant imperceptiblement
Derrière le cercle de la vie

 ©  Loup Francart

01/05/2017

Jeune moine bouddhiste

Revenu des songes, il allait sans vergogne
Qu’avait-il à dire aux touristes perdus
Il courrait avec agitation, sans savoir
Il fuyait le monde et les hommes
Et s’enfonçait dans la solitude, éperdument
En garçon sans éducation ni conscience
Dans sa robe rouge, il contemplait
Les vallées qui coulent vers les mers
Et, levant les yeux, il célébrait l’aurore
Viens, lui disait le vent et la pluie
Et il allait sans gêne ni douleur
Méditer sur la colline isolée
Dans un monde sans souvenirs
Envahi de silence et d’absence
Rien ne lui dictait sa conduite
Ni l’homme, ni même la nature
Il allait seul contemplant les hommes
Comme appartenant à une autre race
Transparent et insaisissable
Venu de millénaires instantanés
Comme une offrande nouvelle
Offerte au monde déboussolé

L’enfant vaut-il mieux qu’un homme ?
Il n’a rien derrière lui
L’avenir en visée
Le présent en partage
L’existence comme seul point commun

 ©  Loup Francart

27/04/2017

Saints de glace

La glace a pris possession des êtres :
Givré le nez pleurant la pluie aigre
Racornis les doigts prisonniers de mitaines
Et les pieds sonnant sur l’enfer du pavé

Seul le ventre au chaud du manteau
Tressaille encore d’aise pour certains

Pas pour longtemps, car la brûlure
De l’air enfile la manche de la rue
Et insère ses moignons sous la ceinture

Les femmes sortent en homme
Les hommes deviennent fantômes
Engoncés de pudeurs outrancières
Les pensées obscurcies d’épines acérées
Qui rayent toute continuité logique

Mamert, Pancrace, Servais et Urbain
Sont les saints invoqués et chéris
Contre cette folie glaciaire qui survient
En criant le soir derrière les fenêtres
Pour bleuir la face enluminée des passants
Et réjouir les corps dénudés
Des prudents sous la couette

Elle dure cette goutte de froidure
Qui glisse sous l’aisselle du temps
Provoquant la fuite des évocations
De jours mordorés et d’extase amollie

L’humain s’est figé dans la glace
De ses aspirations à la béatitude !

 ©  Loup Francart

23/04/2017

Enfance

Pourquoi l’enfance est-elle ponctuée de pleurs ?
Un rien la rend fontaine débordante
Et les flots drainent espoirs déçus et terreurs
Jusqu’à l’oubli qui survient tout à coup

Tu pleures sur ton malheur ou tes maux
Tu pleures parfois même de bonheur
Tu t’entraînes à fondre en larmes
Pour te faire remarquer des adultes

Je suis un personnage, leur dis-tu
Faites donc attention à moi
Ne me laissez pas passer sans me voir
Et si vous vous retournez, indécis
Regardez-moi dans les yeux
Noyez-vous dans l’eau claire d’un savoir autre

Perception, sensation, impression
Les ions m’en sortent de la tête
Voient-ils la page blanche se remplir
De larmes de pluie et de hoquets

C’est une désolation que cette rancœur cachée
Qui courre dans tes souvenirs aigres
Les pleurs cachent ta misère inexistante
Redresse la tête, couvre-toi de fierté
Tu deviendras grand quoiqu’il arrive

Et tu seras forcé de vivre, solitaire
Face à toi-même, sans pleurs ni reproches
Au bord du ruisseau des larmes
De crocodile qu’un enfant a émis
Et qui se perd dans le désert de l’existence

 ©  Loup Francart

19/04/2017

Origine (2 : voir d'abord 1)

Que la lumière soit et la lumière fut !
La parole serait donc créatrice
Elle-même mouvement en mouvement
Mais la parole n’existe que parce qu’il y a
Derrière celle-ci la pensée
Peut-on penser sans parler ?
Oui, on peut maintenant parler sans penser
Parce qu’au commencement
La pensée a précédé la parole
Elle a créé le mot, miracle de création
Premier élément de logique en marche
Naissance de l’immatériel
Concept créateur créant la création
Ainsi est née la science et le partage de Galilée
Entre « comment l’on va au ciel », réservé aux théologiens
« Et comment va le ciel », domaine des scientifiques
Pourtant l’immatériel est aussi objet d’exploration
Mais c’est une logique molle, sans mathématiques
Le chiffre serait-il ce premier mot : Un ?
Auparavant la pensé était tout
Poussière immatérielle en mouvement
Qui par cette agitation a créé le Un
Et fait naître le temps, l’espace
Et la matière, inséparables

Le Un s’oppose au tout
Comme il s’oppose au rien
Il Est, seul né de la pensée
Immatériellement existant
Mouvement sans déplacement
A l’origine même du mouvement
Celui qui conçut la lumière
Opposée aux ténèbres
Qui conçut ensuite la matière
Opposé à l’absence
Une présence originelle
Qui brûle d’amour
Et engendre la pensée, puis le mot
Puis le temps, puis l’espace,
Puis la matière
donc le deux créateur
Origine du masculin et du féminin
Qui donne la vie par l’amour
Comme l’univers fut créé par amour

L’amour est-il l’origine de l’origine ?
Dans ce cas serait-il l’origine du mot
Et avant de la pensée inexprimable
Parce que feu sans combustible
vide ou plein, Tout ou rien
Mouvement sans impulsion
Car l’amour n’a besoin de rien
Pour exister dans le cœur
De Celui qui Est sans nom,
Et que l’homme conçoit
Comme celui qui est, qui était et qui vient
Pour les siècles des siècles
Amen !

 ©  Loup Francart

18/04/2017

Origine (1)

L’éclair primordial est-il aussi clair ?
En un quart de seconde, Dieu créa tout
Rien n’existait auparavant, pas de matière
Mais pas non plus d’espace ni de temps
Le néant inimaginable et sans fondement

Peut-on concevoir un tel paradoxe ?
Du rien naît le tout, du vide le plein
La danse des contraires s’est mise en route
Désormais tout marche en opposition
Matière et antimatière, passé et avenir
Là et ailleurs, obscurité et lumière
Auparavant le néant, puis le début
La terre était informe et vide
La genèse suppose un mouvement
Une série de faits et de causes
Qui s’enchaînent entre eux
Et conduisent à la cohérence
Mais comment un mouvement
Peut-il naître du néant et créer ?

Pourquoi y a-t-il quelque chose
Plutôt que rien ? demande Leibniz
Une solution : la pensée existe
La conception du monde est un présupposé
Avant sa création ex nihilo
La noosphère a de tout temps
Remplit le néant et créé le vide
L’absence précède la présence
Mais cette absence est présence
D’autre chose, immatérielle
Le lait nourricier de l’univers
Une voie lactée de pensée
Un singulier singulier, inquiétant
Parce qu’inconsistant, vide de tout
Plein du futur, jeté en une seconde
Dans la furie du mouvement
Qui engendre le tout opposé au rien

 ©  Loup Francart

12/04/2017

Rires

Le rire frais d’un enfant résonne. Entre !
Ils sont trois à s’esclaffer, la main au ventre
Le regard rieur, surpris en plein délire
Ils cherchent, unis, à casser leur tirelire

Qu’y a-t-il dedans ? Deux misérables pièces
Offertes le matin avec gentillesse
Qu’ils ne pourront se partager sans dispute
Le moment vient, encore quelques minutes

Alors le rire devient pleurs et fuites éperdues
Les pièces s’égaillèrent et furent perdues
Roulant sous la table et le lit, discrètement

L’orage s’amplifia, l’air devint électrique
Ce fut leur habituel quart d’heure colérique
Avant le retour au rire, subrepticement !

 ©  Loup Francart

08/04/2017

Interrogation

Pour la première fois depuis qu’ils ont fait connaissance, il ne se manifeste pas au matin. Rien ne bouge, aucune pensée ne vient troubler la sérénité de Charles. Habitué aux sautes d’humeur, au réveil en fanfare, ce dernier s’en étonne. Pourquoi cette indolence ?

Il l’avait connu plus gaillard, debout et fier de sa prestance, encouragé dans ses vagabondages, revendiquant sa souveraineté dès lors que les pensées Charles se tournaient vers elle, omniprésente, belle de présence d’odeurs et de frottements, cueillie dans ses vagabondages et offerte bravement aux rapprochements des corps et de l’esprit.

Chaque jour, il renouvelait sa foi et tendait son désir vers l’aimée. Et ces milliers de jours furent comme une seule vie, ensevelie dans la bulle de l’amour, deux en un, dans ce monde où chaque caresse devient un frémissement qui se transforme en feu vivant. Il accumula les souvenirs d’étreintes malhabiles, de passions dévorantes, de tendres apaisements après l’envolée lyrique. Que de fois son cœur vibra et son corps se mit en marche, brutalement, comme un autre lui-même, dressé au-dessus de toute autre préoccupation, assoiffé de ses instants sublimes où plus rien d’autre n’existe.

Aussi quel est donc cette douceur tendre qui fond dans le puit des âges et rend ses soupirs délaissés d’accompagnements des baisers ? Serait ce jour redouté où cette tension féroce s’assagit en lents vagissements, comme le veau que l’on mène à l’abattoir ? Serait-ce l’entrée dans le troisième âge, celui des bruissements de la nuit sans accompagnement de caresses, sans même l’image de ces  statues nues courant dans le cerveau déchaîné.

Va mon mignon ! Dors aujourd’hui. Demain tu reprendras ta danse éternelle et lumineuse devant celle qui t’a donné sa vie.

06/04/2017

Un jour de plus

Le chat aux mouvements ailés
Se coule, imprévisible et matinal,
Dans l’air saturé de la nuit

J’engage ce lent glissement
De la pensée immobile
Et enrage de ne pouvoir crier
La violence de ce réveil

Étire ton être fossilisé
Brise ce tas d’os et de chair
File au-delà du geste
Rien ne te retient plus
Dans le maquis du verbe

La vapeur du jour nouveau
Te conduit à cette lueur
Qui pointe entre les cils
Et embarrasse ton bien-être

Il est temps d’émerger
De la machine à laver
Pour emprunter, un jour encore
Le chemin des écoliers
Et apprendre la vie
Une fois de plus…

 

 ©  Loup Francart

27/03/2017

Le nombre roi

L’infini…
Un mot qui ne signifie rien
Car on peut toujours ajouter
Un Un à un tout
Et ce tout devient un autre tout
Encore plus grand que le premier

Seuls trois concepts englobent le connu
Le Un, l’infini et le rien

Le Un est le roi
Dans le Un je suis
Et l’autre également
Plein, entier, seul
Oui, le roi des nombres est le Un
Inégalable, majestueux,
Distinct et multiple

Mais le Un est si petit
Qu’est-ce qu’un grain de sable
Sur une plage qui se perd dans l’eau ?
Même la plage n’est pas reine
Même l’océan n’est pas roi
Entre le grain de sable
Et la goutte d’eau
Qui a-t-il de commun ?

Si je peux compter l’un et l’autre
Je ne peux compter deux infinis
C’est l’explosion dans ma tête
Ma capacité à penser est limitée
L’infini, c’est la profusion,
L’au-delà au-delà de l’au-delà
On peut alors mélanger les au-delà
On n’atteindra jamais l’au-delà de l’au-delà
Et le Un se promène dans cet au-delà
Léger comme la plume dans le vent

Alors apparaît le rien
Il est rond, fermé, enclos en lui-même
Comme un tout déguisé en un Un
Mais qu’on ne peut dédoubler
Il pourrait être l’au-delà de l’au-delà
Il est également l’au-dedans de l’au-dedans
Si petit qu’il n’est presque rien
Mais ce presque rien est encore quelque chose
Qui est un Un perdu dans l’infini
Il n’est pas ce qui est
Mais est-il tout ce qui n’est pas ?

Alors quel est le plus beau ?
Le Un ouvert sur le monde
L’infini qui n’ouvre sur rien
Le zéro fermé sur lui-même ?

Un homme compta un jour le rien
Un autre homme compta les Uns
Enfin un dernier homme compta l’infini
Le rien multiplié par le rien
Donna le rien, l’absence, le néant
L’infini multiplié par l’infini
Donna l’infini, le plein devenu rêve
Le Un a seul une consistance
Je peux le toucher et le compter
Même si je ne peux tenir tous les Uns

Il y a pourtant deux sortes de Uns
L’un est né impair
Mais il ne se suffisait pas à lui-même
Car pour être plus d’Un
Il faut au moins être deux
Pour avoir un autre impair
Il faut un pair, semblable et différent
Additionnez deux pairs ensemble
L’étonnant est qu’ils forment un autre pair
Alors que si vous additionnez deux impairs
Surgira la diversité
Seul l’impair et le pair
Font un autre impair
Qui lui-même en formera un autre

C’est en cela que le Un est à l’origine du monde
C’est dans le mouvement même de celui-ci
Que naît l’infini et, en parallèle, le zéro
Oui, le Un est bien le roi de l’univers
A condition de n’être pas un, mais au moins deux !

 ©  Loup Francart

23/03/2017

Confusion

Nous n’avons jamais tant vu d’agitations
Et de navrantes piques pour une élection.
Seul, l’empereur règne sur le médiatique,
Proclamant à qui mieux mieux sa gymnastique.
Il n’est pas atteint par la fièvre dévoreuse
Et sort toujours plus blanc de la lessiveuse.
Il navigue sans se fixer entre les extrêmes 
Et affirme vouloir gentiment faire carême.
Les autres, sous les coups des assassins,
Jouent les utilités contredites sans fin.
Leurs paroles se perdent dans le brouhaha
Qui finira prochainement par un hourra.
Et pendant ce temps, survit le monarque
Qui, dans la désolation, assis sur sa barque,
Contemple hilare les ruines de son château
Et annonce : « Il n’y a jamais d’égaux ! ».
C’était bien pourtant la promesse délirante
Qui enthousiasma les foules trépidantes.

 ©  Loup Francart

19/03/2017

Zéro

Il n’existe que dix nombres
Qui servent en arithmétique.
L’un d’eux n’est qu’une ombre,
Évidemment un peu fantomatique ;
Il ne signifie rien, mais c’est un chiffre.
Il est la présence de l’absence.
Ce n’est pourtant pas un sous-fifre ;
Il fait grandir la connaissance,
Mais reste enroulé sur lui-même.
Fait comme un O, tel un païen,
Il constitue un enthymème :
Il est fermé et il n’est rien.

C’est ainsi que Shakespeare fit dire
Au roi Lear : rien ne sortira de rien !

 ©  Loup Francart

14/03/2017

Dévoilement

C’était toi, l’ombre entrevue
Comme un double de moi-même
Cette glissade des personnalités
Jusqu’à l’emmêlement des genres
Nous nous retrouvons nus
Sans vêtements ni même sentiments
Et contemplons nos chairs incolores
Rien ne sert de nous caresser
L’empreinte de nos mains sur les corps
Reste sans conséquence ni mystère
Elles passent au-delà du rideau de l’être
Et s’enfoncent dans l’inconnu
Les bras s’allongent et ne peuvent saisir
Le vent, la pluie et les larmes
Le monde s’en est allé, que me reste-t-il d’autre
Que ton regard de fer et tes mains de velours
Le souvenir d’une après-midi ensoleillée
Et de ta fraîcheur dévoilée comme une orange ouverte

 ©  Loup Francart

11/03/2017

Maxime

 

L’amour, c’est cette odeur d’absence que je trouve loin de toi.
Je la transporte avec moi.
C’est ma façon de te retrouver.

 

04/03/2017

Poète

Te réfugies-tu dans ton intérieur
Ou t’exaltes-tu par l’extérieur ?
Es-tu poète de par ton intimité
Ou chantre de la beauté visible ?
Ou encore peut-être es-tu les deux,
L’œil sur les trésors du cœur
Et baigné de l’étreinte du monde ?
Heureux celui qui s’enflamme
A la caresse du vent sur le corps
Et qui s’abstrait dans la descente
Vers l’infini au-delà du moi
Mais bienheureux celui qui dépasse
Ces deux faces de Janus
Pour devenir poète de toujours
C’est ce retournement rassembleur
Le fruit de la recherche d’une vie
Qui fait de lui celui qui n’est plus
Et qui devient celui qui est
Présomption de déification
Me direz-vous, critique
Non, ce n’est que la réalisation
Pleine et entière qui réjouit
Le corps et l’esprit en un lieu
Qui n’est pas de ce monde
Qui rassemble le tout
Dans le miroir humain
Et l’illumine de l’éclat divin

 ©  Loup Francart

28/02/2017

Sur la crête de la destinée

Sur la crête
Entre le bien et le mal
Entre le bon et le mauvais
Il oscille

Mais qu’est-ce que cette antonymie ?
Y a-t-il vraiment une droite et une gauche ?

Ne serait-ce pas plutôt une vallée
D’où chacun tente de s’extirper
Car d’un côté la gravité l’oblige
Et du mal ne peut l’alléger
Et de l’autre, la compassion
L’enferme dans un sursaut d’humanité :
Il ne peut les laisser seuls

La vallée s’enfonce dans la brume
Elle monte sans cesse
Dans les nuages de l’absolu
Vers l’enfer ou le paradis
Sans qu’il sache où il tombera

Ce n’est que le jour du départ
Après avoir laissé son corps
Qu’il saura s’il a pris
La vallée de la géhenne
Ou l’ascenseur de la transparence

Sa seule assurance :
Le parachute de l’optimisme !
Son seul frein :
Le poids de l’égo !

Ainsi il va vers son destin
Sans savoir qu’il le vit
Mais, en lui, se révèlent
L’attrait des neiges éternelles
Et la peur de la damnation

Alors l’effort le porte
Et l’espoir le guide
Il sera ou ne saura jamais
Mais il aura tout fait
Pour épouser son destin

 ©  Loup Francart

24/02/2017

Le désir

Le désir est un compagnon encombrant.
Lorsqu’il est là, il prend toute la place.
S’il vous arrive de constater son absence,
Il accourt aussitôt sans aucune gêne.
Il ne vous laisse aucun répit
Et vous taraude sans cesse, insatiable.
Insidieux et libertaire, il exerce sa férule
Sans avoir l’air de rien, en toute quiétude.
Il vous faut attention et tromperie
Pour le renvoyer loin de vous.
Vous le chassez par la porte,
Il revient par la fenêtre, même close.

Le désir est un compagnon encombrant,
Comme un vernis qui vous recouvre
Et qui attire toute poussière de l’esprit.
Vous basculez du septième ciel
Au fin fond de l’enfer sans le savoir.
Il est déjà trop tard… Vous êtes pris…
Englué dans ce rappel permanent
D’exigences actives et incontrôlées
Qui surgit à l’horizon des pensées
Et finit en actions à vos côtés,
Vous basculez sans y pouvoir
Et perdez votre savoir-être,
Car il court à fleur de peau
Et vous submerge à tel point
Que vous n’êtes plus vous-même,
Mais l’être inconnu qui se prétend moi
Et qui n’est qu’un sosie malodorant.

Le désir est un compagnon encombrant.
La fuite n’est qu’une mascarade
Qui conduit à l’abdication.
L’acceptation de sa présence
Fait de vous un fantôme vivant.

 ©  Loup Francart

19/02/2017

Abstraction

L’aurore est abstraction.
Tout d’abord, noir et blanc.
Un point tout court, faible,
Grandit dans l’espoir du jour,
Puis dessine une à une les formes
À grands traits d’obscurité,
Diffusant la lueur entre elles
Plutôt que sur elles, si frêles.
Enfin se distingue chaque ensemble,
L’arrondi des buis dans leur bac,
L’aplat de la pelouse qui s’échappe
Hors de la vue palpable,
Le miroir de l’eau qui s’étire
En fils d’argent revêches.
Plus loin encore, hors du tangible,
La goutte de conscience s’élargit,
Se manifeste avec une étonnante douceur
Pour s’emparer, avide, du paysage
Qui apparaît alors, nu et neuf,
En ce nouveau jour, comme un poussin
Qui casse sa coquille et découvre
La splendeur renouvelée de la création.

 ©  Loup Francart

12/02/2017

Fin

Je n’ai plus l’éternité devant moi
La fin approche à grands pas
Elle ouvre sa gueule béante
Et fait ses yeux enjôleurs

Je ne veux pas me laisser faire !
Mais comment lutter sérieusement
Contre le lot de tout un chacun

Certes, il me reste de nombreux jours
Et autant de nuits solitaires
Où je pourrai encore dire
Tout ce qui me vient à l’esprit

Mais je sens la mélasse venir
Ma course se ralentit
Elle tourne autour du pot
Et souvent ma pensée
S’ouvre à d’autres horizons
Là où il n’y a plus de différences
Entre le réel et l’imaginaire

Et ce vide immense, sans fin
Couvre de son ombre velue
Les désirs qui s’échappent

Partez au loin, je vous rattraperai
Mes petits moineaux chauds
Et nous irons nous perdre
Dans l’obscurité et la froideur
D’une nouvelle vie, inconnue
Dont on ne sait rien
Mais dont on espère tout

Oui, l’éternité est morte
Il faut se dépêcher de remplir
Ce pour quoi nous avons été créés
Différent pour chaque homme

Maintenant que j’ai découvert
L’absolue solitude, tranchante
Qu’entraîne cette exigence
Je couvre d’écritures et d’interjections
Les pages blanches et vierges
Qui sont devenues
Ma robe de marié
Pour l’éternité

 ©  Loup Francart

11/02/2017

Féminin

Toute femme est un mystère fragile
Qu’il convient de découvrir et choyer
Modeste, elle s’annonce faite d’argile
Mais pour la vie ne cesse de guerroyer

Serais-tu la beauté profonde et tendre
Ou l’innocence invaincue et pudique ?
Peux-tu te laisser couvrir de cendres
Ou te vêtir de pouvoirs encyclopédiques ?

Toi, toujours présente et impitoyable
Dans mes rêves devenue impalpable
Nuage hypothétique poussé par les vents

Comment t’octroyer une réelle consistance
Alors que nos corps pleins d’inconstance
Ne rêvent que de solides adjuvants

  ©  Loup Francart

06/02/2017

Massacres

Dans la densité de l’herbe et des pierres
Ils marchaient sans un souffle
Silencieux, éperdus, mais tenaces
Tendus vers leur mission osée :
Où se cache l’adversaire inconnu ?

Tout à coup, au cœur de la nuit
Retentirent les coups de feu
L’agitation de batteries de cuisine
Dans l’arrière pièce sans fenêtres
Les lueurs secouaient l’horizon
Éclats de terreur fragilisée
Explosions éperdues et prolongées
Cris des blessés, femmes et enfants
Rage des hommes sur fond de haine
L’éclair des lames sorties du fourreau
Les émanations fumantes de la peur
Encombraient la vision d’un voile noir

Et tout ceci paraissait à mille lieux
Des pensées silencieuses de ces hommes
Derrière les jumelles fixant cette folie
Partis rechercher les démons odieux

Ils revinrent le visage gris
Sans un mot ni un soupir
Blêmes, l’horreur plein la bouche
L’œil hagard, les mains tremblantes
Ils vomirent plus qu’ils ne pouvaient
La tête résonnant de bestialité
Les pas scandant le rejet du vécu
Cherchant en vain la consolation
Et ne trouvant que la mémoire
Brute, sèche, rougie du sang
De victimes innocentes et inconnues
Qui moururent ce jour-là, seules
Face au déchaînement de l’exécration
Des hommes entre eux, contre eux
Pour eux, avec eux, ou même sans eux
Seules contre la marée humaine
D’une malédiction millénaire
Sans un regard pour l’être humain
Qu’ils assassinent sciemment

Et Dieu, pendant ce temps,
Se cache derrière le rideau du temps
Pour pleurer les innocents

Quand donc cesseront ces massacres ?

 ©  Loup Francart

01/02/2017

Espace

Les bords froissés de la fenêtre
Tracent leurs courbes dans l’espace

Ils réveillent en chacun le parfum
Des matins d’automne endoloris
Quand l’haleine glacée de l’océan
Se glisse sous votre dos et chante
La fin de l’extase dans la nuit

Dorénavant, l’ombre des caresses
Accompagne le héros qui sort
Vêtu de gris, sans entrain
Pour se laisser mourir gentiment
Dans l’air diaphane de l’aube
Quand apparaissent les premiers rayons

La nuit n’est pas le jour
Le matin n’est pas le soir
La lumière n’est pas l’obscurité
Il y a une ambiance délétère
Sans pouvoir sur l’artiste
Qui se noie dans la brume
Et s’estompe le jour

Mais pendant ce temps
Se déploie la rencontre
Sur le fil de la volonté
Entre l’existence et l’essence
Là où rien ne vient maquiller
La franchise de l’être

Nous ne sommes plus
Seul vit en moi et en toi
Ce gouffre inimaginable
Qui nous fait plonger
Dans l’inconnu chaleureux
D’absence d’être…    

 

 ©  Loup Francart

28/01/2017

Usine

 

Usine, le même geste,
la même cadence, répétée mille fois.


N’être plus qu’un bras de levier,
que le prolongement d’une machine.


Le temps est déchiqueté...

 

11/01/2017

Retrait

Il s’est retiré du monde en un instant
Une respiration, une plongée en soi
Et le voilà parti en d’autres cieux
Dans son ballon de lumière invisible
Qui claironne son absence à tous
La frontière est variable selon l’heure
La nuit est plus propice à cette évasion
Un trou dans la gorge et l’air revisité
Qui ouvre une brèche béante
Dans un moi qui ne s’avoue pas
C’est imperceptible et tendre
Comme une coulée de neige
Sans bruit, il se tourne au-dedans
Et s’ouvre à l’invisible palpable
Cela ne dure pas, mais quel bonheur
Comme un gant de velours
Enfilé sur une paume rugueuse
Il marche les mains en avant
Et glisse entre les objets et le passé
Sans rien faire tomber, en silence
Une glissade effrénée et contrôlée
Qui coule le long du dos
Et le remplit d’extase brûlant
Cela peut vite le ramener sur terre
Un instant d’inadvertance
Fait revenir les flots de la présence
Mais cela peut également se prolonger
Et le faire monter plus haut
Là où rien ne rappelle l’impact
De l’éveil et de la déception
Alors il flotte entre ces deux mondes
Ne sachant où se poser
En lévitation de l’esprit
Hors du temps et de l’espace
Là où rien n’existe que lui
Qui devient autre
Mais qui ?

 

 ©  Loup Francart

07/01/2017

Labyrinthe, d’Henri Michaux

Les choses sont une façade, une croûte, Dieu seul est. Mais dans les livres il y a quelque chose de divin.

Henri Michaux, Lointain intérieur (1938)

 

« Labyrinthe, la vie, labyrinthe, la mort »
L’éclair zèbre la pensée qui dérive, altière
Dans la vague insatiable du souvenir
Labyrinthe sans fin, dit le maître de Ho

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Seul l’infini n’a pas de fin
Mais on ne peut le toucher
Ni même l’entrapercevoir
On l’éprouve dans l’obscurité du soi

Alors chaque jour fouiller au fond du moi
Pour retrouver sa fragrance
Et se retourner de bonheur
Car le divin est partout et nulle part

Mais il faut quitter ce moi
Pour adhérer à l’autre,
Ce soi qui déambule dans le puits
Et obscurcit la sortie du labyrinthe

Alors naît l’envol de la joie
Dans la chute du personnage
L’espace et le temps s’enrayent
Il débouche enfin à l’air libre

Et pourtant écrit Henri Michaux :
Rien ne débouche nulle part,
Les siècles aussi vivent sous terre
Dit le maître de Ho

Oui, dans les livres il y a quelque chose de divin…

 ©  Loup Francart

06/01/2017

Anesthésie

Parfois me prend une tentation folle
Un trou noir et l’évanouissement de l’être
Plus rien qu’un vide immense
Comme un ballon qui se crève
Mon corps et mes pensées se rétractent
Il n’y a pas d’oppression
Tout juste un pincement
L’avertissement d’un autre monde
Encore inaccessible, tentant
Comme un fil d’araignée
Suspendu à la branche de l’avenir
Concentration des cellules projetées
Et passage dans le trou de l’aiguille
Où cela mène-t-il ?
Cet instant dérisoire et doucereux
Est une cicatrice que l'on aime gratter
Une seconde de bonheur suspendue
A des minutes d’angoisse
Et la paix au bout du tunnel
Derrière je pressens la lumière
La respiration translucide
L’évasion attendue de la pesanteur
L’entrée dans le liquide amniotique
Qui anesthésie le toucher de la vie
Approche, approche, me dit-on
Mais ne franchis pas la ligne
Car tu ne reviendras plus !

 

©  Loup Francart

01/01/2017

Premier de l'an

Premier de l’an, mais lequel ?
Il en a tellement vécu qu’il ne sait plus
Pourquoi marquer d’un trait au calendrier
Ce jour délicat d’hiver blanchi
Contente-toi de frôler le verre
Pour percevoir le froid qui vient
Et qui dépasse ce que tu connais
Il te prend aux tripes par son brio
Et la blancheur du gel sur les branches
Te délaisse de tes espoirs insensés
Pause… retour aux quatre coins
Lequel de vous deux est pris
La main dans le sac à puces
Et l’oreille collée à la porte verte
De l’espoir d’un jour nouveau
Et d’une nuit fidèle à l’orage
Qui gronde au loin, près du buisson
Des cloches de verre, rompant
La série de flatulences inédites
Quel jour de nouveau jour
D’une nouvelle année, encore ?
Demain tu seras un homme neuf
Fraîchement éclos de cette année
L’œil vif, le poil lustré, le verbe haut
Pourquoi ?
Rien ne saurait te donner
Ce qui est en toi
Fouille ! Fouille encore !
Et naît de cet espoir insensé
Celui d’être à tout jamais celui que tu es
Chéris-le, il ne durera pas
Alors presse-le contre ton cœur
Et dis-lui ton amour de la vie
En ce jour nouveau d’une nouvelle année

 

©  Loup Francart

31/12/2016

Se voir

Écrire pour se voir et non pour se montrer,
c’est le début de mon crédo en poésie.
(Luc Bérimont, poète)

 

Jaillissant du cœur, la poésie tombe en pluie
Et lessive la mémoire de ses odeurs de suie
Elle envahie l’homme jusqu’à le faire femme
Et l’emmener au plus profond de l’âme
Alors, dressé sur la pointe des pieds
Il reconnaît sa déshérence et cherche un équipier  
Il trouve son regard dans le miroir
Et se dit qu’il est digne d’un tel homme
Il ouvre son cœur au plus offrant
Et rien ne l’empêche de devenir celui
Qui se presse et se hâte auprès de lui-même
Pour se contempler, hilare, en face à face
Et sourire dans l’adversité du destin

 

©  Loup Francart

 

30/12/2016

Situation poétique

Vivre avec un poète n’est pas une chose aisée,
Car on sait que toute situation est observée.
Qu’elle soit ordinaire, drôle ou insolite,
Elle est bonne à devenir objet de poésie.
Cela germe dans la tête du poète subitement
Et la litanie des vers sans fin se dévide.
D’où sortent-ils ? Nul ne le sait.
Ils montent dans la gorge en foule,
Se heurtent au portail de la parole,
Se transforment en écriture arrondie
Jusqu’à n’être plus qu’un peu d’encre sur le papier
Qui danse sous les yeux des non avertis.
Il s’isole donc pour écrire ses vers
Qui grouillent dans sa tête jusqu’à la sortie.
Il est délivré, heureux, et peut enfin se détendre.

©  Loup Francart