13/05/2018
Merci au Très Haut
Tu m’as donné les meilleurs jours
Environné de désespoir, j’errais dans l’ombre
Fantôme détrôné à l’esprit déraciné
Me heurtant aux piliers du qu’en-dira-t-on
Tu es venu tendrement comme un nuage
Et tu m’as pris dans ton haleine vaporeuse
L’odeur de la vie m’a submergé et conquis
Ouvrant béatement le puits sans fond
Où j’ai jeté mon embarras et ma folie
Sais-tu que j’ai gardé longtemps ce parfum
Au creux de mes tempes endolories, muet d’étonnement
Je chevauchais la lune, bordé de garde-fous
L’œil acerbe sur mes propres défaillances
Ressentant au plus profond l’effondrement du personnage
Et le souffle vital du renouvellement
Quelle piste d’envol pour l’enivrement
J’ai tout perdu, fort la vie
J’ai trouvé l’âme, ce nid de plumes
Qui pépie et brûle les doigts
Et j’ai atteint le lieu de transparence
Où le cœur n’a plus ni attaches ni souvenirs
© Loup Francart
07:11 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
12/05/2018
Deux en un ou Un en deux
Elyne ne connait pas ce lieu. Non seulement elle n’y est jamais venue, mais elle n’a aucune image qu’elle aurait pu reconnaître. Tout lui semble faux. Non seulement ce qui est considéré comme fixe, c’est-à-dire les objets et le paysage, mais également les êtres vivants, animaux et humains. Une femme passe près d’elle, la regarde sans avoir l’air de la voir, puis continue son chemin comme si de rien n’était. Même le chant des oiseaux lui paraît curieux, une sorte d’étranglement du son comme si l’air n’arrivait à transmettre de manière fluide quoi que ce soit. D’ailleurs elle n’entend pas le son des pas de la femme. Tout se déroule comme sur un nuage épais qui étouffe les sons et voile la vision. Pourtant, ce sont bien, en même temps, le paysage quotidien, les objets qu’elle utilise journellement, les habitants de son village qu’elle connaît de vue et auxquels il lui est arrivé de parler. Elle se demande si elle ne louche pas. Cela arrive parfois le matin, lorsque vous vous réveillez encore dans le souvenir de votre rêve et que vos deux yeux contemplent deux objets brisés par un non ajustement de la vue sur un point unique. Elle se demande comment elle s’est réveillée. Puis n’y pense plus. Ah, là aussi, quelque chose ne semble pas aller. Sa mémoire lui joue des tours, ou plutôt sa perception du temps. Quelle heure peut-il être ? Quand me suis-je levée ?
Elastre fait quelques pas. Elle regarde le ciel, seul lieu inconnu parce que si loin qu’il est au-delà de toute perception. Elle baisse les yeux et regarde son paysage quotidien : une bande de terre aride, parsemée de cailloux et d’herbes folles, puis, plus loin, un creux dans l’écorce terrestre qui s’ouvre et s’enfonce dans le sol, tandis que plus loin encore se dressent des monts rocailleux. Elle marche, respirant l’air frais, foulant du pied une terre desséchée, secouant la poussière accumulée sur ses vêtements. Elle connait bien ce paysage qui l’accable à chaque réveil. Qui la sortira de ce trou ? Qui lui fera franchir ces montagnes sordides ? Son cœur se soulève d’espoir et, bien vite, retombe dans une langueur irrésistible. Qui l’en sortira ?
Et les deux ne font qu’un : Elyne et Elastre sont la même chair. Mais ont-elles la même âme ?
07:35 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : personne, double, âme et corps, vide et plein | Imprimer
11/05/2018
Bruits
Il se tut. Pourquoi parler encore ?
Elle ne cessait de dire
Qu’elle n’avait rien à dire.
Lui... Que dire ?
Il écoutait chancelant.
Il aurait bien voulu
Dire son désarroi,
Proclamer son originalité.
Mais plus rien ne sortait,
Pas le moindre souffle.
Elle ne cessait de dire
Qu’elle n’avait rien à dire.
Elle affirmait sa certitude.
Quand pourrait-elle
Lui dire ce qu’elle ignorait ?
Où pourrait-elle
Lui chanter son amour ?
Saurait-elle un jour
Dire son innocence ?
Elle ne cessait de dire
Qu’elle n’avait rien à dire.
Ils allaient ainsi dans le monde,
Nus de baisers maladroits,
Avares de paroles inconsidérées.
Désespérés, ils se voyaient
Collés l’un à l’autre,
Froids des pieds à la tête,
Chauds en deçà…
Elle ne cessait de dire
Qu’elle n’avait rien à dire.
Enfin, un jour,
Dans la fraîcheur matinale,
Elle se tut, avare soudainement
De paroles inédites.
Il allait lui dire son amour,
Elle fit "chut" du doigt
Et l’attira à elle.
Alors elle ne cessa de dire
Qu’elle avait à lui dire
Cette flamme insensée
Qui lui prenait la gorge,
Qui la chatouillait en bas,
Qui la poussait au silence
Et la forçait à s’ouvrir
Pour lui donner son amour
Et l’envelopper de baisers.
07:52 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
10/05/2018
Maxime
L'intelligence, ce sac à malice que tous voudrait porter,
mais que personne ne se vante de porter,
préférant le mérite du travail.
06:38 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe, adage, aphorisme, apophtegme, précepte | Imprimer
09/05/2018
Mélodie hongroise en si mineur, de Franz Schubert, interprétée par David Fray
https://www.youtube.com/watch?v=SVHNKv6KQlI
Lu dans De l’âme de François Cheng (Albin Michel 2016, p.113) :
Coïncidence, je lis un beau livre de Christiane Rancé qui vient juste de paraître, En pleine lumière, et je tombe sur ce passage : "Comment mon âme quittera-t-elle mon corps, et ce qui pourrait faire qu’elle y consente sans trop regimber ?" La question m’a préoccupée longtemps, jusqu’au jour où j’ai écouté la Mélodie hongroise en si mineur de Franz Schubert, mon compositeur préféré avec tous les autres, interprétée par David Fray.
J’avais enfin trouvé mon viatique, le rythme du décollement de l’âme et du corps. Quelques trois minutes de piano qui gonflent l’âme comme un aérostat, sans pathos, ni grandes eaux, ni grande pompe… C’est bien cette mélodie que je demande que les anges musiciens jouent pour m’accompagner dans mon ultime silence.
07:51 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : âme, séparation du corps, beauté, ultime silence | Imprimer
08/05/2018
Remparts d’argile, film de Jean-Louis Bertucelli
Des remparts d’agile, tels sont en effet les seules défenses du village de Tchouda en Algérie où les hommes n’ont pour se protéger contre l’oppresseur de la ville que la grève sur le tas et l’attente.
L’attente est probablement le thème du film : attente au sens musulman du terme, c’est-à-dire soumission aux événements ou opposition passive, soumission à la vie quotidienne, dure et austère, opposition passive à l’oppression et au destin. Cependant le visage nouveau de ses pays apparaît avec la révolte de Leila qui quitte son village t refuse l’esclavage traditionnel de la femme.
C’est un film sobre, très poétique dans son expression silencieuse et les images du pays sont saisissantes de beauté.
04:06 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, attente, désespoir, beauté | Imprimer
07/05/2018
Le partage de midi, pièce de Paul Claudel
Drame séculaire de l’amour interdit, un mari, une femme et un amant, mêlé à un drame spirituel. Mésa, qui deviendra l’amant de Ysé, a voulu consacre sa vie à Dieu et s’est retiré du monde. Mais Dieu l’a refusé. Depuis, il erre à travers les continents à la recherche de son âme, pour l’instant sur un bateau, au milieu de l’océan, à midi. Il ne connaît pas de femme, il ne les aime pas et il rencontre Ysé, la femme idéale, belle, femme jusqu’au bout des ongles dans son désir de possession.
Mésa s’interdit de tomber sous son charme. Mais il succombe et déclare à Ysé son amour. Celle-ci est liée à de Ciz par les liens du mariage, mais bientôt les deux amants passent outre. Alors Ysé et Mésa, vivants ensemble, s’aperçoivent qu’ils ne s’entendent pas. Le feu de leur amour les brûle et ils s’apportent l’un à l’autre la damnation. « Je ferai sortir de toi un feu qui te consumera ». Dans le mariage, il y a deux êtres qui sont condamnés l’un à l’autre. Les deux amants se constatent irréductibles et se séparent. Mais l’amour les consumera toujours. Ysé est partagée entre la haine et l’ignorance que lui prêche la raison, mais se laisse mourir pour l’amour qui dicte son âme.
Mesa
Tu es radieuse et splendide ! Tu es belle comme le jeune Apollon !
Tu es droite comme une colonne ! Tu es claire comme le soleil levant !
Tu es fraîche comme une rose sous la rosée ! Et tu es comme l’arbre Cassie et comme une fleur sentante ! Et tu es comme un faisan, et comme l’aurore, et comme la mer verte au matin pareille à un grand acacia en fleurs comme un paon dans le paradis.
Ysé
Certes, il convient que je sois belle
Pour ce présent que je t’apporte.
07:32 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, pièce, drame | Imprimer