Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/01/2015

Les mots parleurs

Une leçon : "traducteur et passeur, les Mots parleurs révèlent l’écriture, son rythme, son intensité pour nous restituer, en quelque sorte, la gourmandise de l’écrit. (…) Le corps et la voix pour passer l’énergie de l’écriture, représenter l’écrit, sa structure, ses signes, sa syntaxe, sa forme grammaticale, ses silences, sa ponctuation, sa typographie ; pour faire résonner le texte et en libérer le sens." (From : http://www.motsparleurs.org/)

Deux femmes emplies de souffle, le souffle de l’esprit, qui disent le livre pendant presqu’une heure. On entend la parole, le silence, les sourires parfois, et rien d’autre. Elles parlent comme une corde tendue sur la vie qu’elles caressent de leur archet  qui se promène tantôt rapidement, tantôt avec une douceur ineffable, tantôt en dansant sur les mots. Pas un bruit autre. Un calme absolu, une tension détendue, celle de l’esprit, pas du corps qui s’enfonce dans sa chaise et laisse en paix l’esprit qui s’envole et qui vous emporte au loin sur une autre terre, celle de l’enchantement.

Deux femmes : Valérie Delbore, comédienne, fondatrice et lectrice des Mots Parleurs, qui s’anime et plane au-dessus des mots, avec gentillesse ou rage, et Carole Bergen, plus jeune, aérienne, intérieure, à la voix enjôleuse. Un duo inséparable, qui se passe la parole comme un jeu de tennis ; mais la balle vagabonde, reste dans un camp plus longtemps que prévu, puis passe dans l’autre en un soupir. Et ce jeu vous enchante et vous sort de vous-même.

Hier soir, elles dirent le livre de France Billand, Dans le noir du paradis, aux éditions Tituli, 142 rue de Rennes. Un récit magnifiquement écrit qui mêle une histoire vécue aux souvenirs d’enfance. Une grand-mère extraordinaire, Madame Faglia, tient la main de sa petite fille qui se souvient de ces instants qu’elle ne comprenait pas, mais qu’elle vécut avec toute la fibre de son être.

"Il y avait dans sa vie une décennie incertaine, une sorte de lac dormant d’où émanait sa personnalité indéchiffrable et dont la surface lisse, avec la précision aiguë d’un miroir, ne reflétait jamais que l’instant présent. À ceci près que, parfois, ridant le miroir, une légère discontinuité du temps laissait entrevoir la véritable Anne Faglia, celle qui fut jeune et houleuse. Après sa mort, quand j’ai découvert le carnage qu’elle s’était acharnée à me taire, j’ai déclaré à tout va que, non, rien ne m’étonnait ; que je la comprenais et l’absolvais. La tenir pour un monstre, comme certains l’ont fait, c’eût été l’abandonner, même morte. Je ne pouvais m’y résoudre. Au début, je pensais écrire sa défense. Il n’y avait qu’à suivre le fil chronologique qui courait droit devant lui, d’une Grande guerre à l’autre, jusqu’aux années 80."

Prochaine lecture : le jeudi 15 janvier 2015 à 19h à l'Hôtel Pont Royal
Carole Bergen et Valérie Delbore liront Les Absents de Georgia Makhlouf, aux Editions Payot & Rivages, prix Leopold Sedar Senghor du premier roman francophone et francophile 2014.
Renseignements: motsparleurs@wanadoo.fr - 06 12 08 66 6
Adresse: Hôtel Pont Royal : 5-7 rue de Montalembert 75007 Paris

Allez-y, vous monterez sur le cheval ailé des mots et galoperez pendant un moment magique sans espace ni temps.

10/01/2015

Fugue de mots

Une mèche de cheveux
Une flèche de camaïeu
Surtout ne dis pas
Le fourretout du repas

La bobèche des adieux
Empêche l’invincible insidieux
D'être dissout par l'épiscopat
Partout où règnent les béats

Reviens, ne t‘enfuit pas
Les Troyens ont leurs appâts
Qui les mènent jusqu’aux cieux

Plus rien ne t’interrogea
Au sein du conglomérat
Tu te promènes avec les dieux

© Loup Francart

09/01/2015

Notre père, musique d’Arvo Pärt

https://www.youtube.com/watch?v=x9Xm_nR4310 


 

D’une autre tenue que le précédent Notre Père, la musique de celui-ci a été écrite par Arvo Pärt. Il est chanté par un soliste de l’école de Montserrat à côté de Barcelone.

On retrouve la musique si particulière d’Arvo Pärt, musique minimaliste :

Né en 1935 en Estonie, Arvo Pärt fait ses études au conservatoire de Talinn avec Heino Eller. En parallèle de ses études musicales, il est ingénieur du son et compositeur de musique pour la télévision et le cinéma estonien, activité qu’il ne cessera pas d’exercer. En 1962, il obtient un premier prix de composition à Moscou, prélude à une alternance d’honneurs officiels et de censures provoquées par le caractère mystique de ses œuvres. Sa musique participe alors de l’esthétique du sérialisme et du collage. Il s’arrête de composer pendant plusieurs années afin de se consacrer à l’étude de la musique chorale française et franco-flamande des XIVè, XVè et XVIè siècles.

A partir de 1976, Arvo Pärt inaugure une nouvelle démarche tournée vers l’intemporalité, son écriture devient postmoderne, en témoigne ces œuvres les plus célèbres : Für Alina, Cantus in Memoriam Benjamin Britten, Fratres. Arvo Pärt appelle ce style tintinnabuli (« petites cloches » en latin). Dans les années 80 il part s’installer à Vienne où il prend la nationalité Autrichienne avant de se fixer à Berlin-ouest. A partir de cette période Arvo Pärt privilégiera les œuvres religieuses vocales et met en musique des liturgies en allemand, anglais et russe dont Passion selon Saint Jean, 1982 ; Miserere, 1989 ; Missa brevis, 2009 ; il retravaille souvent ses œuvres, il existe de nombreuses versions et orchestrations de Fratres de 1977 à 2008. (From http://www.francemusique.fr/personne/arvo-part)

L’école de Montserrat a été créée au XIIème siècle et s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Elle comprend une cinquantaine de garçons qui jouent tous d’un instrument et qui s’accompagnent eux-mêmes.

Mais écoutons plutôt ce Notre Père, écrit par un musicien dont le sens mystique est particulièrement développé.

08/01/2015

Entre deux

Une construction irréelle et enchevêtrée sortie d’un cerveau embué. Elle permet de rêver à d’autres mondes où la géométrie a des limites différentes des nôtres. Le noir le blanc et leurs intermédiaires en font un univers insolite où la fiction est plus forte que la réalité.

 

 

07/01/2015

Le rendez-vous des poètes

Hier, je suis allé au rendez-vous des poètes. Je ne le savais pas, mais ils sont nombreux les poètes d’un soir, les auteurs d’un matin qui se réveillent versificateurs avant de partir au travail. Ils sont très divers : des petits bonhommes discrets au regard tendre, parlant d’une voix feutrée et susurrant leurs mots comme on suce un bonbon ; des hommes mâles à la voix rocailleuse, au regard enjoué, cherchant à séduire avant même de vous connaître ; des femmes parlantes, séduisantes de flots de mots chatoyants, enjôleurs et pédants ; d’autres femmes plus câlines, moins va-t’en guerre, mais cherchant encore et malgré tout à séduire.

Après plusieurs minutes d’attente apparaît l’élu : un homme d’environ soixante ans, faisant penser à un acteur connu, la voix ronde, le sourire parfois espiègle et toujours aguicheur, d’une bonhommie sympathique lorsqu’il parle de ses livres. Ils sont trois ou quatre, étalés sur la table devant lui, fluets et bon-enfant, comme des jouets à regarder et à ouvrir. Ils sont couverts de feuillets marque-pages. C’est pour le lecteur, un homme également, fort, sûr de lui, sans complexe. Il se tient devant l’éclairage très, trop lumineux, qui aveugle les spectateurs et lui donne l’air d’un spectre. Enfin, le troisième acolyte est une femme, également la soixantaine, petite, la bouche mobile. Oui, elle ouvre la séance pour le présenter, lui, l’écrivain : « Il n’est pas nécessaire de présenter XY… » Eh bien, si ! Il est psychologue. Il écrit des livres professionnels sur l’art de comprendre et réparer les nœuds du cerveau, des souvenirs, des malheurs, du sexe, des regrets et de la peur de l’avenir. Elle parle, elle parle et je vois trois feuillets devant elle. Elle n’en est toujours qu’au premier paragraphe. Combien de temps va durer cette présentation chewing-gum ?

Mais l’auteur, sentant déjà l’ennui dans les yeux du public béat, reprend l’initiative en laissant la parole au lecteur. Histoire d’un suicide : un sujet épineux, d’autant plus que c’est celui de sa mère. Il parle rapidement, accélérant la sortie des mots volontairement comme pour donner cette impression d’en finir avec la vie, les mots, le verbe. Parfois il fait une pause, la diction s’enroule autour d’elle-même, apaisée. Mais très vite la fièvre le reprend. Il faut en finir. Elle boit la mixture, nous regarde une dernière fois, puis ferme les yeux et se laisse mourir. Glacial ! Mais le public semble apprécier. C’est nouveau et original. C’est une forme nouvelle de récit semble-t-il dire. Il exprime les côtés inconnus de l’humanité, du parler vrai en quelque sorte. La présentatrice reprend son rôle de Monsieur Loyal, tutoyant l’auteur, le poussant dans ses retranchements, pas très fort pour éviter qu’il ne tombe. Il ne se démonte pas, toujours souriant, pas m’as-tu vu, répondant modestement avant, parfois, de glisser une confidence ou une anecdote qui amène un sourire exquis sur les lèvres des femmes présentes.

Le deuxième acte, ou plutôt la seconde lecture, est d’un tout autre style. On part en rêvant sur les bords de la Seine, dans l’herbe haute des recoins perdus, pour découvrir l’amour, un amour caché aux yeux du monde, resté enfoui sur la terre meuble de ces bords de rivière. Parfois, il pleut, raconte-t-il. Alors on se fouille sous les imperméables, l’un dessous, l’autre dessus, on déboutonne les vêtements subrepticement, sans jamais laisser traîner une jambe ou un bras hors de la tente improvisée, tout cela dans l’odeur du foin et de l’exaltation de l’amour. C’est sans doute un peu trop descriptif, parfois un peu voyeur, mais cela a une certaine tenue malgré tout. Un bon point pour l’auteur. Evidemment Monsieur Loyal en rajoute, expliquant d’une voix sucrée les origines psychologiques de ces moments sublimes. Il avait quinze ans, il découvrait l’amour et celui-ci le lui rendait bien. Embrayant derrière ces explications, une femme prit la parole, s’éternisant dans des explications impatientes, mais sûres de leur profondeur, en rajoutant, plongeant plus profondément dans l’inconscient de l’écrivain, fouillant avec vigueur dans ce bric-à-brac sensuel.

Nouvelle lecture. De quoi ? Je ne me souviens plus. Je m’intéressais au public, deux jeunes femmes, trois couples d’une cinquantaine, des personnes seules, en mal de société, mais également des passionnés de l’écriture dont elles parlent avec un sanglot dans la voix. Je retrouvais, toute proportion gardée, la même passion que celle des sportifs de haut niveau : introspection et confession pour progresser encore et toujours. Seule la vérité compte, vaut la peine d’être analysée, disséquée et regardée à la loupe.

Quelle soirée ! Des gens curieux, mais sympathiques, se liant facilement, l’œil vif et la tête bien pleine, modestes de plus, se considérant loin des grands auteurs qui atteignent les sommets de la gloire, puisqu’écrivant pour les autres, ils laissent de côté la joie de l’improvisation.

« On n’écrit bien que lorsqu’on écrit pour soi ! » « Oui, mais on écrit également pour être lu, donc pour les autres ! » Quel dilemme !

06/01/2015

Quelques souvenirs de plus

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
De quoi nous parles-tu
Toi que rien ne touche ni ne broie ?

Hier tu m’as donné la leçon de vie
Aujourd’hui tu regardes l’effet
Rien n’est issu du tout
Il n’y a que le juste milieu

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Tu rêves en caleçon long
Perché sur ton trois mâts

Demain, que sera-t-il ?
Nul ne le sait si ce n’est
Celui qui parle pour ne rien dire
Ou qui se tait pour toujours

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Pourquoi te dessaisir
De quelques minutes de vie ?

Aujourd’hui tu n’es plus
Le temps et l’espace sont brouillés
Quand était-ce ce charivari ?
Où se trouve celui qui pense ?

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Il est parti dans ce lointain pays
Où plus rien n’occupe la pensée

 

© Loup Francart

05/01/2015

La frontière

Brise cette frontière qui t’empêche d’être. Laisse tomber les formes et la forme. Tu n’es plus et tu es tout. Sens cette chaleur en toi qui te pousse à oublier. Ne sois que ce filet d’air qui glisse entre tes narines et caresse ton cerveau.  Passe de ce rouge obsédant au noir de l’absence. Et quand tu verras poindre le blanc, surtout ne bouge pas, ne manifeste rien, laisse-toi aller, immobile, incertain, en attente.

Le mystère s’ouvre pour toi. Respire cet air purifié qui passe entre les grilles de la séparation. Retourne-toi, que l’extérieur devienne l’intérieur, que l’intérieur devienne l’extérieur. Mais cet extérieur est semblable à l’intérieur. La frontière s’estompe.  L’ivresse de l’espace t’envahit. Fais monter en toi l’absence, Que le blanc devienne le noir et inversement. Prend de l’ampleur dans ce passage. La virginité t’épanouit, elle ouvre l’horizon, te prend dans ses bras. Touche ton corps frêle et laisse le partir loin de toi.

Oui, tu es en toute conscience, là où rien ne te limite. Caresse l’envers de toi-même, explore cette peau transparente et laisse tourner ton cœur. Pousse le cri de la déraison et monte dans le wagon.

Mais tout de même, ne pars pas trop longtemps !