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24/08/2014

Indolence

Il a longtemps hésité : que faire ?
Et encore, faire est un bien grand mot
Que devenir ? Trop volontaire...
Qu’être ? Quelle surenchère...
Que penser ?

Stop ! C’est fini...
Plus rien ne sera comme avant
Le chat longe la gouttière
L’écureuil valse sur la branche
Et lui que fait-il ?

Rien, tel est son charme...
Peut-être caresser l’étoffe
D’un lit défait sur la nuit
Ou la remonter sur le corps
Par crainte de l’invasion

Le jour se lève
Quel chaos ! La chambre,
Qu’est-elle ? Le refuge
De son indolence

Eperdu, il se regarde
Et ne voit rien
Qu’un trou, noir
Comme la braise éteinte

© Loup Francart

23/08/2014

Confusion

Il est des périodes où l’homme est tout entier tendu vers un but qui l’accapare, le guide et lui donne force. Cette tension permanente lui permet de créer, en toute liberté, et de construire du nouveau sans reproduction de l’existant.  Ces périodes sont des moments de grâce sans que l’on en ait conscience, trop occupé à faire progresser vers le but l’objet de son obsession.

A quel moment commence le recul de soi ? A quel moment se réveille-t-on de cette griserie créatrice qui propulse dans un autre monde l’homme en proie à cette chaleur intense qui le brûle ? S’agit-il véritablement d’un détachement  par le haut ou bien par lassitude et épuisement ? Notons que dans tous les cas, ce détachement ne se produit pas en un instant. Il est progressif, lent, insoupçonnable. Il commence par une aphasie mentale. L’intérêt est cassé, le réveil s’est arrêté, le temps ne s’écoule plus. Vous êtes sans force, sans volonté, sans objet d’attention et vous errez dans la vie comme un aveugle sans savoir ce que vous voulez faire. Vous pouvez vous forcer à continuer sur l’objet de votre tension, mais rien n’en sort de bon. Vous êtes lassé. Encore, et encore, et encore… Tout ceci se passe de manière imperceptible, le changement n’est pas encore là que déjà ses conséquences se font sentir. Mais vous n’en avez pas conscience jusqu’au moment où ce malaise s’installe plus profondément.

Trop, c’est trop ! Il faut se changer les idées, vous dites-vous. Mais les obligations sont déjà créées, et c’est vous-même qui les avez créées. Alors il faut bien poursuivre, aller au bout de ce mouvement né de vous-même, vous épuiser sur votre lancée.

Que se passe-t-il ? C’est le détachement qui arrive, qui vient vous délivrer de votre obsession, qui va vous permettre de prendre du recul et de repartir sur un autre projet tout aussi passionnant, mais différent. Mais que cette période est dure à vivre. Vous vous traînez, inconsolable de langueur, la tête vide, pleine de rien qui vous empêche de faire fonctionner la machine. Vous ne trouvez plus les liaisons entre les neurones. Votre cerveau s’est liquéfié et vous ressentez un ennui d’inaction. L’horizon est bouché, vous vous enfermez en vous-même, vous ne vous intéressez même plus aux projets déjà faits antérieurement avant que cette acédie ne vous prenne. Car c’est bien une maladie spirituelle ou au moins psychique. Mais si l’on la considère bien, elle est nécessaire. Cette rupture permet de passer à autre chose. Ce n’est pas une calamité, sauf pour ceux qui n’ont travaillé que pour montrer au monde leur produit final. Car eux, par cette langueur, ne peuvent profiter pleinement de leur succès.

Repartir, ailleurs, dans un autre environnement à trouver, dans un monde autre qui va vous ouvrir de nouveaux horizons jusqu’au moment où la machine sera lancée et commencera à produire, à construire ses idées d’abord par petits bouts, puis dans un ensemble enchanteur, toujours différent. Alors ne vous laissez pas gagner par l’aphasie, soignez là en prenant des vacances, laissez-vous retourner, sombrez quelques instants dans la folie, en le sachant. Ces moments sont aussi à vivre pleinement, même si l’on ne sait pas comment on les vit. Devenez le fou du roi, et amusez-vous !

22/08/2014

Dilution

Les formes et... L'espace, immense, vide, dans lequel les formes prennent leur place. Elles cherchent un moment, puis s'installent l'une à droite, en haut, l'autre à gauche et les autres ailleurs, chacune reconnaissant sa place par sa sensibilité à fleur de peau. Et le tout organisé, danse dans la tête pour chanter l'ordre des choses. Là et nulle part ailleurs !

1-13-10-28 Carré et rectangle.jpg 

21/08/2014

Constantin Brancusi ou l'amour de la forme

Brancusi est avant tout un sculpteur qui exprime l’espace et la forme. Théosophe, il s’intéresse à la pureté de la ligne. Il épure au maximum ses sculptures, jusqu’à leur donner des formes extrêmement géométriques. Mais l’on devine toujours derrière cette apparence volontairement simpliste un travail de reconstruction de la forme et de l’espace qui l’environne et lui donne corps.

Mademoiselle Pogany (1913) est une de ses plus belles sculptures, d’une pureté de lignes et de volumes incomparables. Elle rappelle l’art japonais et personnifie bien la relation du sculpteur avec la matière : perfection et mysticisme. La perfection de la forme, la mystique de la représentation. Mademoiselle Pogany est le principe même de la féminité : une main et un avant-bras soutient la tête dont les yeux sont clos. Au premier abord, elle n’a rien de féminin, mais, si l’on poursuit sa quête, cet œuf aux yeux globuleux représente l’essence de la sensibilité féminine. Le sculpteur dira à son modèle : « Il me suffit de vous regarder vivre pour m’en souvenir. Baisser vos paupières, laissez-les se reposer sur vos yeux fermés. C’est assez pour m’inspirer ».

Une deuxième sculpture retient l’attention. La Muse endormie (1910) transcende l’ovale et lui donne toute sa majesté. Un visage en naît, mais uniquement le principe même du visage et non sa représentation et cela renforce la douceur des traits. Un visage qui naît ou qui meurt, c’est beaucoup plus qu’une tête expressive de sensations et de sentiments humains. C’est la matrice de l’humain, une perle tombée du ciel.

20/08/2014

Bague

Et cet autre univers s’offre à moi sans pudeur
Cette plaine caressante que j’approfondis
Du bout du doigt devenu élégant habilleur
D’un voile d’innocence et de beauté recueillie

Quelle autre plage serait si sûre et sensible
J’atteins le feston de l’eau vive, émerveillé
Un embrasement coloré de vie indicible
Que l’on hume le nez au vent du désir rentré

Glissement vers cette dénivelée tangible
Centre de l’amour exalté ouvert à la flamme
Qui monte et déborde tressaillant dans l’âme

Le feu me brûle dans cette possession subtile
Délicieusement je m’engloutis dans la vague…
Oui, c’est certain, cela mérite bien une bague

© Loup Francart

19/08/2014

Miserere Mei Deus, de Gregorio allegri (The Choir of Claire College, Cambridge)

Pas de commentaire. La beauté ne se commente pas !

https://www.youtube.com/watch?v=IA88AS6Wy_4

Pourtant, une anecdote… ce chant a capella n’était chanté que pendant les matines des mercredi et vendredi de la semaine sainte, pour le Pape et quelques privilégiés. Il n’existait qu’une partition. Mais Mozart, à quatorze ans, eut la chance de l’entendre une seule fois. Il la retranscrivit aussitôt et la partition fit le tour du monde.

18/08/2014

Informatique

On aime, non pas d’amour, mais d’utilité, cet engin qui vous livre tout prêt le produit de votre pensée, résumé, mis en page, quasiment pesé et empaqueté. Quelques clics, trois ou quatre touches caressées, mise en route de l’imprimante qui doit vous sortir « La Page », belle comme une image.

Mais hier, tout est différent. Vous vous réjouissez comme à l’accoutumée. Vous rêvez déjà devant cette page emplie de signes qui disent tout de ce que vous pensez. Vous posez votre doigt sur la souris. Elle accepte cette pression douce. Mais la machine fait Couic. Vous pensez vous être trompé. Vous reprenez votre registre de contrôle, suivez la procédure tel un cosmonaute accompli, vérifier à deux fois avant d’appuyer, sûr de vous, la touche correspondante et Couic à nouveau. Que je suis maladroit ! Vous exclamez-vous. Vous reprenez la procédure, cochant d’un trait de crayon chaque étape de l’envol. Vous arrivez au bout de la check-list, fier de vous, en bon ingénieur accompli. Vous vous réjouissez doublement en fin de liste lorsque toutes les tâches ont été menées, dans un ordre parfait, respectant toutes les procédures compliquées qu’impose l’impression d’une simple feuille de papier. Coup de doigt : Couic !

Pourtant est-ce si compliqué de changer l’impression habituelle du format A4 en format DL, vous savez, ces cartons allongés sur lesquels votre esprit erre comme sur la plage, tout en longueur et, en trait fin, et suit le fil de l’horizon qui s’arrête hors de votre vue. Vous avez bien suivi les consignes : mise en page correcte, vous vérifiez la taille de la feuille, l’orientation, les marges. C’est OK. Vous cliquez sur le volet impression et vérifier les paramètres : c’est la bonne imprimante sélectionnée, impression recto, orientation, marges, format, tout est OK. Vous entrez dans les propriétés de l’imprimante : là, il faut dire que les choses se corsent. Bien sûr la notice est en anglais. Non pas la langue de Shakespeare, mais le sabir habituel des machines imaginées par un européen, conçues par un indien, fabriquées par un chinois et mis en vente par un américain qui empoche la mise. Oui, vous aviez peut-être oublié de modifier le format du papier au niveau de l’imprimante, ce qui crée des disjonctions entre l’ordinateur et la fonction impression. Alors vous recommencez pour la troisième fois le déroulement de la check-list, espérant, et ne faisant qu’espérer cette fois-ci, que cela marche. Vous appuyez d’un doigt incertain sur la touche… Couic. Rien ! Pas le moindre frémissement dans la machine. Elle est devenue un corps inanimé, misérable tas de ferraille et de beaucoup de plastique. Elle a perdu son âme à qui pourtant l’on demande peu, juste un tour dans l’essoreuse pour voir sortir à l’autre bout une feuille noircie correctement.

A ce point de votre démarche vous commencez à vous énerver. Si je ne suis pas foutu d’imprimer une simple feuille de papier, comment pourrai-je écrire un livre, vous dites-vous. Vous doutez de votre agilité d’esprit, mais comme aucune autre idée ne vous vient à l’esprit et que c’est bien la panne complète dans votre petite tête, vous appelez le spécialiste de l’informatique. Il arrive, sûr de lui. Il reprend la check-list et d’un léger sourire appuie sur la touche Impression : couic… Ah, dit-il, laissant trainer la fin du mot, la bouche légèrement entrouverte, l’air un peu dépité. Il reprend bien sûr la procédure avec plus d’attention comme vous l’avez fait vous-même quelques minutes auparavant. Appui : couic ! Il se lance alors à corps perdu dans un interrogatoire sous Google, est submergé de réponses et clique sur la première. C’est le site des fanas de l’informatique ou des paumés de l’informatisation. Les premiers répondent aux questions bêtes des seconds qui chaque jour envoient leur message de détresse à des correspondants diplômés se trouvant à l’autre bout du monde. Il faut bien sûr user du traducteur automatique pour comprendre leur langage, et encore, vous n’en comprenez que la moitié. Mais lui, l’informaticien diplômé, comprend tout, sans traducteur. Fermez votre ordinateur et relancez-le. Il n’y croit pas, mais il essaye toujours. Cette fois-ci la check-list est plus longue, cela prend bien cinq minutes avant que la machine pensante puisse dire à la machine imprimante ce qu’elle veut. Et celle-ci se met à gronder ! Elle vrombie, laisse entendre qu’elle va fonctionner, et… Elle fonctionne. Quel bonheur ! Bien sûr, vous jetez un œil sur la feuille sortie de la fente. Déception. Vous constatez que les couleurs se sont dédoublées : le bleu et le jaune n’imprime pas du vert, mais un tas informe de couleurs sales. Votre informaticien ne s’en émeut pas. Son diagnostic : décalage ! Il faut recaler. Alors il procède à une nouvelle check-list, glisse une feuille de papier blanc dans le bac, lance le monstre qui imprime une nouvelle page. Déception, les couleurs restent brouillées. Nouvelle interrogation des spécialistes sur la toile. L’une des réponses énonce : éteindre la machine et la laisser reposer une heure. Elle repartira en ordre, heureuse de vous faire plaisir. Ben voyons ! Tentons tout simplement d’arrêter les deux machines et remettons-les en route. Tout ceci est fait en moins de dix minutes. Pas couic, mais à nouveau des couleurs qui s’entrechoquent. Alors de guerre lasse et parce qu’il est tard, vous raccompagnez à la porte l'expert qui rentre chez lui dépité. Nous verrons demain…

Le lendemain, jour nouveau… L’expert arrive, recale les modèles de format, appui sur "imprimer" et… miracle… la feuille sort, impeccable de netteté et d’arrogance. Pourquoi ? Nul ne le sait hors de l’expert qui seul a dompté la machine rebelle. Il repart, monté sur des roulettes et s’évade vers l’horizon, me laissant pantois, mais heureux. Tout reprend comme à l’accoutumée.