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20/11/2013

L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, roman de Romain Puértolas

Il s’agit bien d’un fakir, un vrai, ou presque, comme on en rencontre en Inde : dissimulateur, affabulateur, magicien et un rien charmant de naïveté et d’humour. On fait sa connaissance par l’intermédiaire d’un chauffeur de taxi à la sortie de l’aéroport Charles de Gaulle : Il vit sur la banquette arrière de son véhicule un homme d’âge moyen, grand, sec et noueux comme un arbre, lelittérature, roman, Inde, voyage, société visage mat et barré d’une gigantesque moustache. De petits trous, séquelles d’une acné virulente, parsemaient ses joues creuses. Il avait plusieurs anneaux dans les oreilles et sur les lèvres, comme s’il avait voulu refermer tout cela après usage à la manière d’une fermeture éclair.  (…) Le costume en soie grise et brillante de l’homme, sa cravate rouge, qu’il n’avait pas pris la peine de nouer mais d’épingler, et sa chemise blanche, le tout horriblement froissé, témoignaient de nombreuses heures d’avion. Mais étrangement, il n’avait pas de bagage.

Il veut se rendre chez Ikea pour y acheter un lit à clous. Ajatashatru Lavash Patel (prononcez : J’attache ta charrue, la vache) était célèbre dans tout le Rajasthan pour avaler des sabres escamotables, manger des bris de verre en sucre sans calories, se planter des aiguilles truquées dans les bras et pour une ribambelle d’autres tours de passe-passe dont il était le seul, avec ses cousins, à connaître le secret, et auxquels il donnait volontiers le nom de pouvoirs magiques pour envoûter les foules. Aussi ne fait-il que semblant de payer le taxi avec un faux billet de cent euros imprimé d’un seul côté qu’il récupère aussitôt grâce à l’élastique invisible qui reliait son petit doigt au billet vert.

Ainsi commence les aventures ou plutôt l’extraordinaire voyage du fakir qui va parcourir une bonne partie de l’Europe dans des aventures rocambolesques et parfois douteuses de crédibilité. Il parcourt en un temps record la France (surtout Paris), la Grande Bretagne, l’Espagne, l’Italie, la Lybie et à nouveau la France. Il voyage dans des conditions inconfortables la plupart du temps, le plus souvent dans des armoires ou penderies. Il rencontre des immigrés soudanais, des compatriotes, des Gitans, une belle femme dénommée Marie (au restaurant d’Ikea) auprès de laquelle il s’arrange pour extorquer 20 , une star qui l’invite dans sa suite et bien d’autres personnages encore tels Wiraj l’Africain.

Le style est gai, jeune, moqueur, sans jamais être vulgaire. Disons qu’il est glamour, à l’image d’une France décomplexée, mais de quoi ? On franchit de nombreuses frontières, toujours inquiétés par les douaniers et policiers. Tout se complique lorsque le fakir se met à écrire un roman et qu’il est payé par un éditeur. Il promène alors son attaché case plein de billets, s’en fait ravir quelques-uns, mais finit par en donner une bonne partie.

Le succès planétaire du livre d’Ajatashatru avait permis à Wiraj de retrouver la piste de l’indien exilé. Il lui avait écrit une lettre dans laquelle il le félicitait et le remerciait encore pour son geste. Avec cet argent, ils avaient construit une école dans son village et sorti plusieurs familles de la pauvreté et de la faim. Les mouches étaient restées. Il n’y avait rien à faire contre cela.

La fin du livre est à l’image de son contenu. Il épouse Marie et le rêve se poursuit. La voiture qui l’accompagnera de Montmartre au temple hindou, elle, est déjà prête. C’est une vieille Mercedes rouge ; légèrement cabossée à laquelle on a accroché une batterie neuve de casseroles Ikea que l’on entendra tinter jusqu’aux lointaines dunes étoilées du désert thartare (sic).

Un livre un peu fou, drôle, extravagant, plein d’imagination et de surprise. Mais on se lasse au bout d’un moment de ces situations et de ces plaisanteries. Il n’y a rien derrière, sauf quelques réflexions sur l’immigration, les pauvres et les riches, les astucieux et les benêts. Une morale de peccadille derrière des pirouettes bien exécutées. Alors on ferme le livre. On s’est bien amusé. Mais on a un peu mal au cœur.

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