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29/11/2020

Cécité

Il vécut prudemment
Toujours aux aguets
Épiant les interventions
Fuyant les incapables
Grappillant sa nourriture
Sans connaître la somme
Des accumulations
Ni celle des pertes
Jamais il ne calculait
La dose à transmettre
Un secret bien gardé
Qui l’enchantait seul
Comme l’écureuil
De branche en branche
Il courrait vers la lumière
Et fut poursuivi sans fin
Jusqu’au jour du départ
Du dernier train
Pour le bout du monde
Sans billet de retour
Il connut la faim, l’absence
Le manque de sommeil
La solitude et l’ignorance
Jusqu’à la rencontre
Avec la finaude des nuages
Qui glisse son regard
Derrière l’opacité des mots
Et l’absence de clarté


Le monde est plus que ce qu’il était…

 

28/11/2020

La musique sacrée : ouverture et harmonisation de l'être (3)

          Les voies

 Pour Graf Dürckheim, il y a quatre champs privilégiés qui ouvre au numineux :

 . La grande nature : C'est ce champ qui parle le plus naturellement à l'homme. La contemplation de la nature émerveille. Elle dilate le corps et fait taire le mental. L'univers dévoile la beauté de la création et l'amour que Dieu lui porte.

 . L’éros : L'amour physique, lorsqu'il est l'aboutissement de l'amour, cette intense harmonie qui lie deux êtres jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus qu'un, ouvre la porte aux mystères de la vie et de la mort. C'est une descente dans l'être pur qui se donne et qui donne. C'est la rencontre en un instant d'éternité.

 . L’art : L'œuvre d'art, lorsqu'elle remplit sa fonction, saisit et émerveille. Elle dévoile la beauté céleste à travers la matière, elle aide à contempler l'invisible derrière le visible. Voie de co-naissance, elle s'adresse à la part féminine de l'être humain et complète la connaissance intellectuelle plus spécifiquement masculine. Elle fait appel à l'intuition, elle englobe plutôt qu'elle ne dissèque, elle harmonise et permet de comprendre de l'intérieur.

 . La liturgie : Même pour le non croyant, la liturgie évoque l'invisible derrière le visible. Elle invite à s'agenouiller, à abandonner tout ce qui est moi et tout ce qui est savoir pour découvrir notre ultime réalité, celle où Dieu se dévoile dans notre nudité et nous comble de sa présence. Un des aspects de la liturgie est bien de pénétrer dans le mystère pour permettre à la Parole de Dieu de nous atteindre. Une liturgie qui n'inclut pas cette fonction ne permet pas de faire l'expérience intuitive du divin.

  

En conclusion     L’expérience personnelle du numineux, inconsciente, puis, recherchée consciemment, conduit à la véritable conversion, au retournement (convertere) de l'être. C'est une expérience plus large que l'adhésion à une foi, à une église. Elle emplit l'être tout entier et le projette face à l'absolu.

          La musique sacrée, dans son acceptation la plus large, favorise cette prise de conscience. Elle englobe la musique religieuse, propre à une confession et à une culture, mais inclut aussi d'autres genres de musique, toutes celles qui dépassent la recherche du plaisir ou de l'esthétisme.

          Ces musiques ne se contentent pas d'exprimer l'homme, elles constituent le langage que l'Esprit infini parle aux esprits finis. Elles ne mettent pas le son en valeur, elles le mettent au service de l'infini et du silence de l'âme. La musique remplit alors son rôle sacré, elle glorifie le divin et non l'homme.

27/11/2020

La mue (4)

Quelques jours plus tard, je suis étendu sur mon lit. Joséphine est partie passer une semaine chez une amie qui avait besoin d’elle. Soudain, j’ai une démangeaison sur tout le corps, comme une poussée sous la peau. La même impression que la première montée d’herbe au début du printemps. On ne voit rien venir, mais l’air est chargé d’odeurs délicates de surgeons frais. Pourtant je n’ai pas, je crois, d’odeur spécifique sur mon corps. C’est juste une sensation bizarre, une espèce d’exaltation  de la peau légèrement plus colorée que d’habitude. Et si c’était cela le début de la mue ? Je me redresse brusquement. Mons cœur bat à tout rompre. Oui, c’est possible. Je me lève et allume mon ordinateur. Il y a de nombreux forums consacrés à la mue, avec des récits parfois épouvantables. On trouve cependant des conseils intéressants pour se préparer à un changement fonctionnel et sans danger. Malheureusement, je ne trouve rien sur les démangeaisons. C’est trop vague comme impression pour accéder à des conseils précis. Je me lève donc et pars travailler comme chaque matin. J’échange un petit coup de fil avec Joséphine qui est auprès de son amie et lui parle de manière détachée de mes démangeaisons. Toujours pratique, elle me conseille d’acheter une crème calmante en pharmacie. Elle a l’art de ramener à leur juste proportion les incidents qui émaillent la vie.

Le lendemain, je m’éveille plus tôt que d’habitude. Je décide d’aller courir au bois, n’ayant pas la douceur de Joséphine pour me laisser errer dans mon lit. C’est vrai, les hommes qui font de grandes choses se lèvent tôt. Mais surtout, ils ne connaissent que peu ces moments divins des petits matins  lorsqu’une femme se tient près de vous et vous serre dans ses bras. Je me débarrasse du pyjama et veux enfiler mon short de sport. Mais il ne glisse pas sur la peau des jambes comme d’habitude. Non, ce ne sont pas mes poils qui gênent. C’est une sorte d’opposition douce, mais réelle. Ça y est ! J’y suis arrivé. Bizarre ! Je regarde mes jambes, elles paraissent normales. Ah, tiens ! Là, entre mes cuisses, des petits points noirs. Effectivement, en les touchant, ils raclent un peu. Même impression  que lorsqu’on s’essuie les pieds sur le paillasson avant de sonner chez un ami. Ma barbe pousserait-elle à cet endroit du corps généralement peu enclin à de telles manifestations ? Je me rends dans la salle de bain, prends une lame et rase l’endroit suspect de façon à retrouver la peau douce que j’ai normalement en ce lieu. Cela va mieux. Je pars en petites foulées et m’immerge au milieu des Parisiens qui se précipitent au travail. Quelle chance j’ai ! Disposer de mes heures comme je l’entends. Certes, je travaille parfois très tard ou très tôt, mais au rythme que j’ai choisi, ce qui me donne une impression de liberté que vous n’avez pas, vous, l’ensemble des mortels adultes.

26/11/2020

Orthographe

https://www.youtube.com/watch?v=5YO7Vg1ByA8&feature=youtu.be&ab_channel=TEDxTalks


Orthographe… Le dogme
Qui n’est ni la langue
Ni même un son
Juste un simple outil
Pour passer de l’oral à l’écrit
Et mémoriser :
Les événements, les idées,
Les sentiments, les péchés,
Les envies, les fautes
Et tout ce qui passe par la tête…
Dieu, qu’elle est encombrante !

25/11/2020

Rat

Le rat n’est pas là
Le chauffeur râle
Je ne vais pas m’enraciner ici !
Crie-t-il à qui veut l’entendre
Il déraille, s’exclame le chat
Y a-t-il plus enragé ?

 

24/11/2020

La musique sacrée: expérience du lumineux

Le terme mystique, qui se rapproche en français du terme musique, est devenu un terme galvaudé et péjoratif. Pour l'esprit scientifique moderne, le mystique est un doux rêveur dont les fantasmes religieux lui permettent d'éviter les souffrances du monde. Pourtant depuis des milliers d'années, des hommes de toutes races, de toutes religions, ont consacré leur vie à ce désir impérieux qui les poussait vers Dieu.

           Ne pouvant exprimer cette expérience, ils l'ont transmise par d'autres moyens : symboles, rites, liturgie, musique spécifique.

           Mais d'abord, quelle est cette expérience ? Comment l'éprouve-t-on ?

           

          L'au‑delà du voile

            Tout homme un jour ou l'autre, sans en avoir une conscience bien nette, a fait l'expérience de la caresse de Dieu qui fait tomber les écailles des yeux, qui débouche les oreilles et dévoile l'empreinte de son amour sur le monde et les êtres:

C'était un matin d'hiver quand le givre envahit la campagne...
C'était un soir d'été lorsque le soleil cesse sa course à l'horizon et suspend le temps...
C'était un jour un regard qui bouleverse par sa transparence et sa profondeur...
C'était le chant des moines au cours d'un office, lors de la visite d'une abbaye...
Instant d'émerveillement, de pureté et d'éternité.
Le monde se dévoile alors dans sa beauté intime comme la jeune mariée se dénude devant celui qu'elle aime.   

          L'expérience de cet au‑delà du voile peut se manifester très différemment, bien que ce soit une seule et même expérience :

. tremblement et crainte : le tout autre nous fait prendre conscience de notre petitesse ;

. intuition du mystère : comme un mot que l'on cherche dans sa mémoire et que l'on ne peut trouver ;

. dévotion et respect : l'être est pénétré d’admiration ;

. joie et allégresse : elle s'exprime par les cris, le rire et la danse, mais aussi par l'oubli des soucis du monde ;

. amour et communion : c'est la découverte de l'agapè, amour pour tous les êtres, toute la création, que chante si bien le cantique des trois enfants dans le livre de Daniel.

 

         La quête du numineux

           Alors commence la quête. Alors l'âme, comme la bien-aimée du Cantique des cantiques, ne cesse de chercher le bien-aimé qui l'attire dans une distance toujours renouvelée.

  

                           L'épouse parle : "J'ai cherché dans la nuit à savoir quelle est son essence... Mais je n'ai pu trouver. Je l'ai appelé d'autant de noms qu'on en peut nommer, mais aucun nom n'a eu la force de l'atteindre. Comment en effet pourrait-on atteindre par un nom celui qui est au-delà de tout nom".

Grégoire de Nysse

 

Cours aux sources, aspire aux fontaines,
En Dieu jaillit la source de la vie,
Une source qui ne peut tarir.
Dans sa lumière se trouve une lumière
Que rien ne pourra obscurcir.
Que ton désir aille à cette lumière
Que tes yeux ne connaissent pas.
L'œil intérieur se prépare à voir la lumière.
(L'ouïe intérieure fait silence face au logos)
A la source, la soif intérieure brûle de s'abreuver.
Augustin d'Hippone

 

 

          Cette recherche est la recherche propre du mystique, au‑delà des doctrines religieuses. Elle s'exprime différemment selon les lieux, mais elle est même.

 

          Notre culture chrétienne l'évoque à travers des termes que nous avons peu à peu déchargés de leur contenu mystique. L'église catholique propose les termes de naturel et de surnaturel au risque de dénaturer la puissance évocatrice du second et son étroite communion avec l'autre. En effet :

 Le surnaturel est une adoption, une assimilation, une incorporation, une transformation qui assure à la fois l'union et la distinction de deux incommensurables par le lien de la charité... Il est fait pour être en nous, sans être jamais pour cela issu de nous, venu de nous.

Maurice Blondel

           Puisant ses sources dans les écrits des Pères de l’Église, l'orthodoxie parle d'invisible dans le monde visible, ou d'immatériel ou encore d'inconnaissance.                                                 

     La manière de connaître Dieu qui est la plus digne de Lui, c'est de le connaître par mode d'inconnaissance, dans une union qui dépasse toute intelligence.

­Denys l'aéropagite

          Cependant, on note chez un théologien orthodoxe contemporain, Paul Evdokimov, la recherche d'un mot qui pourrait lui permettre d'exprimer justement ce que la notion de surnaturel recouvre :

      Avant tout, le sacré s'oppose aux éléments de ce monde et présente l'irruption de ce que R. Otto appelle "l'absolument autre", différente de ce monde... L'acte qui rend sacré retire une chose ou un être de ces conditions empiriques et le met en communion avec le numineux, ce qui change leur nature et fait immédiatement ressentir à l'entourage le mysterium tremendus, le tremblement sacré devant la présence du numineux. Ce n'est point la peur de l'inconnu, mais un effroi mystique très caractéristique qui accompagne toute manifestation du transcendant, son rayonnement énergétique à travers les réalités de ce monde.

Paul Evdokimov

  

Le terme numineux est de R. Otto :

"Si lumen a pu servir à former lumineux, de numen (divinité, puissance divine), on peut former numineux." (Le sacré, Paris 1929, p.22)

 

23/11/2020

La mue (3)

J’en suis là de mes réflexions, lorsque Joséphine, réveillée, débarque dans la cuisine. C’est ma nouvelle petite amie. Elle est vive, a un cœur d’or et des boucles blondes qui font chavirer les cœurs. C’est vrai, parfois, elle prend trop de place et donne son avis sur tout. Mais je ne suis pas obligé de la suivre sur tous les points qu’elle propose.

– Tu m’as l’air d’avoir passé une mauvaise nuit. C’est encore ton attestation qui te tracasse ? De toute façon, on est obligé d’y passer. Alors cela ne sert à rien de faire sa mauvaise tête.

Évidemment, cela lui est facile. Elle a dix ans de moins que moi et a donc une autre vision, plus détachée. Je n’ai pas envie de parler de cela. Elle va tenter de me raisonner alors que je ne désire que me laisser aller et oublier. Je l’embrasse donc dans le cou, lui susurre quelques mots câlins, la serre dans mes bras et peut sentir au travers du tissu de sa robe de chambre ses seins qui frémissent. Oui, c’est vrai, elle sait adoucir mes jours, provoquer en moi l’oubli de mon personnage et même me donner une autre vision de ma vie, très différente de celle que j’ai lorsque je me regarde devant une glace. Je lui sers un café, la laisse boire tranquillement, échange quelques plaisanteries, puis l’entraîne vers la chambre pour passer encore quelques moments ensemble. Elle se laisse dénuder, l’œil brillant, un sourire aux lèvres, ce sourire qui m’a tant séduit un jour d’hiver à la devanture d’un magasin. Je me suis retourné, je l’ai vu et l’ai contemplé jusqu’à ce qu’elle me remarque et arrondisse le coin de ses lèvres. Nous avons parlé, nous sommes aventuré dans un café, avons pris deux grands crèmes et discuté jusqu’au déjeuner. Le soir même, elle s’installait chez moi, avec ses valises. Je ne l’ai pas regretté, même encore maintenant. Elle est distrayante et revient chaque soir pleine de joyeuses anecdotes à raconter.

Mais ma vie privée ne vous intéresse sans doute pas. Pardonnez-moi. C’est probablement le stress de l’attestation reçue dernièrement. Ce soir nous irons danser, cela nous fera du bien, à moi surtout. Joséphine s’est rendormie. Elle a une faculté sans égale à dormir à tout moment, en particulier après l’amour. Et ce n’est pas cinq minutes ! Mais plutôt une heure. Je m’habille et pars travailler. Il le faut bien, sinon mon patron va devoir me signaler à la police des mœurs, celle qui est en charge des « muants ». Sitôt sorti de l’appartement, je suis agressé par les images et les mots qui ne cessent de parler de cet événement qui m’attend, je ne sais quand.