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04/03/2018

Vivant

 

Futilité de la bonne chair.
Quand le ventre se remplit, l’esprit se vide.
La densité du ventre est en relation avec la légèreté de l’esprit.
Certes, l’homme est plus gai,
Mais sa gaité est celle de l’homme repu et non de l’homme contenté.
Il y a une gaité du corps et une gaité de l’esprit.
La seconde est rare, mais elle a plus de prix.
Nous ne voulons pas d’hommes bons vivants,
Mais des hommes bien vivants.

 

03/03/2018

Missa sine nomine, d’Ernst Wiechert

Missa sine nomine, c’est le livre de l’amour, amour plus fort que la solitude, plus fort que le mal, plus fort que la haine.

Le baron Amédée de Liljécrona, qui ne croyait plus à rien, pour qui l’homme n’a pas de pire en18-03-03 Missa-Sine-Nomine.jpgnemi que son semblable, renaît lentement à la vie et redécouvre la pitié, la compassion et l’amour véritable. Déchiré par quatre ans dans les camps nazis, il aspire d’abord à la solitude, et fuit le commerce des hommes et même de la nature. Mais d’autres lui feront retrouver le fond de l’âme, ce lieu éclairé d’une petite flamme fragile et  vacillante, qui ne s’éteint que rarement. Le pasteur Wittkopf et le vieux cocher Christophe, gens simples et bons, sont des personnages d’autrefois, grandes figures de l’âme humaine dans ce qu’elle a de meilleur.

Cet amour que retrouve Amédée, c’est l’amour du Christ pour les hommes, un amour pur, désintéressé, fait de multiples renoncements de soi, un miracle difficile à cerner, mais d’une incroyable puissance sur les autres.

02/03/2018

Dédoublement

Il est quatre heures du matin, une heure humaine…
Je rentre en moi-même, ne sachant où je vais…
Soudain, un bouton déclenche le dédoublement
Comme si l’aile d’un oiseau l’avait enfoncé…
La vue se dédouble, comme une brisure
Je louche dans mon être et me sens bien
Je prends de la distance et me regarde
Je sens la fragilité de mon enveloppe corporelle
Comme une membrane déchirable
Qu’il faut protéger des meurtrissures…
La rendre transparente est mon premier devoir…
Je reviens à moi en suspension interne
Au lieu où rien ne peut m’atteindre
Là où se creuse le dédoublement
Et où se bâtit la réunion des contraires…
Descente en soi-même et montée hors de soi
D’un même mouvement instantané…
L’autre, l’ancien, reste à sa place
Ou plutôt s’efface dans le brouhaha
Des tableaux temporels quotidiens…
Je deviens ballon d’air chaud, libre
Tranquillisé, l’œil ouvert, le cerveau vide…
Plus de pensée, plus d’être non plus ?
Non, j’ai simplement changé de véhicule
Montée en flèche dans le noir protecteur
J’erre dans la mousse vaporeuse
D’une réalité nouvelle, enveloppante
Sur un nuage de brume chaude
Où le cœur fond et le corps repose
Ah ! Se tenir là toujours et...
S’ouvrir à la réunification…

©  Loup Francart

01/03/2018

Le nombre manquant (42)

Je souhaitais revoir les artistes avec lesquels nous avions conversé lors de notre visite à la villa Médicis. Vous vous souvenez que j’avais pris le rôle de directeur d’une agence de communication pour nous introduire auprès des artistes résidents. Cela restait une bonne introduction pour aller prendre le pouls. Je pris le temps tout d’abord pour me promener dans les jardins, puis pour admirer la vue sur Rome et enfin pour visiter ce magnifique palais qui est bien plus qu’une simple villa. Je me laissais aller à regarder les pièces d’exposition et les tableaux qui ornaient les murs et  me présentais vers seize heures à l’académie. Rappelant mon rôle, je demandais à voir le jeune artiste qui travaillait sur les chiffres en verre. Après quelques minutes d’attente, je fus introduit dans son atelier.

– Je me souviens très bien de vous, me dit Pierre Englebert, et du jour auquel nous nous sommes vus. C’était il y a peu quand le professeur vous faisait visiter les logements de quelques pensionnaires et leurs travaux. Plus particulièrement de votre tête lorsque le professeur se fâcha à propos du nombre qui devait achever  le lustre en verre que j’étais en train de faire.

– Cela s’est donc tant vu ?

– Oui, nous nous sommes habitués à de telles sorties. Mais vous, quelle tête !

– J’avoue avoir été un peu surpris, sinon décontenancé.

– Oui, le professeur est parfois abrupt, décalé et surprend les visiteurs par des remarques originales traitant tantôt de cosmologie, tantôt de philosophie et tantôt de religion et même de mystique. C’est un être assez étonnant qui ne s’arrête pas à ce qu’il connaît et qui tente d’élargir en permanence sa vision du monde sur des sujets à l’extrême pointe de la recherche. C’est pour cela que les pensionnaires l’apprécient malgré ses sorties parfois scabreuses.

– À ce propos, savez-vous pourquoi celui-ci vous a dit « Non, pas zéro, orez ! » Est-ce habituel chez lui ou cette injonction est-elle nouvelle ?

– Vous devez vous souvenir qu’il l’a en partie explicité. Mais je ne l’avais jamais auparavant entendu dire quelque chose de cet ordre. Cela doit dater de trois à six mois au plus.

– Cet orez dont il parle a à voir avec l’infini, mais j’avoue que pour l’instant, je ne vois pas.

– Il parle assez souvent d’infini potentiel ou en puissance et d’infini en acte. Je concède que je ne suis pas capable de bien distinguer les deux notions. Il a repris une fois la définition d’Aristote, « l’infini est ce qui est tel que lorsqu’on en prend une quantité, c’est-à-dire quelque grande que soit la quantité qu’on prend, il reste toujours quelque chose à prendre »[1]. Je pense que c’est ce qu’il appelle l’infini en puissance : il est toujours possible de l’augmenter dès l’instant où l’on découvre quelque chose de plus.

– C’est sans doute ainsi, tentais-je d’expliquer, que Jean Duns Scot prétend que l’infini n’est pas ce qui laisse toujours quelque chose derrière, mais bien ce qui excède le fini selon toute proportion déterminée ou déterminable[2]. Mais ce qui me semble le plus intéressant chez Scot, c’est la transposition qu’il fait de la physique à la métaphysique. Il parle d’ « être infini actuel, indépassable en entité », qui serait « véritablement un tout, et un tout parfait ».

Mon interlocuteur resta coi. Il semblait avoir du mal à me suivre. Peut-être me trompais-je et le professeur n’avait jamais parlé de ces comparaisons possibles entre le monde physique et le monde spirituel.

 

[1] Aristote, Physique, III, 6, 206 b 32-207 a 15[207 a 7-8], dans Sondag 2005, p.119 

[2] Quolibet V (Olms, p. 118) dans Sondag, Duns Scot : la métaphysique de la singularité, p. 107        

28/02/2018

Lumière

 

L’œil qui ne s’est pas ouvert
Voit la lumière divine comme obscurité.
Ce voile noir qui la cache
N’est rien d’autre que le moi.

 

27/02/2018

Ta vie, ma fille

Ne te fais pas prendre ta vie, ma fille
Ne te laisse pas enjôler par les courants d’air
Par un regard subtil ou l’attrait du rêve
Traverse au large sur le trait pâle et vertueux
De l’insensible qui court en flèche, éperdu
D’étirement et d’enroulement sur lui-même

Seules celles éprouvant le feu intérieur
Qui entraîne l’être au-delà du néant
Et qui donne au visage l’étincelle vitale
Sont les vestales ignorées des égarés
Elles contemplent la foule immense et béate
D’un œil expert. Alors elles pleurent, en solitaires 

Poursuis encore, seule, ton chemin scabreux
Dédaigne les temples d’une douceur douteuse
Enjambe l’ombre des vertiges attirants
Et daigne offrir ton corps d’espérance
A la face lunaire des nuits sans sommeil
Qui portent en elles-mêmes leur accomplissement

Enfin, ne laisse pas disperser par les chants
De ceux qui n’ont que leur solitude à mettre
Aux côtés du chœur envié des déracinés
Pleine de toi-même et de désir de vivre
Ouvre-toi à ce long chemin dépouillé
Qui part devant toi jusqu’à la ligne

L’étincelle de ta rencontre avec la droiture
Qui se courbe dans l’espace vivifiant
Et qui se déroule dans le temps des amours
Te procurera l’apaisante délivrance
Tu te retourneras et admireras cette tangente
Qui te mène à toi-même en pleine conscience

 ©  Loup Francart

26/02/2018

Michel Portal et Vincent Peirani au Festival Jazzdor en 2013

https://www.youtube.com/watch?v=q_coyjKDz_s

 

 

Septième édition du Festival Jazzdor Strasbourg-Berlin, direction Philippe Ochem. Michel Portal aux anches (saxophone soprano, clarinette et clarinette basse) et Vincent Peirani à l'accordéon.

La plainte de l’homme contemporain… Un marasme absolu, et pourtant, beau, entraînant. Un chant, issu de l’être profond, qui passe, qui revient et s’envole au loin. Cela crée une rêverie insolite, loin du romantisme, un bourdonnement intérieur qui contraint à poursuivre, inlassablement.