Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/02/2017

Maxime

L’inspiration,

Comme ces marquises à qui l’on donne un rendez-vous

Et qui se font prier,

Vient de l’effort et de la patience.

Il faut la chercher dans le travail

Et non dans la passivité.

25/02/2017

L’essence de Pierre Heurtebise de Praguilande (8)

le numen serait la manifestation d’une volonté divine qui exprime la puissance propre d’un dieu. Plus intéressant encore, le mot est, pourrait-on dire, l’essence du terme signum, manifestation sensible par laquelle cette volonté se fait connaître (prodiges, oracles, etc.) puisqu’il en qualifie abstraitement l’exercice tout-puissant. Bien que tout ceci lui paraisse assez abscons, il réalisa que cette ombre qu’il voyait lumineuse, aux contours nets ou flous selon les moments, et qu’il ne savait nommer d’une manière explicite, pourrait être dénommée numen, c’est-à-dire l’essence même de la lumière, la vision d’une lumière divine différente de la lumière lunaire les jours de pleine lune. Elle serait donc de nature différente de ce qu’il connaissait dans l’existence et avait une signification spéciale qu’il lui fallait découvrir et qui le mènerait peut-être à une guérison fortuite ou miraculeuse.

Le soir même, il reprit sa promenade, comme à l’accoutumée, l’esprit dévoré d’interrogation et, oui, de curiosité. Son numen, car c’était bien ainsi qu’il devait désormais l’appeler, s’éclaira, lueur plus aveuglante que celle de la reine des ombres, qui diminuerait dans un ou deux jours. Pourvu de cet organe supplémentaire, dont il ne ressentait ni le poids ni l’encombrement et qui, même, semblait l’alléger, il pouvait marcher librement, y compris dans une densité conséquente de feuillages. Il fut à nouveau entraîné vers les bois de Saint-Roch, une véritable forêt en fait, mais appartenant à de nombreux propriétaires dont chacun possédait « son bois ».

24/02/2017

Le désir

Le désir est un compagnon encombrant.
Lorsqu’il est là, il prend toute la place.
S’il vous arrive de constater son absence,
Il accourt aussitôt sans aucune gêne.
Il ne vous laisse aucun répit
Et vous taraude sans cesse, insatiable.
Insidieux et libertaire, il exerce sa férule
Sans avoir l’air de rien, en toute quiétude.
Il vous faut attention et tromperie
Pour le renvoyer loin de vous.
Vous le chassez par la porte,
Il revient par la fenêtre, même close.

Le désir est un compagnon encombrant,
Comme un vernis qui vous recouvre
Et qui attire toute poussière de l’esprit.
Vous basculez du septième ciel
Au fin fond de l’enfer sans le savoir.
Il est déjà trop tard… Vous êtes pris…
Englué dans ce rappel permanent
D’exigences actives et incontrôlées
Qui surgit à l’horizon des pensées
Et finit en actions à vos côtés,
Vous basculez sans y pouvoir
Et perdez votre savoir-être,
Car il court à fleur de peau
Et vous submerge à tel point
Que vous n’êtes plus vous-même,
Mais l’être inconnu qui se prétend moi
Et qui n’est qu’un sosie malodorant.

Le désir est un compagnon encombrant.
La fuite n’est qu’une mascarade
Qui conduit à l’abdication.
L’acceptation de sa présence
Fait de vous un fantôme vivant.

 ©  Loup Francart

23/02/2017

La pêche de l'étang (1)

A l’heure où la nuit mêle encore à l’air plus libre le jeu d’ombres chinoises de l’horizon terrestre sur la pâle renaissance d’un ciel bleuté, nous avions regardé avec l’émerveillement des enfants qui s’essayent à démêler le nom des couleurs bien qu’ils en aperçoivent chaque nuance, apparaître d’abord un léger embrasement entre les branches noires et frêles des arbres, comme une rougeur imperceptible la veille que l’on découvre au matin sur l’épiderme, puis de longues trainées de sang et d’or mêlés, formées par chacun des particules de lumière du soleil que nous devinions derrière l’horizon et réfléchies par la densité opaque des bourrelets nuageux du ciel. Chacun de nous sentait la frêle et délicate joie que donne l’air léger et pur, sonore de chaque évènement  qu’on ne perçoit pas à la lumière du jour , et le réveil des formes du monde que nous retrouvons intactes, mais encore cristallisées dans notre perception du mystère de leur vie nocturne.

Dans la première clarté, plus fidèle et plus véridique que celle des autres heures, l’étang, asséché de ses eaux lourdes et sombres, voilait avec pudeur sa nudité désolante dans un scintillement poudreux, mais sa tache lumineuse et fade contrastait trop avec l’élégance ocrée des roseaux chevelus et la parure pacifique et verdoyante empreinte d’une ceinture chaude aux couleurs de sa vieillesse saisonnière. Les hommes avaient tiré du même geste que les haleurs dans leur lent cheminement à la remontée du canal, mais alourdis et empruntés par la boue dans laquelle ils imprimaient les traces de leur pas, le filet qui traînait derrière lui une onde plus pure et plus légère et avait enfermé la substance de l’étang, son véritable corps, dans ses mailles laissant échapper cette partie impalpable de chaque chose qui ne les intéressait pas.

22/02/2017

La liberté

 

La liberté est une affaire collective et non individuelle.

C’est pourquoi elle ne peut être pure.

 

21/02/2017

Pensée

La grandeur des arbres se perd dans l’enceinte de l’univers. Pourtant, ce n’est pas leur taille qui nous illusionne, mais l’ignorance de l’enceinte. Nous ne sommes que des fourmis qui se disent pensantes. Qu’est-ce au juste que penser : confondre l’univers avec le monde des fourmis ? L’esprit y tourne en rond et ne peut en sortir. La pensée, c’est de la fumée dans une bouteille de verre. Nous sommes comme ces marins qui construisent leur bateau dans une bouteille et la pose sur la cheminée pour la contempler. Si l’océan et le désert attirent l’homme, c’est qu’il y voit la possibilité d’une évasion. La pensée se noie ou meurt de soif en cours d’évasion. Ce qu’il faut trouver, c’est la substance vitale qui traversera le verre. Alors la fumée s’échappera. Encore faudrait-il procéder prudemment et ne pas rompre ce fil qui relie l’astronaute à sa cabine.

20/02/2017

L’essence de Pierre Heurtebise de Praguilande (7)

Un nuage passa. L’ombre s’éteignit, il se retrouva dans un noir d’autant plus absolu qu’il succédait à une clarté franche. Cela sembla l’éveiller ou tout au moins lui faire prendre conscience d’un signe. Il fit demi-tour dans une obscurité difficile à traverser, semblant se comporter comme une bille dans un tunnel, se cognant aux bordures du chemin, c’est-à-dire aux piquants des ronces des deux haies qui le bordaient. A certains moments, il dut prendre entre ses doigts les tiges piquantes, se blessant la partie la plus innervée des phalanges, puis décrocher les épines de ses vêtements pourtant lourds et bien protégés contre les agressions naturelles d’une campagne hostile. Enfin, il vit la lueur de la fenêtre de son bureau où il avait laissé une chandelle allumée pour garder la maison contre toute intrusion malencontreuse. Simultanément, il s’interrogeait sur le sens du mot entendu. Numen. Que désignait-il ? Il connaissait le terme latin de « lumen », qui signifie lumière, mais pourquoi remplacer le L par un N ? Il faut que je cherche sa signification, se dit-il en franchissant le seuil de sa maison. Après avoir fermé sa porte à double tour, il se coucha, poussé par une réflexion qui lui échappait et qu’il ne pouvait contrôler. Cela dura longtemps. Il entendait les heures sonner au clocher de l’église, mais ne put compter au-delà de quatre, s’étant endormi, épuisé par sa marche et ses réflexions.

Au réveil, sa première pensée fut « numen ». Le mot surgit avec force dans le brouillard des songes et le réveilla instantanément. Mais le lecteur sait bien qu’à cette époque Internet n’existait pas et qu’il lui fallait soit trouver dans sa bibliothèque de quoi satisfaire sa curiosité, soit écrire à différents imprimeurs pour qu’ils lui recommandent divers volumes susceptibles de le renseigner. Commençons donc par fouiller dans notre propre et précieuse bibliothèque, s’avisa-t-il. Sans même prendre un léger repas qui l’aurait maintenu en forme jusqu’au milieu du jour, il se plongea dans les pages de volumes lourds et noircis, d’abord des dictionnaires d’où il ne tira pas grand-chose, quelques explications sur l’origine étymologique, un verbe nuo, nuere qui voudrait dire « faire un signe de tête ». Enfin, après d’autres recherches dans d’autres volumes, il découvrit ce qu’il cherchait.