La pêche de l'étang (1) (23/02/2017)
A l’heure où la nuit mêle encore à l’air plus libre le jeu d’ombres chinoises de l’horizon terrestre sur la pâle renaissance d’un ciel bleuté, nous avions regardé avec l’émerveillement des enfants qui s’essayent à démêler le nom des couleurs bien qu’ils en aperçoivent chaque nuance, apparaître d’abord un léger embrasement entre les branches noires et frêles des arbres, comme une rougeur imperceptible la veille que l’on découvre au matin sur l’épiderme, puis de longues trainées de sang et d’or mêlés, formées par chacun des particules de lumière du soleil que nous devinions derrière l’horizon et réfléchies par la densité opaque des bourrelets nuageux du ciel. Chacun de nous sentait la frêle et délicate joie que donne l’air léger et pur, sonore de chaque évènement qu’on ne perçoit pas à la lumière du jour , et le réveil des formes du monde que nous retrouvons intactes, mais encore cristallisées dans notre perception du mystère de leur vie nocturne.
Dans la première clarté, plus fidèle et plus véridique que celle des autres heures, l’étang, asséché de ses eaux lourdes et sombres, voilait avec pudeur sa nudité désolante dans un scintillement poudreux, mais sa tache lumineuse et fade contrastait trop avec l’élégance ocrée des roseaux chevelus et la parure pacifique et verdoyante empreinte d’une ceinture chaude aux couleurs de sa vieillesse saisonnière. Les hommes avaient tiré du même geste que les haleurs dans leur lent cheminement à la remontée du canal, mais alourdis et empruntés par la boue dans laquelle ils imprimaient les traces de leur pas, le filet qui traînait derrière lui une onde plus pure et plus légère et avait enfermé la substance de l’étang, son véritable corps, dans ses mailles laissant échapper cette partie impalpable de chaque chose qui ne les intéressait pas.
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