04/12/2011
La pipe africaine
Place du Jeu de Paume, à Bruxelles, il peut arriver des instants insolites qui font sortir du cadre habituel des matins bruxellois.
L’homme marche précautionneusement parmi la multitude d’objets hétéroclites répandus à même le sol, parfois sur un tissu poussiéreux, regardant, à droite et à gauche, tissus fanés, bois démantelés, aciers tordus, porcelaine ébréchées. Surtout ne pas se décourager, c’est dans ces montagnes de crasse que se cachent les trésors qui empliront les murs et meubles de décors insolites que les envieux imaginent venus d’outre-mer ou de capitales lointaines. Il faudra certes les nettoyer, les astiquer, les cirer ou les poncer pour les aider à reprendre l’éclat de leur jeunesse, mais cela leur donnera, de plus, la distinction d’un passé endormi et lointain.
Passage devant un lot africain de masques aux yeux vides, de statues assorties de sexes démesurés ou de seins comme des clochers de cathédrale, de bijoux colorés plus que fantaisie, étalés sur les pavés, alignés comme à la parade, bravant les collectionneurs de caicaisses (expression bruxelloise, à l’orthographe fantaisiste !) folkloriques ou afro-culturelles. Impavide, un grand noir attend non loin, l’air de rien, parlant haut et fort avec les autres marchands, jetant par moments un œil aiguisé sur son étalage. Au milieu de ce bric à brac, l’homme (le promeneur, pas le vendeur!) voit un long tuyau de bois sculpté de dessins géométriques au bout duquel s’épanouit une fine tête d’africain aux oreilles perlées, surmontée d’un chapeau troué par le foyer d’un pipe. En fait, ce personnage sculpté n’a pas tellement l’air africain, on pense plutôt à un blanc ou encore un égyptien en raison de la forme de son chapeau qui évoque les collerettes dont était orné le buste des grands prêtres (mais il s’agit peut-être d’une réminiscence de bandes dessinées !). Et cette pipe au membre dressé interpelle l’acheteur curieux cherchant des bizarreries pétillantes. L’homme fait semblant de s’intéresser à d’autres étalages tout en regardant furtivement la pipe mystérieuse qui se tend vers lui, comme offerte et souriante. Il la contemple en coin, émerveillé de l’imagination du sculpteur de pipe, étonné de voir un tel objet parmi les habituelles fadaises africaines bon marché. Jamais il n’avait encore vu une pipe africaine qu’il imagina aux lèvres d’un vieux bonhomme assis devant sa case, regardant passer les jeunes filles portant sur leurs têtes toutes sortes de choses, même les plus insolites.
Alors, de plus en plus attiré par cette trouvaille, il fait un pas vers le marchand, qui l’avait bien sûr repéré, et lui montrant une statue habituelle de ce type de marché, lui demande combien. Continuant à tourner autour de sa cible, il demande les prix de plusieurs autres objets avant de demander l’air de rien le prix de l’objet convoité.
– Très belle pièce, lui dit l’autre sans répondre. Et très vieille. Elle a beaucoup servie, ajouta-t-il. Un silence. Elle est pas chère : 150 €.
– Non, je ne peux pas mettre ce prix là, répond l'homme qui fait mine de s'éloigner.
– Combien tu peux mettre, demande le marchand qui se lance derrière lui.
– Non, non, je n’ai pas les moyens de payer une pièce comme celle-là à ce prix.
– Dis-moi combien tu peux mettre.
L’homme, sans répondre fait semblant de partir, comme s’il ne pouvait donner un chiffre, sous-entendant ainsi que le prix demandé était beaucoup trop cher. Le vendeur le suit et lui redemande : « Combien tu peux mettre, dis-moi un prix ! ». Alors, excédé l’homme lui répond : « Je ne sais pas, 20 € ! » Le vendeur fait alors une tête affolée comme si son interlocuteur avait perdu la raison.
– Allez, lui dit-il doucement, comme dans le creux de l’oreille, je vois que vous vous intéressez à l’art africain. Alors je vais vous faire un bon prix. C’est mon dernier prix : 60 €, parce que c’est vous et que je vois que vous vous y connaissez !
– Non, non, je ne peux pas. C’est effectivement une belle pièce, mais je n’ai pas les moyens. Allez, je peux aller jusqu’à 25.
– Vous n’y pensez pas. Je ne rentre pas dans mes frais à ce prix. Je peux descendre jusqu’à 40.
– Tant pis, j’arrête là. Je m’en vais. Dommage, car je l’aime bien cette pipe. Elle donne envie de la fumer, le soir sur le pas de la porte. Tenez, je vais vous en offrir 30 €, mais c’est mon dernier prix.
–Tu n’y pense pas, c’est le prix que je l’ai acheté. Ce n’est pas possible. Tiens viens voir. Et il l’entraîne un peu à l’écart, lui parlant bas et lui expliquant qu’il ne peut devant les autres marchands et passants lui laisser à ce prix. Donne-moi au moins trois euros de plus et je te la laisse : 33 €. Mais ne dis surtout pas à tous combien tu l’as payé.
– D’accord, 33, pas un sou de plus.
– Eh oui, mon ami, je suis content de te faire plaisir. Tu l’as pas chère. Attends, je vais te l’emballer.
Et le marchand sort d’une vieille sacoche un papier rouge et froissé avec lequel il enveloppe la pipe recherchée qu’il fourre ensuite dans un sac en plastique d’où ressort le tuyau massif et orné en bois raide et imposant. Alors, sortant deux billets de sa poche, l’acheteur lui tend, puis compte en retour les pièces. Ils se serrent la main, tous les deux très contents du marché, persuadés, chacun, d’avoir fait une affaire, sans qu’ils sachent exactement pourquoi.
Depuis, la pipe d’abord trôna sur la cheminée du salon, puis finit pendue à un clou dans la bibliothèque, rappelant à l’homme les années au cours desquelles il a fumé la pipe, adoucissant ainsi les instants d’une jeunesse mouvementée.
06:12 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : puce, chine, bruxelles | Imprimer
03/12/2011
Cinquième symphonie de Beethoven … façon moderne
Quelle extraordinaire imagination ont les musiciens modernes pour assaisonner la 5ème de Beethoven. A toutes les sauces : les uns utilisent le thème, d’autres mélangent le classique orchestral et la guitare électrique ; d’autres innovent carrément avec force bruits et batteries ; d’autres transforment en danse mêlée de bruits de foule la furie beethovenienne du premier mouvement.
Quelle cuisine ! On utilise tous les instruments, du hachoir au fendoir de boucher, en passant par la meule pour l’affûtage de couteaux de désosseur. Parfois, les choses se passent plus en douceur, un assaisonnement mêlé de senteurs diverses : thym, mais aussi formol ; gingembre avec sauce crevettes ; menthe à la manière britannique moderne, aigre et métallique.
La préparation est longue, avec beaucoup de répétition et force gestes et circonvolutions, comme lorsque l’on monte les blancs en neige en tournant toujours dans le même sens. Mais cela monte progressivement dans un bruit de casseroles qui s’entrechoquent, assourdies par les torchons de cuisine vivement agités. Parfois les cris étouffés des cuisiniers apportent une note humaine qui semble néanmoins animale. Et cela dure le temps que l’oreille s’imprègne de ces sons inconnus et bizarres et rende hommage à l’inventeur de sonorités incongrues. Alors lentement, sans même vous en rendre compte, vous esquissez avec la jambe un rythme que l’ouïe refuse, vous accompagnez de claquements de doigts inconscients cette première ébauche de mouvement et progressivement vous laissez encombrer d’un tremblement léger partant du corps et envahissant votre esprit pour s’en emparer, bon gré, mal gré, et l’emplir de percussions sévères, parfois chatoyantes, souvent sur-audibles, toujours extravagantes.
La recette étant prête, encore faut-il l’arranger sur un plat et l’enjoliver de quelques feuilles diverses, salade avec huile d’olives pour faire passer, cornichons acides à l’oreille, faisant grincer les dents, ou encore un peu de sucreries sous forme de confitures étouffant les timbres ou figues molles résonnant creux.
Enfin, le plat se présente à vous, parfois beau à l’œil, d’une beauté de surface, sans consistance à l’oreille, comme cette interprétation de Vanessa Mae, qui manque totalement d’imagination (répétitions et crin-crin) :
http://www.youtube.com/watch?v=HYNCvf1AF3E&feature=re...
Il peut aussi faire penser à ces vermicelles chinois qui tremblent dans l’assiette avec un peu de sauce soja pour masquer un goût incertain, accompagnés de légumes bouillis qui s’entrechoquent avec des bruits métalliques comme s’ils manquaient de cuisson. On est noyé de multitude de sonorités patchwork qui s’entremêlent jusqu’à l’écœurement :
http://www.youtube.com/watch?v=wl2GtGBonTY&feature=re...
Il se présente aussi en flots de bruits sourds et lourds, agrémentés de force grognements et petits bruits acides comme un plateau de fruits de mer étalés sur la glace que l’on mange avec une vinaigrette entrecoupée d’échalotes. Il faut une bonne dose de pain et de beurre pour arriver au final. Mais on y arrive, car, finalement, c’est assez proche de la recette initiale, même si l’assaisonnement est totalement différent. C’est comme si l’on mangeait un bœuf bourguignon à la sauce huître et cuisiné façon chinoise :
http://www.youtube.com/watch?v=kWVMf4rdYYc&feature=re...
Au fond, n’est-ce pas cela la mondialisation. Toutes les cuisines du monde sur un même plateau. En musique, c’est sans doute un peu fatigant et décalé. Mange-t-on un faisan bouilli ou fait-on griller un artichaut à la poêle ? Cela pèse sur l’estomac et laisse un goût bizarre, comme un fromage sucré !
Et, pendant ce temps, le pauvre Beethoven, sourd, ne sait pas ce que l’on fait de sa musique divine.
06:53 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique, musique metal, metal rock | Imprimer
02/12/2011
J’étais, je ne suis plus
J’étais, je ne suis plus
Je suis, je n’ai jamais été
Peut-on être et avoir été
Après t’avoir aimé
Et t’aimer plus encore
J’apprends une nouvelle vie
Je ne sais plus mourir
J’erre au pas de ta présence
Devenu immortel
Que te donnerai-je en échange ?
Je n’ai que l’amour sur les lèvres
Et cet amour meurt de ton absence
Mais tu es là et je revis
Tu m’aimes et je ris
Je t’aime et tu souris
Nous connaîtrons ce qui n’a pas été
06:30 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poème, poésie | Imprimer
01/12/2011
Pêche d'étang
A l’heure où la nuit mêle encore à l’air plus libre le jeu d’ombres chinoises à la pâle renaissance d’un ciel bleuté, nous avions regardé, avec l’émerveillement des enfants qui s’essayent à démêler le nom des couleurs bien qu’ils en perçoivent chaque nuance, apparaître d’abord un léger embrasement entre les branches noires et frêles des arbres, comme une rougeur imperceptible la veille que l’on découvre au matin sur l’épiderme, puis de longues trainées de sang et d’or mêlés, formées par chacune des particules de lumière du soleil que nous devinions derrière l’horizon et réfléchies par la densité opaque des bourrelets nuageux du ciel. Chacun de nous sentait la frêle et délicate joie que donne l’air léger et pur, sonore de chaque évènement qu’on ne perçoit pas à la lumière du jour, et le réveil des formes du monde que nous retrouvons intactes, mais encore cristallisées dans notre perception du mystère de leur vie nocturne.
Dans la première clarté du jour, plus fidèle et plus véridique que celle des autres heures, l’étang, asséché de ses eaux lourdes et sombres, voilait avec pudeur sa nudité désolante dans un scintillement poudreux. Mais sa tache lumineuse et fade contrastait trop avec l’élégance ocrée des roseaux chevelus et la parure pacifique et verdoyante de la forêt qui, pour rehausser sa noblesse, s’était empreinte d’une ceinture chaude aux couleurs de sa vieillesse saisonnière. Les hommes, chaussés de longues colonnes sombres et mobiles, alourdis et empruntés par la boue dans laquelle ils imprimaient les traces de leur pas, avaient tiré le filet qui trainait derrière lui une onde pure et légère. Ils avaient enfermé la substance de l’étang, son véritable corps, dans ses mailles laissant échapper cette partie impalpable de chaque chose qui ne les intéressait pas. Une bataille furieuse, un déchaînement des forces inconnues de l’étang avaient suivi cette capture dans un bouillonnement de dos, d’écume et d’éclairs scintillants, et le filet s’était gonflé sur la pression de cette âme qui comprenait dans le resserrement de chacune de ses particules qu’on allait l’extraire de son univers.
Elle attendait maintenant, impassible et muette, agitée parfois de soubresauts involontaires dans cette petite enclave, dite la poêle, qu’on lui laissait encore avant de la disperser. Je retrouvais ensuite chacun de ses membres, convulsionnés, en différents baquets éparpillés au bord de l’étang. Les carpilles, comme alanguies d’une maternité précoce, se complaisaient dans la chaleur de leur ventre en une douce somnolence, mais certaines, comme un dormeur qui se retourne pour chercher une autre position, essayaient malhabilement de se mouvoir dans l’air comme elles le faisaient dans l’eau, en ondulant de plus en plus rageusement. L’une d’elle, coincée par les autres, se tenait la tête en l’air, le corps immergé dans le grouillement des autres, dans la position figée qu’elle avait quand, libre, elle sautait hors de l’eau, et philosophant sur sa triste aventure, elle disait boa, puis bao, comme les enfants qui répètent inlassablement le même mot de deux syllabes, s’émerveillant de la maîtrise de leurs muscles qui leur permettaient de prononcer deux sons à la fois. Nobles et hautains, les brochets attendaient avec mépris que leur sort fut décidé dans le même détachement qu’un prisonnier à l’âme haute vis-à-vis de ses bourreaux. Leurs corps portaient encore les traces de la lutte qu’ils avaient menée et des outrages subis, de longs filaments d’écume baveuse qui, quand le corps de l’un d’eux s’écartait d’un autre, créait une bulle irisée et aplatie qui les gardaient solidaires dans leur malheur. Mais le plus beau baquet était celui des tanchons qui, par la couleur jaune et rosée de leur ventre qui passait par mille nuances au bleu nuit, puis au noir de leur dos, me rappelaient l’émotion éprouvée au lever du soleil, comme si j’étais parvenu à enfermer vivante l’aurore dans ce baquet de zinc.
07:07 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, écologie, pêche | Imprimer
30/11/2011
Robert des noms propres, roman d’Amélie Nothomb, Albin Michel, 2002
Une petite fille, encore bébé, est recueillie par sa tante parce que sa véritable mère s’est suicidée. Elle ne sait pas qu’elle ne constitue qu’une pièce rapportée dans la famille et vit perplexe, regardant gravement, profondément les êtres qui l’entourent. Parce que ce regard gênait la maîtresse, elle est renvoyée de la maternelle. Ses parents adoptifs sont fous d’elle, car elle est tellement différente de ses deux présumés sœurs. Son ambition : être danseuse. Elle est inscrite au cours de danse et devient la coqueluche de tous les admirateurs du pas de deux. Mais à cinq ans, sa tante dut se résoudre à la mettre en classe. Ce fut le drame.
– Tu en mets du temps à réagir ! dit la maîtresse. Tous les enfants s’étaient retournés pour regarder celle qui avait été prise en faute. C’était une sensation atroce. La petite danseuse se demanda quel était son crime. – C’est moi qu’il faut regarder, et pas la fenêtre ! conclut la femme. Comme il n’y avait rien à répondre, l’enfant se tut. – On dit : « Oui, Madame » ! – Oui, Madame. – Comment t’appelles-tu ? demanda l’institutrice, l’air de penser : « Je t’ai à l’œil, toi ! » – Plectrude. –Pardon ? –Plectrude, articula-t-elle d’une voix claire. (…)– Eh bien, si tu cherches à faire ton intéressante, c’est réussi.
Elle ne s’intéressait pas à l’apprentissage de la lecture, et sa maîtresse désespérait. Or, un jour, elle lut comme une première de classe de dix ans. La maîtresse étonnée téléphona à ses parents. – Nous n’avons rien fait du tout. Nous lui avons seulement montré un livre assez beau pour lui donner envie de lire. C’est ce qui lui manquait. Nulle en mathématiques, Plectrude devint la bête noire de sa maîtresse. Ainsi, elle avait deux vies bien distinctes. Il y avait la vie de l’école, où elle était seule contre tous, et la vie du cours de ballet, où elle était la vedette. Fort heureusement, Roselyne, une danseuse du cours de ballet, arriva à l’école et devint l’amie de Plectrude.
Après quelques mois, elles inventent des jeux dangereux : se laisser ensevelir par la neige sans bouger, se laisser foncer dessus par un camion. Plectrude était à ce point danseuse qu’elle vivait les moindres scènes de sa vie comme des ballets. Les chorégraphies autorisaient que le sens du tragique se manifestât à tout bout de champ : ce qui, dans le quotidien, était grotesque, ne l’était pas à l’opéra et l’était encore moins en danse. « Je me suis donné à la neige dans le jardin, je me suis couchée sous elle et elle a élevé une cathédrale autour de moi, je l’ai vu construire lentement les murs, puis les voûtes, j’étais le gisant avec la cathédrale pour moi seul, ensuite les portes se sont refermées et la mort est venue me chercher, elle était d’abord blanche et douce, puis noire et violente, elle allait s’emparer de moi quand mon ange gardien est venu me sauver, à la dernière seconde. »
A douze ans, Plectrude cultivait son enfance. Elle se laissait aller au versant favori de son être ; consciente que, l’année suivante, elle ne le pourrait plus. Arriva un nouveau dans la classe. Mathieu Saladin avait une cicatrice partant de la lèvre. Elle en conclut qu’il s’était battu au sabre. La nuit qui suivit cette première rencontre, Plectrude se tint ce discours : « Il est pour moi. Il est à moi. Peu importe que ce soit dans un mois ou dans vingt ans. Je me le jure. »
Rien n’allait plus à l’école, mais Plectrude fut admise à l’école des rats. Le premier jour fut digne d’une boucherie : « Les minces, c’est bien, continuez comme ça. Les normales, ça va, mais je vous ai à l’œil. Les grosses vaches, soit vous maigrissez, soit vous partez : il n’y a pas de place ici pour les truies. » (…) « Huit heures à la barre par jour et un régime de famine, cela ne paraîtra dur qu’à celles qui n’ont pas assez envie de danser. Alors, que celles qui veulent encore partir partent ! »
Et Plectrude dansa, à avoir mal partout, sans manger. En trois mois, elle perdit cinq kilos. Elle se décalcifiât. Ce qui devait arriver arriva. Un matin de novembre, comme Plectrude venait de se lever en mordant son chiffon pour ne pas hurler de douleur, elle s’effondra : elle entendit un craquement dans sa cuisse. Hospitalisée, les médecins lui disent qu’elle ne pourra plus jamais danser. Revenue à la maison, elle finit progressivement par prendre plaisir à manger, mais sa mère dépérit et lui en veut de grossir. Elle lui parle sèchement à tel point que Plectrude lui demande : « Pourquoi me parles-tu comme ça ? Ne suis-je plus ta fille ? – Tu n’as jamais été ma fille. Et sa mère lui raconte tout. Tout s’effondrait. Elle n’avait plus de destin, elle n’avait plus de parents, elle n’avait plus rien.
Alors Plectrude se lance dans le théâtre et veut un enfant, comme sa mère, au même âge, dix-neuf ans. Après son accouchement, son œuvre étant accompli, elle décide de se suicider en sautant du pont Alexandre III. Au moment où elle allait sauter, elle entend : « Plectrude ! ». C’était Mathieu. Ils s’aiment. Ils se marient. Mais la fin du livre laisse sur sa faim, elle est non seulement insolite, mais difficilement compréhensible. Et à l’heure qu’il est, Plectrude et Mathieu n’ont toujours pas trouvé la solution.
Une fois encore, Amélie Nothomb nous interpelle. Une histoire menée tambour battant, plus de vingt ans de vie en quelques deux cent pages, des dialogues saisissants et opiniâtres, des rebondissements. Cependant la fin surprend, est insaisissable et laisse une impression d’incompréhension qui s’étend à l’ensemble du livre. Quel dommage !
03:00 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, fiction | Imprimer
29/11/2011
L'immersion (tendre) du coureur à la campagne
Ce matin, vous courez à nouveau, mais à la campagne cette fois. Quel contraste ! Vous sortez de la maison, faites quelques pas et vous voici en plein champs (bien qu’étant dimanche, ce n’est pourtant pas le moment de la cantillation). Il fait doux, d’une douceur envieuse qui berçe le roulis de votre course et pénètre avec tendresse dans votre tenue de joggeur, jusqu’à vous procurer une légère ivresse, certes toute morale.
Vous êtes frappés par le silence, d’une toute autre nature que le silence d’avant-hier qui était fait d’un brouhaha estompé par le brouillard. Ici, le silence est léger, serein, épanouissant, nourrissant comme un fruit mur. Il vous soulève au dessus du sol et vous volez à nouveau, mais d’un vol libre, planant, dans un calme absolu. Vous volez dans une liberté étourdissante, les yeux écarquillés, les oreilles débouchées, la bouche entrouverte, respirant un air pur, empli des senteurs campagnardes : rosée odorante, feuilles mortes, herbe tendre, thym frais, champignons vieillis, bouses de vache. En courant le long d’un chemin de terre, vous dites bonjour à l’achillée millefeuilles qui vous regarde passer de ses cent yeux de petites fleurs et au molène bouillon blanc dont deux fleurs jaunes se dessèchent au bout de sa tige brune. Et vous montez plus haut, au promontoire de la colline, vous laissant ensuite glisser vers la vallée sur laquelle coule une trainée de brume qui lui donne un air de mystère dans lequel vous souhaitez plonger.
Retour vers le bercail. Vous transpirez de bien-être. Vous ralentissez, vous vous arrêtez, vous regardez et écoutez. Quelle atmosphère différente. Après avoir chevauché un dromadaire qui vous permettait de franchir les canyons urbains, vous êtes monté sur un pur-sang qui vous a entraîné dans des chemins enivrants avant de s’arrêter, repu, auprès du petit bois, refuge de tous les rêves d’enfant et de toutes les passions adultes. Et ses sous-bois s’illuminent, vous permettant d’imaginer un avenir paisible et reposant, à l’image du faisan qui picore tranquillement à vingt mètres de vous. Une fois encore, déconnecté de tout souci, vous vous apprêtez à vivre une nouvelle journée, toujours aussi enivrante.
06:48 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sport, culture | Imprimer
28/11/2011
Multitude des attitudes
Multitude des attitudes,
Comme l’oiseau s’enfonce dans le vol
Après avoir reposé ses ailes recourbées
Dans l’air lourd et magnifiant
D’un vent du large, caressant
L’un d’entre eux marche sur la digue
Et enchante les hirondelles
De sa valse à cent temps
Il pousse le cri de victoire
Vers les bâtiments vides et délaissés
Un autre, plus vert et musclé
Revient au pas de course
De lointaines collines
Encore effarouché, essoufflé
Par la contemplation de l’avenir
Celui-ci tient son arrogance
A pleines mains, repu
Et chante à qui veut l’entendre
Le cri du vieux marin
Lorsque l’eau le pénètre
C’est un rêve sans doute
Le rêve de l’eau ensorceleuse
Qui secoue parfois fortement
L’errant de l’âme endormie
Ruisselant d’images, la nuit
Gnomes ragoutants et bruyants
Vous dévidez vos histoires
Et regardez leurs effets
Du haut de vos dix pieds
Comme des anges pervers
Et, un jour, emporté par le rêve
Vous découvrez un présent inexistant
Vide d’un passé chargé
Néant d’un avenir inenvisageable
Pour ne plus penser et vivre, enfin
03:11 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer