03/07/2011
Un instant d’éternité
Il existe de ces instants magiques où le temps suspend sa course immuable. C’est encore plus perceptible lorsque se mêle au présent un souvenir de jeunesse et qu’il surgit, très prégnant, au travers de ce que chaque sens nous dit.
La chaleur d’abord, de celle des étés de Pagnol, quand l’ombre d’une branche vous semble une caresse furtive et apaisante, alors que la pure lumière vous est un poids qui épuise le corps.
Le silence lourd de la campagne ajoute à cette torpeur. Seul le chant de quelques oiseaux, parfois, le trouble pour vous rappeler que tout cela est vivant, mais que la vie est suspendue. Sous chaque noyer, l’ombre bienfaisante sert de repère à la méditation, troué de taches de lumière qui suivent le frémissement des feuilles. L’herbe de la prairie se balance au gré de la brise indolente, survolée de moucherons qui dansent l’éternelle fête de la brume de chaleur qui les enrobe.
Ce chemin, vous l’avez parcouru des milliers de fois, mais ce retour aujourd’hui vous conduit à constater l’apaisante vérité de la succession du temps et des espèces. Dans la rangée des noyers qui descend vers la rivière, seul manque l’un d’eux, déjà remplacé par un petit, très petit noyer qui a poussé seul contre la volonté de tous. Le chemin de pierre laisse une bande d’herbes entre les roues des voitures. Quelle étrange sensation que celle des pas sur cette bande de terre qui vous aide à descendre vers le passé, lorsqu’enfant, vous dévaliez à un rythme effréné, en bicyclette, le chemin pour vous laisser ensuite freiner dans les hautes herbes aux abords du ruisseau. Parfois, entraîné par l’élan, vous vous arrêtiez à quelques centimètres de la berge, en vous jetant par terre. Plus tard, votre propre enfant s’est cassé une dent en se laissant tomber sur le gravier plutôt que de percuter la porte cochère.
Mais aujourd’hui le temps s’est arrêté. La chaleur, probablement, qui engourdit vos perceptions et endort votre attention. Alors vous longez la haie à gauche du chemin, là où l’ombre maintient encore une certaine fraicheur. Vous regardez chaque espèce d’arbres, la rugosité de leurs troncs, le dessin de leur développement jusqu’aux derniers rameaux, leurs feuillages, pleins, aux larges feuilles, ou encore clairsemés de petits opuscules, et chacun d’eux évoque en vous des moments différents, des lieux et des temps éloignés, mais qui redeviennent si présents qu’ils semblent revivre sous votre regard attentif.
Et vous descendez toujours, écrasé de soleil, vous laissant bercé par ces instants remémorés jusqu’à l’approche de la maison que vous connaissez bien et qui vous fait sortir de votre rêve éveillé.
Au loin, très loin dans le ciel, un avion vole sans bruit et seule sa trajectoire vous rappelle que la vie continue, inexorable, dans cette nature immobile, anéantie de chaleur sourde troublée par l’aboiement d’un chien aux confins du village qui vous signifie que le frémissement des feuilles fait aussi partie du tableau vivant.
Je me souviens être venu, adolescent, quelques jours après un concours, pour me reposer, seul dans l’immensité de la maison et de la campagne et avoir passé huit jours au rythme de la terre et de l’inspiration. Je me couchais tard, me relevais deux fois, trois fois, dans la nuit pour reprendre un tableau, transcrire une idée, écouter une symphonie. Et les jours passaient dans l’indolence et la création, avec pour seul plaisir la contemplation d’une nature riche, parfaite parce qu’imparfaite, dans laquelle je pouvais me rouler jusqu’à pleurer de joie.
04:48 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie | Imprimer
02/07/2011
Ensemble, nous irons au paradis
Ensemble, nous irons au paradis
Des amants d’antan
Je te regarderai, tu me verras,
Nous nous contemplerons
Et verrons le chemin écoulé
Comme une mélodie achevée
Toi, rien que toi, blanche
De vérité et d’innocence
Que j’apprends toujours à connaître
Qui m’apprend la vie et l’amour
Et qui court au plus large
Des rues encombrées de passants
Pour montrer la beauté de chacun
Je te regarde en odeur, en couleurs,
Tu me prends la main,
Tu me tends ta bouche,
Je ne suis plus, je deviens toi,
Et tu es la reine de ma nuit
Et la femme des jours sans fin
Où l’amour coule comme une source
Belle, tu me fais un clin d’œil
Serein, coquin, malin,
Et tu m’encourages dans ma folie
De ne penser qu’à toi, aimée
Perdue dans ce monde
Que nous sommes appelés
A quitter un jour, ou une nuit,
Après nous être aimés encore
Dans le secret de nos corps
Et la tendresse de nos rêves
10:24 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
01/07/2011
La Voie Lactée de Luis Buñuel (1969)
avec Paul Frankeur, Laurent Terzieff, Alain Cuny, Michel Piccoli, Delphine Seyrig, Jean Piat, Jean-Claude Carrière, Michel Piccoli Edith Scob, Bernard Verley, Francois Maistre, Claude Cerval, Muni, Claudio Brook, Georges Marchal.
Trailer du film :
http://www.dailymotion.com/video/xdwpie_la-voie-lactee-trailer-bunuel-1969_shortfilms
La voie lactée 1 :
http://www.dailymotion.com/video/xdwph3_laurent-terzieff-...
La voie lactée 2 :
http://www.dailymotion.com/video/xdwpeq_laurent-terzieff-...
La voie lactée 3 :
http://www.dailymotion.com/video/xdwpce_laurent-terzieff-...
Deux vagabonds, Pierre et Jean, se rendent à Saint jacques de Compostelle, pensant se faire de l’argent. Le long du chemin, ils rencontrent une série de personnages qui incarnent chacun une hérésie de l’église catholique. La voie lactée est l’ancienne appellation du chemin de Saint-Jacques, un chemin plein de mystère, de doute et de tentation, car elle indiquait aux pèlerins de toute l'Europe la direction de l'Espagne. Le récit est à la fois mystique et surréaliste, faisant coexister différentes époques dans une même scène. Les deux marcheurs rencontrent ainsi un curé qui sort d'un asile psychiatrique et qui parle du mystère de l'eucharistie avec un gendarme, un maître d'hôtel qui donne des leçons de théologie à ses serveurs, un jésuite et un janséniste qui se battent en duel avec en arrière-plan les deux compères, un saucisson dans une main, le litre de rouge dans l'autre, un prêtre amateur de jambon, une prostituée qui veut un enfant des vagabonds...
La religion est au centre du débat du film, mais l’on ne sait pas s’il est en faveur ou contre celle-ci. Il semble qu’il s’agit plutôt d’un débat sur le fanatisme qui montre que les hérétiques restent toujours attachés à leur vérité, quitte à mourir pour elle.
Dieu est mort, et sa mort fait peur à l’homme. Peut-être est le véritable thème du film où le blasphème se mêle à la quête de l’absolu, reflétant l’état d’esprit actuel. Le monde moderne ne veut plus croire en Dieu, mais il a besoin de mysticisme et de sacré. Ce mysticisme, il le cherche dans la farce du sacrilège, mais aussi dans la connaissance de soi par l’autodiscipline et la contemplation. Buñuel montre comment l’idée de Dieu a perdu de sa transcendance surnaturelle et épouse peu à peu les besoins et les aspirations immédiates. Dieu est plus humain et moins divin et l’homme s’essaye maladroitement à la divinité.
Dieu, peut-être est-ce cet enfant au bord de la route qui fait monter les deux vagabonds dans une somptueuse voiture et qui porte les stigmates du Christ ?
04:02 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, art, philosophie, film, christianisme | Imprimer
30/06/2011
Harmonisation du chant grégorien
Oui, le chant grégorien se chante a cappella.
Néanmoins, dans de nombreux cas, un accompagnement est nécessaire pour soutenir le choeur ou l'assemblée et donner un certain volume au chant.
La difficulté pour l'organiste tient au fait que les chants grégoriens ont des modes qui ne sont ni majeur, ni mineur, mais à échelle propre comme nous l'avons vu le 14 juin. Alors quel style d'accompagnement adopter ?
Marcel Dupré, organiste renommé et respectueux de la spiritualité de la musique religieuse, a conçu des accompagnements particuliers pour chaque mode grégorien.
ChGreg harmonisation Dupre.doc
Les lettres F et D signifient Finale et Dominante. La lettre M en majuscule indique un accord majeur, en minuscule, un accord mineur. L'harmonisation est tantôt majeure, tantôt mineure, et peut être jouée parfois des deux manières (par exemple le sol du ton 1).
Et de façon à faciliter le travail de l'organiste, les diverses transpositions selon la hauteur de voix.
Transposition modes grégoriens.pdf
Ceci complète le développement sur le chant grégorien entamé le 14 juin. Nous continuerons l'exploration du chant sacré avec les différents chants orthodoxes : byzantin, grec et slave.
02:28 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique sacrée, chant grégorien | Imprimer
29/06/2011
Chacun d’entre nous a un visage unique
Chacun d’entre nous a un visage unique
Et c’est sa dissymétrie qui le rend ainsi
S’il était parfaitement symétrique
Il n’aurait plus cette qualité inexprimable
Qui le rend attirant ou au moins regardable
Mais dans ces visages distincts
Il y a les yeux, un monde en soi
Qui nous disent la soif de vivre
Ou encore le découragement et la vacuité
Comme des pierres précieuses
Leur brillance dévoile la valeur
Du visage qui se trouve devant vous
Certains y mettent quelques gouttes
De citron avant de partir danser
Pour raviver leur regard séduisant
Ils peuvent être verts émeraude
Des étendues forestières d’Amazonie
Bleus azur des mers des Caraïbes
Parfois jaunes paille des moissons d’antan
Mais aussi châtaignes tels les cigares
De la Havane ou de Porto Rico
Ou même noir comme l’ébène
Des tropiques de l’Ancien Monde
Très rares sont ceux d’entre les hommes
Qui disposent de prunelles rouges
On les prend pour les diables
C’est-à-dire des anges déchus
La bouche est aussi l’objet d’attentions
Propres à différencier chaque être
Elle peut être charnue comme un fruit
Avide comme un gouffre sans fin
Flottante comme un bateau sur l’eau
Rougie au bâton de couleurs
Peinte à grands traits malhabiles
Souriante au passant dans la rue
Close à tout signe de bonheur
Sans lèvres pour les vieillards
Trop éclose pour les enfants
Je ne parlerai pas du nez
Celui-ci a déjà fait l’objet
Des rimes et délires de Cyrano
Qui laissent un trou dans la tête
A la place d’inspiration
Certes les oreilles pourraient aussi
Mériter quelques phrases agréables
Mais ne sont-elles pas faites pour écouter
Plutôt que pour parler
Alors n’en parlons pas
Et pourtant le tour des attributs d’un visage
Ne suffit pas à le décrire
Il ya aussi la fossette qui l’enjolive
Le grain de beauté qui peut enlaidir
Le poil sur le nez et la tache sur la joue
La dent cassée qui empêche de sourire
L’œil pleureur et la joue tombante
Tout ce qui par le hasard ou l’usure
Déforme la nature unique de chaque homme
Et de chaque femme, qui, elle, s’en préoccupe
Pour le plaisir du premier
Et l’éclat de ses yeux amoureux
Est-ce le hasard ou la nécessité
Qui a construit cette merveille
Ou un dieu qui donne à chacun
Une façade, une apparence, un attrait
Qui le rend unique lui-même
Qu’il est beau ton visage
Toi l’aimée de toujours
Il est le point ultime de mes rêves
L’émouvant trouble de mon cœur
L’image présente à mon esprit
Qui m’accompagne dans la vie
Et fait briller mon œil de ravissement
03:44 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
28/06/2011
Tourbillon 2
Suite du 16 juillet 2011
Toujours noir et blanc, toujours la symétrie et encore la vis sans fin, double, la plus grande reprenant à une autre échelle celle du centre, qui commence à quatre cubes dont le tracé monte sans fin, puis qui s'élargit à 12 cubes, pour poursuivre, dans l'autre échelle, d'abord à 16, puis augmenter jusqu'à 24.
Et ainsi vous montez, vous montez, de manière très terre à terre.
07:06 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, dessin, op'art, art cinétique | Imprimer
27/06/2011
Sagesse
L’homme moderne croit avoir atteint une plus grande sagesse morale que ses prédécesseurs sur terre, comme si les progrès de la civilisation matérielle avait permis son progrès moral. Pourtant, il y a cinq mille trois cent ans, il était écrit dans un des deux plus anciens livres du monde, les Instructions de Ptah-Hotep, écrit à l’usage des princes égyptiens :
« Si tu es sage, tu prendras soin de ta propre maison. Tu chériras ta femme, tu lui donneras la nourriture, tu la vêtiras et tu la soigneras si elle est malade. Remplis son cœur de joie pendant toute sa vie et ne soit point sévère… Soit bon avec tes serviteurs selon la mesure de tes moyens. La paix et le bonheur sont absents de la maison dans laquelle les serviteurs sont malheureux. »
Il est aussi dit :
« Si tu recherches des responsabilités, applique-toi à être parfait. Si tu prends part à un conseil, rappelle-toi que le silence vaut mieux que l’excès de paroles.
Ainsi il y a plus de cinq mille ans, l’homme possédait une morale aussi développée que la nôtre, pour un certain nombre, tout au moins.
Pour conclure et mettre en évidence l’universalité de cette morale, prenons l’exemple du Tao to king, écrit par Lao Tseu au XVIIème siècle, que l’on peut rapprocher de ce qui précède :
« Pour gouverner les hommes et servir le ciel, rien ne vaut la modération… Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas. »
Mais alors rien n’aurait changé ?
Si, très certainement. Ces préceptes sont devenus la règle universelle, mais escortée de la judiciarisation qui le permet. Devenus règle de droit, ils s’imposent par l’action de la police et de la justice, avec les abus qui l'accompagnent. L’objectif de beaucoup est encore de dissimuler leur violence qu’ils considèrent comme naturelle et de droit. Alors avons-nous réellement progressé ? Ce n’est pas vraiment sûr !
06:38 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, philosophie, violence | Imprimer