Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/12/2020

Lune

Dernière année de jeunesse
J’approche du moment fatidique
Où les astuces ne marchent plus

Un an seulement à vivre
Avant de perdre la blancheur
Et de devenir adulte définitivement

Que vais-je faire de ma vie ?
M’agiter dans mon bocal
En regardant la jeunesse

Je ne pourrai me délecter de fraîcheur
Ah, j’ai encore un avantage
Je peux courir dans les prés sans relâche

Oui, la barbe à papa ne fait plus effet
D’ailleurs les gens me regardent
Comme un crocodile empaillé

Ils n’ont plus peur de glisser un doigt
Dans la gueule du monstre
Pour le faire sourire bêtement

Dieu, que les adultes sont ennuyeux
« Fais risette mon doux lapin
Et goûte ce doigt de miel »

Je n’ai que faire de vos gâteries
Encore enrobé de chocolat
J’hume la grandeur du passage

C’est la dernière année
Réjouis-toi, l’œil écarquillé
Et fume tes dernières réjouissances

Rien ne vient sans effort
Même les derniers instants d’enfance
A la lecture du journal des jeunes

Encore un an et je serai adulte
Définitivement engoncé et malheureux
Dans mon costume trois-pièces

Ne pleure pas, c’est le lot
De chacun sur cette terre
Pour s’évader au petit matin

Mais pas avant de fêter
La dernière lecture du journal
« On a dansé sur la lune ! »

19/12/2020

Certitudes

Ne pas vivre de certitudes. C’est à la fois plus simple et plus difficile que d’en vivre.

Plus simple parce que cela soutient devant le vide. Plus difficile parce qu’il faut perpétuellement les consolider ou même les rebâtir.

La seule certitude est l’amour. La connaissance n’apporte pas de certitudes, elle ne fait qu’aider à ne pas en avoir.

Comme il est difficile de n’être sûr de rien, sauf de l’amour. Au fond, l’amour c’est l’espérance : garder l’espérance devant toutes les incertitudes.

18/12/2020

Fille ou femme

C’était une fille, une jeune fille
Si jeune qu’elle était encore fille
Et non femme de toujours
Aux traits versifiés de miel

L’éclair du regard monte en flèche
Au-delà du clocher sur le soleil
L’ombre n’est plus de noir
Mais de chaleur de peau

Elle avançait avec délectation
Dans la blancheur de la nuit
Haussant ses frêles sourcils
Souriante de lèvres enfiévrées

Sans un mot, elle avançait
Tendant la main aux vents
Pour goûter la fraîcheur
De ce jour si nouveau pour elle

Jamais elle n’avait connu
Ce frémissement imperceptible
Ce tremblement divin de la chair
Jusqu’à son ouverture involontaire

Avance vers la lumière !
Enrage d’être ce que tu es
Deviens ce que tu seras
Quand la femme surgira

17/12/2020

La mue (9)

Effectivement, elle est entrée dans l’immeuble où elle travaille. Je n’ai jamais su exactement ce qu’elle fait. Elle me parle tantôt de communiqué, tantôt de messages publicitaires, tantôt d’avertissement, de quoi, je ne sais pas. J’attends, je vais probablement la voir à l’une des fenêtres. Je fais le tour du bâtiment, étage par étage. Ah, ça y est, la voilà ! Elle parle avec une copine tout en s’installant à sa table de travail. C’est drôle d’imaginer que je peux maintenant la voir au travail, l’air de rien. Elle rit. Oui, elle m’avait dit qu’elle s’amusait bien au travail et que les gens étaient sympas. Bon, je ne vais pas rester là toute la journée à l’attendre. Que faire ? Je décide de faire un tour de la ville avec la vision "Vue de Haut". Cela change tout. Vous voyez les gens beaucoup moins importants qu’ils ne le paraissent vus du sol. Il y a trois sortes de personnes : les chauves, comme un point blanc ou rose qui se promène sur le trottoir ; les chapeautés, surtout des femmes, mais on trouve aussi des hommes ; les chevelus, noirs, châtains ou blonds. De haut, on ignore leur condition sociale, hormis ceux qui tirent une charrette ou portent quelque chose sur leur dos. Ils s’agitent tous comme des fourmis. Ils entrent et sortent sans cesse d’un immeuble, d’un autobus, de la bouche du métro. Seuls les sages se tiennent assis au café. Oui, une ville ne ressemble pas à ce que nous connaissons lorsqu’on la regarde d’en haut. On dirait une pelouse bien tondue, avec des immeubles, voire des gratte-ciels, entre lesquels les insectes remuent avec célérité. Nous, les oiseaux, avons l’avantage de pouvoir nous trouver où nous le voulons, en hauteur et en largeur, pas en profondeur, car nous n’aimons la terre que parce qu’elle nourrit les vers. Tiens ! C’est la première fois que je pense en tant qu’oiseau. Ça va assez vite finalement !

C’est le milieu d’après-midi, je suis las. Je décide de rentrer à l’appartement, pour me reposer si je trouve une fenêtre ouverte, ou, au moins, pour attendre Joséphine. Malheureusement, tout est fermé. Je m’installe sur l’arbre face à l’entrée de l’immeuble et attends. Je repense à tout ce qui s’est passé en quinze jours. Quel bouleversement. J’ai réussi à tenir psychologiquement, mais non sans mal. Ce qui me chagrine le plus, c’est Joséphine. J’ai l’impression qu’elle se détache. Pourquoi m’a-t-elle fermé la porte au bec ? Ce n’est pas très gentil. Ah, elle arrive. Je prends mon envol et fait des tourbillons autour d’elle en pépiant. Elle finit par me reconnaître :

– Rémi, qu’as-tu fait de ta journée ?

16/12/2020

La musique sacrée : expression de la parole divine (7)

Le verbe engendré et proclamé

Dans le Verbe et par le Verbe, en Christ, Verbe de Dieu, le chrétien découvre Dieu :

 

Il n'y a qu'un seul Dieu,
manifesté par Jésus-Christ, son Fils,
qui est son Verbe sorti du silence...
Ignace d'Antioche

 

             Dieu, en Christ, vient chercher l'humanité pour que l'homme trouve en Christ la déification.

             Nativité : l'immatériel s'incarne, le Verbe se fait chair, l'invisible se fait voir, l'impalpable peut être touché, l'intemporel commence, le Fils de Dieu devient le Fils de l’homme : c'est Jésus-Christ, toujours le même, hier, aujourd'hui et dans les siècles... Voilà la solennité que nous célébrons aujourd’hui : l'arrivée de Dieu chez les hommes, pour que nous allions à Dieu, ou plutôt pour que nous revenions à lui...

Grégoire de Naziance

 

             C'est en Christ que l'homme s'unit à Dieu et cette union est union avec chaque être et avec l'univers. Le Verbe réalise alors en l'homme l'harmonie. Le chant du monde devient le chant des anges. L'âme jubile, chante Dieu en des mots incompréhensibles : c'est le chant en langues, chant subtil, musique céleste d'où la science musicale est absente. Les voix s'harmonisent sans effort ni recherche. La pauvreté devient richesse : l'Esprit prie en nous. 

14/12/2020

Immortels

L’ombre des grands arbres s’est retirée
Ne reste que le nuage d’incertitude
Que donne l’absence de ta présence
Comme la douceur d’un voile de mariée

Te souviens-tu, toi, belle comme le jour
De l’étincelle de ton sourire de bonheur
Dans la fraîcheur de la campagne glacée
Rien d’autre n’existait, que ta beauté

Puis, le temps est passé, imperceptiblement
Les feuilles sont tombées, une à une
Les sourires se sont tus, muets de stupeur
Nous étions figés dans le stupre protecteur

Le réveil nous incite, sagement
À rêver à d’autres voyages à deux
Les yeux ouverts sur la nuit vacillante
Les bras tendus vers l’inconnu

Quand donc redeviendrons-nous immortels ?