03/12/2017
La création artistique
Il faut un thème à chaque création artistique, sinon l'art tombe dans la facilité de certains surréalistes et devient une sorte d'automatisme psychologique qui, bien que naissant d'une même aptitude à saisir les rapports, est opposé à l'art, car il ne possède pas cette réflexion qui doit épauler la création.
07:35 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : psychologie, art, artiste, réflexion | Imprimer
02/12/2017
L’annulaire, un roman de Yoko Ogawa
Le livre pourrait s’appeler le mystère du laboratoire de spécimens. La jeune fille qui y travaille a eu un accident dans la société qui l’employait auparavant. Elle a perdu le bout d’un doigt dans un engrenage. Ici le travail est plus simple, mais sait-elle réellement à quoi il sert ? Son propriétaire recueille des spécimens qu’amènent les gens et les conserve avec une préparation en laboratoire auquel elle n’a pas accès. Ils sont ensuite étiquetés et placés sur des étagères dans diverses salles. A quoi servent ces spécimens ? Il est difficile de leur trouver un but commun. Les raisons qui poussent à souhaiter un spécimen sont différentes pour chacun. Il s’agit d’’un problème personnel. Cela n’a rien à voir avec la politique, l’économie ou l’art. En préparant les spécimens, nous apportons un réponse à ces problèmes personnels. Vous comprenez ? explique M. Deshimaru, le propriétaire du magasin laboratoire. Un visiteur arrive avec l’objet qu’il veut faire naturaliser. Après les formalités d’usage, vous le prenez et j’en fais un spécimen.
C’est ainsi qu’un jour, une jeune fille vient faire naturaliser un morceau de musique. Pas la partition, la musique elle-même. Pour cela, M. Deshimaru fait appel à une vieille demoiselle qui jouera la partition et le tout sera enfermé dans un tube de verre fermé par un bouchon de liège. Le même jour, M. Deshimaru lui offre une magnifique paire de chaussures qui s’ajuste parfaitement à ses pieds et les lui met aux pieds avec des mains caressantes. Elle doit les garder et il détruit les anciennes chaussures. Ils prennent l’habitude de se retrouver dans la salle de bain du magasin pour discuter, puis pour s’aimer étroitement dans la baignoire. Une autre jeune fille débarque un matin. Elle veut conserver un spécimen de sa brûlure sur une joue. Elle passe dans le laboratoire avec le propriétaire, mais ne ressort jamais. Qu’est-elle devenue ?
D’autres péripéties s’échelonnent au long des pages. Laissons-les là pour que vous les découvriez. La fin est-elle une fin ? L'assistante veut aussi son spécimen, c’est-à-dire le bout de son doigt. Elle prépare le tube, les étiquettes et va frapper à la porte du laboratoire. C’est ensuite à votre imagination de finir le roman selon votre personnalité.
Une atmosphère pleine de mystère au travers de descriptions très matérielles et pratiques. C’est une sorte de rêve éveillée, une histoire simple, si simple que l’on se demande ce qui transforme le récit en un conte énigmatique dont le déroulement vous envoûte.
08:08 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, japon, littérature fantastique | Imprimer
01/12/2017
L'homme sans ombre (37)
Voilà pourquoi il s’est enflammé pour la jeune fille merveilleuse qu’est Noémie. Cette expérience nouvelle lui ouvrait des horizons inconnus. Il avait senti en lui naître des perceptions mystérieuses, des sensations ignorées, des impressions étranges, des sentiments cachés qu’il avait du mal à analyser. Une faille était apparue dans l’être auquel il était habitué, une dimension jusqu’ici non perçue s’était ouverte. Il avait découvert sa part de féminité, une vision adoucie de l’univers se surajoutant à sa propre vision. Il connaît maintenant non seulement la consistance et le poids des choses, mais également ce qui les relie entre elles, ces ondes colorées qui tissent l’harmonie et la sérénité, le mariage du plein dans le vide. C’est une libération. Il ne connaissait les choses qu’une à une, les analysait dans leur forme, leur couleur, leur senteur, leur toucher, et il en découvre l’envers, ce qui leur permet d’être pleinement ce qu’elles sont au milieu des autres, leur particularité, leur infinitude, leur extraordinaire plénitude. Le langage de l’amour est en toute chose, il suffit de se mettre en condition pour le recevoir, de s’abandonner à cette mélodie des frissons, caresses, baisers.
Pendant environ une année, ces deux appréhensions de la vie se sont côtoyées, tantôt orientées vers une plus grande connaissance, tantôt vers un plus grand amour. La présence de Noémie l’emplissait de bonheur, mais il ne pouvait dans le même temps, s’empêcher de penser à son monastère et à son rôle. Un jour, il découvrit qu’un certain nombre de Rinpoché s’étaient mariés et que cela ne les avait pas empêchés d’exercer leur fonction. Cela le tranquillisa et lui donna la force de poser le problème au sein de la secte. Ce fut alors que commencèrent ses ennuis. Une importante minorité s’opposait à ce mariage, en particulier parce que la fiancée était européenne et non tibétaine. Il est maintenant au stade du choix. Il ne peut plus reculer : l’amour ou les pouvoirs spirituels ! Il a maintenant entrevu que la connaissance, même d’ordre supérieur, c’est-à-dire une connaissance mystique, mal comprise et mal dirigée, est une impasse dont il faut sortir. Mais il a également compris que l’amour humain entre un homme et une femme ne permet pas non plus la connaissance de l’amour mystique. Sa durabilité est trop souvent insuffisante. Seuls quelques êtres accomplissent pleinement une vie d’amour jusqu’au bout. D’ailleurs la littérature met en scène non pas des couples ayant accompli leur vie dans l’amour mutuel, mais ceux qui ont eu des difficultés et qui, le plus souvent, n’ont pas tenu jusqu’au bout ou encore sont morts avant d’avoir connu la félicité de cet amour.
07:05 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, littérature, surnaturel, envers | Imprimer
30/11/2017
Concupiscence
Surréaliste ce dessin ! Un monde imaginaire qui vogue dans la noosphère en mélangeant des notions différenciées à commencer par les règnes du minéral, du végétal, de l'animal et de l'humain. Est-ce possible? Oui, mais uniquement dans l'imagination qui transforme la réalité en un vaste champ de possibilités.
Concupiscence
Encre de Chine
1969
07:09 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : surréalisme, divagation, imaginaire | Imprimer
29/11/2017
Maxime
L'homme reste encore attaché à l'esprit de possession, même dans le renoncement.
Il n'a pas le droit de savoir qu'en renonçant à tout il le possède, car s'il le sait, il s'attache encore à cette possession dans le renoncement et ne possède rien.
On ne possède vraiment que lorsqu'on croit ne rien posséder.
08:56 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
28/11/2017
Haïku
Las et délaissé,
Il se terre, essoufflé.
N’a-t-il plus de foi ?
07:53 Publié dans 46. Haïku | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : haïku, poésie, écriture poème, littérature | Imprimer
27/11/2017
L'homme sans ombre (36)
Plongé en lui-même, Mathis regarde son personnage. Il se perçoit tel qu’il est et non tel qu’il croit être. Il observe l’être impulsif et dissimulateur qu’il peut devenir à certains moments. Que veut-il ? Il ne sait plus. Faire grandir en lui le tulkou et faire briller l’école de méditation qu’il a créée ? Rassembler de nombreux disciples et recevoir leurs hommages ininterrompus ? Il comprend soudainement la vanité de ce destin : les cérémonies interminables où il doit s’imposer une dignité qui n’existe pas en lui, les heures passées en lotus pour paraître et être admiré, la pauvreté d’une vie réelle, bien à lui, qu’il ne peut développer par peur d’être démasqué.
Plus profondément, Mathis entrevoit les désordres de ses pratiques de méditation : la pratique du calme mental, appelé Chiné au Tibet, où l’on place l'esprit dans un état de vigilance, sans distraction, ouvert à lui-même tel qu'il se présente, sans tension. Il saisit ses erreurs conduisant à un état de frustration et de culpabilisation inutiles : sa « crainte des pensées, son irritation ou son inquiétude de leur apparition, sa croyance que l'absence de pensées est une bonne chose en soi. Lorsqu'il médite, le plus grand empêchement vient véritablement des productions mentales surajoutées, des commentaires sur soi-même et des préconceptions[1]. » Alors il tente la pratique de « Lhaktong » qui conduit à la vision supérieure : exploration du corps comme support de méditation, examen de la nature qui parfois l’a conduit à un nihilisme exagéré, observation de l’esprit qui met en évidence que celui-ci n’est qu’une continuité d’instants.
Il découvre brutalement que toute sa recherche mystique ne porte que sur la connaissance. Certes, une connaissance supérieure à la connaissance rationnelle des chercheurs en cosmologie, mathématiciens et physiciens, une connaissance du domaine du fonctionnement de l’esprit, mais dont l’objet a pour but la croissance du moi et non l’expérience de la vacuité du soi. La seule connaissance de l’amour qu’il ait est son attachement à Noémie. Il n’a expérimenté que l’amour humain et la connaissance mystique. Il ne sait rien de la connaissance savante des hommes et de l’amour mystique des chercheurs de Dieu.
Un intense découragement le saisit. Aurait-il raté sa vie, poursuivi une chimère, développé des pouvoirs plus ou moins occultes sans aucun bénéfice réel ? Il essaie de se souvenir comment s’est passé le choix des envoyés du monastère pour désigner le Toulkou. Oui, certes, il avait « reconnu » certains objets qui appartenaient à l’ancien rimpoché. Il les avait désignés sans peine, mais pourquoi ? Il ne savait pas. Pas d’hésitation, mais pas de certitudes non plus. Il avait fait plaisir à ces gens, mais sans comprendre les enjeux que cela représentait. Il était fier d’être la cible de tous les regards, des sous-entendus que cela impliquait, de l’attention de l’ensemble du monastère à ce qu’il faisait ou disait. Il tint son rôle sans peine, mais qu’était-il, lui, derrière son personnage ? Il a grandi en prenant garde à ce que pourraient penser les gens, ce qu’ils pourraient dire, ce qu’ils pourraient ressentir. Il s’est coulé dans le personnage d’un Toulkou et il l’a tellement bien joué qu’il ne voyait pas ce qu’il aurait pu être d’autre. Et pourtant, était-il satisfait ? Il est maintenant conscient de son manque de détachement intérieur, de son défaut d’intériorité réelle. Tout ce qu’il a fait s’effectuait dans le domaine de la connaissance et non de l’amour. Il était, il est encore le maître de pensée, mais il ne connait rien à l’amour, à ce qui lie les humains entre eux plus fort que l’intérêt quel qu’il soit.
[1] Bokar Rimpoché, La méditation, conseil aux débutants, Editions Claire lumière, 2007
07:21 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, littérature, surnaturel, envers | Imprimer