Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/10/2017

Salon du livre

 

17-10-08 Salon du livre Brétigny.jpg

07/10/2017

L'homme sans ombre (25)

– Dieu que c’est noir ! s’exclame-t-elle à voix basse.

Elle doit porter ses mains devant ses yeux pour distinguer la lueur de son bracelet. Elle avance timidement vers un faible rayon de lumière qui semble loin. Elle progresse lentement, tâtant du pied l’espace devant elle pour ne pas heurter un meuble et être dévoilée. Arrivée à hauteur de la raie de lumière, elle tend sa main et sent une poignée de porte. "Que faire ? " s’interroge-t-elle. "N’hésitons pas. Allons-y ! " Elle tourne la poignée et, n’entendant rien, entrouvre la porte et passe la tête. Elle aperçoit une quinzaine de personnes, des hommes pour la plupart, le nez face aux murs, immobiles. Un homme se tient debout, les observant et portant un bâton de bois plat à l’une des extrémités[1]. Il marche justement vers un adepte, lui touche l’épaule, puis, après le salut du méditant, lui porte un coup sur la nuque. Lauranne s’en étonne tellement qu’elle émet une interjection de surprise et de protestation, ce qui fait se retourner l’homme. Celui-ci aussitôt se précipite vers elle, lui prend les poignées et appelle à l’aide. Trois adeptes se lèvent, l’encerclent et l’entraînent vers une porte opposée. Elle passe un corridor, traverse une autre pièce qu’elle n’a pas le temps de voir et se retrouve dans une sorte de cagibi avant d’avoir pu reprendre ses esprits. La porte est fermée à clé, une faible lueur est projetée par une applique au mur, la pièce est vide, pas un siège, pas un meuble. Aucun bruit ne vient de l’extérieur, les murs sont de couleur crème, comme le plafond et même le sol. Un espace sans caractéristiques, fermé aux hommes et ouvert sur le vide.

Lauranne reprend peu à peu ses esprits. Tout s’est passé trop vite. Elle n’a rien compris et tente maintenant de se remémorer l’événement. Elle a certes déjà entendu parler des dojos bouddhistes zen. Elle pensait qu’il s’agissait de pièce où l’on pratique les arts martiaux avec des règles précises d’utilisation de l’espace et de placement des élèves selon leur ancienneté. Elle avait même entendu parler du kyôsaku. Mais elle ne se doutait pas que son emploi est rigoureux  et pouvait même être douloureux. Sous des apparences pédagogiques, la pratique bouddhiste pourrait être assez brutale. Mais peut-être s’agit-il d’une spécificité d’une secte qui sous des apparences contrôlées endoctrine ses pratiquants ?

Bientôt Lauranne se lasse de réfléchir et commence à s’impatienter. Rien. Pas un bruit, pas un mouvement ne viennent troubler la sérénité du lieu. S’agit-il réellement de sérénité ou plutôt d’une prison, ce qui crée une violence insupportable ? Elle n’ose appeler, ne sachant pas les réactions que pourraient avoir ses geôliers. Elle marche en rond, pour s’occuper et réfléchir calmement. Depuis combien de temps est-elle là ? Elle ne sait plus. Tiens, oui, on m’a enlevé ma montre ! Elle ne sait quand. Mais c’est bien sûr volontairement. Elle ne s’en est pas aperçue. Décidément, ces gens sont organisés. Ce n’est probablement pas la première fois qu’ils utilisent de tels procédés.

 

[1] Il s’agit du « kyôsaku » (de « kyô » = attention, et « saku » = bâton) qui sert à la correction du zazen et avec lequel le maître donne, à l’occasion, un ou deux coups sur les muscles de la nuque, à droite et à gauche du cou. Ce n’est pas un châtiment ou une humiliation, mais un encouragement ou une libération.

06/10/2017

Frederic Mompou: Canciones y danzas (1921/63)

https://www.youtube.com/watch?v=RZeLaY3Vp54&index=1&list=RDRZeLaY3Vp54


 

FEDERICO MOMPOU (1893-1987), a écrit des pièces de piano d'un raffinement exquis dans leur simplicité et d'une étonnante puissance d'évocation. Ses Chants magiques contiennent des sortilèges inanalysables qui possèdent de mystérieuses vertus incantatoires. Ses Faubourgs, ses Charmes, ses Fêtes lointaines, ses Scènes d'Enfants révèlent chez cet inspiré une aptitude singulière à traduire l'intraduisible et à transposer dans le domaine des sons des sensations et des impressions qui semblaient devoir échapper par définition à toute notation musicale. Ses oeuvres de poète et de visionnaire présentent une élégance et une distinction rares dans une forme dont la concision et la liberté sont très caractéristiques. (ÉMILE VUILLERMOZ, Histoire de la musique. Fayard, Paris 1949, p. 422).

 

05/10/2017

Méditation

 

Même dans l’amour le plus authentique,

On ne peut se confondre avec l’autre.

Chacun demeure ce qu’il est.

Il reste toujours en soi-même

Une partie de l’âme qu’on ne peut communiquer.

 

 

04/10/2017

Le poids

D’un geste grandiloquent, en un tour de passe-passe
Il engouffra le monde et même l’univers
Dans ce sac de plastique bariolé et froissé
Dont  la pauvreté se charge au sortir d’un supermarché

Et il partit, le nez au vent, dans l’ombre
La poussière et le bruit, avec pour seul bagage
Le contenu de son cerveau, c’est-à-dire rien

Il pesait lourd ce sac de rien
Mais il contenait tout, ses espoirs et ses craintes
Le film d’une vie et le cri d’un oiseau

Et pendant qu’il marchait, il se remémorait
Les heures où le ciel s’ouvrait et laissait percevoir
La goutte de rosée, le pépiement du moineau
Les pleurs d’un enfant au seuil de la vie
La plainte du vieillard qui au moment de partir
Appelle les muses et chante l’éclaircie

Partir le monde dans son sac, plein de trésors
À piocher aux moments opportuns
Sans l’ombre d’un remord, ni même d’un recul
Puisant dans le grand livre de la vie
Où tout bascule du rêve à la réalité
Dans le fracas des événements et de la fureur
Des humains en mal d’exister et de jouir

Et lui, petitement, récolte imperturbable
Dans son cabas de pauvre les trous noirs
D’un renouveau étiqueté et plein de charme

La destinée d’un humain a bon dos
Pour être portée à bout de bras
Puis abandonnée au fond de la mémoire
Dans ce mélange de bien et de mal
Gélatine pesant moins lourd qu’un courant d’air

Mais comme il avance sur le chemin
Le sac devient ballon d’air chaud et tendre
Il monte sans cesser de vivre
Et l’homme s’accroche à ses poignées

Bientôt tiré vers le ciel il se déplie
Dans l’azur ensoleillé et silencieux
Pour contempler ce rien qui emplit tout
Et devient le tout contenu dans son sac

Alors, d’un coup de dents, il crève l’artifice
Et se retrouve seul dans les bras
D’un Dieu inconnu, si semblable à lui-même
Et pourtant si différent de ce qu’il fut !

 

03/10/2017

L'homme sans ombre (24)

Le lendemain, Lauranne invite Noémie à déjeuner. Après avoir raconté son entrevue avec Mathis, elle lui demande ce qu’elle doit faire : arrêter ses recherches ou continuer. Noémie hésite : elle risque de perdre Mathis si elles insistent. Mais elle a besoin de savoir et se dit que sa vie sera gâchée si elle n’arrive pas à éclaircir ce point noir. Alors elle donne le feu vert à Lauranne.

Celle-ci décide, avant de parler avec Mathis, de refaire un tour du côté du temple. Elle a besoin d’en savoir un peu plus sur ceux qui le fréquentent et ceux qui le dirigent, dont probablement Mathis. Est-ce une religion, une secte, une association secrète ? Poser directement la question à Mathis lui semble un peu maladroit si elle n’en sait pas plus. Alors, elle décide d’adopter un déguisement et de tenter de pénétrer dans le temple. Elle passe sa soirée à se teindre les cheveux, achète une paire de lunettes, va chez Tati et rassemble un chemisier mauve, une jupe blanche et une paire de baskets passe-partout. Elle modifie sa coiffure et se met des boucles d’oreille un peu voyante. Ainsi revêtue, elle a du mal à se reconnaître. Mais elle prend soin de tester malgré tout sa tenue. Elle descend l’escalier de l’immeuble et va sonner chez la concierge. Celle-ci entrouvre sa porte :

– Qu’est-ce que c’est ? demande-t-elle avec son accent normand de fille de la campagne.

Elle ne me reconnaît pas, pense Lauranne. Alors elle lui demande Monsieur Le franc qui, bien sûr, n’existe pas.

– Non, y a pas de Monsieur Le Franc ici, vous vous trompez.

Lauranne alors repart en direction de la porte d’entrée pendant que la concierge ferme sa porte, puis elle remonte sans faire de bruit les marches pourvues d’une moquette rouge et moelleuse. "Ça marche", pense-t-elle.

Le lendemain, elle se prépare, se maquille avec soin comme elle l’avait fait la veille, prend son cabas qui lui sert à faire son marché, le remplit de vieux papier (c’est moins lourd qu’un objet) et marche jusqu’à la station de métro. En une demi-heure, elle atteint sa destination et se noie dans la foule bigarrée du XIIIe arrondissement. Elle reconnaît les petites rues tordues et la place où se trouve l’entrée du temple ou ce qu’elle croît être un temple. La porte-cochère est fermée. Elle s’approche en faisant mine de poursuivre sa route et aperçoit le gardien dans sa petite pièce qui regarde au-dehors. Elle détourne les yeux et poursuit sa route, l’air de rien. "Que faire", se dit-elle. "Oui, je peux essayer par-derrière, il y a peut-être une porte d’accès dans l’immeuble". Elle contourne le bloc d’immeubles et tombe sur une petite impasse déserte avec quelques portes donnant vers le temple. Elle ne sait laquelle choisir. Elle en essaie une première qui donne sur les portes d’appartement où les noms des locataires sont indiqués. Rien qui ne manifeste l’existence d’un lieu public ou même privé dans lequel les gens ont l’habitude de se rendre. Elle ressort et choisit la suivante. Elle est plus large, engageante, surtout au niveau du premier étage. Rien n’indique que c’est l’entrée d’autre chose qu’un appartement. Mais elle sent que c’est très probablement là. Alors elle attend. Pas très longtemps. Quelqu’un ouvre la porte de l’intérieur, parle à une personne invisible et sort en vitesse, sans même le voir. Avant que la porte ne se referme, Lauranne glisse son pied dans l’ouverture et empêche la porte de se refermer. "Allons-y !", pense-t-elle, tout en ressentant une certaine appréhension.

02/10/2017

Dieu et ma vie

Dieu n’est que dans la mesure où il est en moi et je ne suis que dans la mesure où Dieu est en moi.

En effet :

* Dieu est une réalité vivante. Pour la nommer, je l’appelle Dieu parce que j’ai fait l’expérience de cette réalité vivante. Tant que je ne l’ai pas faite, Dieu n’est pas. Il n’est qu’un mot que j’emploie.

* C’est cette expérience de la réalité vivante qui existe en moi, qui fait que je découvre ma propre réalité. Je peux alors, et seulement alors, dire que je suis.

Dieu, c’est la vie. C’est ma vie. Tant que Dieu est pour moi une abstraction, un mot, je ne vis pas. C’est dans ma vie que doit être cherché Dieu, pas en dehors.

Et c’est pour chacun la même expérience, car Dieu est en tous. Mais je ne peux le voir chez l’autre que lorsque je l’ai perçu en moi.