06/08/2017
L 'homme sans ombre (10)
Elles trouvent un tronc d’arbre couché par terre et s’assoient dessus pour attendre.
Le silence revient, elles entendent les cris d’un choucas assez proche, puis plus rien.
– Que penses-tu de ce qu’a raconté Mathis ? demanda Lauranne à son amie.
– J’avoue avoir été un peu surprise qu’il ne m’ait jamais dit un mot sur cette période de sa vie. Elle est brève et je veux bien croire qu’il ait oublié tout cela lorsque nous nous sommes connus.
–Oui, c’est fort possible. Néanmoins, j’ai été surprise par sa première réaction. Il nous a bien dit que c’était une vieille histoire qui remontait à sa tendre enfance avant de se rétracter. J’avoue que je ne comprends pas. Il n’a peut-être pas fait attention à ce qu’il disait, puis s’est rattrapé.
– Je me suis fait la même réflexion. Mais je pense qu’il ne s’est pas trompé et qu’il s’est rattrapé pour ne pas en dire plus.
– Tu crois cela ?
– Oui. D’habitude Mathis est direct, franc et il sait ce qu’il raconte. Là, cela ne semblait pas véridique.
– Mais pourquoi ?
– As-tu vu ses mains quand il disait cela ?
– C’est vrai que tu as fait de la psychologie. Qu’avaient-elles ?
– Eh bien, il ne cessait de se les frotter parce qu’il n’osait pas appuyer ses paroles avec des gestes. Cela ne lui était pas possible parce que non naturel. Alors il préférait se triturer les doigts, cela lui semblait plus réaliste.
– Ah, voici la voiture de Patrick. Pas un mot de tout cela. Il faudra en reparler demain.
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05/08/2017
Maxime
Que ton extérieur fasse place à ton intérieur
Que ton intérieur s’ouvre à l’extérieur
Alors la connaissance du vide naîtra en toi
Et te portera vers ton accomplissement
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04/08/2017
Attente
Au crépuscule de la vie
Qu’ai-je encore à attendre ?
Ni la célébrité, ni l’opprobre
Un peu d’amour, certes
Mais aussi un peu de plaisir
Ceux-ci deviennent autres
Contempler le vol des chauves-souris
Le soir quand l’ombre s’en prend à la lumière
Relire un livre déjà lu
Et ne s’en apercevoir qu’à la fin
Courir sans fin le matin
Pendant que les autres dorment sereinement
Se raréfient les attachements aux objets
L’envie de partir loin de ce qui est connu
L‘attrait d’un dîner entre amis
S’estompe la frontière entre le monde et mon être propre
La ligne de démarcation n’est plus nette
Je ressens l’impatience des jeunes
L’émerveillement des enfants
La sensualité des jeunes mariés
L’épuisement des travailleurs
La panique du jeune retraité
L’indifférence du vieillard
Mais je les ressens sans passion ni identification
Je survole ces vies engagées
Et contemple sans attachement
Ces désordres et erreurs
Mais j’aime changer mon regard en un clin d’œil
Caresser le monde d’une lumière intérieure
Ne plus prendre parti
Mais errer amoureusement au long des vies
Pour y reconnaître la couleur de l’éternité
Et sentir monter en moi cette chaleur particulière
Celle de l’amour pour le monde et les êtres
Qui s’empare du cœur et le rend transparent
Mon ombre s’amenuise, élargissant l’horizon
Je flotte en béatitude
Je ne suis plus : Il Est
© Loup Francart
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03/08/2017
Les allées du Luxembourg, de Maurice Bellet
Monsieur Périer sort de chez lui. Il n’est ni long ni court, ni gras ni maigre, ni beau ni laid : il est moyen. C’est un être anonyme qui traverse le Luxembourg, son Luxembourg qu’il connaît par cœur. Et voici que ce jour-là, il le découvre tout autre. Il voit le Luxembourg et le ciel ouvert. Il ressent seulement une sensation étonnante de chaleur, de douceur, de bienveillance universelle ; la lumière paraît plus douve et plus forte, les visages plus dignes d’amour, l’âne plus fraternel. Tout a basculé, invisiblement et sans secousse, dans l’absolu inentamable : une splendeur de l’être, une douceur de la création, une saveur de la vie, une générosité du temps qui ne passe plus – soudain , Monsieur Périer est dans l’éternité, l’éternité ici et maintenant, le suspens bienheureux de toute chose dans l’instant pur de l’origine.
Et cet instant bouleverse sa vie et lui donne un inattendu de tous les instants. Il songe à la vie qu’il a menée, aux gens qu’il a côtoyés, à sa femme, à celle qui l’a compris, à sa famille, à un ami. Dans l’autobus, il regarde une femme qui lui demande pourquoi il la contemple ainsi. C’est que vous êtes très belle. Elle le prend mal. Et pourtant, tout à l’heure, quand elle s’était assise devant lui, elle avait souri à une pensée qu’elle avait eue et qu’il ignorait. Et ce sourire était une transfiguration ; le pauvre visage ingrat rayonnait du dedans, il lui venait cette beauté quasi surnaturelle, qui ne peut se fixer, qui passe lorsque passe en l’être humain quelque peu de la lumière divine.
A la fin du livre, il a une nouvelle vision au Luxembourg. La chose sans nom saisit Jean Périer, le traverse, le transperce de part en part. Le voilà immobile, noué au milieu de l’espace vide, cloué vif, dans le halètement et le hurlement muet, coulé sur le poteau d’angoisse. Le Luxembourg est un désert qui s’étend jusqu’aux limites de l’univers. Et le vide qui encercle Monsieur Périer et qui le fouaille jusqu’au-dedans des os est bien plus dur, d’une absence bien plus atroce que l’intersidéral pour le cosmonaute. Car ce que Monsieur Périer connaît, en cet instant, c’est la vacuité du monde, c’est la grande vidange de tout. (…) Monsieur Périer ne pense pas. Il ne pense plus. Il est tout entier cette vague énorme, cette vague de vide, qui déferle à grands coups, imprévisible, immaîtrisable.
Il se passa quelque temps. Monsieur Périer constatait, étonné, le changement qui se faisait de plus en plus autour de lui : c’était une espèce d’aura d’amitié, de bienveillance, de simplicité aimable. On lui parlait beaucoup. Il entendait autrement. Il sait maintenant écouter, vraiment écouter et non, simplement, entendre le brouhaha du monde et des gens. Il voit ce qu’il a toujours vu : le Luxembourg. Et pourtant ce qu’il voit, c’est l’envers lumineux du monde. À moins que ne soit l’endroit, et que notre regard ordinaire ne voie que l’envers de la tapisserie, confus et laid. De l’autre côté, de l’autre côté est la merveille.
Un livre tout en douceur, en mots couverts, qui ne dit pas l’expérience, car il est impossible de la décrire, mais qui tente d’en donner les sensations, les impressions, voire les réflexions qu’elle crée. C’est à la fois banal et exaltant, une histoire où ne se passe pas grand-chose, mais où se qui se passe renouvelle complètement la vision du monde, élève l’âme et la conduit à l’admiration pour le créateur.
07:42 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, littérature, surnaturel, envers | Imprimer
02/08/2017
L 'homme sans ombre (9)
Le lendemain, ils se retrouvent après le déjeuner chez Patrick et Lauranne. Elles ont convaincu les hommes de faire une petite promenade avant que le soleil décline, vers dix-neuf heures, à peu près la même heure que l’autre jour. Ils reprennent le chemin de la colline, cet endroit dégagé, sans arbre qui permet de contempler la vallée sur une bonne longueur. Les deux hommes marchent devant, les deux femmes les suivent avec un léger décalage. Après la montée, ils arrivent à l’endroit où le soleil les frappe de la tête aux pieds, intégralement. Lauranne et Noémie regardent et, tout à coup, Noémie s’exclame : « Regarde, cela recommence : pas un gramme d’ombre. Il est transparent ! » Et Lauranne lui répond : « Il marche sur un coussin d’air. » Elles ne peuvent en dire plus et restent bouche bée devant le phénomène. Noémie s’inquiète. Elle a du mal à concevoir une vie avec un homme qui n’a pas d’ombre et qui se détache du sol. Ce n’est pas normal, pense-t-elle. Lauranne ne sait que dire. Elle s’interroge sur l’avenir de leur prochain mariage. Pendant ce temps, Mathis et Patrick discutent tranquillement, sans inquiétude ni gène, comme chaque fois qu’ils se retrouvent. Ils ne prennent pas garde à l’attitude des deux femmes.
Lauranne se dit qu’il est temps de les rejoindre et de leur faire part de l’idée de voyage.
– Il nous est venu une idée et nous voudrions vous en faire part, car elle nous concerne tous. Nous nous entendons bien, avons passé plusieurs week-ends ensemble et pensons que nous pourrions prendre une semaine de vacances cet été tous les quatre.
– Mais pourquoi pas, répondit aussitôt Mathis. Tout dépend de l’endroit où vous désirez aller.
– Cela va vous sembler insolite, répondit Lauranne, mais changer pour changer, autant aller au bout du monde. Nous en avons marre des congés au bord de l’eau dans un pays chaud. Nous voulons de l’insolite, aller où vont rarement les occidentaux, un pays où la conception de la vie et les réactions des gens sont différentes. Que pensez-vous de Katmandou ?
– C’est loin. Pourquoi aller si loin ?
– C’est ce que je vous disais. On change de paysages, de personnes, de culture, bref, on est dépaysé. Qu’en penses-tu Patrick ?
– Pourquoi pas, dit Mathis. C’est un pays curieux qui mérite d’être visité. D’ailleurs, il y a deux ans, nous avons failli nous y rendre, mais au dernier moment, nous avons dû tout annuler en raison d’une mauvaise grippe. Je pense que c’est de là que vient ton idée, Lauranne, n’est-ce pas ?
– Oui, c’est vrai, je serai contente de faire ce voyage, répondit-elle. Et toi, Mathis, cela te conviendrait-il ?
– Pourquoi pas. J’ai toujours été attiré par l’Inde et le Tibet. Ce sera l’occasion de faire connaissance.
– Au fait, pourquoi t’intéresses-tu à ces pays ?
– J’ai lu quelques récits de voyageurs et ceux-ci m’ont fasciné. C’est une société si différente de la nôtre, si peu préoccupée par l’argent, avec une vraie vie intérieure, ce qui n’est absolument plus le cas chez nous.
– Tu ne m’en as jamais parlé, fait remarquer Noémie.
– C’est vrai ; mais je comptais t’en parler très prochainement avant notre mariage. Nous n’avons jamais eu l’occasion de parler de ces pays et de ce qui s’y passe.
– Et comment t’y es-tu intéressé ? demanda Lauranne.
– C’est une vieille histoire, presqu’aussi vieille que moi, à deux ou trois ans près.
– Mais que veux-tu dire ?
– Non, qu’est-ce que je raconte ? Cela remonte à quatre ans. J’ai eu l’occasion de rencontrer un maître tibétain ou plutôt un lama, lors d’une conférence sur la méditation à Paris. Cela m’a marqué suffisamment pour que je m’intéresse à ces pays.
– Tu ne m’a jamais parlé de cela, lui reproche doucement Noémie.
– C’est vrai et je crois que c’est bien un peu de ta faute. Depuis deux ans je suis si préoccupé par toi que j’en avais oublié le lama. Pardonne-moi Noémie. C’est tout à fait involontaire. En fait, il n’y a pas grand-chose à dire. J’ai écouté le lama et ses paroles m’ont semblé si justes que j’ai fréquenté pendant un peu moins d’un an les conférences sur le bouddhisme tibétain. Puis progressivement mon intérêt a décru jusqu’à cesser au moment de ta rencontre.
– Je te pardonne, lui susurre Noémie. Mais il faudra que tu me racontes cela plus en détail. Promis ?
– Oui, mais comme je viens de te le dire, il n’y a grand-chose à détailler. Je te raconterai cela dès que nous aurons un moment.
– Bon, eh bien, si nous rentrions à la maison après cette bonne promenade. Je propose d’aller chercher la voiture avec Patrick et vous, vous nous attendez ici. D’accord ?
– Cela nous convient très bien, lui répondit Lauranne. À tout à l’heure. Mais ne traînez pas en route.
07:16 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, nouvelle, fiction | Imprimer
01/08/2017
Maxime
Mieux vaut mal faire par incompréhension que par incapacité.
L’un vient peut-être d’un manque d’intelligence,
Mais aussi d’un manque de clarté du but proposé
Alors que l’autre vient souvent d’un excès de paresse.
07:36 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
31/07/2017
Une troisième dimension dans un univers prévu pour deux
Un tableau, c'est un plan dont la profondeur est donnée par l'illusion. Et c'est cette illusion qui en fait la beauté. Mais si l'on tente d'en recréer l'impression de manière plus tangible, que donne cette association de la carpe et du lapin ?
Au fond, ce n'est pas si mal !
07:52 Publié dans 23. Créations peintures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, optique art, art cinétique | Imprimer