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18/09/2016

Premières pluies

Le rien du sommeil
Et le tout du tonnerre
L’infini sans pensée
Le fini encombré
Tu te dresses sur ta couche
Et oses prononcer Dieu

Qu’ai-je fait ?

Tu reprends conscience
Ce trou dans ton être
Est-il le cri primordial
Ou cours-tu dans l’absence
Pour te convaincre d’aimer ?

Fracas du verre

La pluie tombe, grossière
Sur les toits de tôle
Et les rêves de geôle

Tu te lèves en tâtant
Et oses un regard
Sur le rideau des eaux
Qui coulent des cieux
Et lavent ton cerveau

Le fini encombré
T’enlace dans le temps
Et te disperse dans l’espace

Tu es vivant, oui,
C’est certain !

 ©  Loup Francart

17/09/2016

Queue

Ils étaient là depuis trois-quarts d’heure
Pressés les uns contre les autres
Personne ne voulant céder sa place
Et la queue s’étirait, mollement

Mon voisin écoute nos conversations
L’oreille en capuchon, le nez en vrille
Qu’a-t-il reconnu qui l’ait fait trémousser
Un reste d’affection ou d’opprobre ?

Je me  retourne, c’est long
Long comme un jour sans pain
Les têtes dodelinent, sereines
Et boivent leur inquiétude, sans fin

Une femme avance et longe le cordeau
Elle marche à pas menus, sans bruit
Mais déjà les cris s’élèvent
A la queue, mécréante et tricheuse

Elle trouve une autre femme
Et lui parle, mine de rien
Et celle-ci entre dans son jeu
Et l’agrège en catimini

L’homme rase les murs, col relevé
Il a pris son parti et plaide
J’ai tout tenté et n’ai rien
Où donc puis-je aller ?

La queue n’a pas de cœur
Elle n’a que des émotions
Elle coure sur place sans mot dire
Et fuit toute forme de civilité

On avance, oui, on avance
Vous faite un demi-pas, devant
Et deux sur le côté, bouche-bée
Pour retrouver votre équilibre

Oui, une queue c’est un calvaire
Qui s’enroule autour de la croix
Et rompt de toute part
Le ciment de la civilité

©  Loup Francart

16/09/2016

Poète

Il est poète pour ne rien dire
Il n’en pense pas moins
Et lui non plus, pire
Il n’en prend aucun soin

Avez-vous déjà vu
Ceux qui n’ont qu’un grain
Pour devenir fétu
Et vaquer en pèlerin

Ils s’enfoncent en votre chair
Et ricanent de votre effarement
Plus rien ne les libère
Même leur enfermement

Alors ils marchent sûrs d’eux
Tête haute et chapeau bas
Sans un regard sur l’autre laborieux
Qui peine en contrebas

Le poète fouette le soviet
Et exhale le rire en cachette
La vie est drôle et belle
Lorsqu’on erre dans le djebel !

©  Loup Francart

15/09/2016

Canicule

La rue est ronde de la chaleur
Qui tombe du ciel lentement
Avec la douceur d’un agneau
Et la berce d’apesanteur

Les voix traversent l’air densifié
Elles pépient en oiseaux polis
Pénètrent l’oreille voluptueusement
Et montent en vrille dans la nuit

Toutes fenêtres grandes ouvertes
Comme un pois chiche vous flottez
Aucun souffle ne vous chasse
Vous êtes là, patients, sans force

Vous n’avez même plus un fil
Pour vous protéger de la fournaise
C’est un sauna permanent
Auquel il manque le liant de la vapeur

O mon corps, Peux-tu fondre
Et me laisser seul et dénudé ?
Non, le poids te rattrape
Couche-toi sur le sol vierge

Et désormais ne va plus chercher
L’ombre de ta consistance
Au pied des immeubles luisants
Mais dans la fraîcheur du rêve

©  Loup Francart

14/09/2016

C'est mon homme

C’est mon homme !
Il a l’humour ardent
Et pas mal aux dents

C’est mon homme !
Il me prend aux aisselles
Et je vois trente-six chandelles

C’est mon homme !
Il a du poil au nombril
C’est qu’il fut sans-abri

C’est mon homme !
Il rougit de colère
Mais c’est un bon père

C’est mon homme !
Il travaille jour et nuit
Et jamais il ne fuit

C’est mon homme !
Je lui caresse l’oreille
Il se retrouve sans appareil

C’est mon homme !
Il a horreur des baisers
Mais penche pour la nuitée

C’est mon homme !
Il me caresse aussi
Je l’aime ainsi
 
C’est mon homme !
Je me sens bien chez lui
C’est comme un parapluie

C’est mon homme !
Je l’aime tout entier
Sans pouvoir m’arrêter

Oui, C’est mon homme !
Quel drôle de bonhomme !

©  Loup Francart

13/09/2016

Etre ici est une splendeur, vie de Paula M. Becker

Simplicité de l’écriture, simplicité de l’histoire de cette femme peintre qui dévora la vie pour peindre et mourut si jeune. Marie Darrieussecq a su traduire l’atmosphère qui entourait Paula, traduire son envie de peindre, son envie de vivre. Sa première phrase : Elle a été ici. Sur la Terre et dans sa maison… Elle ne peignait pas que des fleurs… L’horreur est là, avec la splendeur, n’éludons pas, l’horreur de cette histoire, si une vie est une histoire : mourir à trente et un ans avec une œuvre devant soi et un bébé de dix-huit jours.

Ce n’est pas une biographie. On ne sait rien de sa jeunesse. Née en 1876, son histoire commence en l’an 1900. Elle part à Paris étudier le dessin et la peinture. Elle y rencontre Camille Claudel, prend des cours d’anatomie à l’Ecole des Beaux-arts. Elle remporte le prix de l’académie. Elle se heurte aux préjugés, bien qu’elle soit très bien accueillie. Paula est une bulle entre les deux siècles. Elle peint vite, comme un éclat.

Et nous allons vivre ces sept années où elle peint toute son œuvre, une œuvre critiquée par les hommes, une œuvre de femme qui peint des femmes. Certes le livre s’étend sans doute un peu trop sur sa vie sentimentale, son mariage, mais il donne une idée claire de ce qu’elle ressentait, de ce qu’elle vivait, elle, une femme. Il décrit également son amitié avec Rainer Maria Rilke, le poète, qui a pratiquement le même âge et qui épousa sa meilleure ami, Clara.

Mais l’auteur nous parle également de sa passion pour la peinture. Paula peint des jeunes filles, à cet âge où l’(on devient grande. Elle les peint sans le ciel, en contre-plongée… Une femme de vingt-cinq ans peint une très jeune mariée. Ce qu’elles partagent est silencieux. Le temps pulse. Le soleil est toujours voilé sur ces tableaux… « Force et intimité », voilà ce qu’en dit Otto (son futur mari). Elle est une artiste de bout en bout, sans doute la meilleure femme peintre qui ait jamais résidé ici.

Pour finir, ce paragraphe, qui explique la vie de Paula :

La même année (1904) Rilke écrit à un jeune poète : « Un jour (…) la jeune fille et la femme cesseront d’être seulement le contraire de l’homme, elles seront une réalité en elles-mêmes ; non plus un complément et une limite, mais l’existence et la vie ; ce sera la condition humaine sous sa forme féminine. »

12/09/2016

Musica Vini

« L'édition 2016 réunit trois formations vocales de style différent qui chantent après dégustation de vins "aériens" présentés par leur vigneron. » (https://www.musicavini.fr/edition-2016.php)

« L'ensemble vocal Seguido est constitué d'une trentaine de chanteurs passionnés par le travail choral qui ont tous une solide expérience et pratiquent le chant a capella. Il est dirigé par Valérie Fayet et Pierre Mervant (professeur de chant). Leur répertoire s'étend de la musique ancienne à celle du XXIème siècle, "de tous les styles, de tous les créateurs". Depuis cinq ans, Seguido est accueilli en résidence au Conservatoire de Sablé. » (http://www.seguido.fr/index.html

Les poils se hérissent au premier chant, puis se laissent attendrir jusqu’à friser et danser au dernier. Quelle expérience !

 

Chant en noir, le visage blanc
Soutenant les feuillets bavoirs

Les bras élastiques battent l’air
En circonvolutions arrondies et muettes

Les sons parviennent aux oreilles embuées
C’est rond, orageux, discordant souvent

Et tout cela sur les mots de Shakespeare
Une bête qui avance, éperdue et cloporte

Sautant les silences, enjambant les accords
Montant à l’échelle insonore et brûlante
Tressautant  derrière la note qui part ferme
Etre ou ne pas être, où es-tu Shakespeare ?

Et malgré tout, quelle beauté des voix sans parole

Aigus des femmes, enfournement des hommes
Mélange détonnant de l’union des vibrations
Qui chatouillent l’entendement jusqu’à l’absurde

Du chant aux cris, des cris aux miaulements
Et l’apaisant tourbillon du souffle du paradis
Jusqu’aux portes de l'enfer !

©  Loup Francart

 

https://youtu.be/j82HqIGWbnU