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03/04/2016

Toujours

Lorsque nous serons vieux, nous disions-nous
Et nous le sommes ou… presque…

Mais à nos yeux, nous avons encore vingt ans…

Tu restes ma fiancée éternelle
Celle qui m’accompagnera au-delà de la vie
Dans cet étrange univers rêvé
Où l’amour n’a plus de limites

Ta fragilité est devenue un lien
Les fils se sont bâties entre nous
Ils sont devenus lumineux, mais si fins
Qu’un jour l’un d’eux cédera

Celui qui restera traînera son amour
Comme une robe de mariée
Et ramassera la poussière des souvenirs
Qu’il dispersera aux quatre vents

L’autre l’appellera de toute éternité
Jusqu’au jour où viendra l’absent

Alors, nous deviendrons Un
Et ce Un sera l’Infini…

02/04/2016

La fin de l'histoire (29)

Le lendemain, au réveil, Nicéphore eut la ferme conviction qu’il devait repartir à la surface en dépit des risques. Il ne trouverait rien ici qui puisse l’aider à accomplir son destin. Au contact des « sous-terrains », il venait de réaliser un fait qui jusque-là lui avait échappé, une dichotomie existant en chaque homme. Celui-ci est tiré vers deux extrêmes qui sont en lui plus ou moins développés : la personnalité et l’essence. Il avait lu ce constat dans le livre, mais n’avait pas réalisé son importance. La personnalité n’est pas à lui, contrairement à ce que pense la plupart des gens. Elle est le fruit non seulement de son éducation, mais également de ses impressions, de ses sentiments appris selon les circonstances  dans lesquels il a été plongé. La personnalité se forme, en partie, du fait de l’imitation involontaire des adultes. Seuls les petits enfants n’ont pas de personnalité. Leur être est réellement ce qu’il est au plus profond de lui-même. Les « sous-terrains » avaient découvert leur essence, mais ne savaient pas comment l’exploiter. L’essence des hommes peu cultivés est généralement plus développée que celle des hommes cultivés. Ils devraient donc disposer de la capacité de se développer et de s’accomplir. Mais leur personnalité est insuffisamment enrichie. Sans certaines connaissances, sans l’apport d’éléments qui ne leur appartiennent pas, ils ne peuvent pas commencer le travail sur eux-mêmes. En fait ils ont bien une essence, mais celle-ci est le plus souvent morte. Alors eux aussi veulent ce que veulent les autres, par mimétisme. Ils restent donc entre eux comme des enfants et ont peur de leur avenir. Leur personnalité ne voit que ce qu’elle aime voir et ce qui ne contrarie pas leur expérience. Elle ne voit pas ce qu’elle l’aime pas. Jamais Nicéphore ne pourra les convaincre de surmonter leurs appréhensions. Seul l’homme vrai peut pénétrer suffisamment son essence et la développer pour s’accomplir. 

Ce jugement, certes hâtif, le décida. Il devait repartir vers le monde, même si celui-ci avait troqué la liberté contre l’égalité. A midi, il s’esquiva sans rien dire, reprit le long chemin du retour et déboucha à nouveau à la surface, soulagé. Il décida de rechercher Magrit. Il se dirigea vers son appartement. Rien ne semblait changé. Aucun policier en vue. Il monta et sonna à la porte. Magrit vint ouvrir. Apparemment, elle n’avait pas changé. Son visage restait ouvert, ses yeux vifs, son regard pénétrant, mais quelque chose semblait éteint, une ombre recouvrait son apparence.

– Bonjour Nicéphore, entrez, lui dit-elle doucement.

Sa voix ! C’était sa voix qui avait changé. Une intonation inhabituelle, doucereuse, qui mettait mal à l’aise. Elle semblait jouer une comédie. Elle parlait faux, malgré un regard clair. Quelle subtilité de la part de ceux qui avait réussi ce changement. S’il s’était contenté de la regarder, il n’aurait rien vu, rien décelé.

– Bonjour Magrit. Comment allez-vous ?

– Ma foi, bien. J’ai fait un petit séjour à la campagne parce que j’étais fatigué. Mais cela va mieux. Je peux reprendre ma place dans la société.

– Quelle chance, lui répondit-il. Ils conversèrent pendant un quart d’heure, puis Nicéphore prétexta une course importante à faire. Elle lui dit au revoir, sans la moindre émotion, sans même paraître l’avoir connu dans d’autres circonstances. Il remarqua au dernier moment la petite cicatrice au-dessus de ses deux yeux. Elle avait été opérée ! La dP avait encore progressé, elle était capable de remettre, par la médecine, les gens dans le droit chemin.

Il ne fait surtout pas qu’ils me prennent ! se dit-il en regardant autour de lui. Le système social avait du bon : personne ne se méfiait de personne si les comportements étaient bien huilés. Inversement, dès qu’une fausse note, telle qu’une réflexion sur la société, sur la liberté, sur l’égalité, sur le pouvoir politique, apparaissait, la personne était aussitôt prise en charge par la dP.

01/04/2016

A paraître

Dans le courant du mois d'avril, parution d'un nouveau livre :

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Le temps te presse… Et tu résistes
À l’appel de la fin des temps
Le temps te presse… Ne te presse pas...

31/03/2016

Vues multiples sur le monde

Et le monde est Un et multiple.

On y passe en dansant, sans jamais le comprendre!

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30/03/2016

Féminité

Je suis la femme fidèle et bienveillante
Les enfants m’entourent de leurs bras
Les hommes me serrent contre leur torse
L’oiseau vient picorer dans ma main
L’écureuil saute mon épaule et va

J’aime contempler l’innocence du monde
Éprouver la bruine sur mes paupières
Baigner mon corps à la fontaine
Réchauffer celui qui m’a donné sa vie
Et border les petits dans leur lit

Et quand vient l’heure de la mort
Je couvre de mon ombre leur souvenir
Et rend l’hommage affectueux et sincère
A ceux qui attendent pour partir
Qu’un baiser recueille leur dernier souffle

Oui, je suis la femme fidèle et affable
Je suis la caresse avenante et ferme
Je parcours l’univers éperdu et cruel
Et lui donne son attente persistante :
L’amour inépuisable de la féminité !

©  Loup Francart

29/03/2016

Liberté

Il partit un jour, droit devant. Nul ne pouvait l’en empêcher, même pas le seigneur du lieu. Il emportait un mouchoir qu’il avait noué sur un bâton. Il contenait ses trésors : une pipe, un paquet de tabac, un briquet, ses papiers, un livre, un seul. Il marchait vers l’ouest, vers cette mer dont il avait entendu parler. Il ne l’avait jamais vu : un ruban argenté qui bleuissait vers l’horizon. Certains s’y étaient noyés de curiosité. Ils avaient marché jusqu’à l’eau, puis avaient continué, sans se réveiller.

En marchant, il se souvenait. Ils étaient deux, lui et l’autre. Qui était-il ? Il ne sait. Ils s’étaient rencontrés un soir, marchant côte à côte dans une montée. Ils s’étaient échangé une cigarette, avaient parlé, s’étaient apprécié pour leur aptitude au silence. Ils ne s’étaient échangés que trois mots et il ne savait plus lesquels. Mais peu importe, ils marchaient côte à côte et cet effort commun les avait rapproché. Ils avaient dormi sur le bord du chemin, serrés l’un contre l’autre. La nuit est froide en altitude. Ils étaient repartis le lendemain et ne s’étaient plus quittés.

Le troisième jour, ils étaient proches du col. La liberté de l’autre côté. Ils avaient observé les mouvements des patrouilles. Une toutes les deux heures. Cela leur laissait le temps de passer. Ils avaient tenté leur chance, avaient coupé les barbelés, s’était engagé au-delà, dans cette campagne perdue qui leur offrait sa virginité. Un coup de feu ! Un seul. Le compagnon s’était écroulé. Mort sur le coup. Un regard terne, un sourire aux lèvres, le V de la victoire au bout des doigts. Il avait récupéré ses papiers et une lettre que l’homme portait sur lui. Il avait repris sa route, très vite, sans se retourner, après avoir glissé la lettre dans son mouchoir. Il s’était caché dans les fourrés, avait franchi la frontière par une vallée étroite et s’était retrouvé libre, mais seul.

Alors il avait ouvert la lettre. Elle était couverte d’une écriture étroite, les lettres entassées les unes sur les autres au point de se confondre. Le geste était délié, arrondi, poétique. Il finit par pouvoir lire :

Je te suis depuis des jours
Ta silhouette, mon guide
Me devance au carrefour
Et me fait apatride

Rien d’autre. Mais cela avait suffi à le motiver. Il avait marché des semaines, rompu avec la société, ne tendant que vers son but, l’océan. Il ne l’avait pas atteint. C’était son destin.

La liberté, c’est ne rien avoir pour être pleinement.
La liberté peut-elle se vivre seule ?

 

28/03/2016

La fin de l'histoire (28)

Il put passer la première nuit avec eux. Ils l’installèrent dans une pièce qui tenait lieu de dortoir. Trois d’entre eux restèrent avec lui et commencèrent à se déshabiller sans aucune gêne. Ils enfilèrent des sortes de pyjamas, déballèrent des matelas qui étaient dans un coin roulés en boule et se couchèrent dessus sans un mot. Ils s’endormirent vite, le laissant seul avec ses interrogations.

Que faire ? se demanda-t-il. Mon chemin se trouve entre deux attitudes : la passivité imposée par l’avertisseur ou une liberté non conquise qui ne mène à rien. Entre les deux, il n’avait connu que sa propre voie qui le laissait insuffisamment expérimenté et celles de Charles et Magrit qui s’étaient fait prendre par la dP. Y a-t-il des hommes réellement libérés ?  Et même s’il en trouvait, l’aiderait-il à parfaire sa libération ? Ne risquait-il pas de se trouver lui-même prisonnier d’un maître qui le contraindrait à pratiquer des voies auxquelles il n’adhérerait pas. Oui, il tenait à sa propre liberté, une liberté consciente et non une soumission à un gouvernement, un maître qui lui impose ses pensées et actions.

Il se souvint avoir lu dans le livre que lui avait donné Charles qu’il existait trois sortes d’hommes qui sont en recherche de la liberté réelle : le fakir, le moine et le yogi. Le fakir travaille sur son corps physique et s’impose bien des épreuves pour se libérer de cet esclavage au corps. Il peut se tenir debout, sans un mouvement, pendant des jours entiers sous le vent, la pluie, la neige ou le soleil ardant. Il peut finir par dompter son corps, mais ses émotions et ses pensées restent non développées.  Il a conquis la volonté, mais il ne possède rien à quoi il puisse l’appliquer. Le moine  travaille sur ses sentiments. Il soumet toutes ses émotions à une seule émotion, la foi. Il développe en lui-même l’unité, mais une unité qui éteint son corps physique et sa raison. Enfin, le yogi travaille, lui, sur son intellect. Il sait, mais ne peut tirer parti de sa victoire sur lui-même. Cette vision des choses lui avait paru enfantine malgré ses apparences méthodologiques. Il était évident que le fakir devait obligatoirement maîtriser ses émotions et son intellect s’il voulait arriver à la maîtrise du corps, que le moine ne pouvait atteindre la spiritualité sans un certaine maîtrise du corps et de la raison et que le yogi ne peut devenir son propre maître que par, au moins au début, imitation d’un véritable maître.

Le livre donnait alors la possibilité d’une quatrième voie qui ne peut être enseignée. Elle doit être trouvée et cet effort pour trouver est le premier test sur la voie de la libération. Cette voie n’exige pas le renoncement. Au contraire, les conditions de vie habituelles où il se trouve placé sont les meilleurs, car elles sont naturelles. La voie n’est pas liée à des exercices, la maîtrise des émotions ou le savoir, mais à la compréhension par l’expérience, par l’accumulation d’échecs, de petites victoires et de franchissement de barrières difficilement identifiables, mais réelles. Le livre appelait cette voie celle de l’homme rusé. Il dépasse la recherche sur les différents Je qui constituent son moi. Il s’élève vers un soi qui dépasse son corps, ses émotions et son intellect, ou plutôt qui en fait la synthèse et sait les faire fonctionner ensemble.  Mais comment conduire les rares personnes ayant un besoin de liberté suffisamment fort à une telle unité. Il voyait bien que tout arrive en l’homme, qu’il n’était pas maître de lui-même et que cette maîtrise demande un long apprentissage hors des sentiers battus, dans lequel les circonstances extérieures jouent un rôle important. Lui-même en serait-il là s’il n’avait pas eu les contraintes qui se sont révélées à lui. Attention, se dit-il, ne pas te considérer différent ! Oui, entre en toi-même, ne te laisse pas prendre au jeu des comparaisons ! Là-dessus, il s’endormit profondément.