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06/09/2015

Le nombre manquant (récit insolite 13)

         Trois heures du matin. Un coup de fil me réveilla. C’était Vincent.

– Ils ont recommencé, m’annonça-t-il.

– De quoi me parles-tu ?

– Les pirates. Ils sont à nouveau entrés dans notre base malgré toutes précautions prises.

– Comment le sais-tu ?

– A nouveau, le terme zéro est devenu orez. Dans tous les documents et pas seulement dans un des ordinateurs du réseau. Ce qui signifie qu’ils connaissent notre système de sauvegarde et qu’ils peuvent modifier nos fichiers sans aucune difficulté.

– Ce que je ne comprends pas, c’est le pourquoi de ce changement de nom. Es-tu sûr qu’il n’y a pas d’autres modifications ?

– Absolument sûr ! J’ai passé ma soirée à vérifier avec le comparateur. Je n’ai vu que cette différence.

– C’est peut-être un message que l’on cherche à nous faire passer.

– Peut-être. Mais il est bien incompréhensible. Cela peut aussi être l’œuvre d’un mauvais plaisant qui cherche à nous prouver son habileté. Enfin, et ce serait plus inquiétant, ce peut-être une affaire beaucoup plus sérieuse. Un espionnage qui laisse intentionnellement une trace pour voir nos réactions et anticiper. Ceci pourrait alors être l’œuvre soit d’un niveau étatique, soit du niveau d’une organisation inconnue qui cherche quelque chose, mais quoi ?

– Si c’est cela, nous sommes mal partis, constatai-je. Que comptes-tu faire ?

– Pour l’instant je ne sais. Mais nous devons en discuter, donc nous réunir très rapidement et nous poser la question de l’action à mener.

– Cela me semble logique. On se réunit aujourd’hui ?

– Oui, cet après-midi, à quatorze heures. Tu peux ?

– Oui, aucun problème. Alors, à cet après-midi.

Notre petit groupe se réunit après le déjeuner : analyse, hypothèses, recherche de solutions. Mais peu de choses en sortie. Il fallait en savoir plus sur les intentions de l’auteur du piratage et rien pour l’instant ne nous avait mis sur la voie.

– Tendons-leur un piège, dit tout à coup Mathias. S’ils tombent dedans nous saurons qui ils sont et ce qu’ils veulent.

– Excellente idée, mais quel piège et comment les attirer ? répliqua Vincent.

– La première des choses est de savoir ce qui les intéresse dans nos recherches, dit Claire. Est-ce l’aspect scientifique, la numérologie et la cosmologie ? Est-ce l’aspect métaphysique, les notions d’infini vues par les philosophes ? Est-ce l’aspect ésotérique, les confusions possibles entre le zéro, le néant, l’infini et le tout ? Pourquoi ne pas mettre dans un nos textes récents une allusion à une découverte fondamentale dont on ne mettra que quelques bribes qui attireront les pirates et nous révèleront leurs motivations.

– Qu’est-ce que vous proposez concrètement, demanda Vincent, toujours avec une pointe d’ironie vis-à-vis de l’intruse, comme il l’appelait lorsqu’elle était absente.

– Pourquoi tout d’abord ne pas tenter de savoir s’ils sont intéressés par l’argent, le pouvoir ou la renommée, dit Mathias, avant de savoir quel est le sujet de leur recherche.

– L’idée de Claire me semble excellente, dis-je. Que vaut-il mieux ? Rechercher le sujet ou le mobile. C’est à étudier. Il faut maintenant que chacun réfléchisse à la manière d’attirer nos faussaires. Coupons à nouveau notre base du réseau et mettons-nous au travail. Rendez-vous dans deux jours chacun avec une proposition acceptable. Nous choisirons ce qui nous semble le meilleur.

L’ensemble des participants acquiescèrent. Vincent fit cependant remarquer que mettre à l’abri la base de données donnerait une indication claire aux pirates. Nous savons que nous avons été piratés et nous nous posons la question de savoir ce que nous devons faire. Peut-être valait-il mieux faire comme si nous ne nous étions aperçus de rien et chercher la parade sans donner l’alerte.

– Je pense qu’il a raison, dit Mathias. Evitons de nous servir de la base et ne nous contactons pas pendant quelques jours en faisant semblant d’être très occupés à autre chose.

Sur ces recommandations, la séance fut levée.

05/09/2015

Attente

Ne rien chercher ! Ne pas penser !
C’est ainsi que viennent les idées
Quelle drôle de façon de trouver.
Y a-t-il des possibilités d’avancer ?

Laisse travailler en roue libre.
Ne te perd pas en recherche fébrile.
Retrouve un propice équilibre
Et soupèse arme et calibre.

L’idée vient lorsqu’elle est prête.
Elle dévoile sa fumée joliette
Et signale sa venue dans l’oreillette.
De pique-assiette, elle devient rondouillette.

Alors détend-toi, le regard à l’horizon.
Peux-tu te croire  ainsi en prison ?
Rien. Ne pense à rien. Pas de trahison.
Juste : attend la prochaine lunaison.

Tout viendra sans peine ni reproche.
Nul besoin d’engeance ou de taloches,
Tout se passe dans la caboche.
Et quel bonheur que cette approche !

©  Loup Francart

04/09/2015

Mémoires d’un rebouteux breton, écrites par Catherine Ecole-Boivin

Personnalité émotive, réfléchie, sous une allure en retrait, sérieuse et un tempérament en ébullition, il était considéré durant son enfance comme un garçon agité, nerveux et remuant. Il possède cependant une disposition phénoménale pour le calcul. Le calcul mental, les mathématiques, sont, avec ce que nous ne calculons pas, l’infini de l’homme, sa géométrie.

Portrait, biographie, histoire et mémoire d’un rebouteux. C’est un livrepaysan,rebouteux,vis,société d’impressions, de sensations, plus que de sentiments ou d’idées. On sent la main qui ausculte, qui palpe, qui caresse, qui remet à leur place tendons, muscles, articulations, avec douceur. (…), lui, guérit avec ses mains. Il se sert de l’imperceptible, de l’invisible qui produit le sensible, mais aussi la logique du corps. La vie en lui bouillonne à flots, encore aujourd’hui, cette énergie qui l’habite en continu. Etrange impression de force qui le tenaille depuis le départ. Il bouge constamment, il est comme toujours animé, électrique. Pour lui, le corps n’est pas une prison, ni un tombeau, le corps est le vivant de l’esprit. Les deux sont liés.

Et commence son histoire, l’histoire d’un petit garçon dont la passion est de regarder son père, rebouteux, masser et soigner dans ce monde paysan à mi-chemin entre la Bretagne et la Normandie, près du Mont Saint-Michel. Je suis un enfant, c’est-à-dire un être non pensant (…). Un être inapte aux souvenirs et à élaborer sa propre pensée, un invisible. Les gestes de mon père se répètent, il tourne les membres, les étire, les plie d’une certaine façon. Je remarque une pression, puis une autre. J’enregistre le mouvement. Les gens crient un peu, retiennent leur surprise, dans un vagissement venant des profondeurs. Le soulagement presque instantané de ceux qui sont passés entre ses mains leur redonne confiance. Pendant qu’il les raccommode, tous parlent avec leur soigneur, des semailles, des travaux à finir le lendemain, de leurs bêtes, de leurs affaires, des ventes et des locations de terre. Aussitôt rassérénés, ils repartent avec tellement de joie. Mon père n’en éprouve visiblement pas de fierté. Je suis fier à sa place.

Une vie rude, dure au départ, et, en permanence, la puissance du dedans qui soutient l’homme, le modèle, l’entraîne toujours plus avant dans la compréhension des corps. Notre métier de rebouteux n’a rien à voir avec le magnétisme, pas de fluide. (…) C’est l’usage qui fait la différence et le palper. Rebouteux, c’est un travail manuel, pas de la sorcellerie. Là on doit agir, on passe notre main et ça grésille sous le doigt, la tension de la douleur de l’autre, celui qui se croit abandonné par la chance, nous résonne dans les doigts. (…) Je vois avec les mains. Le vide qui existe entre nos mains et la peau du souffrant, on en fait quelque chose : « Après tout : le diplôme à celui qui guérit. »

Au fil des chapitres, on revit sa vie : garçon boucher, béret rouge, boxeur, maquignon, rebouteux enfin. On apprend sur les dons, don du zona, don du remaillage des articulations, don de réparation des corps-machines, toutes sortes de don, avec celui de la douceur physique et de la chaleur des mots.

Quatre-vingt-cinq ans. Une vie dans les mains, des milliers de patients rafistolés, et toujours l’espoir. La preuve : il se remarie une troisième fois à soixante-dix-neuf ans.

Merci à l’auteur qui nous fait entrer dans ce monde de notre enfance où les paysans avaient du bon sens et non du savoir.

03/09/2015

Le nombre manquant (récit insolite 12)

            J’avais toujours été intrigué par l’aspect mystérieux de certains chiffres qui peuvent se transformer en lettres. Ainsi en est-il du chiffre Un et de la lettre Aleph, première lettre de l’alphabet hébreu. Je n’avais jamais eu le temps de creuser cette révélation d’un mariage entre chiffre et lettre. Voyant Claire prête à s’intéresser à toute sorte de sujets, je la priais de centrer ses recherches sur ce mystère.

Deux jours plus tard, lors de notre réunion hebdomadaire, elle fit part de sa découverte. Elle avait lu un article écrit par Rav Yits'hak Jessurun, du Centre d'Etudes Juives Ohel Torah, et en avait tiré des éléments intéressants.

– Il explique que la lettre "Aleph" ne se prononce pas. C'est une lettre muette. Une lettre sans sonorité ou expression orale. L'existence de cette lettre provient uniquement de son silence, de ce qu'elle permet à d'autres lettres de suivre et de ce qu'elle permet aux voyelles (qui dans la langue hébraïque ne sont pas proprement des lettres) de s'associer à elle. Alors, pourquoi une lettre muette ? Pourquoi la langue hébraïque conserve-t-elle un signe qui, en fin de compte, est une "non-lettre" ? Certes, bien d'autres langues connaissent ce phénomène, comme la langue française qui possède un "H" muet et un "E" muet. Mais là cette lettre est intentionnellement muette. L’ "Aleph" est un caractère de silence qui précède les autres lettres, celles de la parole.

– Tout ceci est sans aucun doute très intéressant, mais je ne vois pas ce que cela peut nous apporter dans nos recherches, dit Vincent, toujours très pragmatique.

– Si justement. Dès l’instant où l’Aleph représente le silence, c’est-à-dire l’absence de parole, on pourrait penser que le chiffre qu’elle représente est le Zéro. Or il n’en est rien. Elle représente le nombre Un. Aleph comme E’had (=Un). E’had, c’est l’Un, l’Unique et l’Unicité. Ne trouvez-vous pas extraordinaire qu’un mot qui ne se prononce pas soit assimilé au Un, c’est-à-dire au Tout mystique, voire à Dieu, Un et insaisissable ? L’Aleph est l'âme de l'alphabet hébreu et c'est elle qui anime cette langue en insufflant l'immanence divine à toutes ses lettres et à tous ses mots !

– Tout ceci me semble très embrouillé, dit Mathias. J’avoue que pour l’instant, cela ne m’apporte que des maux de tête. Comment une seule lettre, même la première, peut-elle résumer la philosophie de l’existence du monde et unir le Un et le Néant ?

– Je n’ai pas parlé du néant. Je n’ai parlé que du silence dans le bruit des mots, du contraste existant entre le son et l’absence de son, et, in fine, du rapprochement des contraires. N’est-ce pas ce dont vous m’avez parlé lors de mon initiation à vos recherches ?

– Vos dernières explications m’ouvrent de nouveaux horizons, dis-je, même si elles restent encore très obscures. J’avoue avoir été dubitatif dans vos premières explications, mais je pense qu’effectivement il y a là quelque chose à creuser. Bravo, Claire, vous avez montré votre perspicacité. Vous méritez réellement de faire partie de notre groupe. Je pense que nous pouvons vous laisser encore un peu de temps pour poursuivre les recherches sur cette énigme de l’alliance du Rien du Tout et de l’abime infranchissable entre le Un et le Zéro.

– Avez-vous lu la nouvelle de Georg Luis Borgès, l’Aleph ? Cette nouvelle me semble intéressante. Elle illustre la possibilité pour un humain de saisir, à travers un point de l’univers, sa totalité. Ce point, c’est l’Aleph, une lettre qui ne se prononce pas (c’est moi qui tire cette conclusion), parce que l’écrivain ne peut décrire ce qu’il a vu : « Ce que virent mes yeux fut simultané, ce que je transcrirai, successif, car c’est ainsi qu’est le langage ». Et que vit-il : « L’Aleph est le lieu où se trouvent, sans se confondre, tous les lieux de l’univers, vus de tous les angles. » En un regard, le Tout visible, la totalité du cosmos en un seul point.

– C’est effectivement une approche intéressante, mais j’avoue que pour l’instant je ne vois pas ce que nous pouvons en faire, dit Mathias.

– Avant de construire une vision d’ensemble, dit Claire, on construit des petits bouts de vérité qui constituent une première cohérence. Ce n’est qu’ensuite, que cette cohérence s’étend à plusieurs petits bouts, jusqu’au moment où tout cela fabrique un ensemble  ou plutôt des ensembles ayant une cohérence globale inattaquable. Contentons-nous de cette première approche, et gardons-la en réserve, nous verrons bien ce que nous en ferons.

Les échanges dûment enregistrés par Vincent, furent mis dans la base de données et Claire déclara qu’elle poursuivait se recherches. Elle avait raison, il faut être patient. Mais elle énerva un peu mes deux compères. Elle semblait si sûre d’elle.

02/09/2015

Coup-de-fouet, roman de Bernard du Boucheron

Est-ce un roman ou une biographie, l’histoire d’un homme ou d’un affrontement entre deux hommes, le lieutenant et le piqueux, la fin d’une société qui n’a plus sa place dans le monde moderne ? C’est sans doute un peu tout et cela complique quelque peu la compréhension du livre.

L’auteur connaît bien le monde de la vénerie. Il s’en régale, la décrivant de15-09-02 Coup de fouet, B du Boucheron.jpg courtes phrases, rapides comme le galop du cheval favori du lieutenant Hugo de Waligny, Diamant Noir. On s’y parle courtoisement, mais avec sécheresse. C’est un peu forcé, mais c’est assez proche de la vérité. Un monde d’une autre époque, mais qui existe encore, comme un reflet dans une vitre. Le lieutenant ne brille que par exagération, dans sa manière de chasser, de monter, de parler aux femmes, d’affronter le peuple. C’est une caricature, mais cela existe.

L’auteur connaît moins bien le monde de la vraie l’équitation, sinon de manière mondaine. Le chapitre 10, compte-rendu de diverses courses montées par le vicomte, fait plus amateur que professionnel. C’était le monde des gentlemen riders d’autrefois. Depuis, ils sont devenus des quasi professionnels.

L’auteur parle de la guerre, mais une guerre à cheval, de la première année de la première guerre mondiale. Elle semble irréelle, comme un rêve qui passe dans l’affrontement titanesque entre le maître et le piqueux Jérôme Hardouin, dit Coup-de-Fouet. Ils se valent, se regardent et chacun veut en faire plus que l’autre. Cela se termine par un drame, le sacrifice d’un escadron de deux pelotons et la survie d’un seul, le capitaine de Waligny. Mais celui-ci est fou ou considéré comme tel.

La vie décline progressivement dans le corps de ce militaire dont la femme, la belle reine des amazones, rivalise avec lui d’échanges amères. Triste fin que celle de ce cavalier. Méritait-il celle-ci ?

C’est un beau livre, un peu pédant, un peu envoûtant à la manière du Grand Meaulnes, mais plus incisif et masculin. Dans toutes ces actions, on a du mal à s’y retrouver.

La vie s’en va, mais qu’est-elle ? On ne sait. C’est un théâtre auquel se confronte l’homme. La femme n’y est que décor, ce qui semble passé de mode.

01/09/2015

Pleine lune

Le rayon m’atteint l’œil…
Réveil et illumination !

Les astres sont bouleversés
Ou mon horloge interne
Fait preuve d’ivresse…

Regard au bras : deux heures…
Jour comme dans un four,
Je brûle d’un coup de lune…

L’esprit bouleversé, je m’étonne.
Est-ce le don de voir sans soleil ?
Comme l’ange, je courre
Dans l’herbe mouillée des prés
Et m’étonne de cette glisse
Dans les nuages de la nuit…

Ainsi le blanc de l’œil
Est seule partie visible
Des corps en perdition
Dans cette "ouateur" incertaine…

Avance aux yeux de l’éternité…
Et, envole-toi plus loin
Dans la chaleur du rien…

©  Loup Francart

31/08/2015

La machine à écrire

https://www.youtube.com/watch?v=G4nX0Xrn-wo

Un peu d'humour avec un soliste encombrant !