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08/03/2015

Rues

Quel agencement ! Est-ce une ville du siècle prochain, l'intérieur d'une termitière, un nouveau langage ou encore un agroglyphe (ou crop circle) ?

Mais peu importe ce que cela représente, n'est-ce pas beau en soi, d'une beauté singulière de par sa géométrie inégale...

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07/03/2015

Tuyau

Un tuyau c’est ce nœud dans la gorge
Qui s’ouvre béat en un instant
Sur le mystère de la vie
Et t’assied là, seul
Face à face avec toi-même
Devant l’immensité du désert

L’air s’y engouffre, d’abord en filet
Puis en flots continus
Et te vide de tout sens
Jusqu’à l’innocence

Tu n’es plus qu’une frontière
Entre le monde palpable
Et ce rêve étrange et laiteux
D’un devenir sans objet

Dans ce passage étroit
Résonnent les harmoniques
Qui transforme toute couleur
En blanche lumière
Eclairant ta lanterne

Tu es seul et le Tout
Devenu parcelle du vivant
Parce que tu as accepté
De n’être plus rien

Pars, nu à la conquête de ce monde
Que tes yeux ne peuvent voir
Deviens cosmos et atteins
Les portes de l’immortalité

© Loup Francart

06/03/2015

L'île Maurice

Il se promenait sur l’esplanade des Invalides quand une femme, encore jeune, élégante et vêtue de vert, se heurta à lui. Peut-être était-il distrait ? Il s’excusa de bonne grâce, dénonçant sa distraction. Elle le regarda et s’exclama :

– Emmanuel, je ne m’attendais pas à te trouver ici. 

Il la regarda sans la reconnaître. « Mais qui donc est cette femme ? » Incapable du moindre souvenir, il leva son chapeau et lui dit :

– Désolé, mais je ne crois pas que nous nous connaissions. 

– Voyons, tu es bien Emmanuel Lissacre. Nous nous sommes rencontrés à l’île Maurice, il y a quatre ans. Nous avons même déjeuné ensemble, nous sommes baignés et avons fini la soirée à Grand Baie. 

– Mais, je ne suis jamais allé à l’île Maurice.

Elle avait pourtant bien prononcé son nom. Il la regarda plus attentivement. Elle jouait de ses yeux de manière instinctive. Elle souriait aimablement, tout à fait à l’aise, inconsciente du malaise qui s’infiltrait en lui. Elle lui posa même la main sur l’avant-bras comme pour attester d’habitude de camaraderie, voire peut-être plus. Elle sortit son portefeuille, fouillant dans un tas de photos sans cependant arriver à retrouver celle-ci qu’elle désirait lui montrer.  Il la regardait d’un air quelque peu égaré, cherchant toujours en sa mémoire des souvenirs d’un séjour à l’île Maurice. Certes, il en avait bien entendu parlé, mais ce n’était que par amis interposés.  Pour se rassurer, il se dit que cette personne qu’elle croyait reconnaître était probablement un sosie. Cependant… Son nom… prononcé clairement devant lui… Peut-être l’avait-elle entendu peu avant dans la conversation qui avait précédé son départ du café où ses amis et lui-même se détendaient. Mais pourquoi serait-elle venue ensuite se heurter à lui ?

– Puis-je vous demander votre nom ?

– Je suis Claire Parfaite. Souvenez-vous, nous avons dansé ce soir-là et vous m’avez même sérieusement pris dans vos bras, puis nous avons marché le long de la côte en parlant si longtemps que vos amis sont partis à notre recherche. Ecoutez, si vous avez le temps, venez, j’habite à deux pas et je vous montrerai les photos que je croyais avoir sur moi.

– Pourquoi pas, répondis-je, intrigué par cette femme que je ne connaissais pas il y a cinq minutes.

Tout en me guidant dans les petites rues proches de l’esplanade, elle papotait sans arrêt, évoquant ces instants à Grand Baie où elle s’était sentie si bien, prétendait-elle. Arrivé à la porte de son immeuble, je croyais déjà la connaître, sa faconde faisant merveille. Claire monta au quatrième étage, sortit sa clé, ouvrit sa porte, entra, puis me fit pénétrer dans une grande salle encombrée de meubles hautains. Elle retira son manteau et se mit aussitôt à fouiller une sorte de coffre, fort beau d’ailleurs, qui contenait une multitude de photos entreposées en vrac. Elle en sortit moins d’une dizaine, ficelées ensemble, entourées d’un papier sur lequel était marqué « Ile Maurice, printemps 2004 ».

– Regardez, me dit-elle d’un ton convaincu.

En effet, la première photo qu’elle me montra laissait apparaître un groupe de jeunes gens où elle apparaissait au premier plan et moi, oui, c’était bien moi, derrière elle, une main sur son épaule. Une seconde photo nous montrait étendus sur la plage, riant et nous tenant la main. Aucun doute, non seulement nous nous connaissions, mais nous avions fait plus que connaissance. Elle me fit assoir sur le canapé, me dit de regarder à nouveau les photos et sortit préparer du café. J’étais troublé. Je n’avais aucun souvenir de cette femme, de l’île Maurice, de la plage exotique présente sur chaque photographie. Je cherchais à me rappeler ce que je faisais au printemps 2004. Oui, j’étais en Suède, en mission pour ma boîte, très pris et ne pouvant disposer de mon temps comme je l’aurais souhaité. Pourtant c’était bien moi, là à côté d’elle, lui souriant et semblant répondre à ces caresses. Elle revint, portant un plateau avec deux tasses et un présentoir contenant des petits gâteaux. Oui, elle était belle, ou plutôt mignonne avec son visage rond, les yeux mobiles, les lèvres charmeuses. Je me dis que j’aurai très certainement tenté de la séduire si je l’avais rencontré. Alors je me laissais tenter après l’avoir entendu me dire :

– Pour te prouver que je  te connais, je peux même te dire que tu as sur le haut de la cuisse droite une tache brune qui m’avait intrigué et séduite. Ai-je raison ?

Effectivement, cette tache se transmettait dans ma famille depuis plusieurs générations sans que nous en comprenions les raisons. Plutôt que de répondre, je me penchais sur ses lèvres et y déposais un baiser.

– Doucement, me fit-elle. Nous ne nous étions pas jurés fidélité et longue vie ensemble. Il convient de tout reprendre à zéro.

Mais rien ne se passa ainsi. J’eus beau chercher dans ma mémoire les instants évoqués par cette femme, j’étais sûr de ne pas la connaître, ni même de l’avoir déjà vue. Elle semblait persuadée du contraire. Je lui demandais comment nous nous étions connus.

– C’est très simple. Je me promenais sur Quay street lorsque je me suis heurté à un homme. Celui-ci m’accueilli d’un air enchanté : « Claire, que fais-tu là, je te croyais à Paris ! » J’étais pressé ayant un rendez-vous chez un marchand de biens et voulant conclure l’affaire assez vite. Je lui donnais rendez-vous en début d’après-midi. Nous nous revîmes et c’est ainsi que je fis ta connaissance, car cette personne, c’était toi.

– Pourriez-vous me remontrer les photos, s’il vous plaît.

Elles étaient là, sur la table basse. L’une d’elle avait été prise à l’aéroport. Je me souvenais subitement avoir vu sur le tarmac la queue d’un A380. En examinant à nouveau la photo je constatais qu’il en était bien ainsi. Or les A380 ont été mis en service en 2007. Nous étions en 2008 et elle m’avait dit que nous nous étions rencontré il y a quatre ans. C’était invraisemblable. Elle m’aurait rencontré dans le futur en évoquant une rencontre passée il y a quatre ans et nous devisions ensemble dans le présent de 2008, l’une persuadée de m’avoir connu dans le passé, moi-même certain de ne l’avoir jamais rencontrée. Ma tête allait exploser. Je me sentis mal et lui demandais un verre d’eau fraiche. En buvant, je la regardais. C’est vrai qu’elle est belle, me dis-je. Elle se pencha sur moi pour reprendre le verre, inquiète, mais rassurée de me voir reprendre vie. Elle portait un parfum fort qui imprégnait ses cheveux et je fus ensorcelé par cet arrière-goût d’ambre et de fruits verts. Je plongeais ma tête dans sa chevelure. Elle rit et se dégagea sans protestation.

Je ne lui fis pas part de ma découverte. Je l’avais connu dans un futur proche et c’est pour cela que je ne pouvais la reconnaître. Mais comment se retrouvait-elle dans ce présent qui, pour elle, était du passé ? Deux solutions s’offraient à moi. Soit elle seule avait été propulsée dans un avenir proche (ou encore avait-elle rêvé cet avenir ?), soit c’était moi-même qui était resté enfermé un moment dans le passé, peut-être au cours d’une nuit de sommeil plus longue que de coutume.

Je décidais de rien lui dire et de faire comme si nous nous connaissions réellement. Deux jours plus tard, avec quelques amis, nous partîmes pour Grand Baie en voiture. L’un de ceux-ci disposait d’un appareil photographique polaroid et ne cessait de prendre des clichés. A un moment, il me montra une photo de Claire et de moi-même que j’avais déjà vu. Mais je ne souvenais plus où. Etait-ce à Port Louis, était-ce ici, à Paris ? Fidèle à ma promesse, je ne dis rien. Nous sommes bien, je contemple Claire, je lui tiens la main, nous regardons nos compagnons se baigner. Je pose sur ses lèvres un baiser.

– Que le temps présent est bon, me dit-elle. Profitons-en !

– Oui, profitons-en, car on ne sait de quoi demain sera fait, lui répondis-je.

05/03/2015

Manoir de Mes Rêves avec Angelo Debarre - Thomas Dutronc

https://www.youtube.com/watch?v=qTmwZsy8xbg


 

Avant tout le rythme, balancé, échevelé, qui vous met dans un état second, voire troisième. Vous vibrez naturellement et communiez avec toute la communauté manouche dans cette trépidation incessante.

A l’origine, un homme, Django Reinhardt, qui lui-même avait rencontré le jazz américain. Un mélange subtil à l’intersection de la musique tzigane et du jazz de l’époque de Louis Armstrong.

Un long moment, autour du feu, auprès des meilleurs jazzmen manouches… Une belle virtuosité…

04/03/2015

Sommeil (taploème)

Sans titre (6).wma

Tu dors de ton sommeil écrasant de bonheur
Le drap frais rejeté d’un geste théâtral
Dévoilant cette débauche de blancheur
Dans une fuite jusqu’au triangle central

L’ombre de la nuit tamise ton image
Légers et fragiles sont les plis de ton corps
Je découvre en moi une envie d’abordage
Mais ton indolence devient un mirador

peinture,dessin,poème,poésie,taploème

Tu es belle de ton harmonie profonde
Je te contemple, enfant, comme les ondes
Sous les vibrations du chant du violoncelle

Ensemble nous sommes depuis la nuit des temps
Moitié rêvée, moitié réelle, jamais à contretemps
Tu demeures l’ineffable jouvencelle

© Loup Francart

03/03/2015

Matinale 5

Avant de reprendre le chemin de la piscine, Emilie décida de faire de nouvelles recherches. Elle s’intéressa aux univers parallèles découverts par le physicien américain Hugh Everett en 1957. Elle se souvenait d’avoir lu un jour que quelques savants se posaient la question de savoir de quel lieu notre propre univers était issu et laissaient tomber la question plus subtile de l’existence d’une créateur démiurge. Le continuum se poursuivrait-il au-delà de ce que nous connaissons ? Y aurait-il des relations entre notre espace-temps-matière et d’autres spatialités-temporalités-matérialités ? Elle imaginait des trous noirs constituant des entrées dans ces autres univers, elle se sentait tout à coup prise dans le tourbillon attractif d’un grand vide qui conduisait vers un au-delà inimaginable, peuplé de créatures étranges ou même d’êtres humains semblables à nous ou sans doute nous-mêmes. Après un séjour sur terre, ils poursuivent leurs vies multiples en d’autres lieux et d’autres temps, peut-être sans matérialité. Insaisissable cette vision ! Mais elle aimait s’interroger sur cet aspect des choses. Feuilletant les pages d’Internet, elle découvrit que l’univers n’est plus seul et unique comme son nom l’indique. Grâce aux sciences mathématiques, nos savants ont découvert qu’il est très probable que l’univers soit multivers. De plus, elle lut que l’on commence à avoir des preuves de cette géniale intuition. Ainsi la bulle de notre univers, qui s’étend de plus en plus dans l’espace (mais peut-on encore parler d’espace ?), en expansion constante, côtoie d’autres univers qui naissent et meurent à côté de nous (tout est relatif, ce sont des milliards et des milliards d’années-lumière, immesurables !).

Andrei Linde, un des théoriciens de l’inflation, explique que notre univers est une bulle d’espace-temps noyée dans une mousse d’autres univers. Ainsi le big-bang n’est pas la naissance du cosmos à partir du rien, mais une expansion dans un « faux vide ». Ce faux vide se caractériserait par une énergie très élevée et un champ gravitationnel répulsif, une sorte de gravitation " négative " ou antigravitation : remplissez un ballon de faux vide, il se dégonfle ! Cette expansion de bulles donne naissance à des bébés univers possédant leur propre temps, espace et matière.

Elle dut arrêter sa lecture. La tête lui tournait, d’autant plus qu’elle se sentait à l’aise avec ces mondes multiples, ces temps qui se superposent, ces espaces qui gravitent ensemble, ces particules mouvantes qui arrivent à ne pas trébucher. Elle était attirée par ces champs gravitationnels, voire par des champs qui au contraire rejettent ce qui passent à proximité. Déjà, lorsqu’elle était petite, elle rêvait (mais était-ce du rêve ou une remémoration venant d’autres horizons ?) qu’elle pouvait se dédoubler, voler à hauteur du plafond, voire tenter de s’évader par la fenêtre fermée et voguer dans d’autres cieux, un monde différent qu’elle ne parvenait pas à reconstituer. Ce n’était qu’une question de volonté et d’entraînement. Mais ces rêves s’estompèrent au fil des ans jusqu’à ne plus être qu’un vague souvenir. Ils restaient au fond de ses souvenirs, tenaces et semblant toujours aussi réels.

Poursuivant ses investigations, elle s’intéressa à l’exploration de l’infiniment petit qui permettrait de comprendre l'infiniment grand. La théorie des cordes prétend que les particules fondamentales de l’univers sont des sortes de cordes vibrantes sous tension, à la manière d’un élastique. Leur degré de vibration engendrant des particules élémentaires qui sont à l’origine de notre univers. Dans ce concept (qui reste pour l’instant théorique), le monde serait non pas tridimensionnel, mais multidimensionnel. Et ces dimensions s’enroulent les unes dans les autres dans un tissu spatial dit espace de Calabi-Yau qui constitue une forme complexe de 6 dimensions. Ainsi, l'univers observable à quatre dimensions (la quatrième étant le temps) serait une sous-partie d’une Totalité disposant de dimensions supplémentaires, pouvant aller jusqu’à 11 pour certains.

La théorie des cordes suppose que l’univers est fondamentalement constitué de cordes d’énergie en vibrations constante. Elle voit l’univers comme une immense symphonie. Et cette comparaison sembla assez bonne à Emilie. Les dimensions de notre univers sont normalement décrites dans un système décimal (multiple et sous-multiple de dix) alors que la musique fonctionne autrement, de façon beaucoup plus complexe, et permet des variations et harmonies impossibles dans un système décimal.

Dans sa recherche, elle tomba sur un livre qui traitait de l’uchronie. Ce terme utilisé dans la fiction littéraire, fait appel à une réécriture de l’histoire à partir d’une modification d’un événement passé. Ce néologisme repose sur la similitude avec l’utopie, c’est-à-dire un U négatif et chronos. C’est donc un non-temps qi permet d’imaginer les différences conséquences possibles issues d’un effet domino influant sur le cours de l’histoire. C’est une histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être qui commence au point de divergence choisi par l’auteur. Mais elle se rendit compte que cette diversion ne pouvait l’intéresser dans ses recherches. Le problème n'est pas le fait d’une uchronie qui survient à un moment donné, mais le fait de l’existence de deux mondes parallèles qui se retrouvent présents au même moment et en un même lieu. J’y réfléchirai plus tard, se dit-elle.

La sonnerie indiquant la fermeture de la bibliothèque retentit. Elle mit un certain temps à la percevoir, l’esprit trop occupé par toutes ces hypothèses aussi insolites que bizarres. Elle se leva à regret, rangea son bloc-note et ses crayons, l’œil vague, le corps engourdi, le cerveau flottant dans une mare d’impossibles réflexions. Elle rentra chez elle, reprenant peu à peu conscience du monde qui l’entourait, sursautant lorsqu’une voiture la frôlait ou lorsqu’un camion klaxonnait. Elle se coucha tôt, la tête encore pleine d’univers s’entrechoquant et d’humains sautant dans le vide pour atterrir elle ne savait où.

02/03/2015

Au-delà

Un vrai taploème :

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