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07/09/2014

Sculptures de Ron Mueck

Drôle de sculptures! Des hommes et des femmes aussi vrais que nature, mais multipliés par deux, trois et même plus. Le sculpteur au travail.

Mais où va-t-il chercher ces idées ?

06/09/2014

Pétronille, roman d’Amélie Nothomb

Ce roman débute de manière majestueuse et finit assez lamentablement. Il est vrai que tenir le lecteur en haleine pendant 169 pages sur la manière de prendre une cuite est déjà un exploit. Mais faire tant d’effort pour rendre parfaitement réaliste les rencontres entre l’auteur et Pétronille et terminer par une pirouette si bizarre qu’elle peut sembler drôle, fait du roman un chaud-froid difficile à digérer.roman,littérature,ivresse,société,écrivain

« Pétronille, c’est mon roman exotique ». Elle s’explique : « le grand thème de Pétronille c'est la France (...), qui est l'exotisme absolu. Pour découvrir un pays, il faut aller à la rencontre de l'indigène et Pétronille joue le rôle de l'indigène. Cette "quête picaresque" est celle de la rencontre entre une amoureuse du champagne -qui refuse de le boire seule- et sa compagne de beuverie. »

Chaque chapitre est une aventure de beuverie, une découverte de la France profonde, non pas des campagnes, mais des banlieues. Pétronille se révèle fantasque, intelligente (elle écrit des romans, elle aussi, et ils sont acceptables et acceptées), égoïste et imprévisible, à l’égal de la population française. Amélie, belge, peine à la suivre dans ses élucubrations. Mais le couple fait une bonne paire de beuverie, pleine de bulles de champagne, car on ne boit que du champagne millésimé. Il erre d’une librairie, pour le premier roman de Pétronille, aux rues de Soho à Londres, en passant par les sports d’hiver. Amélie tente de se consoler du départ de Pétronille pour le Sahara en trouvant une autre buveuse, mais cela ne passe pas. Elle retrouve Pétronille à l’hôpital Cochin, l’héberge, ne la supporte plus. Nouvelle rencontre quelques années plus tard. Pétronille joue à la roulette russe. Elle finit par tuer Amélie, propose le manuscrit d’Amélie à un éditeur et le livre finit sur une conclusion à la manière de La Fontaine : Quand à moi, en bon macchabée, je médite et tire de cette affaire des leçons qui ne me serviront pas. J’ai beau savoir qu’écrire est dangereux et qu’on y risque sa vie, je m’y laisse toujours prendre.

Les trois premiers chapitres sont un régal littéraire. Il faut les lire plusieurs fois, en goûter chaque page comme on lèche une glace devant la devanture d’un magasin aux mannequins nus :

« Pourquoi du champagne ? Parce que son ivresse ne ressemble à nulle autre. Chaque alcool possède une force de frappe particulière ; le champagne et l’un des seuls à ne pas susciter de métaphore grossière. Il élève l’âme cers de que dut être la condition de gentilhomme à l’époque où ce bon mot avait du sens. Il rend gracieux, à la fois léger et profond, désintéressé, il exalte l’amour et confère de l’élégance à la perte de celui-ci. (…) J’ai continué courageusement à boire et, à mesure que je vidais la bouteille, j’ai senti que l’expérience changeait de nature : ce que j’atteignais méritait moins le nom d’ivresse que ce que l’on appelle, dans la pompe scientifique d’aujourd’hui, un état augmenté de conscience. Un chaman aurait qualifié cela de transe, un toxicomane aurait parlé de trip. (…) J’ai titubé jusqu’au lit et je m’y suis effondré.

Cette dépossession était un délice. J'ai compris que l’esprit du champagne approuvait ma conduite : je l’avais accueilli en moi comme un hôte de marque, je l’avais reçu avec une déférence extrême, en échange de quoi il me prodiguait des bienfaits à foison ; il n’était pas jusqu’à ce naufrage final qui ne soit une grâce.

05/09/2014

L’assassin des idées nouvelles

Qui es-tu, toi l’assassin des belles idées ?
Et nous sommes tous des assassins !
Qui d’entre nous n’a pas médit
A l’annonce d’une idée nouvelle ?
La France n’a pas de pétrole,
Elle a des idées. Oui, certes,
Mais personne n’en veut de ces idées.
Le Français est un homme ou une femme
Qui vit sur un lit d’idées toutes faites
Il se bauge dans sa vision du monde
Sans tenter même d’y trouver satisfaction
Car, de plus, il vitupère sur celle-ci…
Mais en changer, jamais !
Cependant il a l’avantage inusité
De répondre toujours présent
Aux sollicitations de la mode
A condition qu’elle ait déjà été expérimentée
Et de préférence aux Etats-Unis
Ainsi un bon quart des Français marche
Le derrière à l’air, comme un prisonnier
De cette mode idiote apportée des Amériques
Plus je montre mon slip
Plus je suis décontracté…
Curieux non ? Heureusement
Les femmes ne s’y sont pas encore mises.
Il est vrai que libres du haut comme du bas
Elles pourraient très vite abandonner
Toute idée de s’habiller…
Oui, le Français est un être plein de contradiction
Pour le prestige et non pour le plaisir
Il construit une ligne à grande vitesse
Et il sait qu’elle ne sera pas rentable
Peu importe, le décideur aura laissé sa marque
L’empreinte de son pouvoir sur le sol
Cela se passe à tous les niveaux
Le président du Conseil général
Veut son musée dans le désert
Le maire veut sa piscine chauffante
Un gouffre à faire monter les impôts…
Mais ceci fait-il avancer les idées nouvelles ?
Non, une idée nouvelle assaille le cerveau
Et est rejetée derrière la haie, vulgairement
Elle enhardit la critique…
Alors lorsqu’une idée nouvelle
Germe dans la tête d’un Français
Il la garde bien au chaud et attend
Un moment favorable pour qu’elle fasse mode…
En faisant un tour au dépôt des idées nouvelles
J’ai rencontré des auteurs et des inventeurs
J’ai vu des femmes merveilleuses
J’ai vu des hommes entreprenants
Tous venaient déposer leur enfant
Sur l’hôtel de la déficience…
Oui, le Français et un assassin
De la France inventive et généreuse
Au nom de l’égalité et de la fraternité
Où se trouve la liberté ?
Que produire dans un pays
Où tous veulent être l’égal de tous ?

© Loup Francart

04/09/2014

L'art contemporain : se faire remarquer n’est pas être remarquable

"L’essentiel, dans ce déluge d’imprimés, est de réussir à se faire remarquer. De tout temps difficile, la tâche devient impossible. Le jeune auteur n’a guère d’autre choix que d’écrire à tout prix de l’explosif et de l’original. Si c’est pour imiter en moins bien ceux d’avant, le jeu n’en vaut pas la peine. (…) Que faire ? Autre chose. Mais quoi ? Tout le monde aujourd’hui est original, explosif et nouveau. Et rien n’épate plus personne. Imiter est inutile, innover est illusoire. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est quelque chose d’assez hardi pour ouvrir des voies qui n’aient pas été empruntées, s’il en subsiste encore, et quelque chose de capable en même temps d’attirer le grand nombre qui répugne à ce qu’il ne connaît pas."

 Jean d’Ormesson, C’était bien, Gallimard, 2003, p.110

 

Telle est la situation de l’écrivain.

En fait, Jean d’Ormesson ne décrit pas seulement le cas d’un écrivain, mais celui de la grande majorité des artistes ou de ceux qui se prétendent tels, quel que soit le domaine et le type d’expression employé. On voit des peintres qui peignent avec un parapluie, des musiciens qui mettent des pièces de monnaie sur les cordes de leur piano, des comédiens qui ne parlent pas, des danseurs qui ne bougent pas. C’est le nouveau mode : faire semblant de ne pas faire ce pourquoi on est là. Quel affairement. Cela nécessite toute une mise en scène pour montrer qu’il n’y a aucune idée préméditée. Tout doit paraître naturel. Sortons nos mouchoirs et mouchons-nous en chœur !

Au-delà de la plaisanterie, interrogeons-nous. A quoi tient cette surenchère de la médiocrité sous prétexte d’originalité ? C’est vrai, seule l’originalité permet de sortir du magma médiatique et de montrer à la face du monde entier sa brillance et sa maturité. Salvador Dali avait déjà saisi cette frénétique agitation devant des journalistes ébahis. Tout ce qui sort du déjà vu doit être montré. Mais si vous avez le malheur de peindre comme un peintre, de pratiquer la musique comme un musicien, d’écrire comme un écrivain, les médias vous dédaignent. Déjà vu, donc sans intérêt !

Premier point : les médias ne se satisfont plus des médiums connus. Seuls ceux qui utilisent un matériau inhabituel sont dans le vent. Le tableau inscrit dans une toile ne vaut que si celle-ci est déchirée, l’accordéon ne joue que s’il produit des sons inusités, etc. Donc le médium rend médiatique. Il est généralement de matière insolite : déchets, excréments, polystyrène, chutes de bois, etc. Il peut également n’être pas, c’est-à-dire briller sans support autre que les situations ou l’environnement ou un projet qui ne finit jamais. Mais la préférence actuelle va au médium virtuel : Net art, musique en réseau, web art, etc.

Deuxième point : On passe du médium à la médiation. L’art est devenu un dialogue entre l’artiste et son public. Sans médiation il n’est qu’un objet mort dont l’auteur lui-même, vivant dans son atelier, est mort. Il faut non seulement bouger, se montrer, s’exhiber, se délurer devant ses fans. Il convient également de faire participer le spectateur qui doit construire l’œuvre au travers du médium choisi. Telle est la médiation aujourd’hui.

C’est le nouveau syllogisme : Tout artiste est un homme. L’homme se caractérise par son sens artistique. Donc tout homme est artiste. Démonstration !

03/09/2014

une femme... forte (2)

Dommage ! J’aimais bien ce jeune homme à la mâchoire forte. Que faire ? Je m’interroge face à cet être hybride. Vais-je tenter de nouer une conversation ? Mais, comment ? Autour de nous, personne ne semble en proie à un tel questionnement. Ma voisine regarde sa tablette magique sur laquelle elle trace des signes cabalistiques d’un air inspiré. De l’autre côté du couloir, ligne de démarcation infranchissable une fois le train partie et les places attribuées, deux hommes sont en conversation d’affaires regardant une feuille sur laquelle sont alignés des chiffres.

– Tu as oublié de prévoir la commission de la banque ?

– Quelle commission ?

– Elle prend un risque.

– Ah, lequel ?

– Le risque d’être cité si l’affaire tourne mal ou si notre associé rompt le contrat.

– Et cela mérite une commission ?

– Une banque ne travaille jamais pour rien !

Et ils poursuivaient à voix haute et intelligible pour l’ensemble de la voiture leur tripatouillage de commerçant. Une jeune fille d’environ vingt ans, qui avait l’air d’un oiseau sorti du nid, lisait un livre à la couverture colorée dont je ne pus lire le titre. Elle levait parfois les yeux d’un air excédé vers son voisin et son vis-à-vis, ce qui ne troublait nullement les deux bavards. Je n’arrive toujours pas à comprendre pour quelle raison on interdit le plus souvent l’usage du téléphone portable dans les trains, mais on ne peut rien dire contre deux bavards à la voix haute qui discutent sans aucune gêne de problème d’argent, d’amour ou de sport. Ils semblent seuls, perdus dans leur faconde, ignorant le peuple qui s’agite autour d’eux. Et si l’un de nous se décide et leur dit d’une voix doucereuse, mais poli, de parler moins fort, ils haussent le ton d’un décibel pour déclarer qu’ils ont le droit de parler comme ils l’entendent et aussi longtemps qu’ils le désirent.

Je regardai alors mon égérie. Pour la première fois, je vis l’ombre d’un sourire sur son visage glabre. Tiens, me dis-je, ce n’est pas une statue. Elle semble avoir quelque sentiment ou du moins réagir à ce qui arrive à d’autres. Je lui répondis d’un demi-sourire avec un petit hochement de tête. Elle en profita pour me glisser à mi-voix :

– Il n’y a malheureusement rien à faire !

Ce qui me surprit, ce n’est pas le contenu de ce qu’elle avait proféré, mais le timbre de sa voix. Une voix de jeune fille, nette et douce, qui contrastait singulièrement avec son apparence. Et elle agrémenta d’un sourire enjôleur, avec fossette, ses paroles. J’en restais bouche bée. Comment un corps aussi puissant et musclé, pouvait-il proférer des sons aussi purs et féminins. Je croyais avoir une voix charmante et parfois séductrice pour certains hommes, mais celle-ci surpassait mon organe de mille coudées. Elle avait le parfum d’une rose épanouie, la couleur d’un mirage en pleine désert. Elle avait déjà repris sa rêverie douloureuse et sa façon de se réinstaller dans son silence m’empêcha de poursuivre cette conversation entamée. Je replongeais dans mon ordinateur que je fis semblant de consulter avec un intérêt extrême, sans toutefois lire quoi que ce soit. L’écran a l’avantage de n’être qu’une glace face à soi-même. L’interlocuteur ou même le spectateur ne voit que la face de celui qui le regarde. Il croit deviner le contenu de l’écran, mais celui-ci peut être cependant assez différent de son impression. C’est le mystère de l’informatique. On peut jouer avec un sérieux imperturbable ou travailler en simulant de jouer. Et cela convient à tous, les réalistes comme les rêveurs.

Suite à une nouvelle montée en puissance de la conversation de nos voisins, je tentais de ralentir leurs errements verbaux :

– Pourriez-vous, s’il vous plaît, parler un peu moins fort pour que nous aussi puissions profiter de ce voyage ?

Cette remarque entraîna aussitôt la réponse cinglante d’une des deux comparses :

– mais Mademoiselle, il n’est pas interdit de parler dans un train. D’un point de vue culturel, c’est même très bon d’échanger plutôt que de se confiner dans ses pensées.

Tout cela dit à voix haute et moqueuse qui fit se retourner une partie du wagon. Les yeux s’allumèrent, les conversations devinrent encore plus intimes, voire s’arrêtèrent. Je sentais monter sur mes joues une rougeur caractéristique. Je pris le parti de regarder mon interlocuteur comme s’il n’existait pas. Mon regard le traversait et admirait l’horizon sans que rien ne l’arrêtasse. Sa réplique résonna dans le vide, sans écho et, après un instant de déception, il ouvrit son ordinateur et s’installa dans une contemplation de son écran qui sembla le captiver. Ma rougeur s’estompa, mon cœur battit moins fort. Je me demandais ce qui m’avait poussé à une telle réaction, moi qui a horreur de me donner en spectacle et d’intervenir dans des situations collectives. Une minute plus tard, je levais les yeux sur le jeune homme ou la femme forte assise en face de moi. Elle se tourna vers moi et me fit un vrai sourire, une sorte de rayon de soleil reflété sur un lac de haute montagne. Cela me fit du bien, je m’enhardis à lui rendre son sourire, sans rien dire. La connivence s’était installée entre nous, sans une parole. Le TGV commença à ralentir. On arrivait à la gare où je devais descendre. Je fermais mon ordinateur, me levais et m’aperçus que ma voisine faisant de même.

– Vous descendez-là ?

–Oui, c’est ma destination, dit-elle le plus calmement du monde. Vous aussi d’après ce que je vois. Sa voix restait délicieusement pure, une voix de soprano qui a travaillé pendant plusieurs années pour atteindre diction et timbre quasi parfaits. Serait-elle chanteuse ? Cela me parut peu vraisemblable, mais sait-on jamais.

02/09/2014

Ballet

Oui, c’est bien un ballet, avec une figure particulière, un éclatement venu du fond des âges, qui surgit du cosmos et poursuit sa course échevelée dans le vide spatial. Et chacun d’entre eux est un lego qui entre dans la composition du monde, avec un pouvoir de créer par enchevêtrement. C’est ainsi que se sont constituer les étoiles, soleils et galaxies, et c’est ainsi que se constitue la noosphère. L’intelligence collective de Pierre Levy en marche vers l’avenir, jusqu’à la conquête du monde. Mais lequel ? 

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01/09/2014

Grandeur

Chacun se veut grand, mais grand de quoi ?
Les rêves ont-ils le pouvoir de faire grandir ?
La grenouille sauteuse rêve au kangourou
La puce à l’éléphant qu’elle ne peut même pas voir
Quel univers sans dimension si ce n’est celle
De l’imagination débridée, insolite et impossible
Chacun de nous se peuple d’ambitions
Est prêt à échanger sa montre
Contre un baladeur de secondes vides
Qui le fera gonfler jusqu’à l’éclatement
Suis-je plus grand que vous ?
Et je regarde ce malotru gonflable
Qui tente de jouer dans la cour des grands
Mais moi-même, je ne sais si je suis
Sur le dos d’un éléphant ou d’un poisson pilote
Ma taille importe peu au fond
Ce qui compte c’est l’univers qui nous reçoit
Si je n’en vois l’horizon et ne peux me rendre
Au-delà des collines qui barrent la visibilité
Je reste le freluquet qui achète des échasses
Qui tombe bien souvent dans la boue
Collant à ses bâtons et entravant ses pas
Mais si d’un coup d’œil j’admire
Ma grandeur dans le paysage étroit
Je m’abuse moi-même et ne peux bouger
Pour rire et m’esclaffer de cette immensité
Prisonnier de mon regard désenchanté
Je m’interpelle moi-même en un clin d’œil
Fait le tour du pâté de maison
Et me réfugie dans ma faconde vertueuse

Oui, la grandeur est le propre des petits hommes
Elle leur permet d’attendre le jour
Où rien ne sera comparable à rien

© Loup Francart