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22/07/2012

Aurore

 

Quel bonheur !
Un feston amarante embrase l’horizon
Rien ne bouge
Toute la nature est attentive
A cette naissance d’un jour nouveau

La noirceur s’estompe
Gris anthracite… ardoise… fumée
Puis bleu nuit… bleu outremer
Bleu saphir devenu acier
Jusqu’au bleu ciel, éperdu
Ouvert sur le monde
Comme une couverture de bonheur
Ajoutée sur les pieds du dormeur

Et moi, veilleur, le regard allumé
Je célèbre l’innocence et la liberté
De la brise dans les feuilles
Qui chatoient les ombres encore visibles
D’une nuit qui part, solitaire

Un jour nouveau s’en vient
Glorifions-le, car toujours
Est unique cette présence espérée
De l’illumination et de la transparence

L’âme renouvelée, je pars
A la conquête du monde, serein

 

21/07/2012

Œuvres complètes (1954-2002) de Tomas Tranströmer

 

Tomas Tranströmer est prix Nobel de littérature (2011). En Fra12-07-19 Tomas Transtromer.jpgnce, qui parle de lui ? Peu de personnes, car c’est un poète et il n’écrit pratiquement que des vers. Et encore, aucun de ces vers ne versifient. Ils viennent dans la pensée et s’échappent avant qu’on ait le temps de les mettre en boite. C’est du bouillonnement premier, un jus de chaussette qui sent l’escapade rafraichissante, la pinte de bière fleurie, le sel de mer un jour de pluie.

Ce qui frappe chez lui : l’art de la métaphore ! Elle est audacieuse, précise, bouleversante lorsqu’on l’a comprise. C’est ainsi que les paysages de Turquie scintille « dans la lunette du vautour », que « l’éveil est un saut en parachute hors du rêve ». Alors chaque objet se met à danser de sa musique particulière, à chatoyer de son existence solitaire. Et le poète tente de préciser l’impénétrabilité des choses : « Je suis couché sur mon lit, les bras en croix. Je suis une ancre confortablement enfouie qui retient l’ombre profonde au-dessus d’elle, cette grande inconnue dont je participe et qui est certainement plus importante que moi ».

 

Son traducteur, Jacques Outin, l’appelle le poète du silence.

 Las de tous ceux qui viennent avec des mots,
Des mots, mais pas de langage,
Je partis pour l’île recouverte de neige.
L’indomptable n’a pas de mots.
Ses pages blanches s’étalent dans tous les sens !
Je tombe sur les traces de pattes d’un cerf dans la neige.
Pas des mots, mais un langage.

L’écriture de Tomas Tranströmer est sobre, faite de courtes phrases, parfois sans verbe, un mot, une idée qui se laisse deviner. Mais la métaphore est toujours juste, évocatrice, belle, même si elle surprend par sa hardiesse. Il marche sans faiblesse sur le fil de l’évocation imperceptible et tout ce qu’il voudrait « dire reluit, hors de portée, comme l’argenterie chez l’usurier ». Les souvenirs l’observent :

 Un matin de juin, alors qu’il est trop tôt
pour s’éveiller et trop tard pour se rendormir.

Je dois sortir dans la verdure saturée
de souvenirs, et ils me suivent des yeux.

Ils restent invisibles, ils se fondent
dans l’ensemble, parfaits caméléons.

Ils sont si près que j’entends leur haleine,
bien que le chant des oiseaux soit assourdissant.

Tomas Tranströmer choisit d’explorer « la banale vétusté-modernité des choses, le monde ordinaire-extraordinaire de tous les instants que l’on vit » (Alain Jouffroy, Le manifeste de la poésie vécue, Gallimard, 1995). Et ce présent concret et naturel devient un jardin secret, illuminé de mille feux, sorti du jeu des mots et des comparaisons. Pour lui, l’observation crée la réalité. Les situations l’intéressent plus que la chose en elle-même. Il le dit : « Deux vérités s’approchent l’une de l’autre. L’une de l’intérieur, l’autre de l’extérieur, et on a une chance de se voir en leur point de rencontre. »

 Eau qui croule qui croule fracas vieille hypnose.
Le torrent inonde le cimetière de voitures, rutile
derrière les masques.
Je serre fort le parapet du pont.
Le pont : ce grand oiseau de fer qui plane sur la mort.

 

20/07/2012

Benoît Trimborn, à la galerie Ariel Sibony

 

C’est simple, parfois simpliste, mais d’une beauté !

 

Brouillard.jpg

 

Et vous vous laissez aller dans ce calme, ce vide de la nature élémentaire à deux surfaces, deux couleurs, parfois sans aucune nuance. De grands aplats, des petites papillotes de peinture pour simuler le tremblement acide des feuilles ou des céréales, des mélanges entre deux pour dire l’ombre. L’expression d’une solitude aimée et d’un besoin de communiquer sa vision.

 

vaches à l'ombre.jpg

 

Alors, on regarde, on rêve, on part vers les sommets de la perception, à partir de quelques couleurs, d’un trait, d’une ombre. On est bien sûr surpris au premier abord. Il n’est évident de se laisser faire face à si peu de manifestation d’une vérité à prendre.

 

colza rose et jaune.jpg

 

On refuse cette vision d’une seule face avant de plonger, doucement, tranquillement, dans sa surface et de s’y noyer. On repose enfin dans la couleur, dans le tremblement léger, dans la quiétude insoupçonnée de chaque tableau, et l’on s’y endort, serein, reposé, vidé de soi, vidé des autres, vidé même de tout contexte, pour ne plus vivre que cette aventure incroyable, l’osmose de l’impression, de la perception, de la sensation, des sentiments enfin. Tout ceci se mélange en vous, jusqu’à la synthèse finale, l’immensité de la nature et son unité interne, une construction qui tend vers la beauté.

Corneilles-en-hiver.jpg

 

Merci, Benoît Trimborn, pour cette simplicité qui devient art de voir, de sentir et de communiquer ce chatoiement imperceptible d’une nature indomptable.

 

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19/07/2012

L'ignorance

 

L’ignorance est un état, non pas d’être, mais de conscience, chrysalide qui ne parvient à être papillon. Elle se regarde sans jugement.

Ignorer quelque chose, est-ce ne pas connaître son existence, à tel point qu’on n’en cherche rien, ni forme, ni modèle ? Fumée verte, dans la cage de l’escalier aux mille portes du savoir.

Serait-ce peut-être connaître l’existence, mais manquer de connaissances sur son goût, son toucher, sa couleur et son odeur ? Je ne la connais pas, car je ne l’ai pas éprouvé, et du bout du pied nu, je tâte son eau trouble pour savoir si je peux m’y plonger.

On en dresse parfois le constat. Quel trou sans fond de la méconnaissance ! Qui sait ce que contient la délicate absence du collier, fortuné et visible, de colifichets enrobés de la crème du savoir, embaumés de mots savants. Et pavane la danse de la bêtise, marquée par le rythme mécanique du morse qui crie au secours : SOS, SOS, la mort de l’innocence !

Il arrive que de grands inconséquents, forts d’inventaires et de définitions, ne sachent pas prendre garde aux fourmis qui montent sur leurs jambes. Nouveauté non vérifiée, technologie qui fait irruption dans le salon des meubles anciens et bouleverse en un tour de main les platebandes où piqueniquent les gras docteurs de l’inventaire des monuments esthétiques, parlant d’or et raisonnant d’airain.

Ignorance et misère sont souvent, mais pas toujours, synonymes. Dis-moi ce que tu gagnes, je te dirai ce que tu sais ! Cependant la richesse matérielle n’est pas d’un grand secours aux handicapés de l’encéphale. Mieux même, certains n’oublient pas de se débarrasser de leur manteau de vison ou d’astrakan pour voir venir le bateau de l’entendement. Mais, kouik, rien ne vient, l’espoir n’est pas l’égal d’un potentiel démesuré.

Un autre synonyme, plus chaleureux, est l’association de l’ignorance avec l’innocence. Chaste ignorance, que celle du candide nu de savoir. Revêtu de son phare scintillant, il pénètre l’âme et rompt les faux semblants. Il éclaire les trous noirs de désirs inassouvis et d’envies défendus. Jusqu’où va-t-il fouiller ? Il creuse la carrière de la science et de sa préscience fait un pied de nez à l’ignorance terrestre des choses célestes. C’est Eve qui mangea la pomme et la discorde arriva par la faute de leur manque de discernement. Elle donne la connaissance, mais de quoi ? De la seule ignorance humaine, celle du bien et du mal. Abjecte inexpérience que celle-ci. La chaussette ne se raccommode pas avec la laine de l’intempérance vis-à-vis des biens de ce monde.

Ignore ton désir d’avenir, ignore ton goût d’un passé révolu, ignore le fruit chaleureux du présent, et fait irruption dans le nuage d’inconnaissance qui te révélera l’entière vérité au-delà de toute certitude. L’intellection à plat, tu peux monter vers l’absence et t’emplir du bonheur du non savoir. Quelle jouissance ! La tête vide, le cœur plein d’intenses rayonnements. Brasier des soirs d’été…

 

18/07/2012

Le Quatuor : Sur la corde rêve

 

http://www.youtube.com/watch?v=yl-VNu1rnV0

 

Cela commence par une musique de restaurant lorsque vous dinez, un soir, avec votre chérie et que les musiciens viennent vous entourer de leur musique envoûtante, mais sans beauté.

C’est ensuite une sorte de marche militaire avec démonstration à l’appui, prise d’armes sans lendemain, pour le plaisir des yeux, sans autre recherche.

Plongée dans la course échevelée des archets sur les cordes du violoncelle. Nouveau rythme, qui s’amplifie de mains, de frottements, de bruits suspects, pour laisser surgir, en coup de grâce, dans la nuit de l’ignorance, un chant échevelé, du plus pur style américain.

Contraste saisissant que ce voyage dans les styles de musique, sans queue ni tête, pour le plaisir de jouer, de s’amuser, de faire rire et d’emporter les cœurs hors de leur morosité habituelle.

 

17/07/2012

Multitude

 

Tous semblables, comme des oiseaux de mer
Tournant au-dessus des bancs de poissons
Et plongeant dans l’eau lourde du souvenir
Pour se différencier, après coup

La multitude est une, invariable
Egale à un, mais composée de mille
Mille regards aux yeux bridés
Mille bouches affamées et ouvertes
Deux mille mains levées et vengeresses
Et un hurlement de désir, de haine
Ou encore de passion et de folie
La multitude s’avance, nue, fantomatique
Couvre la rue de son autorité
Hurle ses slogans vers le ciel chargé
Et renvoie les nuages vers d’autres cieux

Comme un animal blessé, elle respire fort
Centrée sur son pouvoir délétère
Sûre d’elle-même, ignorant le doute
Renvoyant en écho ses cris dans les rues
Entrant dans les consciences, peu à peu
Jusqu’au jour où rien ne résiste
A ses assauts meurtriers. Elle est.
Il n’y a plus de personnes, plus même
De femmes ou d’hommes ou d’enfants
Plus qu’un seul être, vivace
Tremblant de désirs, de volonté nuisible
Sombrant dans la folie d’un jour
D’une heure même, faisant tomber
Des minutes de civilisation individuelle
La caresse de l’existence unique
Développant sa propre illusion
Au-delà de la connaissance collective

Tous, nous sommes un, et pourtant
Différents, reconnus pour un être à part
Revenus des enchantements collectivistes
Et des embrassades uniformes
Chacun revêt le vêtement de son choix
Qui, la chemise rouge du gaucho
Qui, le pantalon noir des mineurs
Qui, l’obscure voile d’une mariée d’un jour
Mais derrière cette glace limpide
Et douce des apparences insolites
Se cachent la singularité de l’unique
La tendresse d’une différence vécue
La conjugaison numérique des nombres premiers
L’ineffable éclat de l’œuvre resplendissante
Miroir d’une sagesse découverte
Au long de nuits d’insomnie
Jusqu’à la transparence du sommeil
Où la multitude se retrouve
Noire, oppressante, vautour
Volant bas, plongeant sur chacun
Pour le contraindre à lever la tête
Et affirmer haut et fort
Ce qu’il ne veut pas entendre

Ah, l’ombre multitudaire
Réveillée une fois encore
Frappe un grand coup
Sur le front des vaincus
Eblouis, ils marchent vers leur destin
Oubliant leur liberté
Ne voyant que l’égalité
Homogènes, rasés de près,
Au canif de l’assujettissement
A l’uniformité sans saveur

Et celui qui respire un autre parfum
Est bon pour le rejet au loin
D’une sécurité enfantine
Dans laquelle se complaît
Cette multitude qui n’est qu’une
Mille visages, mille voix
Qui ne veulent qu’une chose
Courir vers le précipice
Aveugle et noir de l’obscurantisme

Le cri de celui qui saute dans le vide
Devient les hurlements sauvages
De ces oiseaux de mer
Plongeant inlassablement
Sur le ban muet des vagabonds
Qui glissent entre les eaux

 

16/07/2012

Perspectives inversés

Et si l'on croisait les perspectives? Cela trompe l'oeil sans froisser l'entendement. Il faut y regarder à deux fois pour apercevoir l'erreur. Pourquoi? Probablement en raison de l'ordonnancement des formes qui semblent figées dans un solide équilibre, reposant dans le fond de notre raisonnement simpliste : c'est équilibré, donc c'est vrai !

C'est ainsi que l'on trompe en communication. Les chiffres bien alignés sur des tableaux semblent tout dire à qui ne veut pas entendre. Et il accepte parce que c'est plus simple de croire à la rationalité. Mais si elle n'existe pas ?

(dessiné le 1er juillet 2012)

 

 

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