17/07/2011
Ivan Ivanovitch Kossiakoff, nouvelle de Jean Giono
C’est l’histoire d’une amitié de signes et d’entendement dans la même idée de l’homme et de la nature. Elle est au-delà de l’amitié des camarades de combat, bien qu’elle ait lieu en pleine guerre.
En 1917, Giono reçoit l’ordre de se rendre au fort de la Pompelle où il fait connaissance avec Ivan Ivanovitch kossiakoff, l'un des deux soldats russes dont il partage la chambrée dans une casemate du fort, et qui l'accompagne au poste de signalisation, où , à l'aide d'une lanterne, il communique en morse avec les batteries d'artillerie qui ont pris position de l'autre côté du canal.
De temps à autre, Giono sort de sa casemate : Calme plat. Un cycliste, machine en main, passe sans se presser sur la piste du canal. Le petit vent aux dents aiguës danse dans les maigres herbes jaunes. Une phrase de Spinoza me hante : « L'amour c'est l'accroissement de nous-mêmes » [...].
Bien que ne se comprenant pas, Giono et kossiakoff réussissent à se parler par signes. Ils sortent de leurs portefeuilles les photographies de leurs familles. Et progressivement, d’abord une camaraderie, puis une amitié réelle naît entre les deux hommes, si bien que Giono demande à ne pas être relevé comme cela était prévu. Et l'amitié, chaque jour, me lie plus étroitement à Kossiakoff [...] Nous allons sur le canal pêcher la carpe à la grenade ; à la coopé du moulin nous achetons des confitures, des provisions et nous les mangeons en route avec notre main comme cuiller. Je fume du tabac russe, des cigarettes comme le doigt, roulées dans du papier buvard. Kossiakoff m'a procuré une blouse pareille à la sienne ; il m'appelle Ivan et il tire sur ma pipe sans grande conviction [...]
Puis, un jour, un ordre arrive qui enjoint Giono de retourner à sa compagnie. Il dit rapidement adieu à Kossiakoff qui l'accompagne jusqu'au canal, et ils se quittent pour toujours : Kossiakoff me saisit aux épaules, m'embrasse légèrement sur la bouche, puis à grandes enjambées, sans un regard en arrière, il contourne le dépôt des obus et disparaît. Abasourdi, seul, vide, j'essaye d'appeler Kossiakoff et le nom s'embourbe dans la gorge [...] Ivan Ivanovitch Kossiakoff a été fusillé au camp de Châlons en juillet 1917.
Ecoutons aussi ce morceau de jazz assez extraordinaire et émouvant, intitulé du nom du héros de la nouvelle. Est-ce une musique écrite pour le film, est-ce en mémoire de la nouvelle de Giono ? Je ne sais, mais comme elle est belle et comme sont brillants et inventifs ces musiciens.
Michel Portal et Richard Galliano jouent Ivan Ivanovitch Kossiakoff, de Michel Portal :
http://www.youtube.com/watch?v=xF0adG2PPv8
C’est un chant de liberté pure, peut-être une ode à l’amitié, comme la nouvelle de Giono. Il commence par une sorte de plainte, puis très vite devient un hymne à l’entente, grâce à un passage assez classique au regard de l’ensemble. Il utilise ensuite une mélopée très balancée, faite d’envolées de notes montantes et descendantes dans un rythme propre, au gré des émotions.
Puis commence le duo avec l’accordéon, qui change dans un premier temps le style de la musique, la rendant argentine par moments, mais toujours très personnelle, faite de rires musicaux, de cris de la clarinette, de sourires de l’accordéon et de pleurs des deux instruments pour finir dans une envolée romantico-argentine.
07:03 Publié dans 41. Impressions littéraires, 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
16/07/2011
Lever de soleil derrière la montagne
Derrière la montagne, se cache l’avenir, incertain, trouble certes, mais lumineux, attirant comme les bras d’une femme.
Le reflet laiteux dans l’ombre de la montagne n’est qu’un pâle souvenir du passé qui s’estompe devant un avenir inconnu, mais combien captivant.
Cette toile à l’huile n’emploie qu’une seule couleur, ocre brun très foncé ou ocre rouge jaune très clair, les deux plus ou moins blanchis. L’ocre est en Afrique la couleur de l’initiation. C’est une des plus beaux pigments naturels encore utilisés de nos jours. Elle est inaltérable, ce qui explique la conservation des peintures pariétales. Sa chaleur envoûte, sa couleur charme le regard, sa profondeur entraîne à la rêverie.
06:44 Publié dans 23. Créations peintures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, rêve, montagne | Imprimer
15/07/2011
Abandonne tout désir
Abandonne tout désir.
Que rien ne vienne empêcher
Ton appréhension de la vie.
Que la nuit soit le jour
Et qu’inversement,
Les jours restent vierges.
Alors, du fond de ton être,
Surgissant de nulle part,
Un feu brûlant te prendra
Et te conduira plus loin,
Là où rien de sensible
Ne peux t’atteindre.
Dans ce halo de lumière,
Emprisonné d’indifférence,
Tu règneras en roi,
Tu officieras en prêtre,
Tu parleras en prophète.
Et parce que tu sauras
Conserver ton innocence
Sans te laisser griser
Par ce vide immense,
Déroutant et fragile,
Tu deviendras ce que tu n’es pas,
Tu te découvriras autre.
Et libéré de toute contingence,
Tu ouvriras ton corps,
Ton cœur, ton intelligence,
Ton esprit enfin, à la beauté
De l’absence de personnage,
A la nudité absolue,
A l’étrange pâleur
De ta renaissance.
04:17 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
14/07/2011
Jardin d’agronomie tropicale (bois de Vincennes)
Un parfait abandon.
Les simples bruits de la nature qui se superposent à ceux de la ville, en fond sonore indescriptible. Et là, dans une forêt qui reprend ses droits, surgissent des images coloniales : treillages aux dessins géométriques et compliqués, murs ajourés de briques en quinconce, portes de bois ouvrant sur des ruines, ruisseau boueux et, un peu partout, des bambous, les uns petits et verts tendres, les autres en sous-bois de pousses et d’adultes bleus-verts, colonisant certaines étendues d’eau, à profusion.
Beaucoup de pins également comme un jardin du midi ayant échoué en plein Paris, avec un ciel bleu, sans nuage, recouvrant ce coin d’Indochine perdu en terre française. Rien, pas un passant, pas une ombre parmi ces monuments qui sont tous, ou presque, des monuments dédiés aux Indochinois morts pour la France. Tout est plus ou moins à l’abandon, comme ce passé colonial dont on n’ose plus parler.
Et plus on reste dans ce décor passé, plus une incroyable mélancolie s’empare de vous. En effet, il y règne un parfait abandon, volontaire, nous dit la Mairie de Paris. Seules les allées de gravier sont encore entretenues. Autour la forêt prolifère, en désordre, lianes envahissant les pins et certains bâtiments, pousses d’acacia piquantes, lierres s’emparant des sculptures, boue s’entassant dans un ruisseau malodorant. Atmosphère de mélancolie coloniale, comme un film de Marguerite Duras, les personnages en moins.
On s’attend à voir surgir de ce décor passé un vietnamien au chapeau de paille pointu, courbé sur l’eau d’une rizière. Il ouvrirait la porte de bois et ferait signe d’entrer dans sa cabane en ruine. Sans parler, nous échangerions quelques amabilités gestuelles avant de nous quitter en joignant les mains et en s’inclinant devant l’autre.
Ce jardin a une histoire. Créé en 1899 pour accroître les productions agricoles des colonies, il fournissait en graines et boutures les exploitations des colonies et recherchait une acclimatation de ces plantes à notre climat. En 1907, une exposition coloniale reconstitue cinq villages habités : indochinois, malgaches, congolais, soudanais et touareg. Tout ceci est resté longtemps à l’abandon. En 2002, la ville de Paris envisage des travaux de restauration qui ont commencé avec le pavillon Indochine.
Mais le sortilège de ce jardin est bien son abandon voulu, revendiqué, fait de menues détresses, de démission de l’homme civilisé, pour ne laisser apparaître que le fait historique brut : bâtiments en ruine, délaissés, plantations de bambous proliférant et statues perdant des morceaux de pierre ou de ciment pour leur donner l’air pathétique et désuètes.
07:27 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paris, art, colonies | Imprimer
13/07/2011
Perception affective du matin
La perception affective, c’est-à-dire cette faculté, à la vue d’un objet, de ressentir une certaine émotion qui, en quelques instants de communion avec celui-ci, suffit à nous donner de la joie pour une journée, n’est pas une valeur constante et varie en fonction d’un certain nombre de facteurs dont l’humeur, l’espace, le temps et, en particulier, ce temps qui se renouvelle périodiquement, celui d’une journée.
Au matin, à cette heure où le jour est suffisamment levé pour avoir la possibilité de percevoir chaque détail d’un objet, mais où le soleil n’est pas encore assez haut pour lui donner un volume de lumière, et que l’esprit, libéré pendant le sommeil de l’affectivité accumulée dans la journée précédente, est prêt à recevoir et à emmagasiner un nouveau courant de sensations, nous percevons avec une émotion plus intense, plus aiguisée par la liberté de l’esprit, la beauté d’un paysage jusqu’alors peu remarqué, le charme d’un bibelot sans importance, le tendre attachement à un objet usuel. A l’état de l’air, plus léger et plus libre, donnant aux formes une netteté accrue, correspond un état d’esprit semblable qui permet une perception intense dans l’émotion purifiée au maximum puisqu’elle est dégagée de tous les facteurs affectifs accumulées pendant la journée.
Quelques minutes plus tard, déjà l’esprit se remet en marche et fait remonter des fonds vers la surface les bulles de soucis, de préoccupations et de souvenirs qui, lui redonnant sa fonction normale, c’est-à-dire un filtre qui permet de passer de la perception sensorielle directe à la perception intellectuelle, y ajoutant justement le courant qu’il a accumulé, lui retire cette faculté précaire, mais facilement éducable, de percevoir l’objet dans l’émotion directe de son contact. Et pendant la journée, au hasard des circonstances, des rencontres, d’autres bulles feront surface, créant une certaine tension entre les deux pôles du cerveau, celui de la sensation pure et celui de la sensation intellectualisée, jusqu’à perdre les références de la première impulsion des sens.
06:36 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
12/07/2011
L’île nue, film de Kaneto Shindo (1960)
Voir la présentation du film :
http://www.dailymotion.com/video/x7fvo9_l-ile-nue-kaneto-...
Voir des extraits du film
L’île nue 1 :
http://www.dailymotion.com/video/x9e067_l-ile-nue-1_music
L’île nue 2 :
http://www.dailymotion.com/video/x9e8py_l-ile-nue-2_music
L’île nue 3 :
http://www.dailymotion.com/video/x9e9pe_l-ile-nue-3_music
L’île nue 4 :
http://www.dailymotion.com/video/x9ej0z_l-ile-nue-4_music
L’île nue 5 :
http://www.dailymotion.com/video/x9ek3h_l-ile-nue-5-fin_m...
Synopsis (From Wikipedia) :
Au Japon, sur une minuscule île de l'archipel de Setonaikai, un couple vit avec ses deux jeunes enfants. La terre est aride et l'île ne possède pas de ressource en eau douce. Pour cultiver cette terre ingrate et survivre, le couple est donc obligé de faire de continuels voyages en barque entre la terre ferme et l'île : ramener l'eau précieuse et en arroser avec attention et parcimonie chacun des plants cultivés. Ces gestes, renouvelés sans cesse, rythment le quotidien. Les jours passent, puis les saisons. Un jour, alors que les parents sont partis chercher l'eau, un des enfants tombe malade, sans raison. Il meurt rapidement sans que personne n'ait pu faire quoi que ce soit pour le sauver. Ses camarades de classe arrivent en bateau pour lui rendre un dernier hommage, puis repartent. Malgré un bref moment de révolte de la mère contre cette vie, le rituel reprend.
Un film majestueux :
Histoire simple, banale, pourrait-on dire. Mais quelle beauté dévoile ce film qui, pourtant, répète inlassablement les mêmes images, les mêmes gestes et la même mélodie, sans qu'une seule parole soit prononcée. C’est un véritable poème qui donne une nouvelle version du mythe de Sisyphe, dénudée comme l’île, presque froide dans son réalisme, mais si prenante dans la contemplation d’une nature aride et de la famille qui vit là, rudement, d’un travail incessant sur une terre ingrate. Il met en lumière, sans jamais le dire, l’impuissance de l’homme face à la nature, la souffrance humaine, le temps et finalement la mort.
"L'Île nue", sortie en 1960, est l'une des œuvres les plus remarquables du réalisateur japonais Kaneto Shindo. La musique lancinante de Hikaru Hayashi, de part sa modalité occidentale, peut choquer au début, mais très vite elle prend le spectateur qui l’associe ensuite aux successions d’images sobres, mais combien belles. Musique et images permettent de donner au film une ambiance que des paroles et des explications n’auraient pu expliciter.
Un film à voir, à revoir, comme on relie un roman de Marcel Proust, pour le savourer, même si l’on en connaît toutes les péripéties.
05:17 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, nature, poésie | Imprimer
11/07/2011
Prière d’abandon du Père Charles de Foucault
Qui ne connaît cette prière de Charles de Foucault, prière d’abandon et de confiance envers le Père, dont voici le manuscrit :
La mise en musique doit être méditative et permettre d’en mesurerchaque phrase. Un refrain simple, l’abandon au Père, ramène en permanence à l’essentiel.
Ce refrain peut être chanté par toute la chorale, la psalmodie par un petit choeur de quatre ou huit voix.
06:52 Publié dans 53. Créations musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mausique, chant, liturgie | Imprimer