27/02/2011
Le carnaval d’Aix, fantaisie pour piano & orchestre, op. 83b (1926), de Darius Milhaud (1892-1974)
Il faut avoir écouté « Le carnaval d’Aix », de Darius Milhaud, compositeur prolifique, lyrique méditerranéen, d’inspiration provençale et juive.
Ecouter : http://www.youtube.com/watch?v=DoCpNXaDRNk
Mélodiste-né, Milhaud excelle à inventer des thèmes d'une courbe franche et saine, d'une structure essentiellement tonale et même diatonique, se prêtant admirablement à l'élaboration polyphonique, le plus souvent polytonale. Mais la polytonalité de Milhaud est également d'ordre purement harmonique (d'où son fameux "contrepoint d'accords"), le musicien y trouvant « plus de violence dans la force et plus de subtilité dans la douceur ». Le langage rythmique est simple, la périodisation presque aussi symétrique que chez les classiques ; l'orchestration, franche de couleur jusqu'à la crudité, recherche les timbres purs et ne devient parfois opaque que par la densité extrême de la matière polyphonique.
Cet art lumineux, aux antipodes du chromatisme germanique (l'aversion de Milhaud pour Wagner et Brahms est légendaire !), se situe tout naturellement dans la grande tradition française de Couperin, de Rameau, de Berlioz, de Bizet et de Chabrier, dont se réclame le compositeur : c'est l'une des manifestations les plus considérables de la musique non sérielle de notre époque. L'œuvre de Milhaud exprime une profonde sérénité, une paix intérieure, d'autant plus admirables qu'elles émanent d'un être physiquement torturé. Excellent dans la traduction de l'allégresse, de la tendresse intime et de la poésie pastorale, elle garde, lors même qu'elle se hausse à une horreur tragique digne de l'Antiquité grecque, une sorte de noblesse olympienne opposée à tout expressionnisme subjectif ou trop engagé.
Article de l'encyclopédie Larousse :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Milhaud/13...
C’est une pièce extrêmement colorée, c’est-à-dire très riche en sons, en accords, en changements de rythme. Toute l’ambiance du carnaval y est retracée, depuis la scène du petit enfant qui s’émerveille en mangeant quelques sucres d’orge, jusqu’aux fanfares éclatantes de la marche du défilée. On y trouve de petits airs endiablés et charmants comme les danse d’enfants, de magnifiques mélodies, des danses, tout cela parmi une cascade de sons qui rend bien l’atmosphère d’un jour de fête. Quelle gaité, quelle merveilleuse joie accorde cette musique, très riche en cuivres, dans laquelle le piano décrit des scènes de carnaval et les violons évoquent les danses langoureuses et les flonflons du bal.
L’ouverture est une marche, l’entrée en scène du défilée, avec sa fanfare, mais également les bruits de la foule, le défilé des chars fleuris, les applaudissements, les cris des enfants. Bref, la cacophonie d’un jour de fête, mais solennelle.
Suit une sorte de danse endiablée, mais harmonieuse, faisant penser à des lutins dansant dans la nuit sous la lumière des lampions, puis courant de ci delà en se dispersant dans la foule.
C’est ensuite un intermède délicat, romantique pourrait-on dire, comme une rencontre d’amoureux derrière la foule, à l’ombre des réverbères. Et dans la musique de leur bulle intérieur, ils se rêvent plus tard, plus près, jusqu’au silence.
Gerbe d’étincelles, c’est l’arrivée d’un char de fleurs, bariolé, devant lequel se tiennent les gamins, la bouche ouverte, tendant la main pour mieux appréhender ce flash de couleurs. Au sommet, se tient une princesse qui avance lentement, sous les regards ébahis des enfants et qui leur fait un signe de la main, doucement, presqu’amoureusement.
S’ensuit une danse annoncée par le piano qui en égraine le thème, décousue, mais autour d’une magnifique mélodie de simplicité et de vivacité. C’est une sorte de danse turque, arythmique, reprise par l’orchestre dans un tintamarre de notes discordantes. Elle est suivie d’un repos de l’âme au cœur de la nuit qui ne dure que quelques instants avant de céder la place à un final déchaîné marquant la fin du défilé.
06:48 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, darius milhaud, carnaval | Imprimer
26/02/2011
Jaillissement
En un instant magique, notre vision du monde évolue. Plus rien ne sera comme avant. Apparaît sous son vrai jour ce qu'auparavant je voyais avec les yeux du passé. C'est un jaillissement immédiat, brutal de la vérité, comme un pincement de la mémoire jusqu'à l'apparition d'une nouvelle réalité. L'arrière fond reste en place, mais il se disloque par l'accélération des transformations qui s'imposent. Alors la vanité du passé s'effondre devant la vérité du présent.
07:07 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, peinture, art cinétique, aspiration, révélation | Imprimer
25/02/2011
Rien… Le silence de l’attente
Rien… Le silence de l’attente
Dépouillé d’une vie antérieure
J’attends ta venue
Je connaissais le rire
Je savais des mots et des gestes
Parfois aussi la tristesse d’un jour sale
Je n’avais pas d’attaches
J’allais, enivré d’air
Un jour, sous le feu d’une étoile
Tu m’as regardé
Je t’ai aimée cette nuit
Pour une flamme dans tes yeux
Maintenant, j’ai oublié le vocabulaire
De ces mots qui me grisaient
Je suis le pantin désarticulé
Dont les gestes se confondent
Et mon rire résonne, étrangement faux
J’attends, les mains tendues
Comme un noyé vers les rives
Je ne sais plus qu’un mot
L’attente
05:33 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, attente, littérature | Imprimer
24/02/2011
Encre de Chine
Au Japon, le lieu de fabrication traditionnelle des encres de Chine est à Nara, une cité très emprunte de culture bouddhique et de traditions shinto. Sa fabrication est secrète. Son utilisation multiple : plume, pinceau, rotring ; pure, dilué en lavis, utilisée avec différentes couleurs (gris, voire encre de Chine blanche). Elle permet tout style de dessin: technique, figuratif, abstrait. Elle se mélange avec d'autres techniques de peinture: le crayon bien sûr, mais aussi les feutres de couleur, l'aquarelle, etc.
L'encre de Chine a la beauté de la simplicité. Noir sur blanc tout d'abord, elle permet la précision et la netteté. Elle a également la beauté de l'instantané : tracer avec un grand pinceau une calligraphie impose une sûreté du trait qui demande de nombreuses années de pratique. Bref, l'encre de Chine est une discipline envoûtante parce qu'elle a la magie de l'éphémère.
08:00 Publié dans 24. Créations dessins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, encre de chine, peinture, abstrait | Imprimer
23/02/2011
Que dire devant la page vide
Que dire devant la page vide
D’une nuit verte, au coin d’un réverbère ?
Premiers mots qui passent comme un vol de cormorans.
Mais qu’y a-t-il derrière ? Un vent de fronde
Chassé par la profusion du langage.
Silence des sentiments.
Un vide dans le noir de l’esprit,
Image de la floraison du cœur.
Dans la tiédeur de l’obscurité monte en moi
Le chant heurté, puissant et magique,
Des sirènes mouvantes et volubiles.
Au loin le son aigu d’une voiture
Qui flotte au gré du vent sur la route de l’Espagne.
Pas un passant ne vient à mon secours,
Ne m’apporte le mot qui permettra la suite
De cette histoire sans fin, ni commencement.
Dorment les passants du jour,
Eveillés les fantômes de la nuit
Qui montent une garde acide
Aux tréfonds des portes cochères
Et rient de me voir, assis
Dans mes pensées sordides,
Faute de pouvoir dormir
Et laisser aller mon esprit
Dans la fraicheur du rêve.
Oui, la nuit s’enfonce en moi
Creusant un large trou
Que je remplis de verbes
Comme on enfile les huitres
Sur le fil à couper le beurre.
Elle ne cessera pas
Avant l’aube qui ne vient pas
De me dire « étends-toi ! ».
03:01 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
22/02/2011
Indignation
Ayant exclu de ce blog toute réflexion d’ordre politique ou stratégique, je ne peux cependant m’empêcher de clamer mon indignation devant l’inertie de la France et de l’Union européenne sur ce qui se passe dans le monde arabe.
Je suis scandalisé par l’attitude de nos politiques vis-à-vis de ce qui se passe actuellement dans le monde arabe : en partie ou peut-être la fin de l’exception arabe des régimes totalitaires qui durent depuis plus quarante ans. Que font l’Union européenne et la France ? Elles regardent du bout des yeux, sans s’exprimer, ce changement stratégique et compte les points entre le désir de démocratie et la répression totalitaire. Jusqu’à présent, elles s’étaient accommodées de l’état de fait totalitaire et n’osait même espérer un changement qui leur faisait peur, pensant d’abord au pétrole, puis à la seule opposition constituée, l’islamisme intégriste.
Cela aurait cependant été une belle occasion de redorer le blason de l’Europe et de la France auprès de ces pays. Certes, il ne s’agit pas d’intervenir à la manière forte habituelle de nos démocraties qui veulent donner les leçons au monde, à l’exemple du nouvel ambassadeur français en Tunisie. Entre un interventionnisme déplacé et un attentisme irresponsable, il y a la place d’une aide intelligente, non dirigiste, non orientée politiquement pour tel ou tel parti. L’Union européenne, ou la France, si l’Union ne souhaite pas le faire, pourrait proposer de mettre à disposition de la Tunisie et de l’Egypte, une cellule conseil d’aide à la construction de l’avenir. Une sorte de cellule de crise, dont le rôle serait, sans s’impliquer dans la vision d’un parti ou d’un autre, de proposer, de travailler avec les élites du pays à leur vision d’avenir et de les aider à la mettre en place. Cette cellule serait composée de personnalités indiscutables sur le plan politique, économique, sociétal, environnemental. Au total, une dizaine de personnes connues pour leur compétence et leur sagesse, qui, avec les personnalités du pays, non en charge d’un parti, ferait un bilan de l’état du pays et proposerait des solutions aux principaux problèmes, ceux tout d’abord urgents (la hausse des prix, le chômage, un régime politique correspondant à l’aspiration de la majorité, la récupération des richesses accumulées par les anciens dirigeants), puis ceux plus structurants car remettant en cause les habitudes séculaires du pays (la société, du point de vue social, sociétal et économique, une certaine attention à l’environnement, une justice équitable, une égalité de traitement entre les citoyens, hommes et femmes, pauvres et riches, et bien d’autres choses encore).
La difficulté reste cependant la nécessité de prendre en compte la culture propre des pays, en parallèle avec le désir propre de changement du peuple. C’est pourquoi il ne s’agit que d’aides conceptuelles, voire parfois financières (mais il faut avoir réfléchi avant d’ouvrir son porte-monnaie et notre porte-monnaie est très restreint en raison de dépenses somptuaires que lancent nos politique nationaux, régionaux et locaux). Une telle aide ne serait pas coûteuse pour la France et lui permettrait de redorer son blason sans toutefois blesser la fierté des peuples de ces pays qui ont eu le courage de faire leur soulèvement au prix d’incertitudes et d’immenses sacrifices.
De grandes personnalités françaises et européennes pourraient accepter de faire parti de ces cellules : par exemple, Edgar Morin et sa politique de civilisation, Jacques Attali (qui ne s’est pas trompé sur cette nécessité dans son blog avec la proposition du 6 février « Aider la Tunisie », mais qui l’a malheureusement limitée à l’aide financière), deux juristes (constitutionnel et droit de l’homme), un spécialiste de la communication de crise et bien d’autres personnes qui sont des spécialistes reconnus dans leur domaine, mais non impliqués dans une vie politique. Enfin, deux généralistes des cellules de crise les aideraient à organiser le travail avec les personnalités du pays.
Certes, il ne sera pas facile de mettre en œuvre cette aide : difficulté à prendre contact, difficulté du choix des interlocuteurs, difficulté à travailler dans la sérénité alors que l’agitation se poursuit et bien d’autres obstacles encore. Mais ces personnalités, affichant la seule volonté d’assistance, en laissant les décisions à celles du pays, permettraient de mettre en évidence la possibilité d’une aide entre les démocraties occidentales et ces pays qui cherchent leur voie.
05:04 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, soulèvement, monde arabe, indignation | Imprimer
21/02/2011
Dimanche, la Seine
Dimanche. Je passe le long des quais, la Seine égraine sa lente procession vers le vide des mers, passage d’une vie à la dissolution de l’éternité.
Combien de passants comme moi noient leurs pensées dans ce lent cheminement des eaux, appuyés au dessus du parapet, le regard fixe. Hypnose de l’écoulement, on pourrait ne jamais se lasser de ces reflets mouvants d’une étonnante lenteur, valse des miroirs du néant.
La même hypnose que le feu, plus subtile peut-être, parce que plus lente. Le feu possède une magie plus diabolique et plus réelle, car sa contemplation est souvent accompagnée d’un repos du corps auprès d’une cheminée, dans une chaleur bienfaisante, un engourdissement sensible du corps et de l’esprit.
Je pensais alors aux trois éléments anciens, le feu, l’eau et l’air comme matériaux de construction du monde d’après Empédocle (auxquels il ajoute la terre). Les alchimistes prétendent qu’ils émettent des radiations imperceptibles qui sont au centre des forces du monde. Dans l'univers, qu’il voit comme une sphère, tout procède ainsi de l’assemblage et de la désagrégation de ces éléments mus par l'action de deux principes : l'amour et la haine. Alors que l'amour est la force qui réunit et combine ces quatre principes, la haine engendre quant à elle leur séparation. Tantôt l'amour réunit tout en un et tantôt la haine divise tout en deux, écrit Empédocle.
En dehors du feu et de l’eau, nous sommes, parfois, sensibles à l’hypnose de l’air : un jour d’été, le soleil éclate et l’air vibre de tremblements quasi imperceptibles, mais sensibles. Là aussi, un lent engourdissement nous saisit et nous envoûte.
Oui, quand l’été sera là…
06:49 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : impression, les quatre éléments, hypnose, mélancolie | Imprimer