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19/04/2020

La déité

Il y a deux façons de se représenter la déité.

Dieu est un point pour celui qui le voit extérieur à lui parce qu’il ne l’a pas découvert. En fait, ce point c’est soi-même que l’on ne peut trouver parce qu’on ne le cherche pas vraiment.

Le point trouvé, on débouche sur l’infini. Mais dans cet infini, Dieu reste encore un point, bien qu’il soit tous les points de l’infini. Insaisissable, il est partout, mais est aussi autre et ailleurs.

 

18/04/2020

Distanciation

Il est deux heures. Je prends un café dans la cuisine après m’être levé dans le noir, avoir enfilé ma robe de chambre et être descendu par le petit escalier menant au rez de chaussée. Comme d’habitude, tout ceci se fait sans une véritable conscience de ce que je fais. Mes gestes sont machinaux, je ne pense à rien réellement, je cuits dans mon bouillon de pensée, sans savoir réellement ce que je fais. Mes gestes ne sont pas réellement vécu et soupesés, je me laisse aller dans la pesanteur de la nuit.

Et, brusquement, je me regarde faire, je contemple ce petit vieux qui semble radoter, qui se laisse aller dans ses attitudes mécaniques et ne voit pas son ridicule. Oui, je ne prends pas de distance entre moi et ce que je fais, la vie que je mène. Je ne vois pas mon esclavage et je vis dans l’habitude sans conscience des secondes qui passent, des minutes qui s’écoulent, des heures qui s’enchaînent, des jours accumulés dans un sommeil indécent, des mois sans distanciation par rapport à cette vie vécue, des années perdues par manque de concentration sur le don de la vie qui nous est donné.

Pourtant l’existence n’a pas d’âge, elle est tout simplement, immuable et grandiose, à condition d’y prendre garde, de ne pas s’endormir dans le brouillard du temps et de l’espace. Je vois maintenant le fond de l’existence comme un tableau qui défile, immobile, figé, dressé entre moi et la réalité. Je contemple la maison, la cuisine, les objets usuels qui m’appartiennent. Je vis au milieu d’eux, comme un autre objet, confondu avec eux, comme un décor de théâtre. Je ne suis qu’un élément du décor, sans dimension, sans aucune distanciation entre lui et moi. Tout s’écoule automatiquement, je ne suis qu’un objet parmi d’autres, qui remue un peu plus, mais la plupart du temps sans savoir ce qu’il fait, ce qu’il veut réellement, sans conscience de cette distance y intégrer entre son existence et son environnement.

Alors j’ouvre le dictionnaire et cherche le mot : distanciation, fait de créer une distance entre soi et la réalité. Il y a donc bien une réalité, bien réelle, qui est notre environnement, c’est-à-dire le monde qui nous entoure, que l’on observe et connaît par nos sens, et ce soi qui serait nous-même et que j’appelle moi. Je remarque aussitôt qu’il s’agit du « fait, pour un auteur, un metteur en scène, un acteur, de créer une certain distance entre le spectacle et le spectateur, afin de développer l’esprit critique de celui-ci, par le choix du sujet, par certaines techniques de mise en scène, par le jeu des acteurs[1] ». Mais ce n’est pas qu’un artifice de théâtre développé par  Brecht pour désigner l'effet par lequel l'acteur se dissocie de son personnage . D’une manière générale, il s’agit du « recul pris vis-à-vis de ce qu’on dit, de ce qu’on fait, de ce qu’on montre ». Ainsi il y aurait mon personnage, celui que je regarde faire et moi, autre, prenant une distance par rapport à lui-même, s’observant agir et même penser d’une manière différente de ce qu’il fait habituellement. Je me regarde jouer ma vie sans y être impliqué pleinement, avec une distance entre ce moi qui me colle à la peau et un soi autre qui me fait vivre en relief, avec une troisième dimension qui ne lui est pas habituelle.

Mais je me demande aussitôt qui est vrai entre ces deux personnes, celui se fond dans le paysage ou celui qui se regarde vivre sans y mêler sensations, sentiments et raison. Cela suppose donc qu’il existe quelque chose d’autre en nous qui peut agir différemment et auquel on ne prend généralement pas garde. Celui-ci existe également. Mais qu’est-il ? Sans réponse immédiate à la question, je prends au jeu de la distanciation. Je voie le plan en deux dimensions dans lequel je vis, je me vois me voyant, comme la lentille d’une lunette qui réfléchit cette destinée et compare l’image à la réalité. Mais quel est le plus réel ?

Nous en reparlerons, bien que je n’aie pour l’instant pas de solution claire à ce défi : le moi ou le soi ?

 

[1] CNRTL, https://cnrtl.fr/definition/distanciation//0

17/04/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (10)

La cuisine était une vraie cuisine, suffisamment grande pour cuisiner à plusieurs comme ils aimaient le faire le dimanche soir lorsqu’il n’y avait rien à faire que de préparer de bons petits plats. Ils s’engouffrèrent dans le couloir partant du salon qui donnait sur quatre portes vis-à-vis. Celle de gauche s’ouvrit sur une chambre spacieuse, vraisemblablement réservée aux parents. Elle possédait un lit double revêtu d’un dessus de lit en coton avec des motifs à fleurs. La cheminée était de petite taille, mais pratique. Une grande armoire de bois foncé munie d’une clé se tenait près de la porte. En face, à côté de la fenêtre, il y avait une petite table avec une chaise, permettant de travailler. Une lampe à huile, dorée, avec son demi-globe plein de liquide, la surmontait. Mais les enfants étaient déjà partis vers les trois autres portes. En face de la porte des parents s’ouvraient une chambre aussi grande, avec deux lits, puis une autre chambre plus petite, où se tenaient un lit, une table de nuit et une chaise. La dernière porte, dans le prolongement de la chambre des parents, donnait sur une salle de bain qui comportait un meuble de toilette avec un broc et une bassine en faïence à décor imprimé et, dans un coin, une baignoire vétuste en zinc. Toutes les chambres, ainsi que le couloir, étaient revêtus de papier peint à fleurs de couleurs différentes.

Le cœur d’Emma était quelque peu serré. La maison manquait de personnalité. En réalité, elle regrettait l’ancienne garnison, ses amies, l’école des enfants. Ici, ce n’était qu’un village, avec peu d’habitants et des gens simples. Où trouverait-elle de quoi s’occuper ? De plus, ce village se trouvait près de la frontière convoitée par les Chiliens. Bien que le capitaine n’en ait pas parlé, elle sentait une certaine tension en lui. Il restait calme, semblable à lui-même, mais néanmoins au ton de sa voix, elle comprenait l’inquiétude qui l’avait pris dès l’instant où il avait su qu’il était affecté à San Pedro. Elle ne s’était cependant pas inquiétée, sachant sa rigueur et la sûreté de son jugement. S’il est venu, c’est qu’il pouvait venir avec eux, sans problème.

– Je suis invité au mess ce soir, comme à chaque entrée en garnison. Je rentrerai probablement tard, alors couchez-vous et ne m’attendez pas. Il prit son arme de service, l’ajusta dans son étui, mit son chapeau et sortit.

 

16/04/2020

Maxime

 

Le rôle de la raison n'est pas de contraindre l'amour, mais de l'aider à s'épanouir.

 

15/04/2020

Remparts d’argile, film de Jean-Louis bertucelli

Des remparts d’argile, tels sont en effet les seules défenses du village de Tchouda en Algérie, où lescinéma,maghreb,rapport femme-homme hommes n’ont, pour se défendre contre l’oppression de la ville que la grève sur le tas et l’attente. L’attente est probablement le thème du film : attente au sens musulman du terme, c’est-à-dire soumission aux évènements ou opposition passive, soumission à la vie quotidienne, dure et austère, opposition passive à l’oppression et au destin. Cependant le visage nouveau de ces pays apparaît avec la révolte de Leila qui quitte son village et refuse l’esclavage traditionnel de la femme.

C’est un vieux film, sobre, très poétique dans son expression silencieuse et les images du pays sont saisissantes de beauté.

14/04/2020

L'intention

Ce qui compte n’est pas ce que l’on fait,
mais avec quelle intention on le fait.
Essaye-toi à tous les métiers,
Fouille toutes tes possibilités d’action,
Mais avant tout contente-toi simplement d’agir
Sans jamais t’enorgueillir de ce que tu fais.
Sois détaché, dédouble-toi,
Regarde ton moi agir, mais reste dans le soi.

©  Loup Francart

13/04/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (9)

Quelques applaudissements saluèrent ce discours, puis tous de mirent à parler de leurs impressions de ce premier contact. Les hommes admirèrent la résolution du capitaine. Les femmes s’extasiaient sur la famille et, en particulier sur Emma qui paraissait sereine. Certains enfants avançaient déjà vers les trois sœurs, tendant la main à la moins intimidante, c’est-à-dire la plus jeune. Mais Alexandro fit gentiment signe qu’ils souhaitaient faire connaissance avec leur maison et pouvoir se reposer. Tout ceci se passa simplement, sans aucune fausse note, au grand soulagement à la fois de la famille Barruez et des notables.

Le maire du village leur proposa de les accompagner jusqu’à la maison mise à leur disposition. Traversant la place, ils s’engagèrent dans la rue principale pour s’arrêter assez vite devant une maison plus grande que la plupart, dont il ouvrit la porte avec une clé qu’il remit à la femme du capitaine, s’effaçant pour les laisser entrer. Le lieutenant major choisi ce moment pour dire au capitaine que lui et ses hommes l’attendaient pour la soirée à leur popote, comme c’est de tradition le premier jour d’une arrivée. Puis il salua, fit un demi-tour réglementaire et partit. Le maire en profita pour prendre congé avec les deux autres notables qui s’étaient maintenus discrètement en arrière.

– Allez, je ne vous retiens pas, leur dit Alexandro Barruez. Tous nos remerciements pour votre accueil et pour cette charmante maison dans laquelle nous nous plairons, j’en suis sûr.

Ne restaient plus que les trois soldats qui débarrassaient le chariot des bagages de la famille et les entassaient dans l’entrée, tant bien que mal. Lorsqu’ils eurent finis, ils saluèrent, acceptèrent le pourboire que leur tendait la femme du capitaine et sortirent.

– Ma chère Emma, ce n’est pas ce que nous avions souhaité, mais cette maison me semble fort sympathique. Venez les filles, faisons le tour du propriétaire. Le capitaine entra d’abord dans le salon, suffisamment grand pour la famille, dont les meubles, bien que modestes, n’avait rien à envier avec ceux dans lesquels ils vivaient auparavant.

– Oh, regardez, le tableau sur la cheminée, quel air prétentieux ! dit Ernestina en tendant le doigt vers le portrait d’un vieil homme à l’air solennel.

– Ma foi, tu as raison, il ne paraît guère engageant. J’avoue que je ne sais de qui il s’agit, répondit le père. La dernière fille, Libertad, se mit devant le tableau et fit une grimace au personnage, lui signifiant par là qu’elle se moquait bien de son air pincé. Sa mère sourit, mais lui fit cependant la remarque de se tenir correctement. Ils passèrent dans la pièce suivante, la salle à manger, probablement. Celle-ci était meublée de chaises revêtues de cuir noir avec des clous dorés et travaillés. La cheminée était ici surmontée d’une glace et ils se virent tous, un peu fatigués, dans cette pièce nouvelle, inconnue. Un large buffet se tenait dans un coin, deux fauteuils complétaient l’ameublement qui, somme toute, pouvait convenir. Le capitaine tenait à ce que ses femmes se sentent à l’aise, sachant trop bien combien de temps il passait au dehors pour s’occuper de la troupe.