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17/08/2019

Va

Qui suis-je ?
La multitude et le rien
Une enveloppe transparente
Qui s’évanouit sur elle-même

Je ne suis rien de ce que je voulais être
Je ne sais ce que je voulais
Au-delà se trouve l’être
Qui n’est rien de ce que je croyais

J’ai feuilleté les pages de la vie
Je n’ai trouvé qu’une autre page
Puis d’autres encore
Sans fin ni consistance

Saute dans ton livre de vie
Et détruis toute ambition en toi
Que pas même une marche te soutienne
Retourne-toi et va, au-delà de toi

De ce rien qui est là
Naît un autre que moi
Il est sans moi, en moi
Un autre que celui qui va

©  Loup Francart

16/08/2019

Locédia, éphémère (16)

Nous nous enfuîmes, descendîmes les escaliers roulants en nous retenant sur les accoudoirs mobiles et nous précipitâmes vers le rond de présentation des chevaux. Prenant un air royal, tu entras dans l’enclos réservé aux propriétaires au moment où ceux-ci donnaient leurs ordres aux jockeys. Tu écoutais ostensiblement leurs échanges, jugeant le cheval qui marchait sur la piste, tenu en main par deux lads échevelés parfois soulevés d’un brusque mouvement d’encolure. La sonnerie ordonnant aux jockeys de monter à cheval te contraignit à te réfugier au centre de la pelouse pendant que ceux-ci prenaient leur élan avant de bondir sur le dos à crampons de leur pur-sang. Saisissant les rênes, ils les tordaient aussitôt, imposant à leur cheval un galop sur place, les naseaux fumants. Nous gagnâmes les cabines de bois noirci vers lesquelles se pressaient les parieurs. Arrivée devant le préposé aux paris, tu lui donnas trois chiffres sans hésiter, le laissant piocher dans ta liasse de billets jusqu’à ce que le compte soit juste. Puis tu te retournas, criant à la file derrière nous : « Nous allons gagner, je le sais et nous boirons à n’en plus finir ! », en agitant les jetons élastiques au dessus de ta tête.

Déjà les chevaux étaient sur la piste, les jockeys à la manœuvre, tripotant les boutons de leur tableau de bord miniature, laissant leur monture jeter leur gourme avant de les arrêter devant l’obstacle qu’ils allaient ensuite leur faire sauter. Plaisantant pour cacher leur peur, ils s’élancèrent ensemble après avoir pris du champ pour franchir la haie et se rassurer sur les qualités de sauteur de leur mécanique bien huilée. Puis, apaisés, ils cheminèrent vers l’élastique de départ, resserrant la sangle d’un dernier trou, en levant la jambe gauche et soulevant le quartier de selle souple et garni de petits crochets qui leur permettaient de s’emmêler à ceux de l’intérieur de leurs bottes pour mieux adhérer sur les obstacles. Aux ordres du starter, ils attendirent dans un silence de glace le coup de pistolet sachant que l’un d’eux ne participerait pas à la course, atteint par le projectile tiré à bout portant. Son cheval était aussitôt récupéré, démonté et rangé dans la camionnette d’accompagnement de la course pour servir de pièces détachées au profit des autres chevaux. L’ambulance récupérait le cadavre du jockey qui serait enseveli au milieu du champ de course, au moment du crépuscule, une fois achevé l’ensemble des départs.

 

15/08/2019

Jaillissement

 

D’un espace invisible
Naît l’ordre, donc la vie
Qui surgit de nulle part
Et te confond de beauté

 

dessin,nulle part,infini

14/08/2019

Spiritualité ou religion ?

Il y a deux voies pour un même but : devenir Soi, au-delà du moi.

Le choix de la spiritualité, c’est le désir de liberté, mais c’est aussi celui du risque. La voie est pleine d'embûches. Le choix de la religion, c’est le désir d’ordre, il donne des garanties dans la conduite de sa vie, mais enferme dans les dogmes et les règles.

Deux démarches qui semblent opposées pour un même but : trouver celui qui est, en moi et hors de moi, dans le monde de la matière, dans le monde des idées et dans le monde de l’esprit.

Le but ultime : l’union des contraires, l’unification de Soi. C'est une dépossession de son personnage et une retrouvaille au même moment en un lieu unique qui s'impose : l'intérieur et l'extérieur ne font plus qu'un.

Je suis parce qu'il Est, mais aussi il est parce que je Suis. Comprenne qui peut !

13/08/2019

Paradis

Tu le cherches sans cesse, en toi et hors de toi
Tu es en quête depuis longtemps
Mais as-tu cherché ici et maintenant ?

Certes, tous ne le perçoivent pas
Car il se cache derrière les apparences
Mais chaque jour il se présente à tes yeux
Et t’offre quelques secondes d’éternité

Ce peut être un trou sous tes pas
Où tu tombes criant de peur
Avant de planer en chute libre

D’autres fois, il se cache dans l’image
D’un chétif et modeste personnage
Auquel tu hésites à adresser la parole
Jusqu’à l’éclair de la délivrance

Ce peut aussi devenir un cri dans la nuit
Comme un brutal coup de poignard
Qui t’envoie au-delà des étoiles

Il arrive aussi que rien ne sorte de ton malaise
La porte reste close obstinément
Pas même un courant d’air
N’ose se glisser dessous

Et pourtant il est là, toujours présent
Il te regarde en souriant :
« N’es-tu pas bien chez Toi ? »

©  Loup Francart

12/08/2019

Locédia, éphémère (16)

Cependant, l’instinct grégaire étant le plus fort, les trois chevaux, malgré leurs cavaliers, attendirent en galopant sur place que le reste du peloton les rejoigne et même les dépasse, emporté par leur élan. La course était repartie, toujours aussi bestiale, dans une excitation encore plus violente et proche de la folie. La ligne d’arrivée approchait, ou plutôt le peloton avançait vers le poteau, en grande compression, les naseaux fumants un gaz toxique, haletant dans un souffle commun, noir, pétaradant et gracieux. Encore deux obstacles, larges, mouvants, se haussant au gré du vent et des paris, montagnes éprouvantes et grotesques de l’inutilité de telles courses avec des chevaux vapeurs à bout de souffle. La masse du peloton s’était désagrégée, s’échelonnant sur la piste. Seuls les premiers chevaux continuaient à une certaine vitesse. Les jockeys s’excitant mutuellement avec leur cravache électrique, au coude à coude, l’œil hagard, fixant l’arrivée maintenant visible, tous persuadés de leur victoire. S’aidant de leurs coudes accompagnant furieusement les mouvements de l’encolure de leur monture, ils se regardaient, rougis par le vent et les décharges électriques, s’encourageant par des pets tonitruants. Bientôt, un cheval se détacha du lot, fournit un dernier effort et s’écroula une fois cassé le ruban marquant l’arrivée. Le jockey sauta à terre au moment où l’animal fléchissait et retomba sur ses pieds, ses jambes arquées faisant ressort et lui permettant de conserver son équilibre. Il revint vers sa mécanique, lui donnant quelques coups légers sur l’encolure, repris sa position sur sa selle et contraint adroitement celle-ci à se relever pour se rendre au pesage sous les applaudissements des parieurs.

_ Allons jouer, me dit Locédia, nous allons gagner ! Soulevant légèrement sa robe, elle sortit les billets coincés en haut de ses bas, et les montrant à tous le monde, elle cria :

_ Si je gagne, je vous invite à contempler mes jambes ! 

Aussitôt, les curieux et voyeurs l’entourèrent, la regardant d’un œil exalté. Plusieurs gentlemen se présentèrent pour la protéger, lui baisant la main de leur moustache gonflée, l’invitant au bar des tribunes réservées, lui faisant boire un breuvage jaune, contenant des bulles bleuies qui procuraient un indicible sentiment d’impunité. Je la suivais sans que personne ne fasse attention à ma présence à ses côtés. Je la regardais, légèrement ivre, la tête penchée sur son épaule, les doigts s’envolant autour de son corps, dispensant ses sourires aux interrogations empressées de ces messieurs. Elle parla de courses vécues dans d’autres parties du monde, de moteurs puissants, de ressorts agiles, de jockeys déférents et de commissaires compassés éliminant certains pur-sang parce que leur cavalier avait regardé une femme au passage de la tribune au lieu de se concentrer sur l’obstacle.

_ Et si nous allions jouer, s’exclama-t-elle brusquement en me regardant.