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21/10/2018

Ephistole Tecque (12)

Quand cet apprentissage d’une révision du sens spatial lui parut satisfaisant, étant arrivé à un certain automatisme dans la symétrie de ses gestes, il étudia une technique plus compliquée présentant un second plan de symétrie réfléchie, en l’occurrence une feuille de papier blanc posée à plat sur laquelle il dessinait en regardant la glace. Il n’avait pas imaginé qu’on put être aussi malhabile lorsque est déréglé le sens que nous avons de l’éloignement ou du rapprochement des objets, quand il tentait de tracer une ligne droite s’éloignant réellement de lui sur la véritable surface de la feuille, sa main machinalement, irrésistiblement, sous l’impulsion du réflexe établi en lui depuis son enfance, depuis les premiers instants où, enfant, il tentait d’établir la place de l’objet par rapport à son corps, sa main involontairement traçait une droite dans sa direction. Cette droite ostensiblement, comme par moquerie, se rapprochait de lui. Encore plus difficile était de tracer une courbe oblique se rapprochant de lui par la gauche comme s’il eut voulu qu’elle forma autour de son corps une barrière symbolique le séparant de cette image qu’il avait de lui-même dans le miroir. A chaque tentative apparaissait sur sa feuille la courbe inverse, une courbe oblique, ébauche d’une ceinture involontaire de lui-même, mais qui sur la surface de la feuille véritable, seul vestige de ses gestes après un éloignement de la glace, s’écartait en fait de lui en une courbe divergente. Il lui fallut de nombreuses expériences poursuivies avec assiduité  pour assimiler la distinction entre cette image de lui-même à laquelle chaque mouvement réel de sa main se rapportait et son corps propre qui semblait alors se dégager de sa volonté. Le problème en fait n’était pas un problème d’origine du mouvement, mais celui de sa direction. Il le résolut finalement en observant le mouvement de son avant-bras qui indiquait seul la véritable direction au trait tracé sur la feuille.

20/10/2018

Créer

Il y a deux manières de créer : soit créer pour être remarqué et prétendre à devenir remarquable, soit créer pour agrandir, améliorer le monde physique (la matière) ou psychique (la noosphère) selon une vision humaniste.

La création ne crée pas ex nihilo, elle procède du connu vers l’inconnu. Elle est un agencement nouveau des idées, des concepts, des faits qui déclenche en certains une nouvelle vision qui devient créative. Elle agrandit l’espace de l’homme, qu’il soit physique ou psychique, sans toutefois créer un autre espace.

Maquiller l’absence de créativité en imitant les créateurs n’est cependant pas vénal si cela conduit à une véritable création. Ce n'est qu'un apprentissage indispensable.

Persévérez et vous serez récompensé.

19/10/2018

Danse sans oubli

As-tu un souvenir qui ne vient pas à toi
Quand dans la nuit noire souffle le vent du soir ?
Connais-tu la joie et l’ivresse de la foi
Quand balance l’encensoir et dort le reposoir ?

T’arrive-t-il parfois d’entendre l’air narquois,
Quand le ciel rejoint la terre et gèle la carrière ?
Vois-tu les villageois danser comme des siamois
Et dresser des barrières pour pleurer sans manière ?

La coupure de la glace à la fontaine de la place
A fait fuir l’angoisse et les idées fugaces.
Danse le guilledou et embrasse les cous.

Dans l’aigreur du froid et la tristesse de l’effroi,
Tu découvres l’endroit où tu connus François,
Le vagabond sans tabou, amateur d’igloo.

Danse encore une fois.
Mais n’oublie pas toutefois,
Le miséreux qui larmoie
En cherchant un emploi.

  ©  Loup Francart

18/10/2018

Aimer sans imaginer

“Essayer d’aimer sans imaginer”, susurre Simone Weil. Cherchant la vérité dans les actes et non dans la parole, elle a fait de la philosophie une manière de vivre non pour acquérir des connaissances, mais pour être dans la vérité.

L’amour est en effet toujours un peu imagination intérieure. On crée l’être aimé à son amour, car l’amour naît de la différence entre l’être aimé et celui ou celle qu’on aime réellement dans son imagination. Trop d’imagination nuit à l’amour durable, mais sans imagination l’amour n’existe pas.

Pourtant Simone Weil nous dit bien « sans imaginer ». Ne parlerait-elle de l’amour divin qui seul permet d’aller au-delà de l’imagination, dans la transparence d’une réalité palpable et divine ?

L’homme a besoin d’imaginer. Mais au-delà, l’imagination n’a plus lieu d’être !

17/10/2018

Ephistole Tecque (11)

N’allez cependant pas croire que Monsieur Tecque ne connut pas, ou n’ait pas connu, de plaisirs plus subtils dans l’échelle des sensations indirectes, des plaisirs mettant en jeu non seulement une certaine participation de la nature de l’être, mais également une technique appropriée impliquant un apprentissage poussé. Il en avait puisé toute la joie par ce constant effort de découverte et de mécanisation qu’ils impliquaient, avec une patience et une volonté à toute épreuve. Mais le jour où cette tension de l’être tout entier avait abouti, était arrivée à ce but tant souhaité, le plaisir c’était évanoui, volatilisé, sans même qu’il ait eu le temps d’y goûter et tous ces efforts lui avaient paru d’une vaine utilité.

Il avait pendant quelque temps  tenté de mettre au point une occupation raffinée, au plaisir impalpable, demandant une égale tension du corps et de l’esprit, une domination absolue de ses gestes depuis le contrôle du réflexe jusqu’à la mobilité consciente de chaque doigt par rapport à l’autre. L’idée lui en était venue un matin, quand après s’être rasé et lavé, après avoir bu une tasse de thé fade, il s’était habillé devant l’armoire à glace de sa chambre qui occupait une partie du pan de mur situé à gauche de la porte en entrant. Il s’habillait, encore un peu engourdi par le sommeil malgré le contact de l’eau chaude, ou plutôt tiède, qu’il récupérait en un mince filet au bout du robinet à pastille rouge et regardait ses doigts courir de bouton en bouton pour fermer prestement sa chemise, quand, par hasard, à la suite d’une erreur dans ce travail inconscient, il constata que voulant régler le mouvement de sa main dans la glace, il était incapable de passer le bouton dans la boutonnière. Il cherchait désespérément à placer le pouce sur le biais du bouton et à y exercer une pression tandis que l’index et le majeur s’entrouvraient légèrement pour permettre son passage sans toutefois entraîner avec lui l’étoffe où était bâtie la boutonnière. Une telle mésaventure vous est bien arrivée un jour ou l’autre, à la suite d’un dérèglement de vos gestes habituels pour lesquels vous aviez perdu l’habitude de réfléchir. Vous avez été profondément déçu de ne pouvoir aussitôt, par l’emploi de votre intelligence, résoudre une difficulté que l’automatisme vous avait cachée. Je vous ai vu d’ailleurs hésiter quelques secondes pour lacer convenablement une de vos chaussures après avoir été bousculé en pleine rue par une bande de gamins courant après un chien, bien que vous ayez pris la peine pour vous faciliter la tâche qui semblait plus difficile sous le choc de l’énervement, de poser votre pied sur un banc suffisamment haut. Amusé par cette constatation insolite, Ephistole avait décidé au cours du trajet de sa chambre au bureau, d’inaugurer un divertissement consistant à s’habiller devant la glace sans jamais jeter un coup d’œil sur la véritable dispersion dans l’espace de ses vêtements et de ses membres, c’est-à-dire de ne considérer ses mouvements que par symétrie à la réalité. Difficile apprentissage qui l’obligea pendant un temps à se laver quelques minutes plus tôt, mais qui eût l’avantage de lui interdire ce demi-sommeil qui succédait aux premiers pas en dehors du lit jusqu’à l’instant où il posait le pied sur le palier obscur au-delà de la porte close de sa chambre.

16/10/2018

Haïku

 

Un plein de choses

Ne comble pas l’absence.

Débarrasse-toi !

 

15/10/2018

Entre dans la danse

Entre dans la danse de la vie
Ne te laisse pas écarter de l’amitié
Ne dédaigne pas la caresse d’une main
La douceur des baisers célestes
L’entente des chants du monde !

Vois la chaleur des couleurs
Et l’ombre portée par les souvenirs
Que les cris des présents n’écartent pas
La faiblesse de ceux qui ne sont plus
Que jaillissent sans vergogne
L’ivresse des profondeurs
Où le vide emplit ton être
Et court dans tes artères
Pour danser sans cesse la vie

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Non, ne te retire pas de la danse
Au contraire, mène la danse
Mets ton cœur en danse
Et danse nuits et jours
Jusqu’à la danse funèbre
Qui te prendra un jour

Adieu le bal des vivants,
Vers quelle nouvelle danse allons-nous ?

 ©  Loup Francart