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05/11/2017

Merci

Une soirée hors du temps
Dans un espace restreint certes,
Mais si empli d’évocations,
Qu’on traverse son souvenir
Avec parcimonie et respect.


L’écho des opéras,
L’évocation des monts de l’atlas,
Le chatouillement des poils du chien,
Le bain dans le rythme des chants,
Le goût délicat des mets,
Nous sortirent de nous-mêmes.

Est-ce cela le septième ciel ?

 ©  Loup Francart

04/11/2017

L'homme sans ombre (32)

Cette explication a fortement perturbé Mathis. Rentré chez lui après avoir raccompagné Noémie, il sent qu’il a besoin de mettre de l’ordre dans les perturbations mentales qui l’assaillent. Qui au monastère cherche à le faire déchoir, pourquoi, comment ? Il a beau tenter de faire le vide en lui, les images de la journée et les questionnements qu’ils avaient évoqués ne cessent de le défier. Il a l’impression de revenir au temps de son apprentissage de la méditation. Pourtant que de paliers a-t-il franchis depuis ! Faire le vide par l’extinction progressive des réactions qu’ont produites en lui les paroles échangées. Il sent bien qu’il est trop concerné par les événements. Il lui faut prendre de la hauteur, voir les choses d’un autre point de vue, dépersonnaliser sa réflexion, accepter la vérité de ce qui se passe et faire abstraction de lui-même. Au bout d’une demi-heure, il sent l’effacement des pensées de son ego, le vide s’installe progressivement, la barrière entre le monde et lui-même s’efface, il entre en harmonie avec l’événement et le contemple sans identification. Soudain, il voit. Il voit ses réactions, son implication égoïste alors qu’il aborde les dernières étapes de la méditation, les grains mentaux qui l’empêchent d’être détaché. Il poursuit sa concentration, visualisant le corps du bouddha jusqu’à une consonance avec celui-ci. Alors, épuisé, il se couche. Il ne peut mettre immédiatement son projet à exécution, il est trop impliqué. Il décide de prendre une semaine de retraite et d’envoyer un autre à sa place au monastère indien. Ce sera Patrick, même s’il n’a pas la culture lui permettant d’échanger avec les moines restés là-bas.

Le lendemain, après avoir accompli ses engagements envers sa communauté, il va chercher Noémie pour se réunir à nouveau chez Patrick et Lauranne. Il lui explique en chemin ses incertitudes, ses interrogations et la nécessité de faire une retraite d’une semaine sans voir personne, y compris elle, sa fiancée. Noémie saisit cette nécessité et, malgré l’inquiétude qu’ont fait naître les événements, accepte. Ils abordent leurs amis avec calme et détermination. Maintenant, Noémie est elle-même impliquée dans le processus.

Très vite, ils tombent d’accord. Mathis va mettre au courant, grâce à Internet, les membres de la secte bouddhiste[1] restés en Inde, avertira de la venue de Patrick, puis fera sa retraite. Patrick préparera son voyage en Inde pour bien montrer la volonté du « rimpoché Mathis ». Noémie organisera les préparatifs du mariage. Lauranne restera en veille, car elle peut être contactée à tout instant par les opposants.

Le lendemain matin, Mathis dit au revoir à Noémie et part à une adresse inconnue, non sans avoir expliqué à Patrick qu’il attende son feu vert pour partir en Inde. D’ici là, pas de bruits, pas de vagues. 

 

[1] Le terme secte pour la religion bouddhiste n’a pas la notion péjorative qu’elle a en France.

03/11/2017

Maxime

 

Le monde vit d'habitudes.

Il a pris l'habitude de l'habitude.

je veux que tu désapprennes l'habitude,

que tu te jettes dans le chaos de l'existence

sans y chercher le renoncement de l'habitude.

 

02/11/2017

Larmes de crocodile

Il vit mille vies
Et pourtant, il n’en a qu’une
Il habite à l’autre bout du monde
Mais il n’est jamais sorti de chez lui
Il est ermite
Et pourtant élastique
Même le temps ne peut rien contre lui
Aussi à l’aise au casino qu’à l’église
Il est tout ce qui n’est pas lui
Il n’est rien de tout ce qui est lui
Il a trouvé la paix un jour de marché
Lorsqu’il a vu les femmes volages
Et les évolutions des hommes
Dans des orbites resserrées
Jusqu’à ne plus former qu’un bloc
Qui prend la fuite sitôt créé
Il reste seul, imaginaire
Au pays des couples ensorceleurs
Où deux font un et un rien du tout
Il n’a qu’un avantage
S’immiscer en trois dans l’un
Et contempler les éclats du deux
Certes, les mathématiques tremblent
Devant cet être chevauchant
L’irrationnel et le merveilleux
Et n’en tirant qu’une larme

L’œil du crocodile s’ouvre
Et la voix profère :
« Que la larme rejoigne les eaux
De l’anonymat et de la luxure ! »

 ©  Loup Francart

01/11/2017

Salon du livre

Samedi prochain, à la Mairie du XV°, a lieu l’après-midi du livre des écrivains combattants au cours de laquelle les écrivains de l’association présentent et dédicacent leurs derniers livres. Cette après-midi est l’occasion de feuilleter les derniers livres d’auteurs très divers, politiques, industriels, chercheurs, journalistes et bien sûr écrivains. Une après-midi passionnante dans les entrailles des auteurs… J’y participe et serai heureux de vous recevoir à mon stand, sans aucune obligation d’achat.

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Les auteurs :

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31/10/2017

L'homme sans ombre (31)

 – Si nous revenions à nos soucis présents, dit Noémie un peu gênée. Devant cette menace déclarée, que comptes-tu faire ?

– Tout d’abord, et cela te semble évident, ne pas renoncer à notre mariage. Peut-être revoir la façon dont il va se dérouler, un point c’est tout. Mais cela ne résout pas notre problème et les dissidents du monastère peuvent s’en prendre à chacun d’entre nous. Et, croyez-moi, ils le feront s’ils en ont la possibilité. Alors il ne faut pas leur en laisser l’occasion.

– Oui, mais comment ?

– On pourrait, dans un premier temps, se marier dans l’intimité, sans l’annoncer officiellement. Mais cela risque fort de transparaître à un moment ou un autre. Et puis, ce n’est pas dans la tradition bouddhiste de faire les choses en cachette. Je pourrais également renoncer à ma vocation et redevenir un simple adepte civil. Mais ce serait également trahir mon idéal. Je compte donc marcher sur les pas de mes deux illustres prédécesseurs et exercer  en toute transparence mon aide à ceux qui attendent de moi quelque chose.

– Cela nous l’avions compris. Mais alors que vas-tu faire de nous, et même de toi, devant la menace.

– Il est possible de fuir et de nous cacher dans une autre partie du monde. Mais c’est également renoncer. En réfléchissant, le seul moyen de concilier les deux aspirations est de se cacher au sein même des adeptes de notre tradition bouddhiste. Nous rejoignions le monastère en Inde où je suis reconnu comme tulkou et je reprendrai ma fonction de Rimpoché. Ainsi les adeptes actuels du monastère parisien seront délaissés et rejetés par l’ensemble des écoles tibétaines.

– N’est-ce pas un peu hasardeux ? interrogea Lauranne qui avait bien vu les interrogations de son amie. Et de plus, il me semble qu’il faudrait demander à Noémie ce qu’elle en pense. Est-elle prête à épouser un lama tibétain, même si celui-ci a des origines européennes ?

Tout cela était trop nouveau pour la jeune fiancé, trop exotique, trop inattendu. Elle regardait Mathis avec un air implorant et ses yeux voilés de larmes traduisaient à la fois sa panique et son amour. Mathis se tourna vers elle, la regarda droit dans les yeux, sentit cette interpellation, sourit et, lui passant la main derrière le cou, l’attira à lui avec tendresse.

– Noémie, tu vas décider à ma place. Tu sais mon amour pour toi. Tu sais maintenant ce à quoi je suis prêt à renoncer et je ne crois pas que je le regretterai. Je te laisse réfléchir jusqu’à demain. Nous nous retrouverons ici, avec Patrick et nous prendrons notre décision tous ensemble, car si nous disons oui, nous aurons besoin de nos amis pour faire face.

– Oui, tu as raison, répondit Noémie les yeux mouillés et les lèvres tremblantes. Elle ne put rien ajouter, trop émue.

– Au fait Lauranne, quand dois-tu donner ta réponse au monastère ?

– Je ne sais pas. Rien ne m’a été dit là-dessus.

– On peut estimer qu’ils vont te laisser quelques jours, observer tes déplacements et apprécier les évolutions de situation. Disons quatre jours maximum. Il nous faudra bien deux jours pour mettre au point notre projet, puis commencer à passer à son exécution. Alors demain soir au plus tard, nous devons savoir ce que nous voulons faire.

Là-dessus, Lauranne les laissa partir, serrés l’un contre l’autre comme deux oiseaux tombés du nid. Elle attendit Patrick qui rentra du travail vers 19 heures 30 et lui raconta les événements de la journée. Après un repas frugal, ils s’étendirent sur leur lit, se serrèrent l’un contre l’autre et s’endormirent épuisés.

30/10/2017

Coucher et marcher à la belle étoile

L’arbre pénètre de sa solitude la terre dénudée, l’herbe rare siffle entre les jambes, le soleil huppe de gaîté la cime des pins.

Dans ma tente, une maison de toile à l’ombre gigantesque au matin, je devine la nuit le bruit de l’arbre qui se gratte l’écorce, de la fleur qui minaude à l’ombre de la lune. J’entends aussi la quiétude des respirations, un dormeur qui se retourne sur son lit de paille, la toux d’un inquiet sous ses couvertures.

Souvenirs de manœuvre, quand dans la poussière, tu rêvais au calme d’une vallée où coule l’eau fraîche.

Brusquement, réveil. « Vite, debout, nous partons ! » Où, je ne sais. Pourquoi, encore moins. Mais c’est ainsi. Déjà les derniers hommes quittent le campement. Voilà, c’est bouclé ! Le sac arrimé sur le dos, la marche reprend dans la nuit. Il fait frais, mais bon. Je sens la fraîcheur de l’aurore qui sommeille encore avant de naître en douceur. Je ferme la marche. Devant, mon prédécesseur enfonce ses grandes jambes dans les herbes hautes. Je ne vois plus que son buste s’agitant bravement. Une route qui s’étire mollement entre les ombres arborescentes. C’est bruyant, mais la marche est simplifiée. On sait où le pied va, car sa résistance est toujours semblable. Elle berce la volonté et lui donne un fond de vérité tranquille, doucereux, plutôt qu’un combat permanent contre soi-même.

Je m’éveille complètement, léger, attendri par l’air rafraîchissant, allégé des miasmes de la nuit, aux aguets d’un jour nouveau, exaltant parce que différent des habituels matins. Les sens exacerbés, je vais au bout de moi-même, ouvert à tous les vents, délivré de ce moi qui me pèse et m’empêche de marcher. Le ciel est étoilé et un sentiment de profonde reconnaissance naît dans l’intimité de la solitude. Je pourrais marcher des jours dans cet état second où le rien devient tout.