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02/08/2015

Retour

Elle est de retour, celle qui partit
Un jour d’avril au fil de l’indifférence.
A-t-elle dit pourquoi elle a fui,
Pourquoi elle s’écarta de la bienveillance ?

Nul ne le sait si ce n’est elle.
Elle est rentrée la tête haute,
Vêtue comme une demoiselle,
Propre et vierge de toute faute.

Le mystère reste entier.
Où donc est-elle allée,
A qui s’est-elle offerte ?

Nul ne connaît son destin.
Ne l'a-t-elle pas pris en main?
Debout et grandit, elle est ouverte.

©  Loup Francart 

31/07/2015

Ruptures

« Il manque des ruptures », me dit l’homme. « La rupture met en valeur la vie ».

Tentative !

A partir d’un simple cube, créer un ensemble dont les ruptures sont réels, mais pas forcément trop apparentes. Lui donner une unité impossible dans la réalité géométrique, mais qui permet néanmoins au cerveau de se trouver devant une structure construite, acceptable à l’œil et faussant les perspectives habituelles selon l’angle sous lequel on le regarde.

Ce n’est bien sûr qu’une ébauche sans couleur, à améliorer, à rendre civilisée, mais pas trop, un objet impossible, mais auquel la perception adhère.

30/07/2015

Mannequin

 

 Un simple mannequin de bois peint. Il regarde le vide du tableau qui se prépare dans la tête des apprentis peintres, l’air hautain, reposant sur sa chaise, les bras semblant pianoter d’impatience d’être mis en image.

Il est anonyme, de la fin du XVIIIème siècle ou du début du XIXème. Voici ce qu’il en est dit sur la note l’accompagnant :

« Ce mannequin d’artiste, grandeur nature et en bois peint, est vraisemblablement une commande de l’accademia Carrara à Bergame. Il servait de modèle aux étudiants qui s’initiaient à l’art de peindre et de sculpter.

Sa structure et son mode d’articulation correspondent à un modèle type que l’on retrouvait, avec quelques variantes, dans la plupart des écoles d’art européennes. En revanche, le bois peint au délicat ton de chair, la perfection des traits, les boucles de la chevelure ceinte d’un bandeau sont des ornements ajoutés par un artisan local. Parfaite incarnation de la beauté néoclassique, le mannequin de Bergame encourageait les étudiants à poursuivre l’idéal de l’Antique. »

29/07/2015

Le miroir (1)

Ce matin, il m’est arrivé une chose étrange. J’étais dans la salle de bain, un gant de toilette à la main, m’essuyant la figure après l’avoir savonnée. Je regardais mon visage fatigué, trouvant mes paupières lourdes et gonflées. Machinalement je passais et repassais le gant de toilette sur une barbe de la veille, accrochant des brins de tissu dans les poils du menton. Je suis gaucher. Normalement ma main gauche correspond sur la glace à la main droite si je me mets à la place de mon image. Et tout d’un coup, ce fut une autre symétrie qui apparut. Ma main gauche en face prenait la place de la main droite. La symétrie s’inversait. Je n’y pris pas garde au début. Poursuivant ma rêverie, encore quelque peu endormi, je ne me regardais pas vraiment. Mais ce fut une révélation.

– Que se passe-t-il ? Je rêve ! Mon personnage se disloque et me fait un pied de nez.

Cela ne dura qu’une seconde ou deux, puis tout redevint normal. Je me frottais les yeux, n’arrivant pas à croire ce qu’ils avaient vu. Je finis par croire que j’avais rêvé, encore à moitié endormi. Je n’y pensais plus jusqu’au lendemain matin. Devant la glace, je me rappelais l’incident de la veille. J’ai rêvé, c’est sûr, me dis-je essayant de reconstituer ce que j’avais vu. Une inversion de la symétrie. Mon double devenait indépendant. Ce n’est pas possible. Voyons donc et prenons garde. Rien ne se passa pendant que je me lavais le visage. Un peu de savon, , puis de l’eau fraîche pour le faire disparaître, le poil devenu plus souple, prêt à se laisser couper par le rasoir électrique. Je saisis donc mon rasoir, le mets en route et l’approche de ma joue droite. Je vous l’ai dit, je suis gaucher. Je prends donc mon rasoir de la main gauche et traverse ma symétrie pour atteindre la joue droite. Eh bien, croyez-moi si vous voulez, je vis alors mon double exécuter le même mouvement avec sa main gauche. Quelle émotion ! Il alla jusqu’à me faire un clin d’œil et un petit sourire. Certes c’était un très petit sourire, mais suffisant pour que je m’interroge. Se moquerait-il de moi ? Puis tout cessa. J’eus beau tenter de revivre l’événement, rien à faire. Il s’agissait bien d’un double toujours docile, sans erreur, le regard franc. Bref, moi-même dans sa plus grande ressemblance. Cela perturba ma journée. Je ne cessais de penser à cette image. Un être prenant son indépendance sans rien annoncer et qui ose de plus me faire un clin d’œil comme si je devenais complice de sa trahison. Toutes les heures, je me rendais aux toilettes du bureau, m’auscultais dans la glace sans cependant obtenir la moindre désobéissance de la part de mon double. Comportement normal, comme le temps est normal à la météo. Me voyant me lever assez souvent mon voisin de bureau s’inquiéta.

– Que se passe-t-il ? Aurais-tu mangé quelque chose de mauvais ? Ton estomac te joue-t-il des tours ?

Je me contentais de marmonner quelques paroles inaudibles et tournais le dos à ce compagnon de travail. Il en conclut que ça n’allait pas très bien, mais sans plus.

Je rentrais chez moi pessimiste, inquiet par la tournure des événements. Je me promis d’interroger mon double s’il me refaisait un coup comme celui-ci. Mais d’une autre côté, je ne me voyais pas m’interrogeant et espérant une réponse de la part de ma symétrie qui n’est qu’une simple image de ma réalité, sans aucune possibilité que celle-ci prenne une indépendance impossible.

Mais… Je me demandais tout à coup si ce double existait lorsque je ne me trouvais pas devant une glace. Quelle idée. Je suis vraiment perturbé, me dis-je. Pourtant l’idée fit son chemin dans ma tête. Je m’imaginais errant dans chaque pièce avec ce double devant moi qui souriait d’un air moqueur. Tu m’agace, me dis-je en moi-même. Mais j’y pensais et ne pouvais m’empêcher d’y penser. Je me couchais quelque peu perturbé et rêvais d’une révolte des doubles qui  se vêtaient autrement, qui gesticulaient sans autre forme de procès et qui même, pour certains, manifestaient dans la rue pour leur indépendance. Je me réveillais transpirant, haletant, éprouvé, mais de quoi ? De guerre lasse, je me rendormis et sommeillais jusqu’au matin, cahin-caha.

La suite de cette nouvelle sera dévoilée dans "Récits insolites" , livre à paraître au quatrième trimestre 2015.

28/07/2015

Porte (5)

 


 

 

 

Cette longue porte emmanchée d’un long cou au bout duquel on aperçoit un œil verdâtre regardant les voitures passer. S’y loge un vieillard acariâtre qui ausculte la rue avec sa paire de jumelles de théâtre.

 

Elle a l’élégance parisienne des femmes montées sur talons aiguilles, le pied pointu, le mollet galbé. Je n’en ai cependant pas vu sortir de cette porte étroite et même Gide ne les connait pas.

  

 

 

 

 

 

 

 

Plus classique, seigneuriale pourrait-on dire, celle-ci qui fait un clin d’œil avec ses panneaux centraux. Elle a la rigueur du XVIIème siècle et l’effronterie du XVIIIème.Française est-elle et bien née. Mais que cache-t-elle derrière son dos : une cour, un jardin, un hôtel particulier ? Nul ne le sait. Il faut montrer patte blanche pour entrer dans son intimité.

Celle-ci, petite sœur de la précédente, plus maquillée, plus riche de décors, mais moins élégante, plus bourgeoise enrichie. Son fronton se veut massif et saisissant. Mais ses fausses colonnes doriennes n’impressionnent que les gueux qui passent dans la rue. Certes elle a un rien de la french touch, mais à la manière des comédies du XIXème. C’est de la pacotille qui veut éprouver la clientèle.

Festival International du Livre Militaire

Errance entre les piles
L’œil attiré par la couleur
Plutôt que par un titre.
Ça parle, ça parle
Et ça regarde, compulse…
Acheter que nenni.
Discrètement refermé
Le livre retourne à la pile
Qui monte, descend, remonte.
Certains cependant ont les bras chargés
D’un échafaudage inconsidéré
Qui tombe inutilement entre leurs pieds.

Temps mort…
On parle entre nous, de nos efforts, de nos peurs,
Rarement de nos joies.
On ne retient que les difficultés.
Et pourtant… Qu’il est bon d’écrire
Au petit matin quand tout dort,
De dire le monde et les autres
Et sans doute un peu de soi-même

Ecrire : oui…
Ecrivain… Non…

Quel ennui cette foule
Qui passe et repasse sans voir,
Jette un œil miséreux sur vos piles,
N’entrouvre même pas un livre.
Vous êtes devenu transparent,
Un objet derrière les livres
Que l’on contemple sans le voir.
Y a-t-il un auteur dans la salle ?

 Coëtquidan, le samedi 25 juillet 2015.

 

 

 

 

27/07/2015

Portes (4)

 

Une porte insolite qui fait penser à l’intérieur d’un bateau du siècle dernier. Tout y est élégant, briqué, policé, ordonné. On ouvre la porte et on se trouve dans un havre de paix, rondouillard, mais stricte. La marine chez soi qui nous offre un voyage au bout du monde derrière cet arrondi concave. Embarquez, vous ne le regretterez pas : au regard de l’horizon légèrement convexe, vous laisserez vos yeux errer sur le bleu vert des mers du Sud et rêverez à ces mondes  si différents de celui que vous connaissez. Oui, c’est la porte des songes qui offre le voyage à qui veut entrer. 

La porte de l’inspiration, cachée dans les plis du cerveau, elle immerge dans l’instant et caresse la mémoire de quelques chatouillements verbaux : 

Il faut rentrer au labyrinthe
Des pas, des carrefours, des mœurs,
Où l'on sent une sombre crainte
Dans l'immensité des rumeurs.

Oui, c’est la porte de la maison de Victor Hugo, ouvrant sur la grotte  du rêve :

Je regarderai ma voisine,
Puisque je n'ai plus d'autre fleur,
Sa vitre vague où se dessine
Son profil, divin de pâleur,

Cet ange ignore que j'existe
Et, laissant errer son œil noir,
Sans le savoir, me rend très triste
Et très joyeux sans le vouloir.

Elle est propre, douce, fidèle,
Et tient de Dieu, qui la bénit,
Des simplicités d'hirondelle
Qui ne sait que bâtir son nid.