09/10/2011
Les apparences sont trompeuses
Hier, pluie et soleil. Mais plutôt pluie au pied du palais du Louvre. Et, il fallait faire la queue avant d’entrer dans la caverne à ciel ouvert, pointe de diamant vers les étoiles. Echantillon de personnes du monde entier, parlant toutes sortes de langues, mais comprenant bien qu’on va se faire mouiller et sortant, pour les plus avertis, leurs parapluies. Le ciel était noir et l’ondée arrivait, cinglant les toitures d’abord, puis la place qui se transforma en piscine luisante.
Devant moi se tenait deux jeunes hommes, dont l’un se promenait avec son pantalon sous les fesses, montrant un slip bariolé et des rondeurs efficaces. Quelle idée de montrer ses fesses à tous comme un trophée unique ! En faisant exception de cette anomalie, il avait l’air sympathique ainsi que son compagnon. La pluie tombait, drue comme des lames de couteau. Il se tourna vers moi et me proposa, en anglais, un coin de parapluie, ce que j’acceptais bien volontiers. Ils devisaient entre eux, m’abritant sans m’exclure jusqu’à ce que le soleil apparaisse à nouveau, brusquement, comme une lampe de poche éclairant une cave. Et le grain cessa, laissant les patients à deux mètres de la porte d’entrée, trempés et dégoulinants. Ils pourront au moins se réchauffer dans l’étouffoir de la grande salle aux guichets multiples.
« Thanks for your umbrella ». Encombrés de sacs, ils passèrent devant la machine à fouiller sans les doigts tandis que je poursuivais mon chemin n’ayant rien d’autres que mes habits trempés. Descendant l’escalier roulant, je pensais que l’habillement n’est qu’une apparence trompeuse. Se promener les fesses à l’air lui semblait tout naturel. De plus, personne n’avait l’air choqué ou ne l’avait remarqué.
Alors je me suis souvenu qu’avant d’arriver à la queue pour entrer dans le musée, j’avais croisé une très belle femme, bien habillée, qui se promenait les pieds nus, sans chaussures, même à la main, dans les flaques d’eau, marchant le plus naturellement du monde, comme si elle se tenait dans un salon.
Multitude des attitudes du genre humain !
07:58 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, poésie, paris | Imprimer
08/10/2011
C'était il y a huit jours
Rien que l’immobilité et le silence.
C’est le début de l’après-midi,
Lorsqu’hommes et animaux reposent
Dans une douce somnolence, repus de chaleur.
Pas un bruit. La campagne est atone.
Si ! Lointain, le roucoulement d’un pigeon.
Ce silence est léger, ce n’est plus celui de l’été.
Il semble chantonner, bouche fermée.
Sur la rivière, les lentilles d’eau,
Sans vie, sans courant, sans enthousiasme,
Encombrent le lit de flots morts.
Là aussi, tout dort, tout s’immobilise.
Seul havre de fraicheur, le petit sous-bois.
Les pas y craquellent les feuilles mortes,
Mais le corps se dérobe sous les pieds
Pour s’affaisser et s’endormir, enfin.
06:18 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
07/10/2011
59 Rivoli
Le 59 rue de Rivoli, à Paris, est un atelier et non une galerie d’exposition. Et comme tout atelier, c’est un bric à brac qui dépend de la personnalité de chaque artiste. On y entre comme dans tout immeuble, par la porte, puis un escalier en vis jusqu’au dernier étage. Mais cet escalier est déjà un fourbi de dessins et peintures avec un fil directeur, sorte de dragon qui monte jusqu’en haut avec sa queue d’écailles.
Une trentaine d’artistes en ont fait leur atelier que chacun des passants peu visiter s’il lui vient à l’idée d’entrer dans le foutoir. Et bien lui en fera, car il y verra la création à l’état pur, différente selon les étages, selon l’inspiration de chaque occupant. Ils sont environ cinq ou six par étage, organisant leur espace comme ils l’entendent, des plus soignés au plus désordonnés. Qu’y voit-on ? Beaucoup d’esquisses, de réflexions, de découpages, de toiles inachevées, ce que l’on rencontre dans tout atelier.
Là, la machine à créer est en route, prolixe, sans gène, sans vergogne, sans mystère des échecs de la création, des incertitudes de formes et de couleurs. Elle fait côtoyer le gesso (apprêt des toiles) et le camembert, le chiffon pour essuyer les pinceaux et le mouchoir, la bouteille de jus de fruit et les pots de peinture. Un certain nombre se sont fabriqués une réserve personnelle, sorte de cabane dans la pièce, faite de toutes sortes de matériaux, planches, étagères, échelles, etc. C’est leur lieu secret qu’il ne convient pas de fouiller du regard. De toute façon, vous avez déjà suffisamment à faire dans le reste de la pièce où chaque recoin regorge de trouvailles, de traits, de dessins, de peintures, qui débordent jusque dans l’escalier qui appartient à tous.
Les artistes et leurs œuvres, que sont-ils ?
On trouve de tout : collages d’Anita Savary, dont l’imagination enflamme les mondes sous-marins ; dessins-peintures portraits-paysages de la japonaise Etusko Kobayashi ; les aphorismes enfantins de Fabesko ; les personnages colorés et poignants de Francesco ; le bazar d’objets d’Igor Balut ; le microscope textile de Pascal Foucart ; les très beaux corps dessinés classiquement de Sandra Krasker ; les abstractions sobres de Simone Zucchi ; l’abstrait jazzique et coloré de Thierry Hodebar ; les distorsions et l'ambiance musicale de Linda McCluskey ; et bien d’autres que je ne peux tous citer sous peine de faire encyclopédie.
Je ferai cependant une exception pour Henri Lamy et ses portraits travaillés de manière intime alors qu’ils paraissent au premier abord peint à grands traits. Ils sont particulièrement vivants malgré le tachisme employé, et dévoilent la personne dans son intimité psychologique, bien que pas une fois on ne peut disposer de la totalité d’un visage. Quelle belle toiles alors qu’on pense vite à des juxtapositions de couleurs et de trait colorés qui ne montre que la personne décomposée !
Comme on ne peut prendre des photos, vous pouvez regarder les œuvres de ces artistes sur le site :
et sur leurs sites personnels, pour ceux qui en ont créés, accessibles directement à partir du site ci-dessus.
05:39 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, expositions | Imprimer
06/10/2011
La fièvre du peintre
Retour à la fièvre du peintre, un éveil assuré, une vigilance accrue, un désordre dans la vie quotidienne, un tremblement des doigts au contact des pinceaux rassemblés, des images encombrant l’esprit jusqu’à vous empêcher de dormir la nuit. Vous vous levez à trois heures, allez vous faire une tasse de café, baillez un peu, malgré tout, puis prenez la toile que vous venez d’acheter, la contemplez, et… souriez de vous voir à l’œuvre, une fois de plus.
Mais auparavant, longues réflexions sur sa préparation. Il faut y dessiner les traits des formes et des couleurs, placer au bon endroit ces lignes qui feront un tableau d’un morceau de toile tendue. Alors, selon l’esquisse, vous calculez de façon à remplir l’ensemble de toute la largeur et la hauteur de votre ambition. Complexe est le dessin. Comment tracer l’image que l’esprit garde en mémoire, sans déformer par erreur de quelques millimètres la logique géométrique d’un assemblage élaboré ? Vous redoublez d’attention, prenant garde à ne pas salir la toile de quelques gouttes de transpiration ou de graphite dont vos doigts sont imprégnés.
Dans un jour, ou deux, j’aurai dessiné entièrement les motifs du tableau. Alors le délice de la peinture libérera la pensée. Il n'y aura plus que le plaisir de sentir le pinceau effleurer la toile et lui donner le velouté coloré dont vous avez rêvé. Mais nous n’en sommes pas là. Prenons le plaisir dans le fil du temps, avec patience et jouissance !
La création artistique est comme un accouchement. Il y a une longue gestation, tranquille, progressive, enchanteresse dans l’imagination, parfois lassante parce que l’esprit est en permanence en supputation. Et puis vous vous mettez au travail,physiquement, fébrilement, le souffle court, dans la crainte de ne pouvoir réussir, haletant de hardiesse et de peur. C’est long, cela devient long, tellement long que vous posez les pinceaux, prenez du recul et contemplez la toile avec inquiétude. Mais vous reprenez jusqu’à ce que, dans un élan final, vous décidiez de mettre un terme à votre élaboration. Alors votre cœur s’envole, soulève votre corps et vous rend transparent et léger. Vous êtes le roi du monde pendant cinq minutes. Jusqu’à ce que l’introspection de votre rationalité vous conduise à vous interroger sur telle couleur, tel trait, telle forme, bref un détail qui ne vous conviendrait pas.
Ne vous laissez pas faire. Détourner les yeux et gardez en mémoire chaque instant de la construction. Réjouissez-vous, car vous avez franchi l’épreuve et vous êtes empli le cœur de bonheur !
06:17 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, création artistique | Imprimer
05/10/2011
Réminiscence orientale
Tout le mystère de l'Orient derrière cette grille de style japonais.
Au delà ? La mer de Chine, étendue paisible d'où surgissent des îles élevées, ou encore lacs entourés d'habitations aux toits incurvées, languissantes dans la chaleur de l'été, ou enfin bouges sales d'où s'échappent des odeurs d'opium.
Peut-être une réminiscence de l' "Aesthetic movement" et de ses meubles anglo-japonais qui entrent dans ce style ?
06:14 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : op'art, art cinétique, peinture, dessin | Imprimer
04/10/2011
Et maintenant, on va où ? film de Nadine Labaki
Bande annonce :
http://www.youtube.com/watch?v=OqHm82eTUTw
Extrait 1 :
http://www.youtube.com/watch?v=bQbb63yba1s&feature=relmfu
Extrait 2 :
http://www.youtube.com/watch?v=8qZyk5Kb5v8&feature=relmfu
Le film débute sur la marche des femmes dans un paysage quasi désertique, toutes en noir, les unes portant des croix autour du cou, les autres avec un voile sur la tête. Elles avancent vers leur destin de femmes qui les conduit au cimetière, où elles se séparent, chacune vers leurs morts, à gauche, les chrétiens et, à droite, les musulmans. Dommage cependant que la réalisatrice ait cru bon de leur faire faire quelques pas de danse mortuaire, leur marche silencieuse était suffisamment simple, donc belle et impressionnante.
Le village est isolé. Seul un étroit chemin ouvert entre les champs de mines et passant au dessus d’un précipice permet le ravitaillement qui se fait avec une moto munie d’une remorque construite avec une vieille baignoire. Dans ce village, musulmans et chrétiens se côtoient chaque jour, à chaque heure. Ils ont les mêmes magasins, démunis, le même café, celui de Madame Amal, jeune veuve chrétienne qui regarde avec attention un peintre musulman qui en refait la salle.
Mais si les femmes s’entendent à peu près parce qu’elles souffrent de ces affrontements permanents, les hommes se cherchent querelle pour des bricoles et en viennent aux mains, déclarant qu’ils sont prêts à déterrer leurs fusils. Alors, avec l’aide du curé et de l’imam, elles décident d’en finir avec cette hostilité ambiante. Elles inventent des stratagèmes pour détourner les hommes du sentier de la guerre : les hommes ne peuvent écouter les nouvelles à la télévision collective parce qu’elles parlent sans arrêt ; la femme du maire prétend que la vierge lui parle ; des jeunes femmes d’une troupe de danseuses post-soviétiques tombent en panne dans leur village isolé et vont distraire les hommes.
La mort d’un des deux garçons qui approvisionnent le village contraint celles-ci à aller plus loin. Elles organisent, avec l’aide du curé et de l’imam, une réunion obligatoire de tous les hommes et leur font manger des pâtisseries dans lesquelles elles ont mis un peu de drogue. Pendant ce temps, elles déterrent les armes pour les cacher ailleurs. Mieux, le lendemain, les femmes chrétiennes sont devenues musulmanes et inversement. Les hommes ne savent plus quoi faire. Ils ne peuvent faire la guerre à leurs propres femmes ou filles. Le village se rassemble alors pour enterrer le dernier mort. Les hommes portent le cercueil, suivis par le même cortège de femmes (et d’hommes malgré tout) qu’au début du film. Mais arrivés dans l’allée centrale du cimetière, les porteurs se retournent, puis demandent aux femmes : « Et maintenant, on va où ? »
L’histoire en soi est déjà désopilante. Mais on appréciera surtout les éclats de vie quotidienne, savoureux, pleins d’humour, qui affirme le caractère méditerranéen du village et, en même temps, les oppositions tenaces entre les deux religions. L’ambiance passe progressivement de la drôlerie au drame, entre musique et pleurs, entre hommes machos, mais enfants, et femmes stratèges, mais attentionnées. Quel merveilleux film, qui réussit sous des aspects humoristiques à nous faire entrer dans le drame permanent d’un Liban partagé qui va on ne sait où.
05:17 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | Imprimer
03/10/2011
Que dire devant la page vide
Que dire devant la page vide
D’une nuit verte, au coin d’un réverbère ?
Premiers mots qui passent comme un vol de cormorans.
Mais qu’y a-t-il derrière ? Un vent de fronde
Chassé par la profusion du langage.
Silence des sentiments.
Un vide dans le noir de l’esprit,
Image de la floraison du cœur.
Dans la tiédeur de l’obscurité monte en moi
Le chant heurté, puissant et magique,
Des sirènes mouvantes et volubiles.
Au loin le son aigu d’une voiture
Qui flotte au gré du vent sur la route de l’Espagne.
Pas un passant ne vient à mon secours,
Ne m’apporte le mot qui permettra la suite
De cette histoire sans fin, ni commencement.
Dorment les passants du jour,
Eveillés les fantômes de la nuit
Qui montent une garde acide
Aux tréfonds des portes cochères
Et rient de me voir, assis
Dans mes pensées sordides,
Faute de pouvoir dormir
Et laisser aller mon esprit
Dans la fraicheur du rêve.
Oui, la nuit s’enfonce en moi
Creusant un large trou
Que je remplis de verbes
Comme on enfile les huitres
Sur le fil à couper le beurre.
Elle ne cessera pas
Avant l’aube qui ne vient pas
De me dire « étends-toi ! ».
07:08 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer