Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/03/2012

L’opinion publique

 

En ces moments d’élections, lorsque les médias s’enflamment journellement pour ces héros conspués qui se présentent au suffrage universel, il est important de savoir jusqu’à quel point le quatrième pouvoir exerce son influence.

Pour Alfred Sauvy, l’opinion publique est le for intérieur d’une nation, un arbitre, une conscience. L’opinion publique, cette puissance anonyme, est souvent une force politique, et cette force n’est prévue par aucune constitution [1].

On a longtemps pensé que les médias avaient un impact important sur l’opinion publique. La propagande, au milieu du XXe siècle, a largement utilisé ceux-ci pour influencer l’opinion. Il s’avère cependant, contre toute attente, qu'ils n’ont pas un impact aussi important que celui qu’on leur attribue en matière de formation de l’opinion.

Les expériences de laboratoire et les enquêtes sur le terrain ont en effet mis en évidence que la propagande portant sur des objets aussi différents que des élections ou le moral d’un ennemi produit peu de changement sur les opinions. L’image d’un auditeur passif auquel on fait ingurgiter des vérités prémâchées et que l’on peut manipuler aisément est fausse, comme l’ont clairement montré Paul F. Lazarfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet à l’occasion de la première étude par panel d’une élection présidentielle (celle de 1940 qui opposait Roosevelt à Willkie) [2].

 

Dans la plupart des sociétés contemporaines, on peut distinguer cinq catégories d’influence :

§        Les décideurs qui sont ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique, administratif, judiciaire, militaire, policier, etc. Ils sont, dans les pays démocratiques, très sensibilisés aux réactions de l’opinion, doivent en tenir compte et sont parfois paralysés dans leur action pour cette raison. Dans le même temps, ils cherchent à faire évoluer l’opinion de façon à faire passer les réformes qu'ils jugent nécessaires, mais qui pourront être impopulaires.

§        Les leaders d’opinion sont ceux qui cherchent à faire valoir leur représentation du monde et leurs solutions aux problèmes de société. Il s’agit des chefs de partis politiques et d’institutions religieuses, des représentants de syndicats et de toutes sortes d’organismes fédérateurs ou d'associations. 

§        Les “ communicateurs ” ou professionnels des médias, qui tendent de plus en plus à se constituer en pouvoir autonome, indépendant économiquement, donc moins orienté politiquement qu’auparavant. Les anglo-saxons les appellent “ communicateurs professionnels ”, c’est-à-dire ceux qui maîtrisent une compétence spécifique dans la manipulation des symboles et qui utilisent ce talent pour nouer une liaison entre différentes personnes ou divers groupes. Pour P. Schaeffer, le communicateur remplit un rôle de médiateur, brisant la relation directe entre les décideurs et leaders d’opinion et le public. Il choisit parmi toutes les informations celles qu'il veut communiquer.       

§        Les instigateurs d’opinion, ou “ guides d’opinion ” pour les anglo-saxons, qui, in fine, modèlent l’opinion des membres du ou des groupes auxquels ils participent. Charles Horton Cooley, puis plus tard, Elihu Katz et Paul F. Lazarfeld ont fait ressortir l’importance de leur rôle. Ils servent de filtre entre les médias de masse et le reste du groupe (théorie du « Two steps flow of communications »).

§        Les groupes primaires, qui jouent également un rôle important dans la formation de l’opinion en raison des phénomènes de conformité et d’obéissance qu’ils fédèrent ou encore des phénomènes de déviance suscités.

Les opinions et les attitudes d’une personne dépendent en fait de celles de son environnement social. On ne peut pas vraiment parler d’influence, mais plutôt d’un processus qui lui permet de choisir entre la réalité objective et la réalité sociale constituée par les opinions de son entourage.

 

[1]  Alfred Sauvy, L’opinion publique, Que sais-je n° 701, Paris, Presses Universitaires de France, 1971, p.6.

 

 

[2]  Paul F. Lazarfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet, The People Choice, New York, Columbia University Press, 1948.

 

06/01/2012

Rien, et surtout pas Monsieur (suite du 28 décembre)

 

La mode du bonjour sec, relativement récente, s’accompagne inéluctablement, par construction, de celle de ne jamais nommer quelqu’un Monsieur. Ainsi un représentant en aspirateur ou un préposé au téléphone s’introduira chez vous avec un bonjour sans autre spécificité. On peut penser que cette mode date des années 80, époque à laquelle Yves Mourousi se singularise par cette injonction brève et cinglante, avec, pour se faire pardonner, un accent délicat. Adoptée bien sûr par les journalistes, elle fut très vite suivie par l’habitude, que les médias considéraient tout aussi légitime, d’user du prénom et du nom de toute personne s’il tient une place intéressante dans la société.

Seul le petit peuple doit être appelé Monsieur ou Madame. On retrouve là l’arrogance trop polie des grands. Dire « Madame Enditrop » à sa concierge lui signifie la différence de classe. Ainsi fut divulgué cet usage médiatique de commencer une interview, même pour les personnes les plus hauts placées, en ces termes : « Nicolas Sartovsky, vous… ». C’est probablement par suffisance que nombre d’hommes politiques répondent aux journalistes en disant « Madame Chazel », et non Claire Chazel, signifiant par là la différence de classe. Certes, nous n’en sommes pas encore au tutoiement révolutionnaire, mais cela devrait arriver sans trop tarder. En ceci, nous rejoindront les pays non pas les plus démocratiques, mais les plus habiles à masquer les différences, telles les dictatures prolétariennes.

Par une voie totalement différente, cette horreur de nommer quiconque Monsieur ou Madame fut amplifiée, indirectement, et toujours par les médias, en raison des traductions des feuilletons américains si prolixes d’aventures militaires. Avez-vous remarqué que ceux-ci sont tous appelés Monsieur et non, comme c’est la coutume en France, par leur grade. Il en est de même des personnes ayant un certain rang social dans cette société égalitaire. Le terme Monsieur implique donc chez les Américains, ou du moins c’est l’impression qu’ils donnent au travers des traductions qui en sont faites par des Français, une déférence implicite que ne saurait admettre le peuple républicain. Dire Monsieur à quelqu’un c’est humiliant, dégradant, vieux jeu, voire hors jeu. Quelle déchéance que de devoir dire Monsieur à une autre personne. Jamais !

Voilà pourquoi (et non « c’est la raison pour laquelle », formule dans laquelle se complaisent également de nos jours les personnages en quête d’audience médiatique), le peuple français est maintenant condamné, même s’il s’adresse à une seule personne, à ne dire qu’un bonjour sec, impérativement, sous peine d’incivilité.

Peu importe ce qu’il dira par la suite, le mot de passe est donné et ouvre la porte à l’infinité des situations, y compris le manque de civisme et l’absence de citoyenneté.

Certes, cette interprétation fait de nombreux raccourcis et est quelque peu outrancière, mais n’y a-t-il pas un fond de vérité dans tout cela ?

 

 

28/12/2011

Bonjour, mot de passe ou de bienvenue ?

 

De nombreuses personnes n’ont plus la volonté, le courage, la joie de dire « bonjour Monsieur » ou « bonjour Madame » ou « bonjour Noémie ». Ils se contentent de donner un « bonjour » qui s’adresse à tous, c’est-à-dire à personne. On se salue sans reconnaissance de l’autre, comme si sa personne était évacuée au profit d’un automatisme social, voire politique. Mais ce salut, il ne faut pas l’omettre. Ne pas dire bonjour, c’est faire preuve d’incivilité, de manque de savoir vivre en communauté, quasiment d’indigence morale (et non pas esthétique). Et on vous le fait savoir. Cela s’affiche dans le métro, cela s’affiche dans les administrations, cela se proclame dans les magasins, certaines vendeuses déficientes vous répétant dix fois bonjour plutôt que de vous demander quoi que ce soit si vous omettez le mot de passe sacro-saint de la politesse républicaine. Vous pourrez vous adresser à elle avec une courtoisie royale, elle vous considérera comme le dernier des paltoquets et vous demandera d’entrer le mot de passe dans son ordinateur personnel, sans quoi il ne peut y avoir démarrage de la machine commerciale.

 

Mais il y a aussi différentes manières de proclamer ce mot de passe.

« Bonjour ! » vous contraint à remarquer la personne qui le profère d’une voix claire, comme s’il semblait dire « Evident, mon cher Watson ! ».

« Bonjour... » montre l’inexpérience d’une vraie salutation ou le regret de n’oser dire « bonjour untel ».

« Bonjour ? », avec une interrogation dans la voix, semble attendre impérativement qu’on lui réponde le même mot de passe, comme un jeu de reconnaissance d’espions dans un pays ennemi.

De même un bonjour où l’on appuie sur le jour plutôt que sur le bon laisse supposer un échange difficile et donc une mauvaise journée si l’on n’y répond pas.

Il y a aussi le bonjour des fonctionnaires d’organismes publics à un usager et non à un client : usez, mais n’en abusez pas.

Toute lettre doit également commencer par bonjour-virgule et le début du texte. C’est la lettre type distribuée par l’Internet à l’usage des vrais clients, ceux qui payent quoiqu’il arrive. Cela signifie dans quatre vingt dix neuf pour cent des cas que l’entreprise regrette, mais qu’elle n’est pas en mesure de répondre à votre demande légitime, car elle n’est pas incluse dans le contrat (voir le paragraphe 605 bis-§3, en bas de l’avant dernière page, que vous ne lisez même pas avec une loupe).

 

Prononcer autre chose que bonjour en signe de bienvenue signifie, pour les fiers partisans d’un civisme légalisé, ne rien dire, donc être incivique. Vous ne pouvez plus donner de salutation (trop risible), salut (trop intime), hi (trop américain), hello (trop apostrophant). Quant à commencer par : « S’il vous plaît pourriez-vous m’indiquer… », c’est tellement ringard que seuls quelques croulants osent encore s’afficher avec de telles paroles et ils semblent tout droit sortis d’un théâtre du XVIIIème siècle.

L’uniformité du bonjour a l’avantage de mettre tout le monde sur un pied d’égalité et même d’une certaine fraternité. Mais quel manque de liberté. Pourtant légaliser l’obligation du bonjour sous peine d’amende pourrait bien être une préoccupation de nos prochains élus républicains, qui se rejoindraient, de droite et de gauche, dans l’absurdité de la civilité transformée en civisme devenu règle juridique, à l’image de la loi pénalisant la négation du génocide arménien.

Mais où est donc passée la simple politesse où la manière de s’exprimer est plus importante que l’obligation de dire ou de ne pas dire ?

 

11/12/2011

Slogans et liberté

 

Nous sommes subvertis par les slogans qui créent des réflexes. La pensée se fractionne en une somme de vérités qu’on nous impose sans démonstration véridique. Elle ne sait plus suivre un raisonnement logique et passer d’une idée à l’autre dans un enchaînement dialectique. Elle hurle l’émotion, sans la lucidité du recul.

L’implication empathique à tout évènement est devenue beaucoup plus importante, dans notre monde médiatisée, que la recherche d’informations permettant d’approcher la vérité. Celle-ci importe peu. Et si l’on s’est trompée, tant pis, une information en chasse une autre.

Seule compte la nécessaire implication du public à ce qui lui est proposé. Pourquoi ? Parce que celle-ci crée l’audience et l’audience est indispensable aux médias pour vivre. Alors, n’ayons aucune illusion : les slogans, qu’ils soient publicitaires, politiques, écologiques, économiques et toute autre forme en « ique », resteront la règle et ne cesseront de nous envahir par tous les pores du cerveau. A nous de nous blinder, de créer des disjoncteurs permettant d’y échapper.

Il ne s’agit pas de s’isoler de toute information comme le font certaines personnes qui, pour lutter contre les ondes de la téléphonie mobile ou du Wifi, se logent dans des grottes au fin fond d’une épaisse forêt. Il s’agit simplement d’exercer notre libre arbitre de citoyen : Que penser de ce qui se passe, en toute liberté individuelle, avec le recul nécessaire à un véritable jugement ? Mais, me direz-vous, il est impossible d’avoir un jugement quand nous ne savons pas ce qui se passe. Et pourtant. N’est-ce pas le rôle premier du politique : prendre des décisions sans avoir l’ensemble des informations permettant de décider en connaissance de cause. A chacun de nous d’exercer sa propre responsabilité : qu’est-ce que je pense de ce vacarme médiatique sur tel ou tel sujet ?

C’est justement la porte ouverte à l’émotion et l’implication empathique, me direz-vous. C’est exact. Il est donc nécessaire d’apprendre à traduire les faits, et non l’information en soi, véhiculée par des centaines de médias. La première interrogation est donc : que s’est-il passé réellement et non que penser de ce qu'on nous dit de ce qui s’est passé ? C’est le véritable métier du journaliste et c’est la conception d’un certain journalisme anglo-saxon qui sépare les faits, de ce que certains en pensent et de ce que l’on peut en penser soi-même.

La seconde interrogation concerne bien sûr les conséquences de ces faits. Et pour arriver aux conséquences, il faut passer par les causes et les acteurs, en s’interrogeant sur leurs motivations et leurs buts. On ne peut certes que faire des hypothèses. Mais on peut émettre des pourcentages de probabilités sur celles-ci. Ce qui nous conduira à également émettre des probabilités en ce qui concerne les conséquences. On verra les médias s’engouffrer immédiatement dans les probabilités les plus folles et les plus improbables. Mais elles sont intéressantes parce que justement elles font appel à l’émotion. Le plus probable n’est pas intéressant, parce qu’il dégonfle l’agitation médiatique.

Cela me rappelle une anecdote lors de la guerre d’Irak conduite par la coalition américaine en 2003. Leurs troupes étaient aux portes de Bagdad, prêtes à y entrer. Participant à une table ronde journalistique dans laquelle les hypothèses et rumeurs étaient extravagantes d’alarmisme, j’avais émis l’hypothèse très probable d’un non massacre : Bagdad allait tomber comme un fruit mûr. Cette hypothèse m’a immédiatement mis à l’écart des tours de table des experts. Elle n’intéressait pas parce que non sensationnelle. C’est pourtant ce qui s’est passé.

Alors, prenons-nous en main ! Réfléchissons par nous-mêmes et n’allons pas chercher des béquilles pour cheminer sur la vérité (sans grand V). Et admettons ne pas connaître l’avenir, malgré le nombre de « madame soleil » qui nous entourent et nous divertissent sous prétexte d’information.

 

 

21/11/2011

MEDays 2011, du 16 au 19 novembre, à Tanger (Maroc)

 

Tanger, ville frontière, entre deux mers, entre deux terres, aux bâtiments indolents, mais agitée d’une foule affairée, devenue pour quelques jours un lieu de réflexion sur « Le Sud dans laMedays 2011 003 rev&red.jpg gouvernance mondiale ». Ce sont les MEDays 2011, journées organisées par Brahim Fassi Firhi, président de l’Institut Amadeus, mettant en contact les principaux acteurs du Sud avec les principaux décideurs internationaux. On y parle de crise, bien sûr, dans toutes ses formes, sociale, sécuritaire, financière, climatique, etc. Y participent d’anciens chefs d’Etat, de nombreux ministres, en particulier des Affaires étrangères, des responsables de toutes sortes et de tous domaines. Et l’on y parle en toute liberté, sans langue de bois (ou presque), les expressions utilisées restant modérées.

Nous sommes au bord de la Méditerranée, l’hôtel séparé de celle-ci par un mur qui cache le Medays 2011 009 rev&red.jpgspectacle des vagues que l’on entend frapper le sol de leurs sévères caresses. Certes, ce n’est pas de tout repos, car l’inimaginable communication moderne envahit chaque recoin, y compris sans doute à l’intérieur des têtes, les faisant tourner entre les différents thèmes du forum. Oui, sans doute micros et haut-parleurs sont les rois des panels où interviennent les personnalités. Certains en usent, parlant avec une sensualité douce pour ensuite asséner d’une voix forte quelques vérités supérieures. Mais l’habitude vient avec le temps et l’on se fait à tout ce bruit qui meuble les changements de tables rondes. Pendant les prises de paroles, on peut en même temps voir sur écran les visages des intervenants. Très diversifiés, ils mettent cependant en évidence les points communs de l’humanité tant d’une façon purement physique que, plus subtilement, les attitudes et expressions. Chaque homme porte en lui l’humain. Il est Homo sapiens, c’est-à-dire intelligent, sage, raisonnable, disposant de jugement. Et quand je dis homme, je parle de l’être humain en général, qu’il soit homme ou femme, cela va sans dire. La langue française ne distingue pas le genre de cette dénomination ou plutôt confond l’ensemble avec le mâle. C’est sans doute une erreur historique puisque le latin distingue l’homo, être humain, et le vir, humain mâle. Et dans ces images dont nous sommes abreuvés, apparaissent bien des attitudes ou comportements communs : regard songeur, mais acéré, des penseurs sur les crises désorganisant le monde ; jambes croisées de personnages gênés de disposer assis de tentacules inutiles qui se révèlent malgré tout nécessaires dès l’instant où un déplacement s’impose ; doigts posés (deux en général) sur une joue tiède pour augmenter l’écoute et la concentration, la tête légèrement inclinée du côté du lobe de la réflexion.

Medays 2011 015 rev&red.jpg

Cette photo a été prise à un moment où la foule habituelle n'empêcherait pas de voir la salle de rencontre et de presse.

Mais, si l’on prête une attention dans le temps à ces images diffusées, apparaît une diversité incroyable et respectable, attendrissante pourrait-on dire. Et ici se côtoient des représentants de l’ensemble de l’humanité, jaunes, noirs, blancs, entre deux couleurs, ou même entre trois. Tous disposent des mêmes gènes et chacun d’entre eux est différent de son prochain. Caractéristique première de la vie : la diversité. Chaque plante, chaque animal, chaque être humain se distinguent des autres membres de son espèce. Il n’y a pas de clone. Mieux même, chaque être humain est centre du monde, l’analyse avec sa vision qui diffère de celle du voisin. Il est vie unique, mystérieuse, imprévisible, parce que soumise à un environnement fragile qui est le même pour ceux qui vivent dans un même lieu et en même temps. J’ai aimé entendre l’ancien Président de la république de Colombie, l’ancien Président de la république du Pérou et le Président de Microsoft Africa, si différents en tant qu’hommes vivants dans des environnements différents, mais aux préoccupations proches. La mondialisation n’est pas seulement un maelstrom économique. Elle peut être transformée en instrument de socialisation et de paix. Mais il nous faudra encore du temps et beaucoup de réflexions pour abandonner nos intérêts localisés et incompatibles.

Qu’en retenir ?

Au-delà de l’étonnante diversité des hommes, l’intelligence des réflexions de nombreuses personnalités ressortissantes des pays du Sud. Au-delà de la compréhension des mécanismes des sociétés, c’est une culture commune et philosophique qui ressort, même si de nombreuses divergences d’action restent évidentes. Je pense en particulier au professeur Abdelfattah Amor, président de l’académie internationale de droit constitutionnelle, dont la profondeur de vision du droit fait entrer de plein pied dans les aspects philosophiques et moraux de l’être humain et de ses droits quelles que soient son ethnie et sa religion.
L’importance et l’intérêt de la jeunesse marocaine à ses réflexions est un second point à mettre en exergue. Ce forum fut organisé par des jeunes, très jeunes même, presqu’étudiants, et l’organisation, colossale, a tenu ses promesses, comme les buts de la réflexion proposée. Et pourtant, notre société ne leur laisse que peu de place dans le monde du travail. On peut penser qu’une des faillites de la mondialisation est principalement l’incapacité à procurer du travail à tous les âges et toutes les couches de sociétés très variées mais plongées dans un même bain : certains, de moins en moins nombreux, mais de plus en plus riches, continuent à accumuler de manière éhontée, au détriment d’encore plus d’hommes et de femmes, jeunes ou vieux. La corruption, qui commence par la monopolisation du pouvoir (ce qui se passe en Egypte) est le fléau de nos sociétés, y compris dans nos démocraties.
Troisième point : la possibilité d’établir des relations avec des gens de tous pays, travaillant dans toutes sortes de domaines, étant à des postes d’action ou de réflexion importants, est une occasion unique qui donne à ce forum un intérêt indiscutable. Chacun y pêchera les relations qu’il souhaite, au-delà de paroles entre gens de bonne société.

Merci à nos amis marocains et plus largement des pays du Sud pour cette leçon de courage qu’ils nous donnent : courage pour monter un tel forum, courage pour reconnaître les erreurs commises, courage pour envisager des solutions inédites et pas forcément politiquement correctes, et, toujours, un sens de l’accueil inégalé.

Medays 2011 021 rev&red.jpg

 

 

20/09/2011

Nos cours d'eau

 

Exceptionnellement je vais revenir à un problème politique. Il est à la fois réellement politique, en ce sens qu'il implique la vie quotidienne présente et à venir des citoyens sur un sujet majeur, celui de l’eau et de la conservation de sa qualité et de sa quantité. Mais il est en même temps très politicien, en raison des intérêts mis en jeu par les parties en présence.

 

De quoi s’agit-il ? Le Parlement européen et du Conseil (Directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000) a établi un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, considérant que l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel. En fait il s’agit principalement de réduire les pollutions domestiques, industrielles, agricoles et autres des rivières.

 

L’administration, du ministère de l’écologie aux préfets et diverses agences, commissions et autres organisations, a donc mis en œuvre une multitude de textes le plus souvent contradictoires pour atteindre la « continuité écologique », seul moyen d’après elle pour aboutir aux objectifs européens. Puis, au-delà, le cheval de bataille de la continuité écologique est devenu la destruction des seuils, barrages, vannes, de tout obstacle permettant une certaine gestion de la rivière. Une rivière doit couler de sa source à son embouchure, et in fine jusqu’à la mer, en parfaite liberté, sans obstacle, L’objectif étant de permettre la libre circulation des poissons et des sédiments.

 

Ainsi l’humanité qui, depuis plusieurs milliers d’années, utilise l’eau et la conserve grâce aux ouvrages de main d’hommes, avait tort (lire l’introduction de la pièce jointe). Et l’administration, sous des dehors pattes de velours (fausses réunions dite de concertation), lamine les riverains et usagers des cours d’eau et veut leur imposer des mesures inappropriées à la bonne gestion de l’eau. Derrière cette politique se cache de nombreux intérêts. Pour n’en citer que quelques uns : ceux des pollueurs chimiques et domestiques, ceux des gestionnaires utilisateurs des subventions européennes (qu’il faut à tout prix utiliser quel qu’en soit l’usage), ceux des politiques qui peuvent ainsi mettre ma main sur les rivières non domaniales.

 

 

Prenons conscience de cette dérive politique et réagissons !

 

Ouvrez le document ci-dessous :

 

Yatilunediscontinuiteecologique.pdf  

 

Si vous êtes convaincu, mobilisez vos élus locaux pour qu'ils ne donnent pas leur accord. Leur consultation a lieu d'ici la fin du mois pour certaines régions.

 

 

22/02/2011

Indignation

Ayant exclu de ce blog toute réflexion d’ordre politique ou stratégique, je ne peux cependant m’empêcher de clamer mon indignation devant l’inertie de la France et de l’Union européenne sur ce qui se passe dans le monde arabe.

 

Je suis scandalisé par l’attitude de nos politiques vis-à-vis de ce qui se passe actuellement dans le monde arabe : en partie ou peut-être la fin de l’exception arabe des régimes totalitaires qui durent depuis plus quarante ans. Que font l’Union européenne et la France ? Elles regardent du bout des yeux, sans s’exprimer, ce changement stratégique et compte les points entre le désir de démocratie et la répression totalitaire. Jusqu’à présent, elles s’étaient accommodées de l’état de fait totalitaire et n’osait même espérer un changement qui leur faisait peur, pensant d’abord au pétrole, puis à la seule opposition constituée, l’islamisme intégriste.

Cela aurait cependant été une belle occasion de redorer le blason de l’Europe et de la France auprès de ces pays. Certes, il ne s’agit pas d’intervenir à la manière forte habituelle de nos démocraties qui veulent donner les leçons au monde, à l’exemple du nouvel ambassadeur français en Tunisie. Entre un interventionnisme déplacé et un attentisme irresponsable, il y a la place d’une aide intelligente, non dirigiste, non orientée politiquement pour tel ou tel parti. L’Union européenne, ou la France, si l’Union ne souhaite pas le faire, pourrait proposer de mettre à disposition de la Tunisie et de l’Egypte, une cellule conseil d’aide à la construction de l’avenir. Une sorte de cellule de crise, dont le rôle serait, sans s’impliquer dans la vision d’un parti ou d’un autre, de proposer, de travailler avec les élites du pays à leur vision d’avenir et de les aider à la mettre en place. Cette cellule serait composée de personnalités indiscutables sur le plan politique, économique, sociétal, environnemental. Au total, une dizaine de personnes connues pour leur compétence et leur sagesse, qui, avec les personnalités du pays, non en charge d’un parti, ferait un bilan de l’état du pays et proposerait des solutions aux principaux problèmes, ceux tout d’abord urgents (la hausse des prix, le chômage, un régime politique correspondant à l’aspiration de la majorité, la récupération des richesses accumulées par les anciens dirigeants), puis ceux plus structurants car remettant en cause les habitudes séculaires du pays (la société, du point de vue social, sociétal et économique, une certaine attention à l’environnement, une justice équitable, une égalité de traitement entre les citoyens, hommes et femmes, pauvres et riches, et bien d’autres choses encore).

La difficulté reste cependant la nécessité de prendre en compte la culture propre des pays, en parallèle avec le désir propre de changement du peuple. C’est pourquoi il ne s’agit que d’aides conceptuelles, voire parfois financières (mais il faut avoir réfléchi avant d’ouvrir son porte-monnaie et notre porte-monnaie est très restreint en raison de dépenses somptuaires que lancent nos politique nationaux, régionaux et locaux). Une telle aide ne serait pas coûteuse pour la France et lui permettrait de redorer son blason sans toutefois blesser la fierté des peuples de ces pays qui ont eu le courage de faire leur soulèvement au prix d’incertitudes et d’immenses sacrifices.

De grandes personnalités françaises et européennes pourraient accepter de faire parti de ces cellules : par exemple, Edgar Morin et sa politique de civilisation, Jacques Attali (qui ne s’est pas trompé sur cette nécessité dans son blog avec la proposition du 6 février « Aider la Tunisie », mais qui l’a malheureusement limitée à l’aide financière), deux juristes (constitutionnel et droit de l’homme), un spécialiste de la communication de crise et bien d’autres personnes qui sont des spécialistes reconnus dans leur domaine, mais non impliqués dans une vie politique. Enfin, deux généralistes des cellules de crise les aideraient à organiser le travail avec les personnalités du pays.

Certes, il ne sera pas facile de mettre en œuvre cette aide : difficulté à prendre contact, difficulté du choix des interlocuteurs, difficulté à travailler dans la sérénité alors que l’agitation se poursuit et bien d’autres obstacles encore. Mais ces personnalités, affichant la seule volonté d’assistance, en laissant les décisions à celles du pays, permettraient de mettre en évidence la possibilité d’une aide entre les démocraties occidentales et ces pays qui cherchent leur voie.