Slogans et liberté (11/12/2011)

 

Nous sommes subvertis par les slogans qui créent des réflexes. La pensée se fractionne en une somme de vérités qu’on nous impose sans démonstration véridique. Elle ne sait plus suivre un raisonnement logique et passer d’une idée à l’autre dans un enchaînement dialectique. Elle hurle l’émotion, sans la lucidité du recul.

L’implication empathique à tout évènement est devenue beaucoup plus importante, dans notre monde médiatisée, que la recherche d’informations permettant d’approcher la vérité. Celle-ci importe peu. Et si l’on s’est trompée, tant pis, une information en chasse une autre.

Seule compte la nécessaire implication du public à ce qui lui est proposé. Pourquoi ? Parce que celle-ci crée l’audience et l’audience est indispensable aux médias pour vivre. Alors, n’ayons aucune illusion : les slogans, qu’ils soient publicitaires, politiques, écologiques, économiques et toute autre forme en « ique », resteront la règle et ne cesseront de nous envahir par tous les pores du cerveau. A nous de nous blinder, de créer des disjoncteurs permettant d’y échapper.

Il ne s’agit pas de s’isoler de toute information comme le font certaines personnes qui, pour lutter contre les ondes de la téléphonie mobile ou du Wifi, se logent dans des grottes au fin fond d’une épaisse forêt. Il s’agit simplement d’exercer notre libre arbitre de citoyen : Que penser de ce qui se passe, en toute liberté individuelle, avec le recul nécessaire à un véritable jugement ? Mais, me direz-vous, il est impossible d’avoir un jugement quand nous ne savons pas ce qui se passe. Et pourtant. N’est-ce pas le rôle premier du politique : prendre des décisions sans avoir l’ensemble des informations permettant de décider en connaissance de cause. A chacun de nous d’exercer sa propre responsabilité : qu’est-ce que je pense de ce vacarme médiatique sur tel ou tel sujet ?

C’est justement la porte ouverte à l’émotion et l’implication empathique, me direz-vous. C’est exact. Il est donc nécessaire d’apprendre à traduire les faits, et non l’information en soi, véhiculée par des centaines de médias. La première interrogation est donc : que s’est-il passé réellement et non que penser de ce qu'on nous dit de ce qui s’est passé ? C’est le véritable métier du journaliste et c’est la conception d’un certain journalisme anglo-saxon qui sépare les faits, de ce que certains en pensent et de ce que l’on peut en penser soi-même.

La seconde interrogation concerne bien sûr les conséquences de ces faits. Et pour arriver aux conséquences, il faut passer par les causes et les acteurs, en s’interrogeant sur leurs motivations et leurs buts. On ne peut certes que faire des hypothèses. Mais on peut émettre des pourcentages de probabilités sur celles-ci. Ce qui nous conduira à également émettre des probabilités en ce qui concerne les conséquences. On verra les médias s’engouffrer immédiatement dans les probabilités les plus folles et les plus improbables. Mais elles sont intéressantes parce que justement elles font appel à l’émotion. Le plus probable n’est pas intéressant, parce qu’il dégonfle l’agitation médiatique.

Cela me rappelle une anecdote lors de la guerre d’Irak conduite par la coalition américaine en 2003. Leurs troupes étaient aux portes de Bagdad, prêtes à y entrer. Participant à une table ronde journalistique dans laquelle les hypothèses et rumeurs étaient extravagantes d’alarmisme, j’avais émis l’hypothèse très probable d’un non massacre : Bagdad allait tomber comme un fruit mûr. Cette hypothèse m’a immédiatement mis à l’écart des tours de table des experts. Elle n’intéressait pas parce que non sensationnelle. C’est pourtant ce qui s’est passé.

Alors, prenons-nous en main ! Réfléchissons par nous-mêmes et n’allons pas chercher des béquilles pour cheminer sur la vérité (sans grand V). Et admettons ne pas connaître l’avenir, malgré le nombre de « madame soleil » qui nous entourent et nous divertissent sous prétexte d’information.

 

 

06:37 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, politique, presse |  Imprimer