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10/03/2018

L’œil

L’œil est le fond de l’âme,
On y admire la pointe de l’humain.
Il peut être un soleil chaleureux,
Une lune chafouine, une étoile scintillante,
Ou même un trou noir aspirant les regards…
De braise, certains le portent,
De jais, il roucoule tendrement,
Noisette, il sort des bois, croquant,
Vairon, l’âme boite dans son logement.
C’est le monde vu de l’œil-de-bœuf.
Seul, l’œil de verre est impassible,
il ne voit pas le blanc des yeux.
Faut-il tourner de l’œil pour apercevoir l'âme ?

©  Loup Francart

07/03/2018

Sable

Les sables sont le plus souvent mouvants
La confiance n’est pas de mise avec eux
Qu’un papillon passe, la tempête se produit
Vous étiez au sommet et vous voici à terre

Les vents sont contraires, vous dit-on
Le Sahara apporte les fantômes d’une nuit
Une neige jaune et gluante recouvre cet été
La campagne habituée au blanc hivernal

Chaque grain de sable n’est rien
Qu’un pet dans la symphonie de l’univers
Mais quel bruit effroyable se produirait
Si venait le vent du doute irrationnel

Bâtie sur le sable, votre vie s’affole
Vous avancez un foulard sur le nez
Et même vos yeux sont fermés. Seul
Le bruit de l’innocence vous fait avancer

Et pourtant, le sable peut servir de moule
Mais il ne sert qu’une fois et meurt
C’est la beauté du provisoire et de l’unique
Où l’on se moule pour la vie, seul au monde

 Certains échouent et proclament haut et fort
Je suis sur le sable, sur un banc en pleine mer
Aucun fou ne vient les voir. Personne n’ose
Affronter l’infini des mers et du sable réunis

D’autres ont les yeux qui piquent
Le marchand de sable est toujours présent pour eux
Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez
Et se contentent de leur myopie reposante

Il arrive cependant que d’autres s’élèvent
En une rage incompressible et fugace
En statue de sable érigée sur la notoriété
Qui, un jour, fondra au soleil de la vérité

Les psychologues bâtissent des jeux de sable
Où l’inconscient s’ébat lourdement dans les grains
Jusqu’au moment où jaillit la guérison
Alors le patient s’étale au soleil et pleure

Dans le sablier s’écoule votre destin…
Se perdre dans les sables
Et ne plus voir l’horizon
Est bien une souffrance humaine...

©  Loup Francart

02/03/2018

Dédoublement

Il est quatre heures du matin, une heure humaine…
Je rentre en moi-même, ne sachant où je vais…
Soudain, un bouton déclenche le dédoublement
Comme si l’aile d’un oiseau l’avait enfoncé…
La vue se dédouble, comme une brisure
Je louche dans mon être et me sens bien
Je prends de la distance et me regarde
Je sens la fragilité de mon enveloppe corporelle
Comme une membrane déchirable
Qu’il faut protéger des meurtrissures…
La rendre transparente est mon premier devoir…
Je reviens à moi en suspension interne
Au lieu où rien ne peut m’atteindre
Là où se creuse le dédoublement
Et où se bâtit la réunion des contraires…
Descente en soi-même et montée hors de soi
D’un même mouvement instantané…
L’autre, l’ancien, reste à sa place
Ou plutôt s’efface dans le brouhaha
Des tableaux temporels quotidiens…
Je deviens ballon d’air chaud, libre
Tranquillisé, l’œil ouvert, le cerveau vide…
Plus de pensée, plus d’être non plus ?
Non, j’ai simplement changé de véhicule
Montée en flèche dans le noir protecteur
J’erre dans la mousse vaporeuse
D’une réalité nouvelle, enveloppante
Sur un nuage de brume chaude
Où le cœur fond et le corps repose
Ah ! Se tenir là toujours et...
S’ouvrir à la réunification…

©  Loup Francart

27/02/2018

Ta vie, ma fille

Ne te fais pas prendre ta vie, ma fille
Ne te laisse pas enjôler par les courants d’air
Par un regard subtil ou l’attrait du rêve
Traverse au large sur le trait pâle et vertueux
De l’insensible qui court en flèche, éperdu
D’étirement et d’enroulement sur lui-même

Seules celles éprouvant le feu intérieur
Qui entraîne l’être au-delà du néant
Et qui donne au visage l’étincelle vitale
Sont les vestales ignorées des égarés
Elles contemplent la foule immense et béate
D’un œil expert. Alors elles pleurent, en solitaires 

Poursuis encore, seule, ton chemin scabreux
Dédaigne les temples d’une douceur douteuse
Enjambe l’ombre des vertiges attirants
Et daigne offrir ton corps d’espérance
A la face lunaire des nuits sans sommeil
Qui portent en elles-mêmes leur accomplissement

Enfin, ne laisse pas disperser par les chants
De ceux qui n’ont que leur solitude à mettre
Aux côtés du chœur envié des déracinés
Pleine de toi-même et de désir de vivre
Ouvre-toi à ce long chemin dépouillé
Qui part devant toi jusqu’à la ligne

L’étincelle de ta rencontre avec la droiture
Qui se courbe dans l’espace vivifiant
Et qui se déroule dans le temps des amours
Te procurera l’apaisante délivrance
Tu te retourneras et admireras cette tangente
Qui te mène à toi-même en pleine conscience

 ©  Loup Francart

23/02/2018

Homme ou Dieu

 

Vivre le présent

Tirer parti du passé

Créer l’avenir

 

22/02/2018

Le sacre final

Tu vas bientôt recevoir le sacre final
Quand ? Tu ne sais…
L’attends-tu ?
Sûrement pas, bien trop occupé…
La découverte à tâtons du monde
Reste un job très prenant
Et les voies sont multiples
Aucune n’échappe à ton regard
Mais tes mains sont insuffisantes
Pour entreprendre le périple
De l’extérieur vers l’intérieur
De l’homme vers l’univers
Il est cependant probable
Que cette connaissance viendra d’elle-même
Le saut élégant du solitaire
Remplacera les multiples essais
Couronnés sans succès ni bonheur
La tête ne peut tout contenir
Ni, non plus, le corps ou le cœur
Alors attends patiemment le sacre
Cet instant indéfini et impalpable
Où tu souriras à tous et à toutes
A bientôt, direz-vous, sur l’autre face !
Là-bas, sans corps ni intellect
Avec juste ce souffle qui coule seul
Dans tes veines désormais désertées
Du sang de tes ancêtres humains
Tu contempleras ton passé
Tu t’assiéras sur ton présent
Et n’aura pour avenir
Que la beauté des poètes
Et l’amour des anges
Les yeux retournés, tu proclameras :
C’était comment le monde ?
L’univers est si vaste…

 ©  Loup Francart

17/02/2018

Corps et âme

Il y a quelques jours, il s’est dédoublé
Quel frémissement !
La tête dans les nuages
Et les chaussettes dans la boue
Entre les deux, rien… Le vide…
Il ne s’en aperçut pas immédiatement
Il vivait des jours intenses dans la clarté
Puis des nuits noires comme l’encre
Entre les deux, l’enfouissement…
Un sommeil de plomb, lourd comme l’absence…
Il fermait les yeux
Devant lesquels les étoiles dansaient
Son corps n’était plus qu’un voile transparent
Quatre poteaux de bois revêtus de plastique
Qui claquent au gré d’une brise fraîche
Et il comprit le don du corps
A la terre ferme, dans l’odeur des feuilles mortes
Toutes portes ouvertes, les narines frémissantes
Il entre dans l’univers, nu et prudent
Cette bulle d’infini qui gratte parfois
La plante des pieds ou le crâne chauve
Il baigne entre deux eaux, épanoui
Son esprit est ailleurs… Loin, très loin
Dans son autre moi, ce soi
Qui se tient coi et joue les rois…
Mais il sait que tout cela
N’est que passager
Comme la traîne d’un avion dans le ciel
Et que bientôt il faudra revenir
A plus de réalité…
Mais que doit-il abandonner ?
La tente translucide
Ou l’immatériel sans mesure
Il sait cependant que les deux ne font qu’un
Quand d’un revers  de main
Il balaye l’espace et rompt l’écoulement du temps
Cette unité finale ne dure qu’un instant
Et est le fruit de toute une vie
La danse sur le fil de la vérité


Ferme l’œil
Ouvre ton corps
Libère ton esprit
L’âme est là
Sans pensées ni sensations
Dans son éternité dévoilée
Nage jusqu’à elle
Et… Envole-toi !

 ©  Loup Francart

13/02/2018

L'araignée

L’araignée serait-elle bonne mathématicienne
Ou même peut-être est-elle créatrice intemporelle ?
La durée d’une nuit, elle crée son espace-temps
Où s’englue chaque grain de matière vivante
Courbant davantage les fils ténus et accrocheurs
Et là, l’être prisonnier, pris dans la nasse élastique
Regarde désespéré approcher le dieu vengeur
Plus rien ne peut le cacher et le sauver
Sur le plan souple et huilé de la toile
Il apparaît comme une proie indéfendable
Et sera gobé en un instant par le pillard…
Pourtant qu’elle est belle cette toile symétrique
Épanouie aux rayons de l’aube, vêtue de rosée
Cachée entre deux brins d’herbe inoffensifs
La rigueur mathématique de sa construction
Ne laisse pas place à l’improvisation
La chasse devient chose aisée et ludique
Tendez vos filets et observez !
Il arrive, l’innocent sifflotant
Il se heurte à la barrière qui colle
Plus il tente de se dégager, plus il est pris
Il ne lui reste qu’à attendre et voir
La mort approcher, souriante et légère
Il contemple l’indécence et la force
L’inévitable et l’insouciance
L’araignée dévorante à la panse gonflée
Qui conduit à la fin, sans échappatoire

©  Loup Francart

06/02/2018

Haïku

 

N’y a-t-il plus de lois ?

Le rire devient stérile

Les pédants odieux

05/02/2018

Échafaud

Il est des jours où tout se brouille
Il ne reconnaît pas le chameau du dromadaire
Lequel passe par le chas d’une aiguille ?

Il est des jours où tout s’emmêle
Il laisse le chat jouer avec la pelote
Mais jamais il ne lui donne sa langue !

Il est des jours où tout s’enchevêtre
Il ignore la tromperie du politiquement correct
Mais prend-il des vessies pour des lanternes ?

Il est des jours où rien ne va plus
Il a tout perdu, sauf l’honneur
Alors il marche, rasséréné, vers l’échafaud

©  Loup Francart

 

01/02/2018

L'objectivité

L’objectivité n’est pas un gros mot.
Pourtant, à écouter les parleurs
Qui laissent filer leurs pensées
Aux vues et sus de tous,
Elle est dite dépourvue de partialité,
Contrairement à celui qui affirme
Et qui juge avec parti-pris.

Il est dit : "L’objectivité existe en soi,
Indépendamment du sujet pensant."
Ne pensez pas, vous serez objectif !
Pourtant qui ne sait la hauteur de vues
A encourager pour devenir objectif,
C’est-à-dire ne voir que l’objet
Sans tenir compte du sujet.

Einstein a cependant écrit :
"Désintégrer un atome est plus facile
Que détruire un préjugé."
C’est vrai ! Regarder un objet,
C’est lui accorder une part de soi.
Mais si vous ne le regardez pas,
Que pouvez-vous dire sur lui ?

L’objectivisme, nous dit-on,
N’utilise que les données
Contrôlables par les sens.
Mais qui contrôle les sens,
Si ce n’est un sujet pensant ?
Le sens serait-il la synthèse des sens ?

Oui, donner du sens à un objet,
C’est bien l’observer indépendamment,
Mais toujours du point de vue
De la finalité de l’observateur
Qui au fond de lui-même
Fait de l’objet un sujet indépendant
Qui rend objective sa subjectivité.

Être objectif, c’est finalement
Aller au bout de sa pensée.
Et pour revenir à ce que dit Einstein :
"Nous ignorons comment sont les choses
Et n’avons que la représentation
Que nous nous en faisons."
Ne la perdons pas, nous serions aveugles !

 ©  Loup Francart

25/01/2018

C'est ainsi

C’est ainsi
Il n’y a rien qui soit de trop
Ni l’étoile, ni le noir
Ni le soleil présomptueux

C’est ainsi
Il y a toujours des cris
Le jour où l’homme remue
Et sort, ivre de fureur

C’est ainsi
Il n’y a pas d’eau dans l’abreuvoir
Ni même d’avoine dans l’auge
Le cheval part, seul au monde

C’est ainsi
Il y a encore des abeilles
Qui bourdonnent au fond de l’air
Et prennent peur de fleurs vertes

C’est ainsi
Il n’y a plus de folles courses
Entre les filles de Waltaïra
Ni d’arrivée dans les bras dorés

C’est ainsi
Il y a des jeunes gens
Bouche ouverte et poils au nez
Qui courent sans vergogne

C’est ainsi
Il n’y aura bientôt plus
D’oiseaux dans l’azur
Ni de fourmis sur la terre

C’est ainsi
Viendra bien le jour
Où il fermera les yeux
Pour ouvrir ses sens épuisés

©  Loup Francart

24/01/2018

Haïku

 

L’ange blond n’est plus.

Connaissait-il l’espace-temps ?

Non, l’éternité !

 

20/01/2018

Plus rien

Plus rien ne sera comme hier
C’était le temps d’un sourire
Volé aux lèvres des jeunes filles
Et échangé dans l’impatience

Plus rien ne sera comme l’été
Où la chaleur embrase le corps
Et donne aux pensées l’image
D’élan de tendresse collante

Plus rien ne sera comme au commencement
Quand le monde s’ouvrait sous nos yeux
Et caressait une mémoire vierge
Pour y déposer le tremblement de la vie

Plus rien ne sera comme demain
Tiens… Pourquoi ? Que sais-tu de demain ?
Demain sera le temps quiétiste
La panne sèche en plein désert

Mais rien ne pourra être comme la fin
En une nuit lointaine et chaste
Où l’abandon et la tendresse se côtoieront
Pour revivre en un éclair l’existence

©  Loup Francart

18/01/2018

L'autre

Il était autre, un être inconnaissable
Qui saurait encore l’apercevoir
Lorsqu’il courrait entre les voitures
Évitant les roues et les bosses
Et qu’il levait parfois la tête
Humant l’odeur du vent d’automne

Il était autre, un être inconnaissable
Qui criait sa lourdeur d’homme de paille
Et pleurait la perte du contact brûlant
Avec cette peau pleinement douce
D’un bras de femme le soutenant
Et le hissant vers les hauteurs

Il était autre, un être inconnaissable
Qui s’enfermait volontairement à l’intérieur
D’un lui-même déchu et pantelant
Marchant sans but dans la ville
Couvrant d’un pas menu et étiré
Chaque rue connu ou inconnu

Il était autre, un être inconnaissable
Qui tentait de sortir de la pierre
Pour découvrir l’ouverture de l’horizon
Et courir à perdre haleine, hors du temps
La liberté retrouvée, jamais réellement perdue
Mais jamais accessible directement

Il était autre, un être inconnaissable
Qui finit enfin par se connaître
En franchissant la porte du désenvoûtement
Il se retourna, les cheveux dressés
Marchant sur la pointe des pieds
Fit un signe et s’envola, loin de tous

Il était autre, un être inconnaissable
Il devint un être inconsolable, autre
Double  de ce qu’il avait été
Errant dans les plis du temps
Sans pouvoir jamais se réunir
Et enfin dormir sans inquiétude

©  Loup Francart

13/01/2018

Haïku

 

Le soleil se lève

Il tourne autour de ta tête

Et part, sans mot dire

 

 

 

11/01/2018

Chance

Il est là, seul regard lointain
La femme passe, sans le voir
Il ne bouge pas, l’a-t-il vu ?
Elle poursuit sa route, indifférente

Soudain, elle lève la main, fait signe
A qui ?
Il cherche l’autre
Fait le tour de l’horizon
Rien, personne, néant
Qu’a-t-elle ?

Elle sourit maintenant
Elle a du charme et de l’allure
Mais elle n’ose se dire
Alors elle minaude et  rit
De ses grands yeux bleus
Il comprend, mais il joue
Indifférence et lassitude

Alors elle s’échappe et court
Et lui, sans rien ni personne
Se retrouve seul, face au vide

Sa chance est passée
Qu’il faut saisir toujours
Quel que soit le sujet

©  Loup Francart

06/01/2018

Réveil

Ne plus voir dans l’œil que l’on croise
Ignorer les doigts fragiles qui se tendent
Ne plus même entendre les pas derrière soi
Ou la plainte silencieuse arrêtée sur les lèvres
Partir sur l’asphalte les yeux clos
L’oreille sourde, la main sur son bâton
Souvenirs encore de ce rêve ébauché
Un matin où le soleil rouge sur la ville
Ensanglantait les visages inexpressifs et muets
Puis le vide silencieux du dernier sommeil
Jusqu’au réveil inquiet, dans la froideur du lit

 

©  Loup Francart

22/12/2017

La singularité

Définition singulière que celle de la singularité :
Caractère de ce qui est unique ou acte la révélant

Nous sommes tous singuliers, sans le savoir
Pourtant nous errons dans la reconnaissance
De nos ressemblances sans nous douter
De la présence de l’être singulier
Que chacun de nous est et se doit de découvrir

C’est un véritable déconditionnement à pratiquer
Se défaire de l’apprentissage de l’humain
Pour errer dans la singularité de mon être lui-même

C’est un au-delà du moi à découvrir
Un point concentrant le soi unique et singulier
Qui donne à l’être sa force et sa valeur
L’affirmation de de son accomplissement
La transparence totale de son existence

C’est lorsque je ne suis plus que je suis
Voilà la singularité de chaque être humain

Alors, franchis le pas et saute dans le trou noir
Tu ressortiras immaculé comme neige,
Dans un trou blanc, transfiguré

Mais, attention, n’oublie pas ta blancheur nouvelle
Garde ton regard ébloui et oublie ce que tu étais

 

 ©  Loup Francart

20/12/2017

La tendresse présente : location à Lisbonne

Que retenir ?
Le masque sur le poêle
Chinoise au sourire rougi
La course au mouton sauvage
De Muraki, écrivain étrange
Mais d’un réalisme absolu
La fenêtre de la salle de bain
Baignée de lumière au matin
L’autre fenêtre sous la table
Où l’on s’encastre pour réfléchir
Le grenier blanc soleil
Qui s’endort au déjeuner
Et la présence invisible
De l’hôtesse toujours là, dans ces objets
Doucement offerts au creux des mains
Lorsque, les locataires endormis
La maison reprend vie, la vraie
Celle du jeu de cache-cache
L’ignorance de cette danse dans la nuit
Comme le cosmologue face au mur quantique
Laisse percer des anomalies incompréhensibles
Derrière les certitudes du juste raisonnable
C’est un feu bouillonnant et indéfinissable
Qui engendre en l’être humain allégé
La conviction d’un infini invisible
Plus prégnant que le temps et l’espace

 ©  Loup Francart

13/12/2017

Femme

Toi, femme, origine et avenir de l’univers
Ignorée de la force destructrice de l’évolution
Assise dans l’éternel repos du cœur
En mouvement discret entre les êtres
Reliant les uns aux autres avec aménité
Emplissant l’âme d’absence rayonnante

Comment ne pas te dire, en toute fraîcheur :
« En toi, je suis ; par toi j’étais ; avec toi, je serai »

Coule-toi dans sa quiétude tranquille
Épouse ces courbes chaleureuses
Immerge-toi dans l’être chéri et revivifiant
Laisse parler en elle la vie et l’amour
Et considère-toi chanceux de côtoyer
L’origine de ton être dans sa pleine lumière

La femme n’est rien pour être tout
La femme est l’avenir du monde
Éveillant la vie entre les entités
Leur donnant élasticité et reliance
Mettant en convergence les sons
Pour devenir contrepoint et harmonie

Oui, tu es belle, femme parmi les femmes
Amour donnant ton amour à tous
Centre de l’être, infini par humilité
Tout en recherche de l’unité
Et pourtant rien aux yeux du cri sauvage
Sur le pouvoir et l’arrogance de la force

 ©  Loup Francart

12/12/2017

Bouteilles vertes échappées de l’oubli

 

Bouteilles vertes échappées de l’oubli
Qui dorent leurs liquides au soleil de l’oubli
Bienfaisantes, chaudes, dépouillées
Vous êtes ce que nous sommes au regard
La consistance et la racine de la gaité
Vides, ignorées, vous sombrez dans l’oubli
De nos corps gorgés et repus

 ©  Loup Francart 

08/12/2017

Souvenirs

Parfois reviennent des bribes de souvenirs
Elles sont ténues, orphelines et soumises au vent
Elles errent comme les atomes dans l’espace quantique
Apparaissent où on ne les attend pas, indiscrètes
Et mêlent leur irruption d’un parfum de déjà vu
Mais te souviens-tu de leur lieu et du moment
Où elles frappèrent de surprise ton attention
Jusqu’au bout de tes certitudes et désolations
L’effet produit, elles repartent aussi vite que possible
Et s’oublie cet instant, béni ou non, de l’apparition
Dans l’horizon des possibles et le ciel du probable
D’une certitude d’un fait sans rappel de sa naissance

Le jour où la larme rappela ta détresse sans motif
La nuit où ton corps fut mon dernier refuge
Le matin quand la fraîcheur des vies t’enivre
Le soir quand l’espoir endort tes défenses
Et tous ces entre-deux, de surprise en surprise
Qui frappent à ta porte et enfoncent leurs doigts
Dans le cerveau brûlant des jours d’antan

 ©  Loup Francart

04/12/2017

Comment ?

Comment s’épousent mes angles droits
Avec tes courbes et tes douceurs ?

Comment encore peux-tu dormir sans douleur
Auprès du paillard ronflement des organes outranciers ?

Comment tes exclamations rafraîchissantes
Rivalisent-elles avec la profondeur de nos vitalités ?

Comment ton rire et ta joie de vivre
Se concilient-ils avec l’éclat de nos moqueries ?

Comment la tendresse envoûtante de ta nudité
Accepte-t-elle la gaillarde prétention de nos manifestes dressés ?

C’est un miracle bien léger, mais si débordant
Que chaque jour l’homme et la femme se retrouvent
Serrent ensemble leurs peines et leurs espoirs
Dans une félicité conjointe et revivifiante
Qui chante joyeusement l’amour et la filiation
Et contemplent du haut de leur union le mystère humain
Deux en un, divergents et pourtant étroitement emboîtés

 ©  Loup Francart

28/11/2017

Haïku

 

Las et délaissé,

Il se terre, essoufflé.

N’a-t-il plus de foi ?

 

23/11/2017

Affection

Trois jours de folie… Dans mon lit…
Étendu sur ma couche, sans volonté…
Un rat crevé, la bouche de fièvre embellie…
Rien ne pouvait m’en faire bouger…

Les vagues bruits de la circulation
Les cris d’une cour de récréation
L’automne sale qui coule aux murs
Et rend la traversée d’une rue si peu sûre

Et moi, engoncé dans mon cocon
L’oreille pâle et l’œil hagard
Clignotant à l’ombre du balcon
Ecrasé dans les draps du placard

Seul, perdu dans la chaste défaite
De l’être gaillard et sûr de lui
Je me laisse partir, nu, sans fête
Glissant jusqu’au bout des nuits

J’entends les voix des jeunes filles
Qui devisent et courent dans la rue
Esquivant à l’image des anguilles
Regards et gestes des malotrus

Pourtant que ferais-je sans relève
Sans ces rappels incessants
De la vie, des corps et de la sève
Qui gonfle un sommeil rayonnant

L’être encore maintient son rire
Et évacue sa torpeur envahissante
L’œil agite son iris pour s’enquérir
De toute originalité resplendissante

Les jours s’écoulent, sans répit
Pour celui qui git, sourit, pâlit
Se caresse les joues rêches
Et rêve d’un verre d’eau fraîche

 ©  Loup Francart

12/11/2017

Transcendance

Au sein du bouillon habituel de l’être
Se lève parfois une bulle différente
Elle explose avec vigueur sans réémettre
La langueur d’une habitude accaparante

C’est un éclair dans ce paysage désolant
Qui illumine la vie et la rend enviable
Une chevauchée mortelle du cerf-volant
Reliant l’immonde et l’inconnaissable

Une montée asphyxiante vers le bonheur
Une apnée subite dans un hoquet convoyeur
Un réveil éclairant dans un monde sans pensées

Elle plane la victime de cet évènement
Elle déploie ses ailes avec raffinement
Et s’envole réjouie avant même de s’élancer

 ©  Loup Francart

09/11/2017

Course

Accélération…
Mes jambes vont-elles encore me porter ?
Les poumons me brûlent !

Encore, encore un effort, un peu, beaucoup
C’est la dernière côte, il faut accélérer
Malgré l’extinction du souffle
L’évanouissement des sensations

Je ne suis plus qu’un serpent qui court
Dans l’air respiré en saccade…

Allez, les autres ne tiendront pas ton rythme…

Voilà, j’entends les râles de mes voisins,
Ils ralentissent, asphyxiés, à bout

Surmonte ta fin, pousse encore
Malgré le trou dans ta poitrine
Malgré le crissement de tes genoux
Malgré la sueur coulant entre les sourcils

Oui, tu es seul en haut de cette côte
Ils sont derrière, ne peuvent plus te suivre
Ne t’arrête pas malgré l’envie
Tire ton souffle au-delà de toi-même
Agite le soufflet, laisse-le chanter
Plus que trois cent mètres…
Tu les entends revenir sur toi

Il faut tenir,
Exalter ce corps qui peine
Devancer l’être qui s’épuise
L’imaginer courant devant toi
Libre d’une volonté implacable
Survolant sa faiblesse joyeusement

Ils reviennent…
Ils reviennent à ta hauteur
Des forges… Ils n’en peuvent plus
Moi non plus d’ailleurs…

Mais encore un dernier effort
Malgré l’absence d’air
Qui ne parvient plus aux jambes
Malgré le vide qui se creuse en toi
Malgré la mollesse qui s’empare de tes pas

Allez, poursuis, encore
Plus que cinquante mètres
Tu ne sais comment cela va finir
Mais tu veux la victoire
Tu la veux, tu la veux !
Les soufflets s’éloignent
Ils capitulent…
D’un râle tu franchis la ligne

Tu pars titubant, inconscient
Tu ne peux t’arrêter
Tu t’écroule à terre
Tu n’es plus qu’un tuyau en feu
Un pot d’échappement exsangue
Tu t’enfonces dans l’eau salée
D’une transpiration violente

Tu ne sais où tu es
Ni même qui tu es
Plus que ce souffle
Criant sa douleur
Et sa satisfaction
Tu as tenu jusqu’au bout

Quelle belle victoire...
Tu la réalises… Tu la vis…
Plus rien n’existe que cette envolée
Qui t’as propulsé en tête
Dans l’ivresse d’un infini
Où seul le souffle existe
Hors de toute pensée
Et dans cet instant sublime
Tu entrevois les perles de rosée
Autour de la bouche de ton poursuivant
Son extinction et son admiration

Oui, tu as gagné
Dieu, que ce fut dur et exaltant
Tu as couru derrière ton être
Et tu l’as rattrapé
Fondu en un seul
Au dernier moment !

 ©  Loup Francart

02/11/2017

Larmes de crocodile

Il vit mille vies
Et pourtant, il n’en a qu’une
Il habite à l’autre bout du monde
Mais il n’est jamais sorti de chez lui
Il est ermite
Et pourtant élastique
Même le temps ne peut rien contre lui
Aussi à l’aise au casino qu’à l’église
Il est tout ce qui n’est pas lui
Il n’est rien de tout ce qui est lui
Il a trouvé la paix un jour de marché
Lorsqu’il a vu les femmes volages
Et les évolutions des hommes
Dans des orbites resserrées
Jusqu’à ne plus former qu’un bloc
Qui prend la fuite sitôt créé
Il reste seul, imaginaire
Au pays des couples ensorceleurs
Où deux font un et un rien du tout
Il n’a qu’un avantage
S’immiscer en trois dans l’un
Et contempler les éclats du deux
Certes, les mathématiques tremblent
Devant cet être chevauchant
L’irrationnel et le merveilleux
Et n’en tirant qu’une larme

L’œil du crocodile s’ouvre
Et la voix profère :
« Que la larme rejoigne les eaux
De l’anonymat et de la luxure ! »

 ©  Loup Francart

28/10/2017

Délire doux

Retour aux prémices de l’horloge
Là où rien ne frotte ni ne pèle
Ça gratte la tête jusqu’à la sortie
Et ça crie plus fort que toi-même
D’où vient ce froid plaisir
Qui obscurcit la douceur de l’avenir
Une boule dans la gorge, pesante
T’empêche de délirer sans raison
Mais est-ce si logique que cela
Je ne sais d’où tu viens ni où tu vas
Mais je pars avec toi, t’accompagnant
Dans ce délire de mots et de cris
Jusqu’à ne plus dire tout haut
Ce que je pense tout bas
Seul reste l’air pur et envoûtant
Des matins d’automne, pesant
Sur le ventre écarlate des enfants
Jusqu’à les faire rire de peu
Et même parfois de rien
Réjouis, ils attendent de toi-même
Ce que tu as toujours su faire
Ce personnage insolite et burlesque
Qui pleure le soir dans le noir
Et fait rire le jour sans vergogne
Nous sommes bien au creux de la nuit
Là où l’ombre devient l’unique objet
D’une attention soutenue et molle
Évanescent, tu divagues sous les pierres
Et cries de trop de divergences
Les mots sortent en chapelets,
Parfois hésitants, toujours bêlants
Tu ne peux les retenir
Même en fermant les doigts
Sur leurs plaintes et regrets
Non, rien ne vient
Que l’obscur dédain des mites
Qui transpercent les vêtements
Et rient de te voir dénudé
Alors tu cours au-devant des autres
Quémandant un mot aimable
Pour t’enorgueillir de si peu :
Va et ne dis rien
Car le peu que tu dis
N’a que l’apparence de la déraison
Mais qu’importe cet espoir
De divaguer sans fin ni soif
Seul compte le silence des agneaux
Un soir d’automne dans le frais
Et la chaleur d’un regard
Elle est là, belle au pied de l’escalier
Attendant ta venue, souriante
Et te regarde amoureusement
Te tendant les mains
Ouvrant les doigts, la poitrine en avant
Plus rien ne t’intéresse que ce silence
Sans fin qui t’angoisse et te glace
Tu gèles sur place, ouvre ton stylo
Avant de mourir dans le froid
Et note tes derniers souhaits
Même s’ils ne valent plus la peine
D’être vécus ni même évoqués

 ©  Loup Francart